Elkedonia mise sur la neuroplasticité pour révolutionner le traitement de la dépression
Une biotech franco-belge développe un traitement innovant et rapide contre la dépression résistante, grâce à une levée de fonds de 11,25 M€.

La start‑up franco‑belge Elkedonia vient de lever 11,25 millions d’euros pour propulser un nouveau type de composés (les neuroplastogènes) vers la clinique, avec l’ambition de traiter la dépression résistante et d’autres troubles psychiatriques. Cette opération, menée le 11 juin 2025, réunit Bpifrance (French Tech Seed), Kurma Partners, WE Life Sciences et cinq autres investisseurs, preuve de l’appétit du capital‑risque pour les innovations de rupture.
Un tour d’amorçage aux ramifications européennes
Le ticket de 11,25 M€ n’est pas seulement un apport de trésorerie : il ancre Elkedonia dans un réseau continental allant de Strasbourg à Charleroi. Kurma Partners apporte son expérience des bio‑fonds, WE Life Sciences défend la dimension wallonne, tandis que le véhicule French Tech Seed de Bpifrance sécurise l’adossement à la stratégie France 2030. Le syndicat illustre la spécialisation croissante des VCs européens sur la santé mentale, un segment longtemps sous‑financé.
Chiffres clés du marché de la dépression
300 millions de personnes sont touchées dans le monde ; 1/3 restent réfractaires aux antidépresseurs actuels ; le coût sociétal européen est estimé à 118 Mds€ par an, selon l’OMS et l’OCDE.
Une réponse à la dépression résistante : la piste Elk1
Contrairement aux psychédéliques ou à la kétamine, les molécules d’Elkedonia ciblent Elk1, un facteur de transcription central dans les boucles de la récompense. Inhiber Elk1 rétablit la neuroplasticité sans provoquer d’hallucinations ni de dépendance — un cap stratégique majeur pour l’acceptation clinique.
Il s’agit d’un modulateur pharmacologique conçu pour restaurer rapidement la plasticité neuronale, fondement biologique de l’apprentissage et de l’humeur. À la différence d’un psychédélique classique, il vise à réparer les circuits sans altérer la perception.
Genèse d’Elkedonia : du labo Sorbonne à la start‑up studio
La société naît au sein d’Argobio, un start‑up studio parisien qui repère des inventions académiques à haut potentiel. Les travaux pionniers de la Pr Jocelyne Caboche (CNRS – Sorbonne Université) sur Elk1 ont fourni la preuve de concept. Argobio a ensuite monté une équipe de co‑fondateurs, confié la direction générale à Delphine Charvin et orchestré la syndication du seed round. Cette intégration verticale permet de réduire le temps entre découverte et création de valeur.Le rôle d’Elk1 expliqué
Elk1 régule l’expression de gènes impliqués dans la synaptogenèse et la neuro‑résilience. Une sur‑activation chronique d’Elk1, observée dans les troubles de l’humeur, rigidifie les réseaux neuronaux. Le bloquer redonne de la flexibilité aux circuits affectifs.
Un pipeline qui vise la médecine de précision
La feuille de route prévoit, d’ici 18 mois, la sélection d’un candidat médicament IND‑ready, accompagnée de biomarqueurs sanguins pour stratifier les patients. Cette approche companion diagnostics augure de protocoles cliniques plus courts et plus prédictifs, un atout crucial face aux standards ravagés des antidépresseurs génériques.
Défis réglementaires et horizon de marché
Si les agences sanitaires saluent les traitements “fast‑acting”, elles exigent des preuves drastiques de non‑addictivité. Elkedonia devra démontrer que l’inhibition d’Elk1 ne perturbe pas d’autres voies MAPK fondamentales. La société entend capitaliser sur la Fast‑Track FDA ouverte aux troubles dépressifs majeurs, mais garde un œil sur la procédure PRIME de l’EMA pour sécuriser l’Europe. L’arrivée de rivaux américains (Alto Neuroscience, Delix Therapeutics) place la barre haut mais valide le positionnement.
À savoir sur French Tech Seed
Lancé en 2019, ce fonds d’amorçage co‑investit avec des VCs privés ; il finance jusqu’à 2 M€ par dossier et vise 150 start‑ups deeptech d’ici 2027.
Un modèle économique orienté “platform”
Plutôt que de dépendre d’un seul actif, Elkedonia voit Elk1 comme une plate‑forme : déclinaisons possibles sur le SSPT ou l’anhédonie dopaminergique. Cette diversification intéresse les big pharmas, constamment en quête de pipelines psychiatriques différenciés après la vague d’échecs des années 2010.
L’écosystème alsacien et wallon en pleine effervescence
Le choix de Strasbourg et Charleroi n’est pas anodin. L’Alsace abrite le cluster Nextmed, tandis que la Wallonie bénéficie d’un tissu de CDMOs spécialisées. Cette complémentarité facilite la fabrication de lots GLP et l’accès à des plateformes d’imagerie de pointe. Elkedonia devient ainsi un catalyseur pour la chaîne de valeur transfrontalière.
Regards croisés : investisseurs, chercheurs et cliniciens
Kurma Partners y voit un premier jalon pour son Biofund IV ; Angelini Ventures, déjà présent dans la neuro, espère mutualiser les données cliniques; les psychiatres hospitaliers, eux, attendent une molécule administrable en ambulatoire pour réduire les hospitalisations longues liées aux antidépresseurs tardifs. Cette triple attente crée un alignement rarement observé à ce stade de maturité.
Capacité du cerveau à modifier la force ou le nombre de ses connexions pour s’adapter à une expérience. Les antidépresseurs conventionnels l’améliorent en semaines ; les neuroplastogènes visent une fenêtre de quelques heures.
Quels bénéfices sociétaux ?
Un traitement à action rapide réduirait la période à risque suicidaire, principal fardeau clinique durant l’initiation thérapeutique. À l’échelle macro‑économique, chaque semaine gagnée avant rémission représenterait, selon l’OCDE, 1,1 Md€ d’économie de productivité en Europe.
Projections et prochaines étapes
Elkedonia prévoit un tour de série A fin 2026, conditionné à la réussite des études in vivo toxicologiques. Le management vise un IND FDA en 2027 et une entrée en phase IIa en 2028. Un partenariat pharmaceutique sera envisagé à la publication des premiers marqueurs d’efficacité.
Ouverture : la course à la plasticité cérébrale est lancée
La levée de fonds d’Elkedonia confirme l’émergence d’une troisième voie en psychiatrie : ni psychédéliques, ni molécules “me‑too”, mais des modulateurs précis de la plasticité. Reste à transformer cette promesse scientifique en bénéfice patient, un défi que l’équipe devra relever sous le double feu croisé des régulateurs et des attentes sociétales. Dans l’arène post‑covid de la santé mentale, Elkedonia symbolise la nouvelle génération de biotech européennes prêtes à redéfinir la thérapie psychiatrique.