Wind bouscule les codes du capital-risque en France. Le gestionnaire ouvre aux particuliers un véhicule dédié aux technologies de défense et de souveraineté, avec un ticket minimal de 7 500 euros. En misant sur des solutions duales et stratégiques, l’initiative promet d’orienter une épargne souvent prudente vers des actifs réels, tout en assumant un discours clair sur les risques et l’illiquidité.

Wind ouvre aux particuliers un accès inédit aux technologies souveraines

Le nouveau véhicule de Wind, baptisé « Technologies souveraines », vise à rapprocher l’épargne des ménages des besoins d’innovation de l’économie réelle. Le positionnement est assumé : financer des sociétés liées à la défense et à la souveraineté, dans une logique duale, avec des cas d’usage civils et militaires.

Un seuil d’entrée à 7 500 euros permet à des investisseurs individuels d’accéder à une classe d’actifs historiquement réservée aux institutionnels, bien loin des tickets souvent exigés des limited partners. Cette démocratisation reste encadrée : allocation non cotée, horizon long et risques de perte en capital élevés.

Le périmètre d’investissement couvre deux piliers. D’une part, la défense, avec des priorités affichées sur les drones, le spatial, le maritime, le renseignement et la cybersécurité. D’autre part, la souveraineté, où l’accent est mis sur l’énergie, la santé, l’économie circulaire, l’intelligence artificielle et l’informatique quantique.

Cette stratégie répond à une réalité industrielle et géopolitique : l’Europe rehausse ses capacités militaires et logistiques, tandis que les chaînes de valeur stratégiques se reconfigurent. En France, la loi de programmation militaire 2024-2030 a acté un effort budgétaire inédit, confirmant un environnement porteur pour la base industrielle et technologique de défense.

Ce que recouvre la notion de technologies souveraines

En pratique, la souveraineté technologique vise à réduire les dépendances critiques dans des secteurs clés :

  • batteries et matériaux critiques, pour l’énergie et la mobilité ;
  • cloud et données, pour l’autonomie numérique ;
  • composants, capteurs et systèmes embarqués, pour les chaînes industrielles ;
  • cybersécurité, pour les infrastructures et services essentiels.

La logique est duale : ces briques sont utiles aux usages civils et à la défense, ce qui élargit le champ des débouchés et soutient la trajectoire de revenus des entreprises financées.

Métriques Valeur Évolution
Ticket minimal de souscription 7 500 € Nouveau seuil grand public
Hard cap par millésime 25 M€ Cadrage annuel annoncé
Taille cumulée visée sur plusieurs années 50 à 60 M€ Accumulation par millésimes
Nombre de lignes ciblées Environ 20 Approche diversifiée
Stades d’investissement Série A prioritaire, B et C opportunistes Échelonnement du risque
Thématiques Défense et souveraineté technologique Focalisation stratégique
Avantages fiscaux Selon véhicule et éligibilité Sous conditions réglementaires

Plusieurs cadres permettent une distribution au grand public :

  • ELTIF 2.0 : le cadre européen actualisé facilite l’accès des particuliers aux actifs de long terme et assouplit les contraintes de diversification, sous réserve d’un conseil en adéquation et d’une information renforcée.
  • FCPR grand public : certains Fonds Communs de Placement à Risques peuvent être distribués à des particuliers, notamment via l’assurance vie en unités de compte.
  • Unités de compte non cotées : contrats d’assurance vie ou PER proposant des supports privés, avec contraintes de liquidité et frais spécifiques.

Le choix du véhicule conditionne l’éligibilité fiscale, le profil de risques et le régime de liquidité du fonds.

Capitaux, cadence d’investissement et construction de portefeuille

Wind prévoit une levée annuelle pour ce compartiment, avec un hard cap fixé à 25 millions d’euros par millésime et une taille cumulée visée de 50 à 60 millions d’euros sur plusieurs années. La granularité par millésime permet de lisser les points d’entrée et d’adapter la thèse aux cycles technologiques.

La construction de portefeuille cible une vingtaine de participations. Le cœur d’allocation se situe en Série A, avec des tickets minoritaires en Séries B et C pour des actifs déjà dotés de preuves commerciales ou industrielles. Ce calibrage vise un équilibre entre potentiel de création de valeur et discipline de due diligence.

La logique d’exécution repose sur trois leviers :

  • technologies duales et marchés civils adressables ;
  • protection des actifs via brevets, savoir-faire et intégration système ;
  • clarté des débouchés, notamment via des contrats pilotes, des programmes publics ou des partenariats industriels.

La question des réserves de suivi est centrale en non coté : renforcer les tours ultérieurs, accompagner la mise à l’échelle et préserver la dilution lors des tours de croissance. Un fonds multi-millésimes peut aussi favoriser des co-investissements avec d’autres véhicules de la plateforme Wind ou des partenaires.

Série A : validation produit et premiers revenus. Risque élevé, mais pouvoir de négociation fort sur la valorisation.

Série B : passage à l’échelle industrielle ou commerciale, structuration des équipes et conformité accrue. Besoins en capital plus lourds.

Série C : accélération internationale, consolidation sectorielle, préparation d’exit. Visibilité accrue, prix d’entrée plus élevés.

Dans la defense tech, la maturité réglementaire et les certifications constituent souvent des jalons clés de valorisation.

Gouvernance d’investissement : le duo vandewalle - maizières et une thèse assumée

Pour porter ce véhicule, Thierry Vandewalle, cofondateur de Wind, défend une normalisation de l’investissement dans la défense : les technologies militaires ont historiquement tracté l’innovation et créent des retombées civiles massives. Il observe un retour d’un patriotisme économique chez les particuliers, désireux de contribuer à l’effort industriel national.

Anatole Maizières, arrivé chez Wind après plus de sept ans chez Swen Capital Partners, pilote le dispositif. Sa boussole : pas de transition durable sans maîtrise des chaînes critiques. Batteries et matériaux, cloud et données, composants sensibles : autant de dépendances que l’Europe doit réduire pour consolider sa compétitivité et son autonomie stratégiques.

Cette cohérence se reflète dans la grille d’analyse : priorité aux technologies durables et souveraines, traçabilité des chaînes d’approvisionnement, et garde-fous sur la gouvernance, la cybersécurité et la conformité export. L’approche doit concilier ambition industrielle et exigence ESG adaptée aux spécificités duales, un point souvent mal compris par les investisseurs généralistes.

Repères concrets de souveraineté en 2025

Quelques chantiers structurants pour la France et l’Europe :

  • énergie et stockage : maillons batteries, chimie des matériaux et recyclage ;
  • cloud et confiance numérique : hébergement certifié et chiffrement de bout en bout ;
  • spatial et observation : données souveraines, capteurs et traitement embarqué ;
  • cybersécurité industrielle : défense des réseaux, des usines et des infrastructures critiques.

L’ambition : bâtir des chaînes complètes de la R et D à la production, afin d’éviter les goulets d’étranglement au moment de l’industrialisation.

Le mouvement d’ouverture aux particuliers, un tournant validé par le marché

Dans les milieux financiers, la défense était encore récemment un angle mort. Les signaux convergent : la hausse des budgets européens, la réactivation de chaînes industrielles, et l’acceptabilité renforcée auprès des épargnants redessinent le périmètre de l’investissement thématique.

Wind s’inscrit dans cette dynamique en ouvrant une poche dédiée aux particuliers sur des thématiques drones, cybersécurité et autonomie énergétique, un positionnement rapporté par la presse économique spécialisée (Les Echos). L’angle dual est déterminant : l’innovation s’appuie sur de larges marchés civils, tout en répondant aux besoins de la base industrielle et technologique de défense.

Sur le plan macro, la loi de programmation militaire 2024-2030 fixe une capacité d’investissement renforcée sur sept ans. Côté européen, les instruments de financement de l’innovation et de la sécurité 2021-2027 sont activés et viennent irriguer les écosystèmes nationaux, des laboratoires jusqu’aux premiers contrats.

European Defence Fund (EDF) : budget pluriannuel proche de 8 milliards d’euros sur 2021-2027, finançant R et D, prototypage et projets collaboratifs dans la defense tech.

EDIRPA : instrument destiné aux achats conjoints de capacités de défense à court terme, lancé pour mutualiser et accélérer les commandes entre États membres.

ASAP : mécanisme d’accélération de la production de munitions adopté en 2023, visant à sécuriser les chaînes industrielles européennes face aux besoins accrus.

Ces outils n’investissent pas en fonds propres dans les startups, mais déclenchent des marchés et des coopérations industrielles qui améliorent la visibilité commerciale des jeunes pousses du secteur.

Fiscalité, adéquation produit et risques : ce que les particuliers doivent examiner

La promesse d’un accès aux technologies souveraines s’accompagne d’un devoir de clarté vis-à-vis des épargnants. Les fonds non cotés comportent un risque de perte en capital, une durée d’investissement longue et une liquidité limitée.

Sur la fiscalité, plusieurs voies existent selon le véhicule et sa distribution :

  • réduction d’impôt IR-PME : potentiellement mobilisable via certaines souscriptions au capital de PME, directement ou via des fonds, sous conditions d’éligibilité et de plafonds annuels ;
  • assurance vie : unités de compte non cotées, bénéficiant du cadre fiscal de l’enveloppe au-delà de huit ans ;
  • PEA-PME : principalement adapté aux titres de PME européennes, avec des cas limités pour des parts de fonds répondant à des critères stricts.

Avant de souscrire, il faut s’assurer de la bonne catégorisation MIFID, du profil de risque et de la lecture du DIC PRIIPs si le fonds y est soumis. Les frais d’entrée, frais de gestion et carried interest doivent être explicités, tout comme les règles d’évaluation des participations non cotées et la politique de suivi des tours.

Risques clés des fonds defense tech pour investisseurs particuliers

  • illiquidité : rachats non garantis et horizon de détention long ;
  • incertitude réglementaire : export, contrôle des investissements étrangers, conformité ITAR ou équivalents ;
  • dépendance aux budgets : décalages entre cycles politiques et cycles d’achat ;
  • risques technologiques : industrialisation, certifications, sécurité fonctionnelle ;
  • risque d’exécution : évolution des coûts, complexité des chaînes logistiques, accès aux talents.

La diversification et la discipline de sélection atténuent ces risques sans les éliminer.

  1. Lire la documentation réglementaire : règlement, DIC, note fiscale, politique de valorisation.
  2. Vérifier le véhicule juridique : ELTIF 2.0, FCPR grand public, unités de compte via assurance vie.
  3. Comprendre les frais tous inclus : entrée, gestion, performance, frais indirects.
  4. Évaluer l’horizon d’investissement et la liquidité : pas d’arbitrage rapide à attendre.
  5. Demander les exemples de pipeline et les critères d’exclusion sectoriels.
  6. Vérifier l’indépendance du comité d’investissement et les règles de conflits d’intérêts.

Ces points simples évitent les malentendus sur la nature longue et risquée du non coté.

Soutiens publics et cadres européens : un levier d’entraînement pour la base industrielle

La France a accru sa trajectoire budgétaire défense sur 2024-2030, un signal fort pour les donneurs d’ordre et les sous-traitants. Au niveau européen, les enveloppes 2021-2027 financent l’innovation, la sécurité intérieure et la coopération industrielle. Ces flux n’ont pas vocation à se substituer aux fonds en capital, mais améliorent la visibilité des débouchés.

Pour un gérant, la conjonction de subventions, commandes publiques, appels à projets et initiatives de normalisation technique réduit le risque commercial des technologies émergentes. Les entreprises capables d’adresser des marchés civils vastes tout en respectant les exigences militaires bénéficient d’un effet de levier opérationnel.

En miroir, la progression de l’acceptabilité ESG des technologies duales a fait bouger les lignes : plusieurs investisseurs révisent leurs politiques d’exclusion pour intégrer des projets orientés protection, résilience et sécurité, à condition que la gouvernance et l’usage final soient encadrés.

Effets les plus tangibles :

  • cofinancement R et D : extension de la piste de cash sans dilution ;
  • achats pilotes : validation marché et référence commerciale ;
  • effet d’entraînement : partenaires industriels, certification accélérée, standardisation.

Ces leviers peuvent réduire le coût du capital pour les startups et améliorer le timing des tours ultérieurs, à condition de maîtriser les exigences administratives et de conformité.

Pourquoi la défense et la souveraineté redeviennent un thème d’allocation stratégique

La reconfiguration des chaînes mondiales, la pression géopolitique et l’essor des cybermenaces repositionnent la défense et la souveraineté comme un thème d’allocation à part entière. L’investisseur y trouve des moteurs structurels : réindustrialisation, relocalisation, besoins d’infrastructures, numérisation sécurisée.

Côté valorisation, la défense tech reste moins corrélée au cycle publicitaire ou à la consommation. Les profils duals, en revanche, subissent deux contraintes : temps d’adoption plus longs et barrières réglementaires élevées. Les sorties peuvent prendre la forme de rachats industriels par des groupes européens ou d’IPO lorsque la visibilité des revenus est au rendez-vous.

Enfin, les épargnants français, traditionnellement prudents, arbitrent de plus en plus face à l’inflation et à l’érosion de la valeur réelle des placements sans risque. Un fonds thématique ouvert aux particuliers, adossé à une thèse industrielle claire, peut jouer un rôle d’allocation satellite dans un portefeuille diversifié, sans se substituer aux piliers liquides et prudents.

Trois points clés à retenir sur le fonds « Technologies souveraines »

  1. Démocratisation contrôlée : ticket d’entrée de 7 500 euros, information renforcée et horizon long.
  2. Cohérence stratégique : technologies duales, priorités défense et souveraineté, sélection axée sur l’industrialisation.
  3. Cadre d’exécution : levées annuelles, hard cap de 25 M€ par millésime, portefeuille d’environ 20 lignes.

La discipline d’investissement et la transparence sur les risques restent les conditions d’un alignement durable avec l’épargne des particuliers.

Ce que les particuliers doivent retenir pour 2025

Avec « Technologies souveraines », Wind propose une porte d’entrée exigeante vers une classe d’actifs en recomposition rapide. L’intention est claire : canaliser une part de l’épargne française vers la défense et la souveraineté, à travers des technologies à usages civils et militaires, en assumant le temps long et la volatilité des trajectoires.

Pour l’investisseur, l’intérêt se joue à deux niveaux : soutenir un effort industriel porteur pour la compétitivité nationale et européenne, et accéder à des relais de croissance souvent décorrélés des cycles de consommation. La clé restera la sélection et la gouvernance, c’est-à-dire tout ce qui, au-delà du thème, fait la performance durable d’un fonds non coté.

Au croisement de l’investissement thématique, de l’industrie et de la souveraineté, l’initiative de Wind entérine un changement d’époque : les particuliers peuvent désormais peser dans des chaînes critiques, à condition d’accepter le temps long et d’exiger une transparence exemplaire.