La jeune pousse française MSInsight s’est récemment illustrée en levant la somme de 1,6 million d’euros pour accélérer le diagnostic de certaines formes de cancer grâce à la technologie de séquençage de l’ADN. Cette avancée a été annoncée le 12 mars 2025, comme l’a dévoilé la société via son communiqué officiel (source). Retour sur une actualité qui témoigne de l’essor continu de la médecine de précision et de l’attractivité des innovations deeptech en France.

Les piliers scientifiques d’une révolution thérapeutique

L’oncologie évolue à grande vitesse. Depuis plusieurs années, la médecine de précision s’impose comme l’un des fers de lance pour améliorer la prise en charge des patients atteints de cancer. L’idée ? Tenir compte des spécificités moléculaires d’une tumeur pour déterminer les options thérapeutiques optimales, voire personnaliser les traitements.

La détection de l’instabilité des microsatellites (MSI) fait partie intégrante de cette stratégie. Cette caractéristique génomique, présente dans certains cancers, préfigure une sensibilité particulière aux immunothérapies. Quand la MSI est clairement identifiée, les malades peuvent en effet accéder à des protocoles capables de prolonger significativement leur espérance de vie. Et c’est précisément sur ce segment prometteur que s’engage MSInsight.

En France, le sujet est d’autant plus important que le vieillissement démographique, la hausse de l’incidence des cancers et la nécessité de rationaliser les dépenses de santé poussent les acteurs de l’innovation à concevoir de nouveaux outils de diagnostic performants. Les grands centres de recherche, les CHU et les startups deeptech collaborent de plus en plus pour mettre sur le marché des dispositifs adaptés aux besoins cliniques et aux contraintes de la réglementation européenne.

La genèse d’un projet : MSInsight face au défi MSI

Créée en 2022, la startup MSInsight est le fruit de la collaboration entre des ingénieurs spécialisés en bio-informatique, des médecins et des chercheurs. Elle s’appuie sur des travaux menés par l’équipe « Instabilité des MicroSatellites et Cancer » du Centre de Recherche Saint-Antoine (Inserm, Assistance Publique–Hôpitaux de Paris, Sorbonne Université), sous la direction du professeur Alex Duval. Reconnu internationalement, ce laboratoire a déjà éclairé nombre de mystères entourant les cancers présentant une instabilité des microsatellites.

Aujourd’hui, MSInsight concrétise ces recherches en développant des solutions logicielles permettant d’affiner le diagnostic MSI. La jeune structure met l’accent sur la robustesse de ses algorithmes et l’analyse de milliers de séquences ADN issues des tumeurs. Son ambition : devenir un interlocuteur privilégié pour tous les établissements de santé cherchant à adopter une approche de médecine personnalisée.

Pour qu’un test diagnostic puisse être déployé de manière large sur le marché européen, il doit obtenir le marquage CE-IVD. Cette certification atteste de la conformité aux exigences de performance, de sécurité et de qualité. Les fabricants doivent réaliser des études cliniques et documenter chaque étape du développement, de l’architecture logicielle jusqu’aux algorithmes de traitement des données.

Faire reconnaître son logiciel comme Dispositif Médical de Diagnostic In Vitro (DMDIV) implique un investissement non négligeable. Sur ce point, la startup ne cache pas vouloir utiliser une partie des 1,6 million d’euros levés pour accélérer ces travaux de validation réglementaire. Son produit-phare, baptisé MSIcare, est au cœur de cette démarche.

Le fonctionnement de MSIcare : de l’ADN à la recommandation médicale

Le principe de MSIcare est simple à énoncer, mais complexe à mettre en œuvre. Le logiciel réceptionne les données issues du séquençage de nouvelle génération (NGS), une technologie déjà bien utilisée en routine dans les laboratoires de biologie moléculaire. À partir de ces informations, un algorithme basé sur l’intelligence artificielle identifie la présence ou l’absence d’instabilité des microsatellites.

Ce diagnostic est crucial : si la MSI est confirmée, le patient peut potentiellement bénéficier de traitements immunothérapeutiques extrêmement efficaces. À l’inverse, si elle est absente, il convient d’orienter le malade vers une autre ligne de soins. Cette capacité à personnaliser la thérapie constitue une avancée notable dans un domaine où chaque retard de diagnostic peut se révéler fatal.

Bon à savoir : Qu’est-ce que l’instabilité des microsatellites ?

L’instabilité des microsatellites (MSI) se caractérise par des variations répétées au niveau de segments d’ADN nommés « microsatellites ». Lorsque le système de réparation de l’ADN est déficient (phénomène appelé dMMR), l’ADN accumule des mutations et la tumeur se développe. Cette anomalie concerne différents cancers (colorectal, gastrique, endométrial, etc.) et influe sur la réponse aux traitements, notamment les immunothérapies.

Il est également prévu que MSIcare prenne en compte dans ses futures versions des marqueurs spécifiques pour affiner le pronostic ou anticiper les risques de récidive. L’équipe de MSInsight s’intéresse par ailleurs de très près à la possibilité de rendre ce test moins invasif, via des échantillons sanguins. L’idée : éviter la biopsie tissulaire systématique et repérer la signature MSI dans le sang. Si cette perspective se concrétise, le diagnostic en deviendrait plus accessible, notamment pour les patients dont l’état ne permet pas une intervention lourde.

Le soutien financier : 1,6 million d’euros pour accélérer l’innovation

Le 12 mars 2025, MSInsight a annoncé avoir bouclé sa phase d’amorçage en réunissant 1,6 million d’euros. Parmi les investisseurs, on retrouve Calyseed, un fonds d’amorçage spécialisé dans la santé, accompagné par Plateau de Saclay Business Angels, Yes Invest, Capital Cell et bpifrance. Chacun d’eux apporte une expertise complémentaire, que ce soit en matière de financement, de mise en réseau ou de connaissances médicales.

Cette manne financière servira principalement à :

  • Finaliser le développement technologique de MSIcare et renforcer sa performance dans différents types de cancers (digestifs, gynécologiques, etc.).
  • Soumettre le logiciel aux essais cliniques indispensables pour sa future certification CE-IVD.
  • Soutenir les partenariats hospitaliers et renforcer les collaborations de recherche avec les équipes de pointe.
  • Préparer la commercialisation internationale grâce à des ajustements réglementaires (en Europe, puis potentiellement aux États-Unis ou en Asie).

Pour Calyseed, cette prise de participation s’inscrit dans une logique de soutien aux technologies disruptives à fort potentiel de transformation du parcours de soin. Selon la directrice générale de ce fonds, la suite s’annonce prometteuse si les jalons règlementaires et cliniques sont franchis dans les délais escomptés.

Entre 2022 et 2024, le paysage du capital-risque français s’est élargi, soutenu par des initiatives publiques (comme bpifrance) et des fonds sectoriels. L’objectif est d’épauler les jeunes structures deeptech dans les premiers stades de leur croissance. Ces levées de fonds d’amorçage visent à offrir un terrain solide pour le R&D et la mise sur le marché des solutions de demain.

Plateau de Saclay Business Angels et Yes Invest, deux réseaux de particuliers engagés dans l’innovation, ont également parié sur MSInsight. Leurs membres sont souvent des cadres ou entrepreneurs possédant un solide bagage industriel ou scientifique. Ils accompagnent les start-up au-delà du simple apport financier. Ils ouvrent leurs carnets d’adresses, font profiter de leurs compétences et proposent parfois leur aide sur le plan de la stratégie.

De la preuve de concept à la validation clinique : les étapes réglementaires

Les innovations médicales ne peuvent se déployer qu’à travers un tunnel de vérifications et d’études. MSInsight en est parfaitement conscient, c’est pourquoi l’entreprise s’est entourée de conseils spécialisés pour protéger sa propriété intellectuelle et fluidifier la dimension réglementaire. Elle s’appuie notamment sur :

  • Cabinet Carrel pour la partie juridique,
  • Odicéo pour l’expertise comptable, fiscale et sociale,
  • ICOSA pour les questions de propriété industrielle.

Du côté des investisseurs, on observe que la sécurisation juridique est prise très au sérieux, avec l’appui d’un autre cabinet, Auxo, pour toutes les transactions relatives à cette levée de fonds. Dans un environnement de plus en plus exigeant, combiner la rigueur des contrats et la robustesse technique du produit final est crucial pour crédibiliser le projet.

Parmi les objectifs à court terme, la société prévoit de boucler ses études cliniques exploratoires et de déposer un dossier complet auprès des autorités de santé afin d’obtenir le marquage CE. Pour rappel, cette étape est incontournable pour commercialiser un dispositif médical de diagnostic in vitro dans l’Espace économique européen (EEE).

Collura et al. (2019) ont mis en lumière l’impact de l’instabilité des microsatellites sur le développement tumoral. Plus récemment, Ratovomanana et al. (2021) ont démontré l’apport du séquençage nouvelle génération pour détecter la MSI avec une précision accrue. En 2024, André et al. et Chalabi et al. ont souligné l’intérêt de l’immunothérapie dans les cancers MSI, y compris à des stades métastatiques avancés.

Impacts cliniques et perspectives pour la médecine française

En France, les recommandations préconisent de dépister la MSI pour chaque tumeur nouvellement diagnostiquée, quels que soient l’organe et le stade. Cela concerne potentiellement 13 millions de patients éligibles à ce test dans le monde, parmi lesquels près d’un million seraient positifs à la MSI chaque année.

Pourquoi cette systématisation ? Parce que la mise en évidence de cette instabilité ouvre la voie à l’immunothérapie, un traitement réputé pour ses résultats spectaculaires dans certains cancers digestifs, colorectaux, gastriques et gynécologiques. Dans quelques cas, la chirurgie radicale peut être évitée si la tumeur est détectée à temps et traitée par des anticorps monoclonaux ciblés.

Si l’on élargit la perspective, l’apport économique est également non négligeable. D’une part, mieux cibler le traitement évite de gaspiller des médicaments coûteux et souvent mal tolérés par les patients. D’autre part, la réussite de ces traitements diminue le risque de rechute et réduit les frais liés à une hospitalisation au long cours. In fine, cette rationalisation sert à la fois l’intérêt du patient et celui du système de soins.

Dans ce contexte, MSInsight s’engage à optimiser l’identification des patients porteurs de la MSI afin de leur apporter la meilleure option thérapeutique. Cette démarche s’inscrit dans les grands axes stratégiques de la haute autorité de santé (HAS) française, qui encourage toute innovation susceptible d’augmenter la précision et la fiabilité du diagnostic.

Au cœur d’un écosystème deeptech foisonnant

Il serait réducteur de considérer la levée de fonds de MSInsight comme un événement isolé. Elle illustre plus largement la forte vitalité de l’écosystème français en matière de startups deeptech. Depuis quelques années, la stratégie nationale cherche à favoriser les synergies entre laboratoires publics, chercheurs et investisseurs privés.

WILCO, l’accélérateur francilien, accompagne par exemple MSInsight avec un prêt d’honneur. L’objectif est de renforcer la trésorerie des jeunes pousses pour leur permettre de commercialiser rapidement leurs solutions. Des dispositifs d’aide, comme le concours i-Lab dont MSInsight est lauréate en 2023, complètent ce soutien en valorisant le caractère innovant et l’ambition industrielle du projet.

Repère : i-Lab, un label précieux

Chaque année, des dizaines de start-up sont récompensées par le concours i-Lab, piloté par le Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation. Cette distinction salue les projets de rupture technologique et aide à leur expansion. Pour MSInsight, être lauréat de la 25e édition a consolidé sa crédibilité auprès des investisseurs et des établissements de santé.

Le secteur de la e-santé et de la biotechnologie bénéficie par ailleurs d’un réel engouement dans le pays. La crise sanitaire a renforcé l’importance d’investir dans la recherche et l’innovation médicale. Les fonds de capital-risque tricolores multiplient ainsi les initiatives, tandis que les business angels spécialisés dans la santé se structurent davantage. À ce titre, Capital Cell, qui soutient MSInsight, a déjà injecté plus de 115 millions d’euros dans 130 entreprises européennes sur ces dernières années. Un signe que la France consolide sa place dans la course aux innovations scientifiques.

Une vision globale : du patient à la prévention génétique

La société MSInsight ne limite pas ses travaux à l’oncologie curative. Elle souhaite également identifier des personnes à risque de développer des cancers MSI, comme celles touchées par le syndrome de Lynch. Ce dernier est l’une des prédispositions génétiques les plus répandues, pouvant mener à des formes de cancers colorectaux et d’autres localisations tumorales.

En dépistant précocement la MSI dans cette population, il devient possible de mettre en place une surveillance active : coloscopies régulières, examens cliniques approfondis et dépistage personnalisé. Selon MSInsight, cette approche aurait la capacité de transformer la trajectoire de la maladie en interceptant très tôt les lésions précancéreuses.

L’ambition s’étend également à l’oncopédiatrie, un domaine où le dépistage génétique peut considérablement améliorer les chances de survie. Dans un projet pilote, MSInsight collabore avec des hôpitaux universitaires pour évaluer l’impact d’une détection précoce de la MSI chez l’enfant. Les résultats préliminaires seraient encourageants, ouvrant la voie à une intégration plus large dans les protocoles de soins pédiatriques.

Le syndrome de Lynch, aussi appelé HNPCC (Hereditary Non-Polyposis Colorectal Cancer), est une condition génétique augmentant la probabilité de développer un cancer colorectal ou de l’endomètre. Elle touche également d’autres organes (ovaires, estomac, voies urinaires). Les individus porteurs de cette mutation nécessitent une surveillance médicale rigoureuse, la MSI étant considérée comme l’un de ses biomarqueurs les plus pertinents.

Focus sur la structuration juridique et financière du projet

Réussir une levée de 1,6 million d’euros en amorçage nécessite un travail approfondi sur la gestion financière et la sécurité juridique. MSInsight s’est attachée à définir un modèle économique basé sur la vente de licences logicielles associées à un contrat de maintenance et de mises à jour. Les laboratoires hospitaliers, cliniques et centres de recherche pourraient ainsi s’abonner à la solution MSIcare tout en bénéficiant d’un support technique continu.

Sur le plan légal, l’entreprise a finalisé ses accords de licence avec les instituts de recherche publique à l’origine des découvertes fondamentales, notamment l’Inserm, l’AP-HP et Sorbonne Université. De telles conventions sont décisives pour clarifier la propriété intellectuelle et rémunérer équitablement le travail de recherche passé. Cette dimension est souvent sous-estimée par les start-up émergentes, mais MSInsight démontre ici une volonté de se conformer aux meilleures pratiques du secteur.

D’un point de vue fiscal, l’entreprise a obtenu des soutiens classiques, tels que le crédit d’impôt recherche (CIR), précieux dans le financement des étapes de R&D. La collaboration avec bpifrance illustre une stratégie fréquente dans l’écosystème français : allier financements publics et capitaux privés. Cela permet à la fois de réduire les risques pour les investisseurs et de faire émerger des solutions d’excellence.

Le chemin vers la standardisation du diagnostic MSI

Conscient que le marché est global, MSInsight ambitionne de positionner MSIcare comme future référence mondiale en matière de détection MSI. Les outils existants présentent parfois un taux d’erreur allant jusqu’à 30 %, ce qui peut conduire à une orientation thérapeutique inappropriée, un gaspillage de ressources et surtout à des pertes de chance pour les patients.

En améliorant la sensibilité et la spécificité de la détection, MSIcare participerait à structurer un nouveau standard d’excellence. Les retombées positives ne se cantonneraient pas à la France : tous les laboratoires équipés d’un séquenceur NGS pourraient exploiter ce logiciel pour valider leurs diagnostics, sans multiplier les tests chronophages. L’enjeu est donc autant scientifique qu’économique.

D’après plusieurs études cliniques rétrospectives, MSInsight aurait déjà validé l’efficacité de ses algorithmes sur diverses lignées tumorales, notamment colorectales et gynécologiques. Les données recueillies constituent un argument de poids pour convaincre les autorités de santé de l’importance d’inscrire ce test dans le parcours de soins, y compris dans des protocoles préventifs chez les individus à risque élevé.

Regards vers l’avenir : un nouvel élan pour la cancérologie de précision

La réussite de cette levée de fonds consolide les bases de MSInsight pour les prochaines étapes. Outre la certification CE-IVD de MSIcare, la start-up nourrit déjà des projets de partenariats industriels avec des entreprises pharmaceutiques intéressées par l’intégration d’une solution diagnostic fiable dans leurs essais cliniques. Le but ? Identifier rapidement les patients éligibles à des traitements ciblés et en optimiser le suivi.

Pour l’environnement français, c’est un signal fort. L’époque où l’on accusait la France d’être en retard sur l’innovation en santé est révolue. Aujourd’hui, on constate plutôt un écosystème bouillonnant, soutenu par des acteurs publics et privés. MSInsight fait partie de cette nouvelle génération de startups capables de transformer la recherche fondamentale en produits concrets, adaptés aux besoins cliniques.

À moyen terme, on peut s’attendre à ce que l’entreprise envisage des levées de fonds plus importantes, notamment si les essais pilotes confirment l’excellence de MSIcare et si la commercialisation européenne tient ses promesses. Les perspectives d’expansion internationale, en particulier vers les États-Unis et l’Asie, ne sont pas à exclure. Les réglementations y sont exigeantes, mais le potentiel de marché est considérable, étant donné l’incidence des cancers MSI à l’échelle mondiale.

Dans l’immédiat, MSInsight souhaite élargir la communauté scientifique qui utilise son logiciel, en multipliant les collaborations avec des centres hospitalo-universitaires et des réseaux de cancérologues. Cette stratégie d’alliance souligne la volonté de la jeune pousse de ne pas se limiter à un modèle purement transactionnel. Au contraire, elle veut inscrire sa technologie au cœur d’un ensemble de partenariats cliniques et de travaux de recherche, renforçant ainsi sa crédibilité et sa capacité à innover sur la durée.

En misant sur une technologie de diagnostic à haut débit et une collaboration étroite entre chercheurs, médecins et investisseurs, MSInsight incarne le dynamisme de l’innovation médicale française et ouvre de nouvelles voies pour la cancérologie de précision.