+49 millions d’euros en septembre 2025 : Nxtfood, maison mère d’Accro, sécurise un financement majeur et revendique un chiffre d’affaires triplé en 2024. Dans un marché végétal tiraillé entre engouement des consommateurs et pression sur les marges, la marque française s’affirme comme l’un des rares dossiers à forte traction économique.

Marché français des alternatives végétales : dynamique contrastée en 2024 et signaux 2025

Le segment des alternatives végétales en France progresse, mais la photographie n’est pas uniforme. La croissance en volume est estimée à +8 % en 2024, alors que plusieurs acteurs mondiaux voient leurs performances boursières ou financières se dégrader. Le différentiel de trajectoires met en lumière un enjeu classique des marchés en transition : les leaders ne sont pas figés et le tempo d’investissement devient décisif.

Dans ce contexte, la progression d’Accro s’inscrit à contre-courant des difficultés visibles chez certains pionniers internationaux. La marque déploie un positionnement prix et une capacité d’innovation qui ont favorisé son entrée à grande échelle en distribution et en restauration. Les arbitrages des ménages, plus attentifs au pouvoir d’achat, ont également redistribué les cartes au profit des offres jugées qualitatives et compétitives.

Beyond meat : trajectoire boursière et pression sectorielle

Cotée au Nasdaq, Beyond Meat a connu une forte correction depuis son pic de 2019. Le titre est passé d’environ 239 dollars en juillet 2019 à environ 6 dollars en septembre 2025. Cette évolution traduit la difficulté à convertir l’engouement initial en dynamique financière soutenable dans un environnement marqué par l’inflation, l’intensification concurrentielle et des attentes consommateurs plus exigeantes en matière de formulation.

Au plan opérationnel, la société a fait état d’une perte nette de 338 millions de dollars en 2024, selon ses rapports financiers. La pression sur les volumes et la nécessité de calibrer les partenariats industriels pèsent sur les marges et la visibilité.

Accro : surperformance dans un segment chahuté

Accro affiche une courbe inverse. Selon la société, le chiffre d’affaires de Nxtfood a été multiplié par trois en 2024. Le moteur de cette dynamique tient à une triple convergence : une maîtrise industrielle internalisée, une montée en cadence R&D focalisée sur la texture et le goût, et un positionnement prix devenu plus favorable à la suite des hausses généralisées observées sur certaines viandes.

L’entreprise revendique une présence dans toutes les grandes enseignes en France, et plus de 10 000 points de restauration en direct ou via grossistes, chaînes et hôtellerie. Cette profondeur de distribution a dopé la notoriété et amélioré la rotation en linéaire, deux indicateurs clés pour la catégorie.

Chiffres clés à retenir

• Marché français des alternatives végétales : +8 % en volume en 2024 (Xerfi, juin 2025).
• Beyond Meat : de 239 dollars à environ 6 dollars entre 2019 et septembre 2025, perte nette 2024 de 338 M$.
• Accro/Nxtfood : CA x3 en 2024, largeur de gamme supérieure à 20 références, présence alimentaire étendue.

Modèle industriel d’accro : extrusion humide et intégration verticale

Le socle de différenciation d’Accro repose sur la maîtrise de l’extrusion humide, technologie clé pour approcher les fibres et la jutosité des protéines animales. Plutôt que de s’appuyer sur une production externalisée, Nxtfood a internalisé les capacités et investi dans ses propres sites.

Ce choix d’intégration verticale permet d’optimiser le coût de revient, d’accélérer les itérations R&D et d’assurer la constance organoleptique. L’entreprise produit à la fois pour sa marque et pour des marques de distributeurs, ce qui lisse les volumes et renforce l’absorption des coûts fixes.

Vitry-en-artois : un outil de production internalisé

Le site de Vitry-en-Artois, dans les Hauts-de-France, incarne la stratégie d’industrialisation. L’agrandissement prévu vise à tripler la surface, de 5 000 à 15 000 m² d’ici fin 2026. L’outil industriel constitue le maillon critique pour sécuriser les flux et répondre aux pics de demande, notamment en restauration hors domicile où les volumes sont volatils.

Au-delà de la capacité, l’enjeu porte sur la flexibilité ligne par ligne, afin d’accompagner les lancements et les saisons. La production pour des MDD renforce cette flexibilité et favorise un taux d’utilisation des équipements plus élevé.

R&d et procédés : une trajectoire appuyée par des partenaires

L’ADN d’Accro est technique. Fondée en 2019 avec le soutien de Creadev et Roquette Ventures, Nxtfood s’est adossée à l’expertise de Roquette pour affiner ses procédés et accéder à des ingrédients performants. La combinaison pois-blé, au cœur des recettes, est mobilisée pour servir la texture, la tenue à la cuisson et des profils nutritionnels orientés Nutri-Score A ou B.

Cette trajectoire traduit une conviction industrielle : la performance en rayon se gagne en amont. La cohérence entre sourcing, formulation et technologie d’extrusion est devenue un avantage cumulatif difficile à répliquer rapidement.

L’extrusion humide traite les protéines en conditions de chaleur et d’humidité contrôlées pour créer des réseaux fibrés. Elle permet d’approcher la mâche et le feuilleté des viandes cuites. Son intérêt économique tient à la répétabilité des textures et à la capacité d’intégrer des profils aromatiques de façon homogène, limitant les variabilités entre lots.

Les notations A ou B témoignent d’une densité nutritionnelle favorable au regard du sel, des acides gras saturés, des fibres et des protéines. Dans les substituts, atteindre A ou B implique souvent des compromis précis entre densité protéique, liants et matières grasses, tout en préservant la texture. Accro revendique ces notations sur sa gamme à base de pois et de blé.

Offre produits et politique de prix : cap sur le goût et la compétitivité

Le ressort commercial d’Accro tient à deux promesses simples : le goût et le prix. Les tests consommateurs mettent en avant une parité perçue avec la viande sur certaines références, élément décisif pour les achats récurrents. Côté prix, l’inflation sur les protéines animales a rapproché puis inversé les courbes sur plusieurs segments.

En 2025, les alternatives végétales en France sont en moyenne 10 % moins chères que la viande rouge, selon des données publiques relayées. Une telle bascule crée un point d’inflexion sur les arbitrages, d’abord sur le bœuf, puis graduellement sur d’autres catégories hors œufs.

Portefeuille de plus de 20 références

Accro aligne une vingtaine de références et plus, toutes à base de pois et de blé. Parmi les best-sellers se trouvent boulettes, nuggets, alternatives au porc effiloché et à la charcuterie italienne, ainsi qu’une sole meunière 100 % végétale. Cette diversité permet d’adresser plusieurs usages culinaires, de la cuisine rapide à la restauration collective.

La notion d’usage est capitale. Les foyers adoptent plus vite les produits qui s’intègrent sans friction dans des recettes existantes. La largeur de gamme d’Accro renforce cette adéquation, de l’apéritif aux plats cuisinés.

Positionnement tarifaire et effet mix

Le pilotage des prix n’est pas qu’une question de ticket moyen. Il touche l’effet mix entre références accessibles et innovations à plus forte valeur ajoutée. Le recentrage consommateur sur le prix, couplé à la recherche de naturalité perçue, impose de limiter les additifs controversés. Accro met en avant des formulations sans additifs considérés comme sensibles par une partie du public, afin de soutenir la ré-achatabilité.

La dynamique prix de la viande, quant à elle, a agi comme un catalyseur commercial favorable aux alternatives. Pour les distributeurs, ce différentiel constitue un levier d’animation de catégorie et un soutien à la marge globale en rayon frais ou surgelé.

Adoption consommateurs : le goût avant tout

• Le goût reste le premier critère cité par la direction d’Accro pour expliquer la traction commerciale.
• Les formulations optimisées et la maîtrise des textures via l’extrusion humide soutiennent la parité perçue avec la viande.
• L’écart de prix désormais favorable renforce l’essai, puis la fidélisation.

Financement et gouvernance : une levée de 49 millions d’euros pour changer d’échelle

En septembre 2025, Nxtfood a bouclé une levée de 49 millions d’euros auprès de Creadev, Roquette Ventures, Clay Capital et IRD Invest, portant le total levé depuis 2019 à plus de 70 millions d’euros (Maddyness, 19 septembre 2025). Le mouvement de capital ouvre une phase d’accélération industrielle et commerciale, avec un cap clair sur la rentabilité opérationnelle.

Creadev devient actionnaire majoritaire. La gouvernance resserrée autour d’investisseurs familiers de l’agroalimentaire et de l’industrialisation favorise une exécution rapide des plans d’augmentation de capacité.

Plan d’allocation des fonds : capacité et force de vente

La première priorité porte sur le triplement du site de Vitry-en-Artois d’ici fin 2026. Le second volet renforce les équipes commerciales et marketing, en France et dans des géographies ciblées en Europe. La combinaison capacité + go-to-market doit assurer la mise en rayon accélérée des nouveautés et consolider la présence sur la restauration.

L’entreprise vise un doublement du chiffre d’affaires en 2025 et une rentabilité sous 12 à 18 mois. Cet horizon impose une discipline stricte sur les capex, une productivité accrue des lignes et une stratégie de portefeuille qui limite les références à faible rotation.

Ciblage européen : allemagne, royaume-uni et espagne

Nxtfood identifie trois marchés prioritaires en Europe : Allemagne, Royaume-Uni et Espagne. Ils concentrent des consommateurs ouverts au végétal et des distributeurs structurés pour l’innovation. L’ambition est de capter une croissance annuelle à deux chiffres dans ces zones, en s’appuyant sur une offre compétitive et des capacités d’approvisionnement sécurisées.

Ce déploiement suppose des accords commerciaux, la maîtrise des contraintes logistiques froid, et une adaptation des recettes lorsque les préférences locales le justifient. Le rôle des MDD peut y servir de rampe de lancement.

Des fonds européens 2021-2027 sont mobilisables via des appels à projets en 2025, relayés par l’administration française. Ces instruments soutiennent l’innovation agroalimentaire et peuvent cofinancer des volets R&D ou d’industrialisation. Leur bonne utilisation exige un alignement fin entre critères d’éligibilité et feuille de route industrielle.

Impact économique en france : emplois, territoires et chaîne courte

L’empreinte industrielle d’Accro bénéficie aux territoires. À Vitry-en-Artois, le site emploie 80 salariés et prévoit des créations nettes portant l’effectif à 150 d’ici 2027. L’augmentation des surfaces et l’automatisation contrôlée soutiennent cette trajectoire, en cohérence avec une stratégie de chaîne courte orientée résilience.

La diffusion de la gamme, en grande distribution et hors domicile, sert des objectifs de souveraineté alimentaire et d’emplois régionaux. L’entreprise capitalise sur la sophistication de la filière ingrédients en France et sur l’écosystème technique des Hauts-de-France.

Restauration et grande distribution : profondeur de couverture

La présence en toutes grandes enseignes, couplée à un réseau de plus de 10 000 points en restauration, assure un maillage robuste. Pour un industriel du végétal, cette double couverture est stratégique. Elle diversifie les débouchés, accélère la rotation des stocks et atténue les chocs sur la demande.

La production sous MDD renforce la visibilité opérationnelle. Elle permet d’accéder à des volumes ancrés dans des plans de merchandising des distributeurs, tout en préservant l’ADN de la marque propre Accro sur l’innovation.

Lecture de l’objectif de rentabilité

• Horizon annoncé : 12 à 18 mois pour atteindre l’équilibre opérationnel.
• Conditions de succès : exécution rigoureuse des capex à Vitry, montée en charge sans goulots, mix produits maîtrisé, négociations d’achats ingrédients.
• Vigilance : exposition à l’énergie, tension éventuelle sur certains intrants, discipline de prix en face de marques internationales.

Risques identifiés et cap 2026-2027 : formulation, perception et cadence d’investissements

Les études sectorielles rappellent que la croissance n’est pas acquise. Une note Xerfi publiée en juin 2025 évoque un risque de retournement d’ici 2027, lié aux interrogations sur la qualité perçue de certaines listes d’ingrédients et à une potentielle saturation sur des sous-segments. Ces alertes incitent les industriels à rendre les formulations plus lisibles et à consolider leurs preuves nutritionnelles.

Accro met en avant la transparence et la qualité, avec des certifications pour certaines références. Dans la même logique, la production locale et la chaîne courte sont présentées comme des amortisseurs en période de volatilité, y compris face aux coûts de l’énergie et du transport.

Formulation et perception consommateur

La catégorie reste sensible aux perceptions d’ultra-transformation. Le défi consiste à offrir texture et goût sans recourir à des additifs contestés et en maîtrisant le sel. Les notations Nutri-Score A ou B sur la gamme Accro constituent un signal commercial positif. L’enjeu est de les préserver lors des extensions de gamme, notamment sur des recettes complexes comme les alternatives à la charcuterie.

Le prix relatif par rapport à la viande demeure un pivot. Si l’écart favorable se réduit, le risque de ralentissement existe. La réponse réside dans le mix innovation plus performant, la baisse continue des coûts industriels et un travail d’éducation culinaire.

Investissements, export et soutenabilité financière

Le triplement des capacités à Vitry-en-Artois représente un pari industriel fort. Sa réussite passe par une montée en charge cadencée, évitant la sous-utilisation prolongée des lignes.

Le déploiement en Allemagne, au Royaume-Uni et en Espagne doit apporter les volumes complémentaires. Les fonds européens 2021-2027 peuvent, le cas échéant, contribuer à la sécurisation de certains volets d’innovation et d’industrialisation.

Au regard de la perte nette publiée par Beyond Meat en 2024, le secteur sait qu’il doit composer avec un coût du capital plus sélectif. Les dossiers qui combinent différenciation produit, intégration industrielle et discipline de prix apparaissent mieux armés pour atteindre l’équilibre. Accro se positionne précisément sur ce triptyque.

La qualification ultra-transformé renvoie souvent à des matrices d’ingrédients longues, à l’usage de texturants et d’arômes, et à des procédés complexes. Dans les alternatives végétales, la question est de concilier texture et naturalité perçue. Les industriels cherchent à réduire la complexité des listes et à privilégier des ingrédients compréhensibles par le consommateur.

Qui est nxtfood : origines, soutiens et feuille de route

Créée en 2019, Nxtfood s’est développée avec le soutien de Creadev et Roquette Ventures. La marque Accro a été lancée en 2021 après deux années de R&D, puis référencée à grande échelle en grande distribution et en restauration. Le modèle industriel repose sur l’extrusion humide et l’intégration verticale, complétée par une activité de production pour des marques de distributeurs.

La société s’appuie sur un réseau de partenaires financiers et techniques. L’objectif est double : consolider le leadership en France et accélérer en Europe. La dernière levée permet de calibrer l’outil de Vitry-en-Artois, de muscler la force de vente, et de soutenir des lancements progressifs pour éviter la dilution des rotations.

Accro : gamme, canaux et promesses de marque

La gamme, >20 références, couvre des usages quotidiens et festifs. Accro insiste sur trois attributs visibles en rayon : texture, plaisir et notoriété nutritionnelle via Nutri-Score. En restauration, l’adaptabilité des formats et la constance à la cuisson sont des critères de choix pour les chefs et les chaînes, qui attendent des fiches techniques stables et des volumes fiables.

Sur le terrain marketing, la notoriété progresse via la répétition des mises en avant et une présence étendue chez les grossistes. L’entreprise cherche à ancrer des rituels de cuisine végétale plutôt qu’à multiplier les innovations éloignées des usages.

Données structurantes du marché français

• Les ventes d’alternatives végétales représenteraient environ 500 millions d’euros en 2024, selon des estimations issues de l’INSEE et de panels de marché.
25 % des Français déclarent réduire leur consommation de viande en 2025, ce qui soutient la demande en substituts.
• La croissance reste hétérogène selon les catégories, d’où l’importance du mix produits.

Cap 2026 : les repères à suivre pour juger de la trajectoire d’accro

Les douze à dix-huit prochains mois seront décisifs. Trois repères méritent une attention particulière : la mise en service cadencée des mètres carrés industriels à Vitry-en-Artois, la discipline du mix produits pour préserver les marges, et l’exécution commerciale en Allemagne, au Royaume-Uni et en Espagne. La trajectoire annoncée vers l’équilibre opérationnel servira de baromètre.

Dans un secteur qui se professionnalise et où les financements se concentrent sur les modèles les plus éprouvés, Accro et Nxtfood illustrent une option stratégique cohérente : industrialiser tôt, intégrer la chaîne de valeur et piloter finement le prix. Si la feuille de route est tenue, la marque pourrait s’imposer durablement parmi les références européennes du végétal (Xerfi, juin 2025).

La suite se jouera à l’usine et en rayon, là où se mesurent vraiment les promesses d’un modèle industriel.