+137 000 barils par jour dès novembre 2025 : l’OPEP+ actionne un relèvement ciblé de sa production, confirmé après une réunion tenue le 5 octobre 2025. Objectif affiché : stabiliser un marché devenu plus nerveux, tout en évitant un afflux d’offre qui écraserait davantage des cours du Brent déjà orientés à la baisse. Pour les acteurs français, l’équation prix, inflation et marges s’en trouve reconfigurée.

OPEP+ : relèvement prudent de 137 000 b/j en novembre 2025

La coalition OPEP+ — qui regroupe 13 membres de l’OPEP et 10 alliés — a entériné une hausse limitée de son offre de pétrole pour novembre 2025, à hauteur de 137 000 b/j. Huit pays, dont l’Arabie saoudite et la Russie, assoupliront légèrement leurs coupes volontaires. L’annonce, rapportée notamment par l’Associated Press et le Times of India, s’inscrit dans une logique de calibrage fin de l’offre.

Cette orientation vise à répondre à une demande mondiale sans élan marqué et à des prix qui ont reculé ces dernières semaines. La manœuvre se veut graduelle pour ne pas amplifier la pression baissière sur les cours, tout en offrant un peu d’oxygène budgétaire aux producteurs concernés.

Décision du 5 octobre 2025 : points clés

Ce qui change dès novembre 2025 :

  • 137 000 b/j de production supplémentaire, distribution ciblée entre huit pays.
  • Les coupes volontaires sont assouplies, sans remise en cause de l’accord global de 2022.
  • Objectif affiché : équilibrer un marché fragilisé par une demande atone et des prix en repli.

La production annoncée par l’OPEP+ combine des quotas de base et des coupes volontaires additionnelles. Lorsqu’un pays « desserre » ses coupes, il n’augmente pas nécessairement au-delà de son quota de base : il réduit simplement la part volontaire de ses restrictions. Le résultat visible est un signal d’offre net modeste, ici +137 000 b/j, pensé pour limiter l’effet prix tout en répondant à des impératifs budgétaires.

Paramètres de marché : Brent en repli et demande hésitante

La dynamique des cours reste fragile. Le Brent s’est récemment enfoncé sous 84 dollars, après une baisse proche de 12 % en un mois.

Cette correction reflète une demande internationale molle, des inquiétudes macroéconomiques prolongées et une offre abondante. En 2024, le prix moyen du Brent s’est situé à 81 dollars, soit un léger recul par rapport à 2023 (données SDES, ministère de la Transition écologique).

La Direction générale du Trésor a souligné au printemps 2025 un passage vers des niveaux observés pour la dernière fois en 2021, malgré une stabilisation relative autour de 80 dollars après les tensions de 2022 liées au choc énergétique (source DG Trésor). Les investisseurs y lisent des perspectives de demande prudentes, en particulier du côté de l’Asie, sur fond de cycle manufacturier hésitant et de conditions financières resserrées.

Lecture macro et signaux prix : prudence de mise

Ce recul des cours s’explique par un faisceau de facteurs : ralentissement industriel international, arbitrages de raffinage, orientations monétaires restrictives et montée en puissance de barils non OPEP+. Les analystes y voient une volatilité persistante dans les prochains trimestres, avec des épisodes de rebond technique et des phases de correction sur les nouvelles macroéconomiques. La décision de l’OPEP+ s’apparente dès lors à un ajustement technique, calibré pour ne pas surexposer le marché aux chocs de sentiment.

Le Brent est la référence internationale de nombreux contrats d’importation en Europe. Le WTI, centré sur l’Amérique du Nord, peut diverger ponctuellement du Brent selon la logistique, le stockage ou la composition. Pour la France, dont l’indexation des achats privilégie le Brent, les variations de ce dernier agissent directement sur les coûts d’approvisionnement des raffineries et, in fine, sur les prix des carburants.

Quotas volontaires : huit pays desserrent l’étau

L’architecture de l’accord global de 2022 demeure intacte. En revanche, les coupes volontaires instaurées en 2023 évoluent à la marge.

Selon les informations disponibles, huit pays — Arabie saoudite, Russie, Algérie, Kazakhstan, Koweït, Oman, Irak et Émirats arabes unis — modulent leur effort, permettant une remontée modérée de l’offre. Les positions publiques font état d’un souhait de rééquilibrage progressif plutôt que d’une réouverture totale des vannes.

Côté saoudien, le maintien d’une large part des réductions reste à l’ordre du jour, assorti d’un allègement contrôlé. La Russie ajuste aussi ses paramètres dans la limite des engagements collectifs. D’après Oil & Gas Middle East, la décision reflète une vision économique mondiale jugée stable, conduisant à un ajustement mesuré plutôt qu’à un virage brutal.

Arabie saoudite et Russie : réglage fin des coupes

L’Arabie saoudite conserve son rôle de pays pivot, stabilisateur et prescripteur, tout en rouvrant un mince couloir d’offre. La Russie, poids lourd des non-membres, cherche à concilier recettes d’exportation et participation à l’effort collectif. Ces évolutions ciblées réduisent le risque d’une surproduction alimentée par des comportements opportunistes, mais elles nécessitent une surveillance rapprochée si la demande ne se raffermit pas.

Budget des États producteurs : arbitrages 2025

Les finances publiques des producteurs sont sensibles à la vitesse de croisière des exportations. Un baril affaibli allège les recettes, tandis qu’une hausse trop rapide de l’offre peut amplifier l’érosion des cours. D’où l’intérêt, pour ces huit pays, d’un compromis où des volumes additionnels limités soutiennent les budgets nationaux sans dégrader les prix au point de réduire la valeur de chaque baril vendu.

Chronologie utile des ajustements 2022-2025

  1. 2022 : mise en place de l’accord global de réduction.
  2. 2023 : ajout de coupes volontaires par plusieurs pays pour soutenir les cours.
  3. Octobre 2025 : décision d’assouplir une partie des coupes volontaires, pour un +137 000 b/j en novembre.

Logique commune : moduler l’offre afin de piloter un équilibre prix-volume dans un environnement macro incertain.

Exportations russes en hausse et effets sur l’équilibre mondial

Les exportations de pétrole russe ont augmenté en septembre 2025 pour atteindre en moyenne 3,7 millions de b/j, au-dessus du niveau d’août, selon Reuters. Malgré les sanctions en vigueur depuis 2022, des routes alternatives via l’Inde et la Chine ont permis de maintenir des volumes soutenus. Cette dynamique renforce la disponibilité globale de barils, contribuant au surplus d’offre observé par les marchés.

La Russie demeure une pièce maîtresse du dispositif OPEP+, avec des impératifs budgétaires élevés. Son positionnement illustre le défi de l’alliance : concilier engagements collectifs et nécessités économiques nationales. Les ajustements coordonnés restent donc un exercice d’équilibriste où chaque baril compte.

Routes commerciales et prix : fronts multiples

En multipliant les débouchés, la Russie réduit l’efficacité des restrictions imposées par les sanctions occidentales et contribue à un plancher d’offre plus élevé qu’anticipé par les marchés en cas de contraintes plus strictes. Cette stratégie exerce une pression diffuse sur les cours, particulièrement lorsque la demande peine à absorber la disponibilité additionnelle de brut.

Les sanctions adoptées par l’UE et les États-Unis visent les revenus pétroliers via des restrictions de transport maritime, d’assurance et de services financiers, avec un plafond de prix pour l’acheminement assuré par des acteurs occidentaux. L’efficacité dépend du respect des règles par les courtiers, assureurs et armateurs, et de la capacité des vendeurs à mobiliser une flotte de navires et des financements hors périmètre des sanctions.

France : coûts énergétiques, inflation et stratégies d’entreprises

Pour l’économie française, majoritairement importatrice de brut, un Brent sous pression est synonyme de coûts d’approvisionnement moindres pour les raffineries et, potentiellement, d’un apaisement des prix à la pompe. En 2024, les prix des produits pétroliers ont reculé, même s’ils demeurent élevés au regard de la période 2011-2014, selon les statistiques publiques. De quoi atténuer une partie des tensions inflationnistes sur les ménages et les coûts logistiques des entreprises.

Sur le plan financier, des prix plus bas favorisent les secteurs intensifs en énergie et les activités où le transport représente une forte part du coût de revient. À l’inverse, les acteurs producteurs et parapétroliers arbitrent entre volumes, marges et investissements, avec des stratégies désormais multi-énergies pour amortir la volatilité des cours.

TotalEnergies : stratégie et exposition

TotalEnergies a souligné dans ses communications sa montée en puissance sur les énergies renouvelables afin de diversifier son profil de risque face aux cycles pétroliers. La baisse des prix du brut réduit mécaniquement les cash-flows amont, mais allège certains postes de coûts au niveau aval et renforce les incitations à développer des projets électriques et gaziers moins exposés à la volatilité du Brent.

Lecture française des prix des produits pétroliers en 2024

  • Repli des prix en 2024 par rapport à 2023, avec un Brent moyen à 81 dollars (SDES).
  • Niveaux toutefois supérieurs à ceux de 2011-2014, ce qui limite le gain de pouvoir d’achat.
  • Transmission partielle aux prix finaux selon la fiscalité, les marges de distribution et les coûts logistiques.

Enjeux 2025 : arbitrages budgétaires des ménages, ajustements tarifaires des transporteurs et calibrage des hausses salariales au regard de la désinflation.

Banques, assureurs et investisseurs : quelles lectures

Une phase de prix contenus abaisse le risque de choc de coûts pour les secteurs clients finaux et réduit les besoins de trésorerie liés aux stocks. Elle peut toutefois peser sur les revenus des entreprises exposées à l’amont pétrolier, entraînant des révisions de capex et des renégociations de covenants. Les investisseurs, eux, scrutent la discipline de l’OPEP+, les signaux de demande et la résilience des bilans dans des scénarios de prix plus bas.

Trois canaux principaux : coût import du brut pour les raffineries, prix de gros des produits raffinés sur les hubs européens, et structure fiscale (TICPE, TVA). La baisse du Brent n’est jamais intégralement transmise à la pompe, car elle dépend des marges, des spreads de raffinage et des variations euro-dollar. Les effets sont donc graduels et hétérogènes selon les produits.

Divergences internes et gouvernance de l’alliance

La configuration politique de l’OPEP+ reste hétérogène. Des divergences de vues existent, notamment avec certains pays africains comme le Nigeria et l’Angola, qui plaident de longue date pour des ajustements plus favorables. Le compromis trouvé en octobre 2025 illustre la recherche d’un terrain d’entente évitant le blocage, tout en révélant des tensions latentes sur la répartition des quotas et les trajectoires de production.

Cette hétérogénéité fait partie de l’ADN de la coalition. Elle en explique la prudence actuelle : réduire le risque d’erreur de pilotage dans un marché qui ne tolère pas les sur-offres prolongées. Le calibrage en tranche de 137 000 b/j s’inscrit dans cette logique, avec une communication orientée vers la stabilité plutôt que la recherche d’un prix cible explicite.

Volatilité attendue : pourquoi les entreprises doivent rester agiles

La volatilité demeure alimentée par plusieurs foyers de risque : croissance chinoise plus faible qu’attendu, aléas géopolitiques au Moyen-Orient, stratégie des producteurs non OPEP+ et rythme de normalisation de la politique monétaire mondiale. Les directions financières doivent intégrer des scénarios de prix contrastés, y compris des fourchettes plus basses si la demande ne se raffermit pas. Des couvertures ciblées et des clauses d’indexation restent des outils clés de gestion du risque.

Sans entrer dans la finance de marché, trois leviers dominent : contrats d’approvisionnement à prix fixes ou indexés, hedging via dérivés pour lisser la dépense énergétique, et diversification des sources (biocarburants, électricité renouvelable, gaz) pour diluer l’exposition au Brent. La clé demeure l’alignement entre horizon de couverture et cycle opérationnel.

Ce que surveiller d’ici décembre 2025

Une nouvelle réunion est attendue en décembre 2025 pour évaluer l’impact du relèvement de novembre. Deux variables feront la différence : la trajectoire de la demande mondiale et la discipline de production au sein de l’alliance.

Si les indicateurs restent faibles, des ajustements supplémentaires ne sont pas exclus. À l’inverse, un rebond de la consommation et un resserrement des stocks plaideraient pour un statu quo.

Pour la France, l’arbitrage entre coûts énergétiques et vigilance inflationniste domine la fin d’année. Une désinflation alimentée par des prix pétroliers maîtrisés allégerait la pression sur les marges et la consommation, tout en soutenant une réallocation des investissements vers des actifs moins volatils. Les observateurs, y compris au sein de l’AIE, anticipent une offre adequate pour 2026, mais appellent à une lecture fine des signaux macro, secteur par secteur.

La boussole des prochains mois restera simple : volumes, discipline et données macro seront les trois aiguilles à surveiller, de Vienne aux stations-service françaises.