La crise d'ACI secoue l'ensemble de ses filiales à Lyon
Découvrez les conséquences du redressement judiciaire d'ACI sur ses 40 filiales et les enjeux financiers majeurs à venir.

À Lyon, le 25 septembre 2025 a marqué un coup d’arrêt pour ACI : la holding du groupe de sous-traitance industrielle a été placée en redressement judiciaire, précipitant un effet de contagion vers plusieurs filiales fragiles. Avec 150 millions d’euros de chiffre d’affaires et près de 1 500 salariés, l’enjeu industriel et social s’annonce majeur pour un ensemble très intégré de près de quarante sociétés.
Redressement judiciaire chez ACI : effet domino sur 40 filiales
Le jugement du tribunal de commerce de Lyon vise d’abord la holding ACI, mais ses conséquences s’étendent à l’ensemble du périmètre. La stratégie de développement, jusqu’ici fondée sur des rachats successifs de PME dans la mécanique et la fonderie, se heurte désormais à un mur de trésorerie. Les flux financiers centralisés par la holding se tarissent et la pression se répercute sur les sites opérationnels.
Trois filiales apparaissent en première ligne : Roche Meca tech dans la Loire, Vissal manufacturing dans le Doubs et MPM en Haute-Savoie. D’après des informations relayées par L’Usine Nouvelle, elles sont en situation de cessation des paiements et se préparent à des procédures collectives.
Les dossiers n’ont pas encore été transmis au tribunal au moment où les salariés ont été prévenus par la direction. L’annonce crée un choc, car les équipes avaient misé sur la montée en puissance commerciale de plusieurs segments, notamment dans la défense et le ferroviaire.
Sur le terrain, les signaux d’alerte se multiplient : retards de salaires, parcs machines nécessitant des remises en état, pertes de commandes après des disruptions de production. L’arrêt d’un investissement attendu de 82 millions d’euros par le fonds américain Fortuna a agi comme un facteur d’accélération de la crise, empêchant le bouclage de la trajectoire financière et la consolidation post-acquisitions.
Trois dates qui cadrent la crise ACI
- 25 septembre 2025 : redressement judiciaire de la holding ACI prononcé par le tribunal de commerce de Lyon.
- 14 octobre 2025 : CSE extraordinaire chez Roche Meca tech, information sur la cessation des paiements.
- 17 octobre 2025 : audience clé à Lyon sur l’étendue des pouvoirs confiés aux administrateurs judiciaires.
Gouvernance : le tribunal de Lyon arbitre la suite ce 17 octobre
La prochaine étape se joue au tribunal de commerce de Lyon. Ce 17 octobre 2025, l’audience doit préciser la conduite de la procédure et la place du fondateur Philippe Rivière dans la gestion opérationnelle.
Un schéma de redressement judiciaire de niveau 3 est évoqué, lequel renforcerait les prérogatives des administrateurs judiciaires désignés, Gaël Couturier et Ludivine Sapin. Le premier s’est illustré par la conduite de dossiers industriels complexes, notamment Vencorex, réputé pour sa densité technique.
En toile de fond, un conflit entre dirigeants alimente la crise. Patrice Rives, ex-directeur général et actionnaire minoritaire, est en désaccord avec la direction de la holding; Philippe Rivière conteste quant à lui le cadre procédural, estimant que l’accumulation de dettes et les financements promis non versés ont précipité la rupture d’équilibre. Pour l’heure, les arbitrages appartiennent au tribunal, qui pourrait réaffecter la gouvernance opérationnelle afin de sécuriser l’exécution des mesures d’urgence.
En redressement judiciaire, le tribunal peut confier des pouvoirs étendus aux administrateurs pour sécuriser la continuité d’exploitation, restructurer la dette et rechercher des offres de reprise. Le dirigeant peut être maintenu, assisté ou écarté, selon l’appréciation du juge sur la capacité de pilotage et la protection des intérêts des créanciers et des salariés. La décision attendue ce 17 octobre conditionnera le rythme et la crédibilité de la feuille de route.
Trois sites en crise : radiographie sociale et financière
La situation varie selon les sites, mais les goulots d’étranglement se ressemblent : manque de trésorerie, arbitrages d’investissements retardés et désorganisation des flux après des opérations de regroupement. Le risque d’un glissement rapide vers la liquidation judiciaire est explicitement redouté dans au moins une filiale.
Roche Meca tech à Roche-la-Molière : commandes disponibles, salaires en retard
Spécialisée en mécanique de précision, Roche Meca tech affiche en 2024 une perte de 238 000 euros pour un chiffre d’affaires de 4,9 millions d’euros. Le 14 octobre 2025, un CSE extraordinaire a acté la cessation des paiements. Les salaires ont plus de six jours de retard, ajoutant à l’angoisse d’un effectif ramené à 39 salariés, contre 70 avant l’intégration dans ACI.
Pourtant, le site dispose d’atouts commerciaux tangibles : un carnet annoncé à près de 2 millions d’euros et des références dans la défense et l’industrie avec KNDS, Air Liquide et TechnicAtome. Le délégué syndical CGT Samy Tabti résume l’état d’esprit des équipes : « Ce sont tellement des nuls qu’on espère que les administrateurs reprennent la main. » L’objectif immédiat est de préserver l’outil industriel et d’ouvrir le dossier à d’éventuels repreneurs sans bloquer l’activité.
- Force : parc machines opérationnel et portefeuille clients identifié.
- Faiblesse : tension de trésorerie et masse salariale sous pression.
- Risque immédiat : dégradation de la relation fournisseurs en l’absence d’arbitrage financier rapide.
Vissal manufacturing à Saint-Vit : perte de commandes et trésorerie nulle
Vissal manufacturing produit des vis pour le ferroviaire par forge à chaud. L’entité, rachetée il y a quatre ans par ACI, enregistre en 2024 une perte de 282 000 euros pour un chiffre d’affaires de 1,5 million d’euros. Le déménagement de Linsdorf en Alsace vers Saint-Vit pour mutualiser les locaux avec SV industries a engendré des retards, limité des investissements de maintenance et fragilisé le savoir-faire.
Laura Brand, responsable qualité, alerte : « Nous n’avons plus aucune commande, la trésorerie est à zéro. Nous risquons d’être placés directement en liquidation judiciaire. »
Historiquement, la SNCF représentait 60 pour cent de l’activité. Les perturbations ont fait basculer ces volumes vers d’autres fournisseurs.
Malgré une recertification récente permettant de livrer à nouveau la SNCF, seuls deux semaines de travail restent via une commande pour la RATP. Les salaires sont impayés depuis 15 jours et une déclaration de cessation des paiements est espérée pour déclencher l’intervention de l’AGS.
- Point dur : portefeuille de commandes vidé après pertes de clients ferroviaires.
- Court terme : sécurité des salaires via l’AGS si la procédure s’ouvre rapidement.
- Capacité de rebond : recertification obtenue, mais besoin de trésorerie et de fiabilisation machines.
MPM à Thyez : décolletage sous perfusion de trésorerie
Implantée dans la vallée de l’Arve, MPM pâtit d’un historique de pertes et d’une dépendance forte aux transferts de trésorerie de la holding. L’arrêt des flux a mis le site en difficulté.
Dans un bassin industriel où ACI pèse sur l’emploi, l’inquiétude est palpable. Le Dauphiné Libéré évoque des centaines d’emplois menacés entre la vallée de l’Arve et le Faucigny. Un salarié souligne les situations à géométrie variable entre filiales et prévient : si l’incertitude perdure, d’autres entités pourraient vaciller.
La vulnérabilité tient ici à la combinaison d’un métier à forte intensité capitalistique et d’un besoin de capex régulier. Sans qu’aucun chiffrage spécifique ne soit communiqué pour MPM, le diagnostic converge avec celui des autres sites fragilisés : arbitrages d’investissement reportés, chaînes d’approvisionnement à sécuriser et dépendance à la holding pour les besoins courants.
Les holdings centralisent souvent la trésorerie pour optimiser le cash et négocier à l’échelle groupe. En période de tension, ce modèle accroît l’exposition des filiales opérationnelles : le moindre blocage au niveau central peut assécher leur fonds de roulement, générer des retards de paie et interrompre les investissements de maintenance. Les sites les plus capitalistiques et mono-clients sont mécaniquement les plus vulnérables.
Stratégie d’acquisitions et financement manquant : la mécanique du choc
La trajectoire d’ACI s’est construite à marche rapide par agrégation de PME, avec un effet positif sur la taille critique mais au prix d’une hausse de l’endettement et de besoins en cash récurrents. L’apport de 82 millions d’euros attendu de Fortuna devait renforcer le socle financier, consolider des plateformes de production et fluidifier l’intégration. Son non-versement a déréglé la mécanique : les arbitrages d’investissements et de maintenance s’enchaînent, la rentabilité se dégrade, et la crédibilité commerciale pâtit des retards de livraison.
Du point de vue des créanciers, le dossier conjugue trois facteurs sensibles :
- Endettement croissant lié aux acquisitions récentes.
- Retards d’investissements productifs sur des sites nécessitant une disponibilité machine élevée.
- Concentration clientèle pour certaines filiales sur des donneurs d’ordre exigeants comme la SNCF.
Les administrateurs, si leurs pouvoirs sont renforcés, pourraient imposer une priorisation stricte des cash-flows, accélérer les diagnostics industriels site par site et trancher entre maintien, cession ou fermeture. L’hypothèse d’un découpage du périmètre pour sauver les actifs les plus viables s’inscrit dans le spectre des options classiques du redressement. Les actifs disposant de certifications stratégiques ou de portefeuilles clients robustes ont, à ce stade, la meilleure probabilité de reprise.
Chiffres-clés rappelés par le dossier ACI
- 150 millions d’euros de chiffre d’affaires consolidé et environ 1 500 salariés pour le groupe.
- 82 millions d’euros d’investissement attendu de Fortuna non versés, point d’inflexion de la crise.
- Trois filiales sensibles déjà identifiées pour un dépôt de bilan à très court terme.
Procédures collectives et salaires : ce que change l’AGS et le mandat renforcé
Le redressement judiciaire poursuit un double objectif : maintenir l’activité quand elle est jugée viable et protéger les emplois autant que possible, tout en organisant la négociation avec les créanciers. Dans ce cadre, l’Association pour la gestion du régime de garantie des créances des salariés intervient, sous conditions, pour garantir le paiement des salaires impayés jusqu’à des plafonds légaux, une bouffée d’oxygène immédiate pour les personnels des filiales les plus exposées.
Si la juridiction retient un niveau 3 de redressement, les administrateurs judiciaires peuvent piloter les arbitrages opérationnels clés : sécurisation des flux de trésorerie, priorisation des dépenses critiques, négociation des délais fournisseurs et des engagements clients. Le rôle du dirigeant s’inscrit alors dans un périmètre clarifié, avec des décisions étroitement pilotées par l’organe de la procédure. Le bénéfice attendu tient à la cohérence d’ensemble, souvent difficile à maintenir dans des groupes multi-sites en tension accélérée.
Sans liquidité, les filiales cessent de payer salaires et charges sociales. L’AGS permet d’éviter un arrêt immédiat des ateliers en prenant en charge, sous conditions et plafonds, les créances salariales.
Pour ACI, l’activation rapide de cette garantie est jugée cruciale à Vissal manufacturing, où les paies accusent 15 jours d’impayés, et chez Roche Meca tech, où le décalage dépasse six jours. Cet instrument sert d’amortisseur le temps que le tribunal statue et que les administrateurs stabilisent les flux.
Emploi et territoires : Loire, Doubs et Haute-Savoie en première ligne
Au-delà des murs d’ACI, l’impact territorial est tangible. Dans la Loire, la sous-traitance mécanique représente environ 5 000 emplois, ce qui accentue l’effet dominos d’un site en difficulté sur tout l’écosystème local.
Dans le Doubs, les données publiques soulignent une baisse de 8 pour cent des emplois dans la fabrication métallique entre 2020 et 2024, signe d’un secteur en recomposition. En Haute-Savoie, plus de 1 200 entreprises manufacturières pèsent un chiffre d’affaires dépassant 20 milliards d’euros, mais les PME de décolletage demeurent particulièrement sensibles aux chocs de trésorerie.
Le paysage industriel local combine trois vulnérabilités :
- Dépendance aux donneurs d’ordre historiques, en particulier dans le ferroviaire et la défense.
- Exigence de certifications qui complexifie la reconquête commerciale après une rupture d’approvisionnement.
- Besoin récurrent de capex pour maintenir la disponibilité machine et la qualité.
Dans ce contexte, l’ouverture à des repreneurs ciblés, capables d’injecter du cash et de sécuriser l’outil industriel, est regardée comme une option crédible pour certains actifs. Roche Meca tech, avec un carnet de commandes identifié et des références dans la défense, pourrait attirer des industriels opportunistes.
À l’inverse, Vissal manufacturing requiert un plan de relance plus exigeant, entre remise à niveau des machines, reconquête commerciale et sécurisation des approvisionnements. Les autorités consulaires et les services de l’État rappellent régulièrement que les procédures de redressement visent à préserver ce qui peut l’être et à organiser des solutions de continuité, y compris par cession partielle.
Lecture rapide du dossier ACI pour les donneurs d’ordre
- Délais : surveiller les décisions du tribunal de commerce de Lyon et les éventuelles réorganisations logistiques.
- Continuité : identifier les sites à risque de rupture d’approvisionnement et prévoir des plans B transitoires.
- Qualité et homologations : valider la pérennité des certifications critiques avant de repositionner des volumes.
Ce qui se joue pour ACI dans les semaines à venir
La décision attendue du tribunal de commerce de Lyon pourrait reconfigurer le pilotage opérationnel chez ACI et enclencher une séquence intense de diagnostics, d’arbitrages de trésorerie et d’appels à repreneurs. Les cas Roche Meca tech et Vissal manufacturing illustrent deux trajectoires possibles : l’un peut capitaliser sur son carnet et ses clients, l’autre nécessite une recapitalisation rapide et une reconquête commerciale sur un marché exigeant.
Un point reste central : la vitesse d’exécution. Plus la gouvernance est clarifiée et les décisions financières convergentes, plus la probabilité d’éviter des pertes d’actifs augmente.
Des précédents industriels montrent qu’une restructuration bien séquencée peut sauver des emplois et préserver la valeur d’outils rares, mais le chemin est étroit pour un groupe aux multiples sites interdépendants. À court terme, les salariés attendent surtout des réponses sur les paies et sur l’arrivée d’un cadre stabilisé. L’enjeu s’évalue désormais en semaines, pas en mois (L’Usine Nouvelle).
Prochain rendez-vous: l’audience de ce 17 octobre dira si ACI change de main opérationnelle pour tenter une remise en ligne accélérée.