Le spécialiste français des anticorps thérapeutiques Mabqi annonce avoir décroché un financement de 5 M€ dans le cadre de France 2030. Une avancée considérable pour accélérer la recherche de solutions contre le cancer, notamment grâce à leur anticorps inédit ciblant le canal ionique TRPV6.

Un soutien capital pour innover dans la lutte anticancéreuse

L’annonce du financement de 5 M€ accordé à Mabqi marque un tournant pour la jeune société basée à Grabels. Le soutien de l’État, opéré par Bpifrance dans le cadre de l’appel à projets « Innovations en Biothérapies et Bioproduction », vient conforter la position de cette biotech ambitieuse. Sa technologie distincte mise sur des anticorps « pH-sensibles », capables de gagner en efficacité dans l’environnement acide des tumeurs.

En France, la mobilisation autour de la bioproduction est un levier stratégique pour soutenir la filière pharmaceutique. L’objectif est de consolider la place de l’Hexagone dans l’écosystème mondial, tout en proposant rapidement de nouveaux traitements. Mabqi entend d’ailleurs accélérer la production de son anticorps MQI-201, un projet prometteur pour lutter contre le cancer de la prostate métastatique, dont le lancement clinique est prévu début 2027.

Au-delà de la simple perspective économique, cette enveloppe financière représente un vote de confiance pour la stratégie de Mabqi. La plateforme technologique que développe l’entreprise prévoit de proposer deux nouveaux candidats médicaments par an, via des anticorps au mode d’action novateur. Ce positionnement, à la fois scientifique et industriel, est au cœur des priorités de France 2030 : investir dans des technologies de rupture et soutenir leur production sur le territoire français.

Une technologie d’anticorps « pH-sensibles » hors du commun

Le concept d’anticorps pH-sensibles s’appuie sur un constat biologique simple : les tumeurs cancéreuses génèrent souvent un environnement plus acide que le reste de l’organisme. En ciblant ce milieu spécifique, l’anticorps gagne en précision et en sélectivité. Alors que nombre de traitements actuels peinent à distinguer les cellules tumorales des cellules saines, la promesse de Mabqi est de focaliser l’action thérapeutique là où elle est nécessaire, tout en limitant les effets indésirables.

C’est cette idée directrice qui confère à Mabqi une place unique sur le marché européen. L’expertise de la biotech française en matière de phage display et de yeast display, associée à des outils d’intelligence artificielle, permet d’identifier rapidement des anticorps 100 % humains et hautement stabilisés. Le choix d’orienter la recherche sur la sensibilité au pH offre un champ d’exploration encore peu exploité dans l’industrie, renforçant ainsi la valeur ajoutée de la plateforme.

Un anticorps pH-sensible peut modifier son affinité pour la cible en fonction du degré d’acidité. Dans un environnement tumoral (plus acide), il se lie plus fortement à la cible, maximisant l’efficacité antitumorale. Dans un environnement sain (pH neutre), il relâche cette liaison afin de préserver les tissus non affectés.

Dans la compétition mondiale pour développer de nouvelles immunothérapies, cette approche conforte la pertinence de solutions « intelligentes ». Au moment où les instances de régulation valorisent les traitements ciblés et plus respectueux de la qualité de vie des patients, la technologie Mabqi s’inscrit parfaitement dans ces nouvelles orientations.

MQI-201 : la promesse d’une efficacité renforcée contre le cancer de la prostate

Le principal projet de Mabqi, MQI-201, se concentre sur la cible TRPV6, un canal ionique lié à la croissance de plusieurs types de tumeurs. Par son action focalisée, ce traitement s’annonce « first-in-class », une terminologie qui indique qu’aucun autre médicament similaire n’existe à ce jour sur le marché. Cette exclusivité revêt une importance majeure : elle ouvre la voie à un positionnement stratégique pour la biotech française.

Les équipes de recherche ont déjà mené des travaux précliniques montrant une excellente tolérance sur des modèles animaux. Les résultats indiquent également une efficacité significative dans la réduction tumorale. Tout porte à croire que MQI-201 pourrait renforcer l’arsenal thérapeutique face à un fléau qui touche chaque année des centaines de milliers de nouveaux patients dans le monde. Selon des données mondiales, le cancer de la prostate figure parmi les tumeurs les plus fréquentes chez l’homme, en particulier après 50 ans.

Les premiers essais cliniques de Phase 1a sont prévus pour début 2027. Cette étape cruciale de développement permettra d’évaluer la sécurité chez l’homme, puis la tolérance. Si les résultats confirment les signaux d’efficacité déjà observés en préclinique, la prochaine phase testera plus largement la performance thérapeutique, souvent en comparant le produit à des standards de soins existants. Le succès de ces étapes dessinera la trajectoire de mise sur le marché.

Chiffres clés autour du cancer de la prostate

560 000 nouveaux cas estimés chaque année dans les principaux marchés mondiaux (MM8). Les cancers métastatiques représentent près de 50 % des cas, avec un taux de survie à 5 ans de 34 % seulement. Quand la maladie échappe aux traitements hormonaux ou à la chimiothérapie, le défi thérapeutique devient particulièrement crucial.

L’intérêt de MQI-201 se situe également dans sa possible utilisation en combinaison avec des traitements déjà établis, notamment les taxanes ou les thérapies de privation androgénique (ADT). En unissant plusieurs mécanismes d’action, l’espoir est de repousser les résistances tumorales, cause majeure d’échec thérapeutique dans les cancers avancés.

Une alliance avec France 2030 pour soutenir la bioproduction

Le financement de Mabqi s’inscrit dans l’initiative France 2030, un plan gouvernemental visant à soutenir massivement les innovations technologiques stratégiques, dont font partie les biothérapies. Doté de 54 milliards d’euros, ce programme cherche à positionner la France en tant que leader mondial dans des secteurs comme la santé, la transition énergétique, l’aéronautique, le spatial ou encore l’automobile.

L’appel à projets « Innovations en Biothérapies et Bioproduction » offre ainsi la possibilité de franchir plus rapidement le cap entre la recherche fondamentale et la mise sur le marché. L’ambition est de produire dans l’Hexagone des solutions issues de la recherche française, sans multiplier les étapes de sous-traitance, souvent effectuées à l’étranger. Dans ce cadre, Mabqi voit son indépendance renforcée : la biotech pourra investir dans la production de lot cliniques, un prérequis obligatoire pour mener des essais réglementaires exigeants.

1. Décarboner l’économie : 50 % des fonds alloués à des projets respectueux de l’environnement.
2. Soutenir l’émergence de nouveaux acteurs : 50 % des investissements dédiés aux innovations de rupture.
3. Couvrir tout le cycle de l’innovation : de la recherche fondamentale à l’industrialisation.
4. Impulser des partenariats : associant centres de recherche, universités et entreprises.

Pour l’État, cette approche est un moyen de stimuler la souveraineté sanitaire tout en promouvant la compétitivité de l’industrie française. Les questions de souveraineté se sont d’ailleurs intensifiées depuis la crise de la COVID-19, où la dépendance à l’égard de fournisseurs internationaux est apparue comme une faiblesse majeure.

Répondre aux besoins médicaux non couverts

Les traitements anticancéreux de nouvelle génération ont le vent en poupe. Malgré les progrès constatés, nombre de patients échappent encore aux thérapeutiques existantes. Les perspectives de Mabqi se situent dans le développement accéléré d’options alternatives. Le mécanisme pH-sensible ouvre des perspectives pour cibler non seulement la prostate, mais aussi d’autres localisations tumorales comme le cancer du pancréas ou encore de l’ovaire, caractérisés par une forte acidité du micro-environnement.

Dans le cadre de France 2030, cette polyvalence se révèle un atout. Le plan ne se limite pas à un seul secteur thérapeutique : il encourage les entreprises à explorer diverses aires pour multiplier les innovations disruptives. L’exemple de MQI-201 atteste d’une orientation stratégique cohérente : cibler une pathologie lourde, tout en prévoyant des applications ultérieures dans d’autres maladies graves.

L’enjeu ne se limite pas à la seule efficacité clinique. La biotech se positionne en leader sur un segment encore peu exploité en Europe : la production d’anticorps hautement spécifiques et développables à grande échelle. Cette capacité pourrait contribuer à renforcer la filière française des biotechnologies, en proposant aux laboratoires partenaires des solutions de codéveloppement.

Décryptage : de la Phase 1 à la commercialisation

Le développement d’un nouveau traitement suit généralement un parcours réglementaire bien défini. Après la phase préclinique, où la molécule est testée in vitro et sur des modèles animaux pour évaluer sa toxicité et son efficacité, vient la Phase 1 sur un petit nombre de volontaires sains ou de patients. L’objectif est de préciser la sécurité et la tolérance de la molécule.

Ensuite, la Phase 2 s’intéresse davantage à l’efficacité et définit la dose optimale, souvent sur quelques centaines de patients. Enfin, la Phase 3 compare le nouveau traitement à la thérapie de référence sur un échantillon plus large de patients (parfois plusieurs milliers). C’est généralement à l’issue de la Phase 3 qu’une demande d’autorisation de mise sur le marché (AMM) est déposée.

Dans le cas de MQI-201, le calendrier prévoit un démarrage de la Phase 1a début 2027. De nombreuses étapes réglementaires et scientifiques séparent encore ce candidat d’une éventuelle mise à disposition sur ordonnance. Cependant, l’avance technologique de Mabqi sur les anticorps pH-sensibles peut accélérer la validation des données, notamment grâce à l’appui financier et institutionnel de Bpifrance.

Clarification : First-in-class et Best-in-class

First-in-class désigne une molécule qui inaugure une nouvelle catégorie thérapeutique. À l’inverse, Best-in-class qualifie un traitement amélioré par rapport à des médicaments déjà existants, parfois en minimisant des effets secondaires ou en optimisant la posologie. MQI-201 s’inscrit dans la première catégorie : il n’existe aucun équivalent commercialisé qui cible spécifiquement TRPV6 de manière pH-sensible.

Qui est Mabqi ? Parcours et ambitions

Fondée en 2017, Mabqi s’est forgé une réputation en tant que spécialiste de la découverte d’anticorps humains. Ses fondateurs, issus d’un parcours académique et entrepreneurial, ont misé sur une librairie synthétique de plusieurs milliards d’anticorps pour détecter rapidement les plus aptes à cibler des protéines d’intérêt thérapeutique. Le recours à l’intelligence artificielle accélère l’identification des anticorps pertinents, réduisant considérablement les délais de développement.

Au fil des ans, la biotech a tissé des partenariats avec des laboratoires universitaires et des sociétés de transfert de technologies, dont la SATT Nord. Cette collaboration a permis de valider expérimentalement l’anticorps MQI-201 et d’en attester la performance dans divers modèles. Cette approche collaborative reflète la philosophie de Mabqi : associer compétences privées et expertise académique pour maximiser les retombées scientifiques et industrielles.

En matière de financement, la jeune pousse a déjà bénéficié de différents leviers, y compris des aides régionales et nationales. Toutefois, l’investissement consenti via France 2030 demeure l’un des plus conséquents, positionnant la structure comme un acteur majeur de la biotech française. L’un de ses objectifs affichés est de proposer deux nouveaux candidats médicaments par an, grâce à une plateforme évolutive et à un pipeline diversifié.

L’importance d’une filière française de bioproduction

Le débat autour de la filière de bioproduction en France ne date pas d’hier. Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs s’accordent sur la nécessité de rapatrier ou de renforcer la production de traitements sur le sol national. Les motivations sont multiples : sécurité d’approvisionnement, création d’emplois hautement qualifiés et valorisation de la recherche locale.

Avec Mabqi, la France ajoute une pièce maîtresse à son puzzle industriel. En se dotant d’une capacité à produire rapidement des lots cliniques, la biotech facilite l’accélération de futurs essais. Au-delà du seul cas de MQI-201, cette infrastructure pourrait servir à d’autres projets anticancéreux, voire à des traitements dans d’autres aires thérapeutiques. Si la course à l’innovation est internationale, la France entend bien y tenir son rang, soutenue par des partenariats publics-privés solides.

L’immunothérapie stimule ou modifie le système immunitaire du patient pour qu’il reconnaisse et élimine les cellules cancéreuses. La chimiothérapie, quant à elle, attaque directement toutes les cellules à multiplication rapide, sans forcément distinguer la tumeur des tissus sains. L’immunothérapie vise donc un ciblage plus spécifique, avec potentiellement moins d’effets secondaires.

Vers d’autres indications thérapeutiques

Le cancer de la prostate n’est qu’une première étape pour Mabqi. La société envisage d’étendre l’utilisation de MQI-201 ou de décliner son approche pH-sensible à d’autres tumeurs solides. Parmi les orientations futures, on évoque les cancers du pancréas et de l’ovaire, tous deux associés à un besoin médical critique. Les mécanismes biologiques qui sous-tendent ces tumeurs peuvent, en effet, présenter des similitudes avec la prostate.

La sélection d’anticorps inédits a déjà permis la constitution d’un portefeuille de six anticorps propriétaires en cours de développement. Deux d’entre eux font l’objet d’un développement interne, tandis que quatre autres pourraient être codéveloppés ou licenciés auprès de grands groupes pharmaceutiques. Cette stratégie s’appuie sur un modèle de collaboration qui enrichit l’expertise scientifique, tout en répartissant les risques financiers.

D’un point de vue plus large, cette diversification participe à l’effort global de la médecine de précision. En s’adaptant à l’environnement spécifique de chaque tumeur, les traitements futurs pourraient offrir des réponses thérapeutiques mieux tolérées et plus efficaces, ce qui améliorerait notablement la survie et la qualité de vie des patients.

Analyses et perspectives pour la biotech française

Sur le plan économique, le marché mondial des anticorps thérapeutiques est en constante croissance, stimulé par la progression démographique, l’incidence croissante des pathologies oncologiques et la demande d’innovations ciblées. Pour la France, l’enjeu est de capter une partie de cette croissance en soutenant des entreprises à fort potentiel technologique. Les autorités publiques l’ont bien compris en attribuant des financements sélectifs aux acteurs les plus prometteurs.

Mabqi illustre précisément cet élan. Le choix de miser sur la sélectivité pH-sensible positionne la société comme une pionnière dans le secteur, un statut souvent valorisé lors des négociations commerciales ou partenariats industriels. Parallèlement, la consolidation de la filière passe par la mutualisation des ressources et l’émergence de pôles de compétitivité autour de la bioproduction. L’exemple de Mabqi pourrait inciter d’autres acteurs à s’engager dans des projets semblables, stimulés par l’opportunité de bénéficier du plan France 2030.

Du point de vue des investisseurs, la réussite de Mabqi enverrait un signal positif quant à la dynamique de l’innovation dans l’Hexagone. À long terme, ce cercle vertueux contribuerait à développer une industrie pharmaceutique compétitive, capable de rivaliser avec les grandes puissances, notamment les États-Unis et la Chine. La France, qui investit massivement pour sécuriser et moderniser sa production de médicaments, peut tabler sur ce type de « success story » pour renforcer sa place sur la scène mondiale.

Un rôle crucial pour Bpifrance et le plan France 2030

En tant que bras armé de l’État pour le financement des entreprises, Bpifrance joue un rôle essentiel dans la mise en œuvre de France 2030. Sa mission : repérer les pépites technologiques françaises, les accompagner financièrement et leur offrir un écosystème favorable à la croissance. Dans le domaine des biotechnologies, ce soutien est souvent décisif, compte tenu des investissements colossaux nécessaires pour passer des phases précliniques aux essais cliniques.

De son côté, Mabqi bénéficie non seulement d’un soutien financier, mais aussi d’un accès potentiel à un réseau d’experts et de partenaires. L’accompagnement de Bpifrance dépasse souvent la simple contribution monétaire : il inclut des dispositifs de conseil, des formations et des mises en relation avec des laboratoires ou d’autres start-up complémentaires. Cette dynamique collaborative offre une véritable rampe de lancement pour des projets ambitieux, tels que celui de l’anticorps MQI-201.

Par ailleurs, le mécanisme mis en place par l’appel à projets « Innovations en Biothérapies et Bioproduction » fait la démonstration de l’utilité d’une démarche pilotée par l’État. En ciblant précisément les axes stratégiques de la santé et de la bioproduction, ce programme garantit que le financement aille à des projets structurants, ayant une résonance forte tant sur la recherche que sur le tissu industriel français.

Regards sur le traitement anticancéreux

Alors que Mabqi se prépare à lancer ses études cliniques d’ici deux ans, l’enjeu pour la biotech est de transformer ce soutien financier en réussite scientifique et commerciale. Un tel aboutissement créerait un cercle vertueux : retour sur investissement pour les financeurs publics, création d’emplois qualifiés dans la R&D et amélioration concrète de la prise en charge des patients souffrant de cancers agressifs.

Au regard de la demande mondiale en immunothérapies, la carte que joue Mabqi est particulièrement audacieuse, mais aussi très pertinente. L’adoption de technologies de pointe (pH-sensibilité, IA, phage display, yeast display) souligne l’excellence de la recherche française. À l’échelle de l’Union européenne, le succès d’une telle approche pourrait inspirer de nouveaux partenariats transnationaux et renforcer la souveraineté sanitaire du continent.

Avec la volonté de présenter deux nouveaux candidats médicaments chaque année, Mabqi affiche une ambition soutenue par une solide maîtrise technologique. Cette cadence, peu commune dans le secteur, traduit la capacité de l’entreprise à industrialiser le processus de découverte. Dans un avenir proche, l’émergence de plusieurs produits phares serait de nature à consolider la filière biotechnologique tricolore, tout en proposant de nouveaux espoirs thérapeutiques aux patients.

Avec la plateforme Mabqi et le soutien de France 2030, c’est la perspective d’une recherche anticancéreuse plus pointue et mieux armée qui se dessine en France.