Le private equity en 2025 : plus de sélectivité et d'exigences
Découvrez les tendances du private equity en 2025, concentrements, due diligence et critères de sélection des investisseurs.
6 % de recul des levées de fonds au premier semestre 2025 : la due diligence n’est plus une formalité, elle décide de la valorisation. En France, les fonds de private equity resserrent la sélection et interrogent la capacité des cibles à délivrer une croissance disciplinée, outillée, durable. Chiffres opérationnels, qualité des données, dette technique et comportement du CEO passent au tamis, avec l’IA désormais en grille de lecture permanente.
Private equity en 2025 : sélection plus dure, métriques en première ligne
Le marché français reste actif, mais nettement plus sélectif. Les levées de fonds ont reculé d’environ 6 % au premier semestre 2025 par rapport aux moyennes 2023-2024, ce qui a pour effet de concentrer les capitaux sur un nombre restreint d’acteurs. Les fonds privilégient des dossiers démontrant une traction claire au-delà de la dépense marketing et des fondamentaux vérifiables : rétention, robustesse produit, qualité des données, discipline financière.
Pour les investisseurs, la due diligence n’est plus cantonnée à la sphère financière. Les approches intègrent systématiquement un volet technique et data qui juge la soutenabilité de la croissance : dépendances logicielles, architecture, dette technique, gouvernance de la donnée, usage et exposition à l’IA. La capacité à produire des KPI instantanément fiables est devenue un filtre culturel autant qu’un diagnostic opérationnel.
Performance sur 10 ans : rendement et exigence de rétention
Selon une étude publiée en juillet 2025, le TRI net à 10 ans du private equity français a diminué de 13,7 % en 2023 à 12,4 % en 2024, dans un environnement plus tendu (France Invest et EY, juillet 2025). Ce tassement renforce la prime donnée à la rétention et à la qualité du produit pour conserver un différentiel de performance face aux marchés cotés.
Dealflow plus sélectif, discipline renforcée
Les investisseurs signalent un recentrage sur des dossiers moins nombreux mais mieux équipés. La concentration sectorielle vers la tech outillée et les modèles orientés données s’accentue. Dans ce paysage, la moindre transparence sur les cohortes client, l’absence de single source of truth pour les KPI, ou des architectures logicielles datées sont des freins immédiats à l’investissement.
Repères chiffrés à surveiller en due diligence
Points de repère fréquemment constatés dans les échanges d’investissement en France :
- Recul des levées de fonds au S1 2025 par rapport aux moyennes 2023-2024 : environ 6 %.
- TRI net à 10 ans en retrait en 2024 par rapport à 2023, d’après France Invest et EY.
- Cessions en léger fléchissement, avec des processus plus exigeants sur la qualité des données et la scalabilité opérationnelle.
KPI décisifs : marge du support client et maturité produit
Au-delà du chiffre d’affaires, la marge du support client est l’une des grilles de lecture les plus efficaces pour distinguer un produit réellement industrialisé d’un service intensif en main-d’œuvre. Si la gestion client (support, CSM, mises en production manuelles) absorbe 25 à 30 % du revenu, l’entreprise vend probablement davantage du service que du logiciel ou un produit autonome stabilisé.
La conséquence est double. Primo, une dépendance persistante à l’humain rend la marge plus sensible aux volumes et au turn-over.
Secundo, le signal d’alerte pointe souvent une dette technique qui freine l’automatisation, multiplie les incidents et altère la satisfaction dans la durée. À l’inverse, un produit mûr réduit les interventions manuelles et laisse apparaître des marges opérationnelles plus élevées avec une base clients mieux servie.
Maturité industrielle et dette technique
Dans les entreprises technologiques, l’accumulation de « traces numériques » et l’exploitation de données de processus permettent d’optimiser les flux et de réduire la charge du support. L’Insee rappelle que l’essor du numérique a créé des volumes massifs de données exploitables pour ces gains d’efficacité, utiles à la baisse du coût de support et à l’amélioration de l’expérience client. La mesure continue des irritants est la première étape de désendettement technique.
Pour objectiver cet indicateur, agréger sur 12 mois glissants :
- Coûts complets de support, CSM, professional services, run et astreintes.
- Charges indirectes imputées : outils, QA, restitution client, remboursement SLA.
- Part du CA net impactée par remises liées à la qualité de service.
Lecture : au-delà d’un tiers du CA, pousser un audit d’industrialisation produit et un plan de migration technique.
Signaux faibles d’une dette technique pénalisante
Indicateurs pratiques observés en audit :
- Backlog d’incidents récurrents touchant plus de 5 % des comptes actifs.
- Versionning hétérogène par client, rendant les montées de version manuelles.
- Dépendances logicielles non maintenues ou non patchées depuis plus de 18 mois.
- Temps médian de résolution en hausse trimestre après trimestre.
Rétention, NRR et lecture par cohortes : la boussole de la valeur
La croissance peut s’acheter à court terme, la fidélisation se gagne dans la durée. Les fonds jugent la soutenabilité d’un modèle à l’aune de sa Net Revenue Retention (NRR) et de la dynamique des cohortes.
Une NRR inférieure à 100 % signale un écart produit-marché ou des surpromesses : churn, downsell, faible usage. A contrario, une NRR au-delà de 120 % témoigne d’un produit qui s’étend naturellement chez les clients.
La simple moyenne annuelle ne suffit pas. La lecture par cohortes évite les illusions d’optique dues à une hausse tarifaire ponctuelle ou à la concentration d’expansions sur quelques grands comptes. L’analyse doit montrer si la rétention s’améliore ou s’érode à mesure que la base vieillit, et si le net expansion provient d’usages additionnels plutôt que de réallocations temporaires de budget.
NRR par cohortes : ce que les investisseurs veulent voir
- Courbes de NRR à 3, 6, 12, 24 mois par cohortes d’acquisition homogènes.
- Segmentation par taille de compte, secteur, canal de vente et version produit.
- Explication des évolutions : upsell d’usage, ventes de modules, indexations prix.
- Reconciliation avec la facturation et la comptabilité pour tracer les effets calendaires.
Formule générique : revenus récurrents en fin de période sur la même base clients, incluant expansion, net of churn et downsell, hors nouveaux logos.
- Piège 1 : compter des cross-sell réalisés via des entités juridiques différentes comme de la NRR.
- Piège 2 : intégrer des hausses de prix exceptionnelles non reproductibles comme tendance structurelle.
- Piège 3 : mélanger MRR et ARR sans correction d’effets saisonniers.
Données, propriété et l’IA : actif stratégique au cœur de la due diligence
À l’ère de l’IA, la donnée devient un actif de valorisation autant qu’un levier opérationnel. Les fonds examinent la propriété et la licéité des données : source primaire ou dépendance à des tiers, exclusivité, droits d’usage pour l’entraînement de modèles, conformité à la RGPD. La centralisation et la qualité des référentiels clients conditionnent l’efficacité des stratégies IA et la capacité à automatiser les processus de bout en bout.
La statistique publique souligne depuis des années l’ampleur croissante des traces numériques dans l’économie, un gisement exploitable pour industrialiser le support, le produit et le go-to-market. Cette réalité alimente des stratégies qui réduisent les coûts de traitement et améliorent la mesure des parcours clients, y compris chez les acteurs B2B.
Volet IA dans la due diligence : trois questions éliminatoires
- Usage interne de l’IA : l’entreprise tire-t-elle des gains opérationnels mesurables via l’IA dans le support, la facturation, la détection d’incidents, la génération documentaire ou la prospection
- Bankabilité de la donnée : les données sont-elles exploitables pour entraîner des modèles internes, avec traçabilité des consentements et maîtrise des contrats de sources tierces
- Risque de substitution : un concurrent IA-natif peut-il reproduire la proposition de valeur en un coût marginal proche de zéro
En 2024, la dynamique sectorielle a favorisé les modèles technologiques et IA, avec des opportunités d’investissement accrues signalées par plusieurs panoramas de marché. Pour les fonds, ce filtre IA écarte les activités « pré-IA » dont la valeur repose principalement sur des tâches facilement automatisables.
Checklist data et IA pour dirigeants avant due diligence
- Cartographier les sources de données et les droits de propriété, contrats à l’appui.
- Mettre en place un dictionnaire de données et un data lineage minimal pour les KPI clés.
- Documenter les cas d’usage IA en production et leurs gains quantifiés sur 12 mois.
- Valider la conformité à la RGPD, y compris les bases légales de traitement et la gestion du consentement.
Due diligence technique : dette logicielle, agilité et coût de maintenance
Les audits avancés intègrent désormais une revue technique exhaustive : nombre de lignes de code actives, dépendances obsolètes, tests automatisés, dette de sécurité, monolithes hérités, fresque des flux de données. Une dette technique élevée se traduit par des coûts de maintenance croissants, une vélocité R&D en berne et un time-to-market pénalisé, au moment où l’IA redéfinit les cadences d’innovation.
Sur le terrain économique, les séries de défaillances d’entreprises publiées par l’Insee mettent à disposition des données mensuelles longues qui montrent des remontées post-crise dans plusieurs secteurs. Pour les acteurs technologiques insuffisamment adaptés, la combinaison de charges fixes élevées et de retards de modernisation accroît le risque opérationnel. La soutenabilité technique devient un proxy de résilience.
Codebase et dépendances : signaux à objectiver
- Parts de code sans tests et couverture de tests automatisés.
- Dépendances non maintenues, versions EOL et vulnérabilités non patchées.
- Découplage des services, documentation API, observabilité et logs.
- Backlog technique chiffré, roadmaps de désendettement et jalons réalisés.
- Pipeline CI/CD avec déploiements reproductibles et rollback en un clic.
- Inventaire SBOM à jour sur les composants critiques et calendrier de patch.
- Métriques d’observabilité : MTTR, taux d’incidents P1, SLO et conformité SLA sur 12 mois.
Scalabilité financière : order-to-cash, fiabilité du reporting et coût marginal
Les fonds n’attendent pas une entreprise parfaite, mais une organisation scalable, capable d’absorber un volume supplémentaire sans explosion de coûts ni dégradation de service. Trois chantiers structurent l’analyse : fluidité du cycle order-to-cash, fiabilité du reporting et granularité des coûts. L’objectif est simple : chaque euro de croissance doit coûter moins demain qu’aujourd’hui.
Le quick win réside souvent dans l’automatisation de la chaîne contractuelle, la facturation et l’encaissement, avec la réduction des exceptions manuelles. Les équipes d’investissement corrèlent ces avancées à la qualité des prévisions de trésorerie et à la réduction du BFR. Au niveau macro, la légère amélioration du solde commercial en août 2025 a rappelé la capacité de certaines entreprises à gagner en efficacité opérationnelle, à rebours de tensions sectorielles (Finances.gouv.fr, septembre 2025).
Order-to-cash et contrôle de la donnée financière
- Devis, commande, activation, facturation et recouvrement instrumentés, sans rupture de chaîne.
- Réconciliation mensuelle avec les systèmes produit et CRM pour fiabiliser le MRR/ARR.
- Règles d’encaissement, relances, pénalités et crédits documentés.
- Tableaux de bord unifiés et accès restreint pour tracer toutes les modifications.
Checklist order-to-cash examinée par les fonds
- Taux d’erreurs de facturation et délai moyen d’émission après livraison.
- Délai moyen de paiement par segment clients, encours échus et politique de relance.
- Automatisation des avoirs et des révisions contractuelles.
- Convergence des données CRM, ERP et produit sur un référentiel unique.
CEO et culture de la mesure : le révélateur de la gouvernance
La posture du dirigeant pèse autant que le tableau de bord. Un CEO capable de citer instantanément marges, coût d’acquisition, NRR et churn inspire confiance. Les fonds apprécient la préparation amont des KPI, la clarté des définitions et la réactivité dans les échanges. C’est une culture de la mesure, pas du discours, qui rassure sur l’exécution future.
Lors des due diligences, la transparence sous pression devient un signal fort. Les équipes d’investissement observent la vitesse de réponse, l’aptitude à reconnaître un angle mort et la capacité à documenter les frictions.
À l’inverse, les retards répétés, incohérences de données ou omissions sont perçus comme des risques de gouvernance susceptibles d’affecter la performance post-deal. Malgré le recul des rendements observé, les publications de la presse économique spécialisée rappellent que le private equity conserve une prime sur les marchés cotés lorsque les équipes dirigeantes structurant leur reporting sont aux commandes.
Transparence sous pression : que regardent les fonds
- Synchronisation des KPI financiers et opérationnels, sans retraitement ad hoc en séance.
- Explication courte, argumentée et chiffrée en cas d’écart ou d’erreur détectée.
- Documentation accessible : définitions, sources, ownership et calendrier de mise à jour.
- Plan de remédiation écrit pour les sujets critiques, avec responsables et jalons.
- Datasets propres pour NRR, churn, expansion, par cohortes et par segment.
- Bridge de marge affichant l’effet volume, mix, prix et productivité.
- Cartographie des risques techniques avec hiérarchisation et coût de remédiation.
- Note sur la gouvernance de la donnée et l’usage interne de l’IA.
Cap vers des due diligences plus lucides
Au terme de l’exercice, l’entreprise jugée investissable est celle qui voit clair dans ses chiffres et dans son code, et qui accepte d’ajuster sans ego. Les fonds privilégient des dirigeants apprenants, capables de reconstruire une brique technique ou un processus sans renier la réalité mesurée. À défaut, le remplacement du management reste une option assumée.
La sélectivité accrue ne signe pas un retrait de l’appétit, mais l’entrée dans une ère où la donnée, l’IA et la discipline d’exécution font la différence entre « croissance subie » et « valeur composée ».
La meilleure défense en due diligence reste un produit qui parle par ses usages et des indicateurs qui se défendent tout seuls.