Hydroclimat accélère. La deeptech d’Aubagne boucle un tour de table de 2 millions d’euros pour muscler sa force de vente et ouvrir des marchés hors de France. L’entreprise, née dans la recherche, revendique une modélisation climatique fine et exploitable jusqu’en 2100, destinée aux acteurs qui doivent arbitrer aujourd’hui des investissements exposés aux aléas climatiques.

Financement de 2 millions d’euros : cap sur la commercialisation et l’export

Officialisée début juillet 2025, la première levée de fonds d’Hydroclimat atteint 2 millions d’euros. Le tour réunit le fonds CCR-F et Région Sud Investissement. Objectif déclaré : transformer une avance technologique issue des laboratoires en revenus récurrents, tout en activant un plan d’expansion internationale.

Fondée en 2019 par Magali Troin et Adrien Lambert, la société a développé une plateforme de données climatiques et hydrologiques à haute résolution. L’ADN reste scientifique, mais la cible évolue : ingénieries, assureurs, opérateurs d’infrastructures, foncières, énergéticiens et collectivités territoriales, tous confrontés à un durcissement du risque physique.

Les fonds levés soutiendront trois chantiers concrets : recrutement de profils commerciaux et partenariats, montée en capacité de calcul pour des simulations massives, et élargissement de l’offre autour des risques hydriques comme les nappes phréatiques et les précipitations extrêmes. Cette trajectoire traduit le passage d’une logique de projet à une logique de produit et plateforme, mieux adaptée aux déploiements multi-sites.

Qui finance Hydroclimat

CCR-F est un fonds d’impact lancé fin 2024 avec l’appui de la Caisse Centrale de Réassurance et opéré avec Starquest. Il vise des solutions de prévention et d’adaptation. Région Sud Investissement intervient en capital patient pour soutenir l’innovation et l’ancrage territorial dans le Sud. Le ticket combiné valide l’intérêt économique et l’utilité publique de la donnée climatique opérationnelle.

Métriques Valeur Évolution
Montant levé 2 M€ Première levée
Annonce début juillet 2025 n.a.
Investisseurs CCR-F, Région Sud Investissement Premier ticket de CCR-F
Résolution des données 30 mètres Stabilisée
Indicateurs disponibles 200+ En extension
Horizon temporel jusqu’en 2100 Constant
Modèles climatiques intégrés 20+ Évolutif
Positionnement data only (sans conseil) Confirmé

Ccr-f inaugure son portefeuille avec hydroclimat

Le tour de table signe le premier investissement de CCR-F. Ce fonds d’impact, lancé fin 2024, cible des innovations capables de réduire l’exposition aux catastrophes naturelles. En associant l’expertise d’un réassureur public et une gestion de capital-risque, la thèse est explicite : financer des outils qui abaissent la sinistralité sur la durée.

Pour le marché français, la dynamique est stratégique. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des aléas renchérit la couverture du risque.

La donnée de précision, contextualisée et interopérable, devient un intrant critique des politiques de prévention. À ce titre, l’entrée de CCR-F au capital nourrit un alignement d’intérêts entre investisseurs, assureurs et opérateurs qui doivent planifier l’adaptation sur plusieurs décennies.

Ccr-f : thèse d’investissement et gouvernance

Fonds à impact focalisé sur la résilience climatique, CCR-F privilégie des solutions applicables immédiatement par les territoires et les grandes organisations. L’implication de la Caisse Centrale de Réassurance réduit l’asymétrie d’information entre techs de modélisation et acteurs du risque. Elle facilite aussi l’accès aux cadres méthodologiques nécessaires pour standardiser les usages.

Les chiffres confirment l’urgence : les dommages assurés liés aux catastrophes naturelles en France ont atteint 2,17 milliards d’euros en 2024, avec une projection d’augmentation d’environ 60 % d’ici 2050 si rien n’est fait pour réduire l’exposition et la vulnérabilité des actifs physiques (données CCR 2024).

Un fonds à impact conditionne la création de valeur à des indicateurs mesurables hors pure performance financière. Pour Hydroclimat, cela peut impliquer des objectifs de diffusion d’outils de prévention, d’adoption dans les collectivités et de réduction du risque par segment d’actifs. À la clé : une discipline de reporting, et un alignement sur des usages utiles au marché.

Une plateforme de données à 30 mètres pour décider localement

Hydroclimat revendique une technologie de modélisation climatique et hydrologique générant plus de 200 indicateurs exploitables à l’échelle parcellaire, avec une résolution spatiale de 30 mètres. Le moteur s’appuie sur plus de 20 modèles climatiques harmonisés et corrigés, enrichis par des techniques d’intelligence artificielle pour traiter les biais entre sources et scénarios.

La plateforme couvre un spectre d’aléas étendu : sécheresses, submersions marines et fluviales, inondations, vents extrêmes, températures et retraits-gonflements des argiles. L’horizon temporel s’étire jusqu’en 2100, ce qui permet de simuler différents scénarios d’émissions et d’évaluer la sensibilité d’un portefeuille d’actifs sur le temps long.

Choix stratégique fort, l’entreprise se positionne sur un modèle data only. Elle fournit les données brutes qualifiées et leur documentation, mais n’opère pas de conseil ni de maîtrise d’œuvre. Les intégrateurs, bureaux d’études et directions techniques internes s’approprient la donnée pour flécher les investissements, dimensionner des ouvrages ou alimenter les reportings réglementaires.

Hydroclimat : concept et différenciation

Contrairement à des offres limitées à quelques modèles, Hydroclimat met l’accent sur la diversité de sources, la correction des biais et l’interopérabilité avec les outils des utilisateurs. La société avance une précision de 98 % sur ses prédictions, un niveau qui doit se comprendre au regard des limites propres à chaque aléa et à l’échelle d’analyse retenue.

Cette différenciation vise une adoption rapide par les métiers, qui souhaitent comparer des options d’investissement avec une granularité fine et des métriques homogènes d’un territoire à l’autre. Le choix de ne pas faire de conseil réduit le risque de conflit d’intérêts et clarifie la chaîne de valeur entre fournisseur de données et décideur.

Glossaire express des aléas couverts

RGA : retrait-gonflement des argiles, cause majeure de sinistres sur le bâti individuel. Submersion : débordement d’eau marine ou fluviale, aggravé par la hausse du niveau de la mer.

Sécheresse : déficit hydrique prolongé impactant les nappes et les sols. Vents extrêmes : rafales susceptibles d’endommager toitures et lignes. Précipitations extrêmes : épisodes orageux intenses à cinétique rapide.

Un score agrégé peut masquer des variations par aléa, par zone ou par période. La pertinence se juge sur des indicateurs opérationnels comme la fréquence, l’intensité et la durée, et sur la cohérence temporelle avec les scénarios climatiques. Pour l’acheteur, vérifier la traçabilité des modèles, l’incertitude statistique et les bornes d’usage est essentiel pour un déploiement industriel.

Références industrielles et cas d’usage métiers

Hydroclimat cite des références utilisateurs telles que SNCF, Vinci, Vicat, ESRI ou Elan. Les besoins sont convergents : objectiver une prise de décision en amont des projets et documenter les risques physiques à l’échelle d’un actif, d’une ligne ferroviaire, d’un parc immobilier ou d’un patrimoine communal.

Les cas d’usage typiques incluent l’évaluation de routes d’accès exposées aux crues, la priorisation des renforcements d’ouvrages, l’intégration dans des SIG pour cartographier les vulnérabilités, ou encore la définition de plans pluriannuels d’investissement intégrant l’évolution du climat. L’intérêt croît aussi côté assurance et réassurance, notamment pour affiner les référentiels de tarification.

Cas d’usage type chez un opérateur d’infrastructures

Un gestionnaire d’actifs linéaires peut croiser les cartes de précipitations extrêmes à 30 mètres et des données d’érosion pour hiérarchiser les tronçons sensibles. La donnée alimente ensuite une matrice de décision : coût de renforcement, criticité, alternatives de tracé, et délai de mise en œuvre. L’intérêt réside dans la comparabilité des sites et la traçabilité des hypothèses.

Esri : intégration et cartographie opérationnelle

L’interfaçage avec un SIG de référence comme ESRI permet d’industrialiser la diffusion des indicateurs climatiques vers les métiers. Les équipes terrain peuvent ainsi visualiser sur le même outil les aléas futurs, les contraintes réglementaires et les assets critiques, ce qui accélère la coordination entre ingénierie, achats et exploitation.

Le marché des climatetech de données : positionnement et différenciation

Le segment des plateformes de données climatiques s’intensifie. Les solutions se distinguent par l’horizon temporel ciblé, la résolution spatiale, la méthode de correction, la couverture géographique et l’ergonomie d’usage. Hydroclimat se positionne sur la précision locale et le temps long, avec un parti pris de séparation stricte entre donnée et conseil.

Des acteurs complémentaires ciblent des besoins distincts. Certains se focalisent sur la prévision à moyen terme pour des cas d’usage opérationnels comme la gestion du réseau, d’autres sur des scores de risque pour la finance durable. L’enjeu pour chaque entreprise est de prouver sa valeur incrémentale par rapport aux données publiques brutes, et sa capacité à soutenir des processus critiques chez les clients.

Celest science : stratégie et positionnement

La climatetech Celest Science a levé 2 millions d’euros en avril 2025 pour des prédictions climatiques à moyen terme. Ce positionnement illustre un angle différent, orienté vers l’opérationnel immédiat et l’optimisation de systèmes sensibles au climat. L’existence de ces offres spécialisées souligne la diversité des besoins, du temps réel au long terme, et conforte la pertinence d’approches complémentaires.

Au final, la différenciation d’Hydroclimat tient à la résolution locale, à la richesse des indicateurs et à l’interopérabilité avec les outils professionnels. La profondeur scientifique est un atout, à condition de s’accompagner d’une pédagogie et de contrats de service qui garantissent disponibilité, mises à jour et gouvernance de la donnée.

Politiques publiques et financements mobilisables en 2025

Cette levée s’inscrit dans un environnement public favorable à l’adaptation. Le Fonds vert 2025, doté de 1,15 milliard d’euros, finance des projets locaux de transition écologique. Les collectivités et leurs partenaires privés y trouvent un levier pour déployer des plans d’adaptation adossés à des données robustes.

Au niveau européen, la mission d’adaptation au sein d’Horizon Europe prévoit pour 2025 des appels totalisant 113,65 millions d’euros, dont un axe dédié à la modélisation et aux services climatiques avec des subventions pouvant couvrir jusqu’à 100 % des coûts éligibles selon les topics (programme Horizon Europe 2025). Des partenariats R&D peuvent consolider la crédibilité scientifique et étendre la présence en Europe.

Côté innovation, le programme French Tech 2030 accompagne des technologies à impact, dont les solutions climat. Même si Hydroclimat n’est pas listée parmi les lauréats 2023, son profil deeptech et l’utilité de ses cas d’usage la positionnent naturellement sur ces filières d’excellence. Par ailleurs, Bpifrance et les incubateurs régionaux ont soutenu la phase amont de R&D, facilitant le passage à l’échelle.

Calendrier 2025 des opportunités de financement

  1. Fonds vert 2025 : guichet ouvert pour les collectivités, projets d’adaptation et solutions d’aide à la décision.
  2. Horizon Europe Adaptation 2025 : appels dédiés à la modélisation, au déploiement de solutions et aux services climatiques.
  3. Programmes régionaux : cofinancements pour l’industrialisation, l’export et l’innovation, via les dispositifs de la Région Sud.

Ces guichets favorisent les consortiums public-privé capables d’industrialiser la donnée et d’outiller la décision sur le terrain.

Depuis l’exercice 2024, la CSRD élargit les obligations de reporting extra-financier. Les entreprises doivent expliciter leurs expositions aux risques physiques et de transition, leurs plans d’adaptation et des indicateurs de performance. Disposer de données auditables et traçables fluidifie la relation avec investisseurs, assureurs et autorités de marché, et réduit le coût de conformité.

Piloter l’exécution : gouvernance, embauches et nouveaux services

Aux commandes, Magali Troin, directrice générale, et Adrien Lambert, président et cofondateur, assument un héritage académique et la contrainte d’exécution commerciale. Le duo doit bâtir une organisation orientée clients, avec un dispositif de partenariats pour adresser des comptes complexes et des appels d’offres internationaux.

Les priorités opérationnelles sont claires. Premièrement, recruter des profils commerciaux capables de transformer l’essai technique en contrats pluriannuels.

Deuxièmement, renforcer l’outillage de production de données afin d’absorber des volumes croissants d’analyses sans dégrader la qualité. Troisièmement, enrichir la gamme sur les risques hydriques, avec un accent sur les niveaux de nappes et les épisodes pluvieux extrêmes.

Cette feuille de route s’inscrit dans un calendrier serré : viser le statut de référence européenne en trois ans, puis livrer à l’échelle mondiale dans cinq ans. Pour y parvenir, il faudra consolider une chaîne de valeur partenariale avec les cabinets d’ingénierie, les éditeurs de SIG et les intégrateurs qui transforment la donnée en plans d’actions opérationnels.

La qualité de service sera scrutée : SLA, mises à jour régulières, documentation des incertitudes et conformité méthodologique avec les cadres sectoriels. Un effort de pédagogie est attendu, notamment sur les limites d’usage, la comparaison entre scénarios et l’interprétation des intervalles de confiance.

Impact macro-économique : l’adaptation entre dans les arbitrages d’investissement

La trajectoire d’Hydroclimat éclaire une bascule de fond. L’adaptation devient un capex stratégique, au même titre que la décarbonation ou la performance énergétique. L’anticipation fiable des aléas sur l’actif et son environnement immédiat permet de réduire le coût total de possession, de sécuriser la disponibilité et de préserver la valeur de revente.

Sur les marchés financiers, l’évaluation du risque physique s’invite désormais dans les matrices ESG et dans la notation crédit. La donnée climatique granulée, traçable et interopérable est aussi un instrument de dialogue entre équipes finance, risques, achats et exploitation. Elle aligne la stratégie d’investissement, la couverture d’assurance et la politique de maintenance.

L’entrée d’un réassureur public via CCR-F dans une climatetech de données n’est pas anecdotique. Elle souligne que la prévention est le premier levier pour contenir la facture des sinistres. Et qu’à l’ère de la CSRD, la donnée n’est plus qu’un support d’étude, mais un actif de gestion à part entière.

Capacités techniques et exigences de marché : où se joue la différence

La valeur d’une plateforme de modélisation repose sur des fondamentaux techniques et sur l’expérience utilisateur. Côté technique : gestion d’un catalogue de modèles hétérogènes, correction des biais, downscaling, gestion des incertitudes et scalabilité du calcul. Côté utilisateur : documentation claire, API robustes, formats compatibles et facilité d’intégration dans des chaînes métiers.

Hydroclimat coche plusieurs cases avec sa résolution de 30 mètres, la multiplication des indicateurs et une interopérabilité affichée. Le défi devient commercial et sectoriel : adapter le contenu aux cas d’usage de l’assurance, des infrastructures, de l’immobilier ou de l’énergie. À chaque secteur, sa manière d’agréger les données et de convertir les résultats en décisions d’investissement.

Le choix du data only est cohérent mais exigeant. Il suppose un écosystème fort d’intégrateurs et de partenaires capables de créer de la valeur ajoutée sur la base des données. En contrepartie, il maximise la neutralité d’Hydroclimat et facilite l’adoption par des réseaux de conseil qui évitent ainsi les zones de concurrence avec le fournisseur de données.

L’histoire et le cap d’hydroclimat

Créée en 2019 et basée à Aubagne, Hydroclimat naît du croisement entre climatologie et sciences de la Terre. Le binôme fondateur, Magali Troin et Adrien Lambert, a structuré l’entreprise autour d’un noyau R&D solide et d’une vision très ancrée sur l’utilisabilité de la donnée par les métiers.

Après une phase nourrie par l’incubation et des soutiens publics à la R&D, le passage à l’échelle passe par une discipline commerciale et des standards de service. La société affiche une ambition claire : devenir un fournisseur de référence européen en données climatiques d’ici trois ans, puis se projeter à l’international sur un horizon de cinq ans.

Ce plan implique un pilotage précis des priorités produit et des relations partenaires. Il devra se traduire par des métriques tangibles : taux d’adoption dans les comptes clefs, rétention des clients au renouvellement, et capacité à garantir des délais de livraison en période de pic d’activité.

Ce que cette opération révèle des dynamiques du marché français

La levée d’Hydroclimat cristallise une inflexion : la résilience climatique n’est plus un supplément d’étude, elle devient une compétence cœur de l’économie réelle. L’adossement à un fonds à impact porté par un acteur clé du risque donne un signal clair aux acheteurs comme aux investisseurs. La donnée climatique de qualité, livrée dans des formats industriels, s’installe au cœur de l’arbitrage économique.

La suite se jouera sur l’exécution et la capacité à prouver, cas d’usage après cas d’usage, que la modélisation locale à 30 mètres réduit le coût du risque et améliore le retour sur investissement des projets. En cela, la trajectoire d’Hydroclimat teste un modèle désormais recherché sur le marché : celui de la donnée comme infrastructure de l’adaptation.

En consolidant sa science des données et son moteur commercial, Hydroclimat illustre la maturité d’une climatetech française qui relie enfin précision scientifique, usages métiers et performance économique à long terme.