Ils étaient trois, dans un petit bureau parisien, à vouloir changer la donne dans le secteur de la construction.

Et c’est aujourd’hui, avec plus de 1 000 entreprises clientes et 20 000 utilisateurs, qu’ils confirment l’ambition initiale : moderniser le BTP en misant sur la simplicité digitale.

L’ascension de Kraaft est désormais propulsée par une levée de fonds de 13 millions d’euros.

Une nouvelle impulsion pour le numérique dans la construction

Le secteur de la construction en France, avec ses 1,6 million de professionnels, est souvent présenté comme en retard sur le plan digital. Les investissements IT ne dépassent généralement pas 1 à 2 % du chiffre d’affaires dans le BTP. Cette situation, liée à la forte prédominance d’activités sur le terrain et à une culture historique du papier, laisse une opportunité énorme pour les entreprises qui veulent innover, simplifier la coordination des chantiers et améliorer la productivité.

Dans ce contexte, Kraaft a émergé en 2020, fondée par Marc Nègre, Cédric Boidin et Thomas Reygagne. En seulement quelques années, la jeune pousse a réussi à rendre plus fluides les échanges entre collaborateurs, chefs de chantiers et bureaux d’études, grâce à une application qui s’inspire de la spontanéité de WhatsApp tout en proposant des fonctionnalités puissantes (géolocalisation, traitement documentaire, intégrations avancées, etc.).

La pandémie a joué un rôle d’accélérateur : dans un secteur qui a dû s’adapter rapidement, la nécessité de dématérialiser et de centraliser les informations est devenue plus criante. Résultat : la croissance de Kraaft s’est envolée, passant en deux ans d’une poignée d’entreprises utilisatrices à plus de 1 000 clients, générant chaque mois plus de 1 million de messages échangés sur sa plateforme.

Des fonctionnalités pensées pour le terrain

Au-delà de la simple messagerie, Kraaft s’est rapidement distinguée en mettant en place un ensemble de fonctionnalités adaptées aux chantiers. Il est désormais possible de classer les photos par chantier, de géo-localiser et d’horodater chaque cliché, et de gérer des fichiers critiques (plans, DICT, arrêtés, etc.) directement depuis un dossier de chantier digital. L’idée est de remplacer progressivement l’usage du papier par des formulaires numériques, le tout en restant très intuitif pour l’utilisateur.

Lorsque l’on sait que la productivité d’un chantier dépend souvent de la qualité des informations transmises entre les équipes, on comprend mieux pourquoi Kraaft est baptisé le « WhatsApp des chantiers ». L’objectif ? Minimiser les frictions dans la communication et favoriser l’échange d’informations en temps réel. À la clé, un gain de temps considérable pour les conducteurs de travaux qui, selon les données internes de Kraaft, peuvent économiser jusqu’à plusieurs heures par semaine en évitant les allers-retours inutiles.

Avec la fonction de génération de rapports (PDF, Excel, Word), Kraaft permet de créer et de personnaliser différents types de documents : PV de réception, rapports de traçabilité des déchets, marquage-piquetage… Les utilisateurs peuvent même configurer leurs propres workflows grâce à l’IA intégrée, afin d’automatiser la collecte de données.

En 2023, la plateforme a déjà démontré son efficacité auprès de différentes tailles d’entreprises : des géants comme SAUR, SPIE CityNetworks et Ramery, mais aussi des sous-traitants et PME locales qui cherchent à moderniser leurs processus. Cette diversification du portefeuille clients conforte l’ambition de Kraaft : être à la fois accessible pour les plus petits acteurs et solide pour les majors du BTP.

Un tour de table stratégique de 13 millions d’euros

Le marché de la construction se trouve à un tournant : pour accélérer cette transformation, Kraaft a annoncé, il y a quelques jours, avoir bouclé une levée de fonds de 13 millions d’euros en série A. Mené par Dawn Capital, ce tour de table inclut également d’autres acteurs de référence, tels que Brick & Mortar Ventures, Chalfen Ventures, Stride VC et OSS Ventures. L’enthousiasme de ces investisseurs s’explique par le potentiel de croissance de la startup et la solidité de son business model : la jeune pousse se finance principalement via des abonnements annuels de ses clients.

Selon les dirigeants, l’objectif premier de cette somme est de consolider le développement produit et d’accentuer la présence de l’entreprise sur deux marchés européens clés : l’Allemagne et le Royaume-Uni. Par ailleurs, Kraaft prévoit de renforcer ses équipes de support client et de R&D. Cet investissement représente une opportunité de consolider les briques logicielles actuelles (messagerie, gestion documentaire, géolocalisation) et d’enrichir l’offre, notamment en matière de planification et d’IA.

Le démarrage de cette expansion est prévu dès 2025, avec la mise en place d’un outil de planning de chantier et le lancement de nouvelles API pour connecter plus étroitement Kraaft à d’autres écosystèmes logiciels (Procore, ERP spécifiques, etc.). Cette interopérabilité accrue pourrait apporter une réponse concrète à la fragmentation numérique dont souffrent encore de nombreuses entreprises de BTP.

Bon à savoir : la Série A et son rôle clé

La Série A est la première véritable levée de fonds significative pour une startup. Elle intervient en général après une phase d’amorçage et permet d’accroître le produit, l’effectif et la notoriété à un niveau national, voire international.

Analyse financière : un pari mesuré sur le BTP

D’un point de vue financier, cette levée de 13 millions d’euros s’inscrit dans un climat relativement porteur pour les solutions SaaS en France, malgré certaines tensions sur les marchés de capitaux. Les investisseurs voient dans la construction un gisement de création de valeur, notamment grâce à la marge de progression technologique encore conséquente.

Pour Kraaft, la nouvelle manne financière doit non seulement soutenir la croissance à l’international mais également renforcer le capital humain. L’équipe, actuellement composée d’une trentaine de collaborateurs, pourrait doubler ou tripler dans les deux prochaines années. Cette augmentation d’effectifs servira à développer l’ingénierie logicielle, le service client, la partie commerciale mais aussi la veille juridique (pour rester conforme aux normes internationales en matière de protection des données et de sécurité). Les startups opérant dans l’Hexagone sont de plus en plus conscientes de l’importance du cadre légal, notamment autour du RGPD, et doivent s’assurer que tout partage de documents ou de photos soit sécurisé et conforme.

La Réglementation Générale sur la Protection des Données (RGPD) impose des règles strictes aux entreprises traitant des données personnelles, y compris dans les photos de chantiers où des personnes peuvent apparaître. Kraaft a mis en place un dispositif de protection et de gestion des consentements pour éviter toute fuite ou réutilisation indue.

L’importance de l’IA « responsable » dans le BTP

Le secteur du BTP a parfois manifesté une certaine réticence vis-à-vis des outils technologiques avancés. L’une des craintes concerne l’intelligence artificielle : automatiser davantage de tâches pourrait déstabiliser des métiers qui reposent énormément sur l’expérience terrain et la connaissance manuelle. C’est pourquoi Kraaft insiste sur le fait de proposer une IA “responsable”, avant tout destinée à faciliter la vie des professionnels, et non à les remplacer.

Concrètement, cette IA analyse les échanges et les pièces jointes (photos, rapports) pour pré-remplir certaines informations, classer automatiquement des contenus ou alerter sur des incohérences (par exemple, un plan non conforme à la réalité géographique). Le gain de temps, selon la startup, est estimé à 15 % d’amélioration dans la gestion des ordres de modification depuis 2023. À plus long terme, Kraaft veut que sa solution devienne un allié incontournable des conducteurs de travaux, assistant à la prise de décision plutôt qu’une entité la dictant.

Un levier de compétitivité

L’adoption d’une IA dans le BTP, couplée à une plateforme digitale robuste, peut diminuer significativement les erreurs de planning, réduire les coûts de reprise de travaux et améliorer la fiabilité des suivis de chantier.

Zoom sur la genèse et l’évolution de Kraaft

Si l’aventure Kraaft connaît une montée en puissance si rapide, c’est en partie grâce à la complémentarité des trois fondateurs. En 2017, alors qu’ils travaillaient dans des environnements industriels, ils ont identifié un problème récurrent : le manque de centralisation et l’incohérence des documents relatifs à un même chantier. L’idée a alors germé : pourquoi ne pas créer une application capable de rassembler, en un seul espace, l’ensemble des données et conversations liées à un projet de construction ?

L’appellation “messagerie enrichie” s’est imposée d’elle-même, tant la philosophie de la startup est de privilégier une interface simple, inspirée des réseaux sociaux que tout le monde connaît déjà, tout en offrant des fonctionnalités spécifiques au BTP. Rapidement, la solution a été testée sur quelques usines, avant de trouver un débouché massif en 2020-2021, quand les chantiers ont commencé à chercher des outils de communication à distance suite aux difficultés d’accès physique générées par la pandémie.

En 2022, Kraaft comptait déjà plusieurs centaines de clients. La renommée n’a cessé de grimper au sein d’un écosystème où la recommandation de pair à pair est capitale. Aujourd’hui, la plateforme revendique la gestion de 230 000 chantiers en cumulé.

La Société par Actions Simplifiée (SAS) est un statut juridique français particulièrement apprécié des startups, car il offre une grande flexibilité de gouvernance et facilite l’entrée d’investisseurs au capital. KRAAFT SAS respecte cette structure, avec un capital social et des actionnaires variés, permettant des levées de fonds plus aisées.

Retour sur la stratégie de développement

Les ambitions de Kraaft s’articulent autour de trois axes majeurs : la simplicité d’utilisation, l’intégration fluide dans les écosystèmes existants et l’expansion internationale. Ce dernier point est particulièrement stratégique pour une entreprise qui entend se positionner comme un leader européen. L’Allemagne et le Royaume-Uni, annoncés comme premiers marchés de conquête, partagent avec la France un tissu de PME de BTP dynamiques, mais souvent freiné par une digitalisation laborieuse.

Pour conquérir ces marchés, la startup parisienne a déjà préparé des collaborations avec des distributeurs et des partenaires locaux. Elle prévoit aussi de recruter des équipes sur place afin de proposer un support client dans la langue du pays, gage de proximité culturelle et de réactivité. Cette stratégie de proximité a fait ses preuves en France : outre un service après-vente efficace, Kraaft organise régulièrement des sessions de formation et d’échanges de bonnes pratiques entre les utilisateurs.

Bon à savoir : l’essor des outils de chantier connectés

Selon une étude menée en 2022, près de 45% des entreprises du BTP en France ont déjà investi dans une plateforme collaborative ou de la documentation numérique. Les bénéfices s’articulent souvent autour du gain de productivité et de la réduction du taux d’erreurs.

Les défis du marché : concurrence et exigences légales

Bien que Kraaft soit présenté comme un outil assez unique — surnommé le “WhatsApp des chantiers” —, la concurrence n’est pas inexistante. Des plateformes comme Procore, par exemple, offrent des suites logicielles dédiées au pilotage de projets de construction. D’autres applications de messagerie tentent également de se spécialiser sur certains segments (suivi du personnel, reporting automatisé, etc.). Toutefois, la facilité d’usage et l’approche modulaire restent les atouts majeurs de Kraaft, qui s’est distinguée en développant des liens forts entre la documentation, la gestion des photos et la messagerie instantanée.

Sur le plan légal, opérer dans le BTP implique de se conformer aux règles de sécurité, de confidentialité et de conservation des données. Les chantiers manipulent en effet des documents sensibles, liés à la topographie, à la sécurité du personnel et parfois aux infrastructures stratégiques (voies ferrées, canalisations, etc.). Kraaft a choisi d’héberger ses données en France et de mettre en place un ensemble de politiques de protection (chiffrement, protocoles de sauvegarde, etc.) afin de répondre aux demandes de ses clients grands comptes. Une cellule de veille réglementaire est d’ailleurs chargée de monitorer l’évolution des cadres législatifs, en particulier pour la future expansion à l’étranger.

L’impact financier concret pour les entreprises clientes

Les arguments avancés par Kraaft pour convaincre les équipes de direction vont au-delà de la simple amélioration de la communication. L’un des points centraux concerne la rationalisation des coûts : en limitant les erreurs, en améliorant la traçabilité et en réduisant le recours à la paperasse, les chantiers peuvent gagner en efficacité. Un chantier mieux documenté et mieux piloté se traduit souvent par une baisse du taux de malfaçons et un meilleur respect des délais, deux facteurs déterminants sur le plan financier.

Par ailleurs, la startup met en avant la fidélisation des clients, notamment ceux qui sont sensibles à une image de modernité. De nombreuses collectivités publiques, responsables de travaux d’infrastructures, apprécient la transparence qu’offre un outil permettant de suivre en temps réel l’avancement des opérations. Pour les prestataires, cela se traduit par des contrats récurrents et un bouche-à-oreille positif.

Selon les fondateurs, le Retour sur Investissement (ROI) s’évalue en cumulant le temps gagné grâce à l’automatisation, la réduction des litiges (grâce aux preuves photographiques horodatées) et l’amélioration de la synchronisation des équipes. Le résultat varie en fonction de la taille de l’entreprise, mais peut atteindre jusqu’à 10 fois la mise initiale.

Un soutien grandissant sur les réseaux

La récente annonce de la levée de fonds a été relayée largement sur les réseaux professionnels. Sur LinkedIn, l’un des cofondateurs a partagé la fierté de voir la solution utilisée par plus de 1 000 entreprises et 20 000 utilisateurs. Cette communication a permis de mettre en lumière les prochaines évolutions : un planning de chantier prévu pour mai 2025, des API pour favoriser les interconnexions, une IA “responsable” et un déploiement accéléré en Allemagne et au Royaume-Uni, sans oublier un renforcement de la sécurité informatique.

Ce plan de route ambitieux semble faire écho à la mobilisation du secteur. En effet, le BTP représente un marché colossal en France, et les chantiers se multiplient face aux enjeux de transition énergétique et de rénovation des infrastructures. La course à la performance et au respect des normes environnementales pousse les maîtres d’ouvrage à exiger des partenaires plus agiles et mieux équipés. Kraaft, avec son image d’outil “simple à prendre en main”, compte bien profiter de cette tendance de fond.

Un accompagnement personnalisé pour chaque utilisateur

Derrière ce produit très orienté “application mobile”, on trouve aussi un service support qui a fait sa réputation. Les équipes de Kraaft accompagnent les utilisateurs, surtout les chefs de chantiers, lors de la configuration initiale. Les formations se font en présentiel ou en visioconférence et l’assistance quotidienne est assurée par une hotline réactive. Le but affiché par la startup est de minimiser la courbe d’apprentissage pour que chacun s’approprie les fonctionnalités.

À titre d’exemple, un nouveau client peut être opérationnel en moins d’une journée : installation de l’appli, création des premiers chantiers, importation des documents, puis organisation de l’équipe projet. Cette simplicité reste un argument clé face à des solutions plus complexes ou qui demandent une longue phase de paramétrage.

Qu’en disent les professionnels du droit et de la finance ?

Les experts financiers soulignent l’importance de cette opération de série A. Elle positionne Kraaft comme un acteur solide sur le marché de la ConTech (Technologies pour la construction). Au niveau légal, certains avocats spécialisés notent que la mise à l’échelle (scale-up) implique souvent des questions de gouvernance : l’entrée de plusieurs fonds d’investissement nécessite une organisation plus rigoureuse du capital et une définition claire des droits et obligations de chaque actionnaire.

En parallèle, la gestion des données personnelles et la conformité restent un sujet de préoccupation. Les chantiers générant de nombreuses photos et documents, Kraaft s’est dotée d’outils de pilotage rigoureux pour assurer la traçabilité et la conservation de ces données. Cette approche rassure les investisseurs, conscients que tout manquement aux réglementations européennes peut avoir des conséquences juridiques et financières importantes.

Vers une intégration totale avec des partenaires tiers

L’un des grands défis de Kraaft pour les prochains mois réside dans l’ouverture de ses API à des applications externes : la volonté est de créer un écosystème complet où la messagerie s’interface avec des logiciels de dessin (plans), des solutions de ressources humaines (suivi du personnel) ou encore des outils de comptabilité (facturation, achats). L’objectif à terme est de permettre aux entreprises de gérer toutes les étapes de la vie d’un chantier – de sa conception à sa finalisation – via un écosystème cohérent et automatisé.

Cette capacité d’intégration est souvent un critère de choix pour les gros clients, qui doivent jongler avec différents logiciels. Selon des sources internes, Kraaft serait déjà en discussion avec plusieurs éditeurs pour développer des connecteurs natifs. L’accent est mis sur la convivialité : même ces plug-ins doivent respecter la signature “simple et rapide” de Kraaft.

Prochain arrêt : conquête européenne

Alors que la digitalisation du BTP n’en est encore qu’à ses prémices dans plusieurs pays, Kraaft se prépare à franchir les frontières. L’Allemagne, avec sa forte tradition industrielle et la rigueur de ses procédures, semble un terrain propice à l’adoption d’une messagerie augmentée capable d’harmoniser les processus. De même, le marché britannique, très friand de solutions SaaS, pourrait réserver un accueil favorable à une plateforme qui centralise et rationalise les échanges sur le terrain.

Sur ces marchés, le défi sera notamment de composer avec des législations spécifiques, surtout en matière d’import/export de données. Kraaft assure déjà héberger ses serveurs en Europe, ce qui facilite la conformité avec les standards européens, mais il lui faudra certainement adapter certains éléments de sa plateforme aux réalités locales (langue, pratiques professionnelles, normes de planification). La levée de fonds doit précisément permettre de financer ces développements, qu’ils soient techniques, légaux ou purement commerciaux.

Un horizon prometteur pour tout l’écosystème

Grâce à son positionnement astucieux, sa levée de fonds et ses projets de déploiement international, Kraaft se place en bonne voie pour devenir un acteur incontournable de la digitalisation des chantiers. Le soutien massif d’investisseurs reconnus, l’ambition de faciliter la planification (notamment dès 2025) et l’adoption rapide par une base d’utilisateurs déjà solide démontrent la pertinence de son modèle.

Au-delà de Kraaft, c’est tout l’écosystème ConTech français qui bénéficie d’un coup de projecteur. Les majors de la construction, tout comme les PME, commencent à comprendre qu’adopter des outils numériques n’est plus une option, mais une nécessité pour faire face à la complexité grandissante des projets et à la compétitivité accrue.

Cette évolution illustre l’émergence d’un BTP toujours plus connecté, où la technologie devient un véritable atout pour valoriser les expertises et accompagner la transition vers des chantiers plus productifs et plus sûrs.