Kering et L’Oréal : un accord stratégique majeur en beauté
Kering vend sa branche beauté à L’Oréal pour 4 milliards d'euros, renforçant sa position dans la mode et le luxe. Découvrez les détails clés.

À Paris, Kering se déleste de sa branche beauté pour 4 milliards d’euros et confie des licences de longue durée à L’Oréal. Nommé en juillet 2025 puis entré en fonction en septembre, Luca de Meo frappe vite, sans attendre son plan stratégique prévu début 2026. L’opération, annoncée le 19 octobre 2025, recentre Kering sur la mode et booste l’empreinte luxe de L’Oréal.
Accord L’Oréal et Kering : périmètre et calendrier 2026
Kering cède à L’Oréal l’intégralité de Kering Beauté pour un prix en numéraire de 4 milliards d’euros. L’actif phare est la Maison Creed, parfumeur de niche acquis en 2023 pour environ 3,5 milliards d’euros. Au-delà de la cession, l’opération sécurise des licences exclusives de 50 ans couvrant parfums et cosmétiques des maisons Gucci, Bottega Veneta et Balenciaga.
Le contrat prévoit un séquencement précis. Pour Gucci, la bascule interviendra en 2028, à l’issue de l’accord actuellement en vigueur chez Coty.
Pour Bottega Veneta et Balenciaga, l’exclusivité démarrera dès la finalisation de la transaction, ciblée au premier semestre 2026. Des redevances annuelles seront versées par L’Oréal à Kering au titre de l’usage des marques.
Selon les communications des deux groupes datées du 19 octobre 2025, le deal reste conditionné à l’aval des autorités de la concurrence. Sont explicitement exclues de ce périmètre des marques comme Yves Saint Laurent et Alexander McQueen, qui conservent leurs partenariats existants.
Paramètres contractuels et démarrage des licences
- Gucci : prise d’effet en 2028 à l’expiration de l’accord actuel chez Coty.
- Bottega Veneta et Balenciaga : activation à la clôture visée au 1er semestre 2026.
- Creed : marque vendue à L’Oréal, intégrée dès la finalisation.
- Redevances : versements annuels de L’Oréal à Kering sur la durée des licences.
Ce qu’il faut retenir du deal Kering – L’Oréal
Des points chiffrés clés et leur portée stratégique.
- 4 milliards d’euros en numéraire pour Kering Beauté, incluant Creed.
- Licences exclusives 50 ans sur Gucci, Bottega Veneta, Balenciaga.
- Activation en 2028 pour Gucci, 1er semestre 2026 pour les deux autres maisons.
- Redevances annuelles dues par L’Oréal à Kering.
- Accord soumis à l’approbation concurrence en UE et juridictions concernées.
Dans la beauté sous licence, le titulaire verse des redevances indexées sur le chiffre d’affaires net ou le volume des ventes. L’intérêt pour la maison de mode est double : monétiser l’équité de marque sans supporter la R&D, l’industrialisation et la distribution, tout en préservant un droit de regard sur la création et l’ADN.
Bourse de Paris : Kering bondit de 5 %, L’Oréal avance de 0,8 %
Lundi 20 octobre 2025, l’accueil est favorable à la Bourse de Paris. Kering prend +5 % à l’ouverture, prolongeant un rebond de 36 % depuis le début d’année. L’Oréal suit une pente plus mesurée à +0,8 % en matinée. L’AMF relève une hausse sensible des volumes, signe d’un intérêt accru des opérateurs.
La réaction s’inscrit dans un environnement plus contraint pour le luxe en 2024 et 2025, en particulier en Chine. Kering, dont le chiffre d’affaires a reculé de 11 % au premier semestre 2025, sécurise ici une injection de liquidités et un profil de risque allégé.
L’Oréal, lui, se projette sur l’extension de sa base d’actifs au sommet du segment prestige. Ces éléments ont été relayés par des médias économiques français le 19 et le 20 octobre 2025.
La vente non dilutive procure un cash immédiat qui peut réduire la dette nette. Sur le plan financier, cela soutient les ratios de couverture et libère de la capacité d’investissement sur les métiers cœur. Côté cash-flow, la baisse de l’intensité capitalistique en beauté limite le besoin en fonds de roulement spécifique à la catégorie.
Gouvernance : Luca de Meo accélère le désendettement chez Kering
Arrivé aux commandes à l’automne, Luca de Meo, ancien dirigeant de Renault, place le curseur sur les coûts et le bilan. Nommé en juillet 2025 puis effectif en septembre, il actionne ce premier levier majeur avant la présentation de sa stratégie en début 2026.
Selon le groupe, la dette nette de Kering atteignait 10,5 milliards d’euros fin 2024. La cession de 4 milliards d’euros contribue de façon tangible au désendettement et au recentrage sur la mode et les accessoires. Après une année 2024 compliquée, marquée par un repli de 16 % des ventes de Gucci et un chiffre d’affaires consolidé de 19,6 milliards d’euros en 2023, l’arbitrage de portefeuille clarifie les priorités.
La stratégie beauté lancée avec l’acquisition de Creed n’a pas atteint la masse critique souhaitée. Le repositionnement s’inspire notamment du précédent Yves Saint Laurent Beauté, sous licence L’Oréal depuis 2008 et cité comme cas d’école de montée en puissance par la presse économique française.
Qui est Luca de Meo : cap opérationnel et allocation du capital
Le dirigeant met en avant l’industrialisation et la discipline financière. Il résume l’ambition de l’accord ainsi : « En nous associant au leader mondial de la beauté, nous accélérerons considérablement le développement des fragrances et des cosmétiques pour nos plus grandes Maisons […] » a-t-il déclaré dans le communiqué commun du 19 octobre 2025. Objectif affiché : donner une taille critique aux catégories beauté tout en concentrant Kering sur ses marques de mode.
Dette nette et allocation de 4 milliards d’euros : éléments à surveiller
Lecture rapide des impacts financiers attendus chez Kering.
- Réduction mécanique de la dette nette à partir du produit de cession.
- Effet sur les ratios de levier et les charges d’intérêt à confirmer après clôture.
- Capacités renforcées pour investir dans la relance de Gucci et dans les accessoires.
- Maintien de flux de redevances grâce aux licences.
L’Oréal Luxe : renforcement avec Creed et licences Gucci, Bottega Veneta, Balenciaga
Avec un chiffre d’affaires de 41,2 milliards d’euros en 2024 et un poids de 38 % pour sa division Luxe, L’Oréal consolide son leadership. L’intégration de Creed, évaluée à environ 1 milliard d’euros de ventes annuelles, ajoute un actif premium aux côtés de maisons telles que Lancôme et Giorgio Armani. Les licences de très longue durée pour Gucci, Bottega Veneta et Balenciaga élargissent le pipeline de lancements.
« Ce partenariat renforcera encore notre position de numéro un mondial de la beauté de luxe et nous permettra d’explorer ensemble de nouvelles voies dans le domaine du bien-être », souligne Nicolas Hieronimus dans le même communiqué. L’Oréal peut compter sur une R&D musclée avec plus de 4 000 chercheurs et 1,3 milliard d’euros de budget en 2024, atouts décisifs pour optimiser les cycles d’innovation.
Creed, un actif premium pour la division Luxe
Le positionnement de Creed sur la parfumerie de niche apporte marge élevée, image de rareté et pricing power. La marque, déjà très rentable selon les observateurs du secteur, permet de combler la partie la plus premium du portefeuille, tout en offrant de belles perspectives d’extension de gamme maîtrisée.
Gucci, Bottega Veneta et Balenciaga : plan de montée en puissance
La licence Gucci ne démarrera qu’en 2028, le temps d’orchestrer la transition depuis Coty. Les performances actuelles de Gucci Beauté sont estimées autour de 500 millions d’euros par an.
Pour Bottega Veneta et Balenciaga, l’effet pourrait être plus rapide, avec une activation au 1er semestre 2026 dès la clôture, sous réserve d’autorisation réglementaire. La force de frappe industrielle et marketing de L’Oréal devrait favoriser la montée en échelle progressive.
Le maintien chez Coty jusqu’en 2028 permet de respecter les obligations contractuelles et de préparer la bascule. Pour L’Oréal, cela ouvre un ramp-up planifié des investissements, avec un lancement calibré des innovations et une reprise orchestrée de la distribution au moment du transfert.
Bien-être et longévité : la coentreprise au service de l’innovation
Au-delà des licences, Kering et L’Oréal prévoient une coentreprise à 50-50 dédiée au bien-être et à la longévité. Les contours opérationnels seront précisés en 2026. L’ambition consiste à croiser l’expertise scientifique de L’Oréal et l’expérience du luxe de Kering pour concevoir des produits et services haut de gamme à la frontière des cosmétiques et du wellness.
Les industriels évoquent un potentiel de synergies à long terme, avec des valorisations pouvant atteindre plusieurs centaines de millions d’euros d’ici 2030, des projections qualifiées de spéculatives à ce stade. Ce terrain d’innovation pourrait intégrer des soins anti-âge de nouvelle génération et des expériences expérientielles dans le retail de luxe.
Capacités d’innovation mobilisées
Atouts clefs pour accélérer sur le segment bien-être et longévité.
- R&D L’Oréal : plus de 4 000 chercheurs et 1,3 milliard d’euros de budget en 2024.
- Expertise luxe expérientiel de Kering pour concevoir des offres premium.
- Effet d’écosystème via les réseaux de distribution sélective et les flagships.
Autorisations des autorités de concurrence, clôture de la cession au 1er semestre 2026, précisions sur la gouvernance et le périmètre de la coentreprise. Les annonces sur la feuille de route bien-être et longévité sont attendues dans l’année 2026.
Chaîne de valeur en France : exportations et enjeux concurrentiels
Pour l’économie française, l’opération peut consolider une filière déjà très exportatrice. Les cosmétiques français ont généré 18 milliards d’euros d’exportations en 2024 selon l’INSEE. À terme, l’extension de l’offre luxe chez L’Oréal pourrait enrichir le portefeuille exportable, en particulier sur les marchés premium et les canaux de distribution sélective.
Sur le plan concurrentiel, l’accord reste soumis au feu vert des autorités. Les deux groupes ont précisé que le périmètre n’inclut pas Yves Saint Laurent ni Alexander McQueen, limitant la concentration au sein de leur relation commerciale.
Le calibrage des licences dans le temps, notamment celle de Gucci qui ne démarre qu’en 2028, étale la montée en puissance. En parallèle, L’Oréal poursuit d’autres axes de croissance, comme l’a illustré sa participation de 10 % annoncée en 2025 dans Galderma.
Concurrence : étapes réglementaires et périmètre
L’examen de l’opération par la Commission européenne et les autorités compétentes reste déterminant. Il portera sur la concentration dans la beauté sélective, l’impact sur la diversité des offres et la préservation d’une concurrence effective. En l’état, les groupes confirment le respect des contrats en vigueur et l’exclusion de marques non concernées par l’accord.
Lecture marché : pourquoi l’enthousiasme est mesuré chez L’Oréal
Le titre L’Oréal progresse moins vite que Kering car la création de valeur s’inscrira dans le temps. Les investisseurs arbitrent entre le coût d’acquisition, la montée en puissance progressive des licences et les gains attendus via la R&D et la distribution mondiale.
L’élargissement du portefeuille renforce toutefois son leadership, rappelé par Nicolas Hieronimus. Des médias nationaux ont souligné ces éléments dans leur couverture, citant des déclarations officielles des deux groupes publiées le 19 octobre 2025 (Le Monde, 20 octobre 2025).
Voix des dirigeants : cap sur la taille critique et la R&D
Les deux PDG convergent sur l’objectif. Luca de Meo met l’accent sur la taille critique des catégories beauté pour Gucci, Bottega Veneta et Balenciaga.
Nicolas Hieronimus insiste sur le renforcement du numéro un mondial de la beauté de luxe et sur l’exploration commune de nouvelles voies dans le bien-être. Cet alignement stratégique combine le prestige des marques de Kering et les capacités d’innovation de L’Oréal.
Sur les réseaux, l’alliance franco-française suscite de l’enthousiasme, souvent qualifiée de mariage stratégique entre mode et beauté. Des analystes rappellent néanmoins les risques réglementaires et la nécessité d’une exécution millimétrée, notamment la bascule de la licence Gucci en 2028 et la montée progressive des deux autres maisons dès 2026.
2026 en ligne de mire : recentrage et exécution
En cédant sa beauté, Kering clarifie son modèle et recharge sa puissance de feu financière en vue de relancer Gucci et de soutenir ses positions en mode et accessoires. L’Oréal, de son côté, densifie son aile luxe en ajoutant Creed et en verrouillant des licences de très longue durée, avec un effet étalé mais potentiellement significatif sur plusieurs années.
Le prochain rendez-vous se jouera au premier semestre 2026, entre approbations réglementaires, clôture et premières précisions sur la coentreprise bien-être, avant la bascule de Gucci en 2028.