Deux jours fériés appelés à devenir ouvrés en 2026. L’annonce, portée par l’exécutif le 15 juillet 2025, vise des économies rapides tout en doper l’activité. Au cœur du dispositif, une contribution versée par les entreprises pour capter le surcroît de production. Le patronat se déchire, les syndicats s’y opposent, et les secteurs de services se préparent à un choc d’organisation.

Deux jours fériés transformés en jours travaillés: objectifs, calendrier et mécanique financière

Le gouvernement a mis sur la table une réforme ciblée: transformer le lundi de Pâques et le 8 mai en jours travaillés dès 2026, avec un objectif de 43,8 milliards d’euros d’économies à l’échelle du plan budgétaire pluriannuel et une contribution dédiée de 4,2 milliards d’euros attendue en 2026.

Cette contribution ne serait pas une taxe sur les ménages mais un prélèvement assis sur le gain d’activité des entreprises ces jours-là. L’intention affichée: réaligner le temps de travail tout en canalisant une partie du surplus de valeur vers le redressement des comptes publics. L’objectif macroéconomique annoncé est de ramener le déficit à 4,6 % du PIB en 2026 (annonces gouvernementales du 15 juillet 2025).

Le périmètre juridique reste à préciser. En pratique, l’entrée en vigueur nécessitera des textes d’application et des arbitrages sociaux: compensation salariale éventuelle, articulation avec les conventions collectives, et neutralisation des effets indésirables pour les TPE-PME. Les modalités de calcul de la contribution sont, à ce stade, orientées vers un mécanisme stable, uniforme et simple à administrer.

Métriques Valeur Évolution
Jours concernés Lundi de Pâques, 8 mai Passage en jours travaillés
Rendement de la contribution 4,2 Md€ en 2026 Objectif 2026
Économies publiques totales visées 43,8 Md€ Plan pluriannuel
Cible de déficit public 4,6 % du PIB Objectif 2026
Calendrier annoncé Mise en œuvre en 2026 Après texte de loi

Quels jours fériés restent inchangés

La proposition publiée par l’exécutif cible le lundi de Pâques et le 8 mai. Les autres jours fériés ne sont pas concernés à ce stade. D’éventuels ajustements, notamment pour l’Ascension ou la Pentecôte, ne sont pas d’actualité selon la communication officielle à la date de l’annonce.

Le dispositif envisagé se présente comme une contribution dédiée pour 2026 adossée au surcroît d’activité. L’administration cherche une assiette simple et peu coûteuse à recouvrer, idéalement via un canal existant de collecte. Les règles d’exemption pour très petites structures, établissements fermés par nature ces jours-là ou secteurs sous régime dérogatoire restent à arbitrer.

Patronat fragmenté: u2p en opposition frontale, medef et cpme pragmatiques

Le clivage est net. L’U2P, emmenée par Michel Picon, conteste l’intérêt économique d’un basculement de jours fériés vers des jours ouvrés dans une économie de services. L’organisation pointe un écueil simple: ouvrir un salon, un restaurant ou une boutique n’assure pas de clientèle additionnelle sans congés et sans flux touristiques structurés.

À l’inverse, le Medef voit dans la réforme un levier de richesse nationale, à condition que l’effort serve une trajectoire crédible de réduction de la dépense publique. Son porte-parole, Charles Znaty, rattache le sujet à la quantité de travail disponible en France et à la capacité de l’État à transformer ces recettes en réformes d’efficacité.

La CPME adopte une posture conditionnelle. Pour les PME, le sujet est d’abord opérationnel: gestion des plannings, compensation éventuelle, coûts RH et logistique familiale des salariés. Bernard Cohen-Hadad appelle à reconsidérer l’architecture des ponts, particulièrement au mois de mai, pour éviter une productivité hachée et des surcoûts de coordination.

Ce que changerait la contribution dédiée

Le gouvernement propose que la hausse d’activité se traduise par une contribution de 4,2 Md€ en 2026 affectée au budget. Les entreprises ne verseraient donc pas de salaire supplémentaire au titre du jour férié, mais participeraient, via ce prélèvement, à l’effort budgétaire. Reste à définir un mécanisme d’exonération ou d’atténuation pour les structures sans gain réel d’activité ces jours-là.

Services, tourisme, restauration: secteurs sous tension et risques collatéraux

Dans une économie française largement portée par les services, la suppression de jours fériés pose une question de demande plus que d’offre. Près de 80 % du PIB provient des services en 2024, avec un poids notable du tourisme, qui contribue à plus de 7 % du PIB et mobilise environ 2 millions d’emplois (Insee, 2024).

Les jours ciblés, le lundi de Pâques et le 8 mai, coïncident historiquement avec de forts pics d’activité pour l’hôtellerie-restauration et les sites de loisirs. Les acteurs du secteur redoutent que la transformation en jours ouvrés dilue la fréquentation, réduise le panier moyen et contraigne la marge, déjà sous pression par la hausse des coûts fixes et salariaux.

Restauration-hôtellerie: saisonnalité sous pression

Les professionnels soulignent un effet multiplicateur des ponts du printemps sur la fréquentation. Avec des taux d’occupation qui montent à 80-90 % dans les zones touristiques, le report pur et simple en jours travaillés pourrait couper la pointe de la demande, particulièrement pour la clientèle domestique et de proximité.

L’Umih exprime un risque tangible sur le chiffre d’affaires au printemps, dans une fourchette évoquée de 5 à 10 % de baisse sur ces périodes, même si les chiffrages consolidés restent à documenter sur la base des données 2025. Les professionnels craignent un effet durable sur la trésorerie de haute saison.

Commerce et proximité: le risque de demande atone

Pour l’U2P, la structure de l’économie locale renforce le risque d’un gain d’activité illusoire. Sans flux de clientèle supplémentaire, les petites entreprises, notamment les artisans et commerçants de centre-ville, risquent de faire face à des coûts fixes plus élevés pour un volume de ventes inchangé.

Un coiffeur ou un fleuriste peut ouvrir le lundi de Pâques. Mais si les familles n’organisent plus de séjours courts et si les villes ne concentrent pas d’événements, les carnets de rendez-vous restent vides. Un problème de demande solvable, non d’offre productive.

Les ponts concentrent les décisions d’achat: réservations d’hôtels, restauration, activités culturelles. Le temps de transport, couplé à une durée suffisante de séjour, augmente le ticket moyen. En supprimant le pont, la clientèle privilégie des sorties locales à faible dépense, phénomène dit d’effet ciseau pour l’hôtellerie-restauration qui conserve les coûts mais perd la pointe de chiffre d’affaires.

Temps travaillé et productivité: replacer le débat sur des données solides

Le cœur du débat est la quantité de travail mobilisée dans l’économie française. Les comparaisons internationales s’invitent naturellement, mais doivent être lues avec prudence. Les données de l’OCDE montrent que le volume horaire annuel par salarié en France se situe autour de la barre des 1 500 heures en ordre de grandeur, avec des variations selon les cycles et conventions.

La comparaison avec l’Allemagne est souvent convoquée à tort. En réalité, l’Allemagne affiche généralement un volume horaire moyen inférieur à la France selon les séries OCDE, du fait de temps partiels plus fréquents et d’une organisation différente du travail. La productivité horaire, elle, se joue sur d’autres leviers: qualification, capital, diffusion technologique, taille critique.

Transformer deux jours fériés en jours ouvrés agit sur le volume total d’heures. Mais l’effet sur la productivité horaire reste incertain. Dans l’industrie ou la logistique, l’impact peut être direct. Dans les services de proximité, l’output dépend d’une clientèle au rendez-vous. Une réforme du temps de travail ne porte ses fruits que si elle s’articule à la demande et aux goulots d’étranglement opérationnels.

  • Industrie et logistique: impact positif probable via lissage des cadences et optimisation des chaînes.
  • Services à la personne et commerces: effet conditionné à la présence d’une demande captée ces jours-là.
  • Tourisme et événementiel: risque de perte de pics de revenus, difficilement rattrapables sur d’autres dates.

Un jour férié chômé est, en principe, non travaillé sans perte de salaire, sauf exceptions légales et conventionnelles. Un jour férié travaillé implique des règles de compensation prévues par le Code du travail et les branches. Le dimanche répond à un régime spécifique, avec des dérogations sectorielles et territoriales. La réforme ne touche pas au repos dominical.

Exécution opérationnelle: écoles ouvertes, garde d’enfants et équilibres rh

Au-delà des principes, la capacité à faire travailler les salariés dépendra d’une logistique simple: ouverture des écoles et des services publics, transports adaptés, organisation du temps de travail sur la semaine. L’exécutif a indiqué vouloir maintenir l’ouverture des services publics ces jours-là pour lever l’obstacle de la garde d’enfants et fluidifier la reprise d’activité.

Côté entreprises, trois sujets dominent. D’abord, la planification des équipes pour lisser l’activité. Ensuite, la compensation en cas de conventions plus favorables aux salariés. Enfin, la communication client: si la demande est au rendez-vous, la réforme peut être un catalyseur; si elle ne l’est pas, le coût fixe pèse plus lourd.

Les organisations syndicales de salariés, ulcérées par des arbitrages perçus comme un allongement implicite de la durée travaillée sans bénéfice direct, promettent de batailler. Des négociations interprofessionnelles sont évoquées par l’exécutif pour trouver des équilibres: compensation salariale, souplesse sur les congés, clauses miroirs pour les TPE.

Points de vigilance pour les PME

À court terme, les PME devront tester: 1) la demande réelle sur ces deux dates, 2) l’optimisation des plannings pour éviter les creux d’activité, 3) l’ajustement des horaires d’ouverture, 4) l’alignement conventionnel et la gestion des heures supplémentaires, 5) la communication commerciale ciblée pour capter la clientèle locale.

Négociations et droit du travail: les leviers juridiques à activer d’ici 2026

La mise en œuvre passera par le Parlement, probablement via la loi de finances pour 2026 et, si nécessaire, des textes complémentaires pour sécuriser la contribution et sa trajectoire. Les entreprises, elles, devront se préparer à des ajustements dans le cadre des accords collectifs et des usages d’entreprise.

Ajustements attendus côté branches

Plusieurs branches devront clarifier la compensation en cas de travail un jour auparavant férié et chômé. Dans l’hôtellerie-restauration, le commerce et les services à la personne, les règles de majoration et de récupération font l’objet d’accords spécifiques. Une mise à jour coordonnée limiterait l’insécurité juridique.

Quelle place pour la négociation d’entreprise

La négociation de proximité peut prévoir des mécanismes alternatifs: récupération sous forme de jours, primes spécifiques, répartition des horaires sur la période. Les TPE, souvent dépourvues de délégués syndicaux, utiliseront plutôt l’outil de la consultation et les accords types de branche, afin d’éviter des contentieux sur le décompte des heures.

  • Volet légal: trajectoire de contribution, assiette et recouvrement.
  • Volet social: compensation et organisation du travail.
  • Volet opérationnel: coordination services publics et transports.

1) Cartographier l’activité attendue ces jours-là par point de vente, 2) ajuster les amplitudes horaires, 3) valider le cadre conventionnel et informer les équipes, 4) programmer la campagne commerciale locale, 5) mesurer en temps réel le trafic et adapter l’ouverture si la demande n’est pas au rendez-vous. L’objectif est de limiter l’effet ciseau coûts/recettes.

Ce que les dirigeants devront surveiller d’ici la loi de finances 2026

Le débat ne s’éteindra pas avec l’été. Trois signaux diront l’issue: la forme finale de la contribution des entreprises, le calendrier d’application pour 2026 et les éventuelles compensations salariales issues des négociations. Les entreprises les plus exposées sont celles dont l’activité est strictement tirée par les ponts et week-ends prolongés, en particulier l’hébergement, la restauration et le loisir familial.

Si le dispositif reste concentré sur deux jours fériés, l’impact macroéconomique pourrait être visible par la hausse des heures travaillées et d’un rendement budgétaire limité mais ciblé. Le risque sectoriel, lui, demeure: sans demande additionnelle, le surplus de coûts d’ouverture peut entamer les marges dans les services de proximité. Les arbitrages techniques du texte feront la différence entre une réforme productive et une réforme perçue comme purement comptable.

Au final, l’efficacité de la suppression de deux jours fériés tiendra à l’alignement entre trajectoire budgétaire, incitation à produire et réalité de la demande, condition sine qua non pour éviter qu’un effort de travail supplémentaire ne se change en coût net pour les services.