À Nantes, Ose Immunotherapeutics s’avance vers une assemblée générale qui fera date. L’entreprise, renforcée par des partenariats majeurs et une trésorerie jugée solide, affronte un front dissident qui conteste la stratégie clinique sur l’anti-IL‑7R Lusvertikimab et la gouvernance. Au-delà du choc de lignes, c’est la trajectoire industrielle d’une biotech française cotée qui se joue, entre accélération partenariale et création de valeur à long terme.

Gouvernance sous tension et vote déterminant du 30 septembre

Le 30 septembre 2025, les actionnaires d’Ose Immunotherapeutics seront appelés à trancher un conflit stratégique ouvert. Trois anciens dirigeants et fondateurs, Émile Loria, Dominique Costantini et Alexis Peyroles, estiment que le développement du Lusvertikimab doit basculer rapidement vers un partenariat industriel sans phase 2b financée en propre. Ils déclarent représenter environ 24 % des droits de vote et proposent une recomposition complète du conseil d’administration, avec une liste de huit candidats.

La direction emmenée par le directeur général Nicolas Poirier défend l’option d’une phase 2b ciblée, jugée nécessaire pour finaliser la formulation et consolider le dossier en vue d’une licence globale jugée plus rémunératrice. L’avis du conseil est clair : un vote favorable à la stratégie actuelle sécuriserait la continuité d’exécution et l’attractivité auprès de partenaires potentiels.

Ce qui sera soumis au vote le 30 septembre

Plusieurs résolutions dites clés portent sur la gouvernance et l’orientation stratégique de la société. Elles incluent notamment :

  • Le renouvellement ou le remplacement de membres du conseil d’administration.
  • L’approbation des axes de développement clinique, dont la phase 2b du Lusvertikimab.
  • L’autorisation de financements ou d’émissions de titres associés à la poursuite des programmes.

Les trois dissidents et leur feuille de route

Le camp dissident plaide pour un pivot rapide vers la phase 3 avec un partenaire, s’appuyant sur des signaux d’efficacité en phase 2 et un profil de sécurité jugé compétitif. En filigrane, leur proposition vise à réduire l’empreinte capitalistique d’Ose, limiter un recours à la dette et éviter toute dilution non compensée par des accords de licence immédiats.

À l’inverse, la direction met en avant la nécessité de maturer la formulation et d’objectiver le bénéfice thérapeutique sur un design de phase 2b calibré, gage d’un partage de risques plus favorable dans une négociation de licence.

Cap clinique et portefeuille: tedopi et lusvertikimab sous les projecteurs

Le portefeuille clinique d’Ose articule deux actifs à forte visibilité. Tedopi, vaccin thérapeutique contre le cancer du poumon non à petites cellules, a rapporté en 2024 des résultats de phase 3 montrant un gain de survie globale médiane de 11,1 mois contre 7,5 mois pour la chimiothérapie standard. L’entreprise vise une approbation conditionnelle en Europe d’ici 2026 avec une commercialisation potentielle en 2028, sous réserve d’acceptation réglementaire.

Le Lusvertikimab, anticorps monoclonal ciblant IL‑7R pour la rectocolite hémorragique modérée à sévère, concentre aujourd’hui la ligne de fracture stratégique. Des données de phase 2 communiquées en juillet 2024 décrivent une réduction cliniquement pertinente des symptômes dans une proportion notable de patients, avec un profil de tolérance favorable. L’enjeu est double : stabiliser la formulation “phase d’enregistrement” et démontrer un signal robuste capable d’ancrer la valeur de la licence.

Tedopi: résultats et trajectoire réglementaire

Le pari de Tedopi est singulier dans l’oncologie: un vaccin thérapeutique visant à prolonger la survie chez des patients en impasse thérapeutique. Les résultats de phase 3 ont relancé l’intérêt industriel, mais la marche réglementaire reste exigeante, notamment sur la reproductibilité des bénéfices, la sélection des sous-populations et la comparabilité des standards de soins à l’échelle européenne et nord-américaine.

Un gain de 3,6 mois de médiane de survie peut masquer des bénéfices plus significatifs sur certaines sous-populations. L’examen par les autorités peut exiger des analyses de sensibilité sur des critères exploratoires, la robustesse des méthodes statistiques et l’extrapolation en conditions réelles. L’enjeu est de transformer un signal clinique en décision d’accès au marché.

Lusvertikimab: formulation et design de l’étude

La controverse porte moins sur l’intérêt thérapeutique que sur la séquence de développement. Les dissidents souhaitent engager une phase 3 avec un partenaire dès maintenant. La direction estime qu’une phase 2b optimisée sur la dose et la formulation augmenterait le multiple de valorisation d’un deal global, avec un partage de risques plus équilibré et des paiements d’étapes mieux structurés.

La rectocolite hémorragique reste un marché dynamique, avec une pression concurrentielle sur les anti-TNF et les inhibiteurs de JAK. IL‑7R cible une voie immunitaire impliquée dans la survie et l’expansion de lymphocytes T. Un profil bénéfice-risque distinctif, notamment chez les patients insuffisamment répondeurs aux standards actuels, peut ouvrir une fenêtre différenciante pour les payeurs et les cliniciens.

Points saillants des données de Tedopi

À retenir sur les données communiquées pour la phase 3 en 2024 :

  • Survie globale médiane: 11,1 mois vs 7,5 mois pour la chimiothérapie.
  • Signal plus marqué dans certaines sous-populations à définir précisément par l’entreprise.
  • Perspective d’approbation conditionnelle en Europe dès 2026 si le dossier est accepté.

Alliances industrielles et transformation du profil financier

Ose a sécurisé en 2024 deux partenariats structurants. Avec AbbVie, annoncé le 22 février, la biotech a enregistré 44 millions d’euros d’upfront et un potentiel de paiements pouvant atteindre 713 millions de dollars, ciblant des anticorps pour les maladies inflammatoires. Au printemps, un accord avec Boehringer Ingelheim a ajouté 13 millions d’euros d’upfront et des milestones pouvant aller jusqu’à 1,1 milliard d’euros.

Ces flux ont reconfiguré la visibilité de trésorerie. En mars 2025, la société affichait 64 millions d’euros de cash et une visibilité financière jusqu’au premier trimestre 2027.

Une augmentation de capital de 8,9 millions d’euros en juin 2025 est venue compléter l’arsenal de financement. Le tout sur fond de perte nette 2024 d’environ 18 millions d’euros, niveau courant pour un profil R&D sans produit commercial majeur.

Paramètres clés du financement 2025

La question de la phase 2b du Lusvertikimab cristallise le débat sur l’allocation du capital. Les dissidents estiment le coût entre 60 et 80 millions d’euros, considérant le risque de dilution trop élevé. La direction avance une fourchette 30 à 50 millions d’euros, avec un lancement strictement conditionné à la sécurisation des ressources et à un cadrage budgétaire resserré.

Dans un marché biotech européen marqué par une contraction des investissements en 2024, la capacité d’Ose à orchestrer un mix de financements non dilutifs, d’upfronts additionnels et d’éventuelles lignes de dette à coût maîtrisé sera observée de près par la place parisienne.

Métriques Valeur Évolution
Trésorerie publiée en mars 2025 64 M€ Visibilité T1 2027
Upfront AbbVie (février 2024) 44 M€ Renforcement de la trésorerie
Upfront Boehringer Ingelheim (mai 2024) 13 M€ Diversification des revenus
Potentiel milestones cumulé Jusqu’à 1,8 Md€ Potentiel conditionnel
Perte nette 2024 18 M€ Structurel R&D
Augmentation de capital (juin 2025) 8,9 M€ Dilution limitée

Un accord de licence comporte trois volets économiques: un paiement initial non remboursable, des paiements d’étapes conditionnés à des jalons cliniques, réglementaires et commerciaux, et des royalties sur ventes. La part réellement captée dépend du rythme des jalons, du partage des coûts et du positionnement prix une fois le produit sur le marché.

Le coût de la phase 2b: affrontement d’hypothèses et risque de dilution

Le cœur économique du litige est clair. Phase 2b en propre et délai supplémentaire pour valider formulation plus jeu de données renforcé, ou partenariat immédiat pour déléguer l’effort financier et accélérer l’accès à une phase d’enregistrement.

  • Hypothèse dissidente: coût 60 à 80 M€, dilutif, et risque de dette coûteuse.
  • Hypothèse de la direction: 30 à 50 M€, financé sous conditions, avec effet de levier sur la valeur de la licence.

Au fond, deux philosophies s’opposent. Les dissidents privilégient un profil de risque bas et un time-to-market court avec un partenaire dès maintenant. La direction vise un profil de valeur élevé en post-2b, avec une probabilité accrue de conditions économiques plus favorables dans la négociation.

Une phase 2b permet de verrouiller des paramètres critiques: posologie, schéma d’administration, critères de jugement et design statistique. Elle peut aussi réduire l’incertitude sur la transposition industrielle de la formulation. En contrepartie, elle consomme du temps et du capital. Le gain attendu est un multiple de valorisation plus élevé au moment de la signature d’une licence globale.

Salariés, flottant individuel et rôle de l’amf: la mécanique du vote

Le capital d’Ose est largement détenu par des investisseurs individuels, pour plus de 65 % selon les éléments communiqués. Dans cette configuration, la mobilisation des minoritaires est décisive. Une lettre ouverte signée le 2 septembre 2025 par des salariés actionnaires apporte un soutien explicite à la stratégie en place, insistant sur la rigueur scientifique et la continuité d’exécution.

Les échanges, parfois vifs, ont donné lieu à des communications officielles en amont de l’AG et à des déclarations de concert publiées auprès du régulateur. Les résolutions alternatives proposées par les dissidents devraient être présentées au vote, la société indiquant que les procédures en cours n’empêchent pas leur examen.

Rôle de l’amf et transparence attendue

La surveillance du bon déroulement des opérations et des communications au marché relève du cadre habituel de l’Autorité des marchés financiers. Les convocations et documents d’assemblée précisent les résolutions soumises, les modalités de vote et les informations financières pertinentes pour l’exercice des droits d’actionnaires. L’issue du vote devra s’accompagner d’un calendrier détaillé et documenté sur les suites industrielles.

Trois lignes de force pour comprendre le scrutin

  1. Quelle séquence pour Lusvertikimab: 2b en propre ou partenaire immédiat.
  2. Quel équilibre de gouvernance: conseil reconduit ou recomposé.
  3. Quelle discipline financière: structure de coûts, financement non dilutif, et rythme des partenariats.

Contexte sectoriel et cadre public: ce que regardent les investisseurs

Le marché européen des biotechs a connu une baisse des montants levés en 2024, d’environ 20 % selon des estimations sectorielles. Dans ce climat, les dossiers perçus comme “partnerable” sont favorisés, surtout lorsqu’ils combinent données cliniques différenciantes et trajectoire de financement lisible.

Ose, portée par deux accords pharmas significatifs et une trésorerie prolongée jusqu’en 2027, coche plusieurs cases. Reste le point sensible de l’allocation du capital sur Lusvertikimab.

Le soutien public à l’innovation en santé, notamment autour des données et de l’IA, peut également créer un effet d’écosystème favorable aux biotechs françaises dans leur phase de structuration clinique et réglementaire. Les initiatives nationales en cours visent à accélérer l’accès à l’innovation et l’exploitation des données de santé pour la recherche, avec des retombées attendues sur la qualité et la vitesse des développements (source: communiqué institutionnel publié en 2025).

Qui est ose immunotherapeutics

Biotech nantaise cotée, Ose développe des immunothérapies de nouvelle génération pour l’oncologie et les maladies inflammatoires. Son modèle repose sur un mix entre développement interne jusqu’à des jalons cliniques majeurs et partenariats sélectifs pour financer l’accélération en phases avancées. Tedopi et Lusvertikimab constituent les têtes de pont de ce positionnement.

Un flottant dominé par des particuliers rend le résultat d’une AG plus imprévisible. La capacité à convaincre les petits porteurs passe par une pédagogie claire sur l’usage des fonds, les jalons attendus à 12-18 mois et la logique de création de valeur. Les campagnes d’information pré-AG s’adaptent à cette sociologie de l’actionnariat.

30 septembre 2025: un vote qui tranchera le tempo du développement

Deux chemins se dessinent. Le premier privilégie une montée en maturité clinique du Lusvertikimab par une phase 2b serrée, puis une licence globale avec un partage de valeur jugé supérieur.

Le second mise sur un partenaire dès maintenant pour préserver les ressources et accélérer la phase d’enregistrement. Dans les deux cas, l’enjeu reste la même équation: optimiser le couple risque-valeur tout en préservant la trajectoire financière et le calendrier de Tedopi.

Quel que soit le verdict des actionnaires, Ose devra livrer rapidement des points d’étape concrets: calendrier clinique réactualisé, plan de financement détaillé et paramètres de gouvernance clarifiés. Les investisseurs attendent un cap lisible et une exécution rigoureuse, gages de confiance pour la suite du parcours boursier et industriel.

Prochain rendez-vous pour la place: l’assemblée générale du 30 septembre, qui fixera l’allure du développement d’Ose Immunotherapeutics.