Hemerion, jeune pousse nordiste de la health‑tech, vient d’annoncer la clôture d’une levée de fonds Series A de 6,5 millions € destinée à propulser sa thérapie photo‑activée contre le glioblastome vers la phase clinique pivot et, à terme, vers le marché européen et américain.

Décryptage d’un tour de table au montage composite

  • 2,5 M€ d’investisseurs historiques
  • 0,8 M€ de crowdfunding, 0,74 M€ de business angels
  • 2,5 M€ de financements publics

La configuration financière mêle capital‑risk régional (CapTech Santé, Nord France Amorçage, Fira Nord‑Est 2), investissement participatif via Capital Cell et soutien institutionnel (FEDER, Bpifrance‑MEL). Au‑delà des chiffres, cette mosaïque témoigne de la capacité d’Hemerion à agréger des sources hétérogènes autour d’une même vision : faire d’une thérapie combinant médicament photosensibilisant et plateforme d’éclairage chirurgical le prochain standard de prise en charge du glioblastome.

Bon à savoir : série A ou amorçage ?

La série A intervient généralement quand un prototype est validé et qu’une preuve de concept clinique ou technique existe. Pour Hemerion, cette étape succède à un amorçage de 5,5 M€ levé en 2022‑2023. Objectif : financer la phase de validation réglementaire et préparer l’industrialisation.

un pari clinique sur le glioblastome : enjeux sanitaires et marché

Cancer primitif du cerveau le plus fréquent, le glioblastome touche près de 3 000 patients chaque année en France avec un taux de survie à cinq ans inférieur à 10 %. Les options thérapeutiques demeurent limitées : chirurgie, radio‑ et chimiothérapie, bevacizumab en ligne de rechute. En introduisant la photo‑activation post‑résection, Hemerion vise à détruire les cellules résiduelles et à retarder, voire empêcher, la récidive précoce. Un marché mondial estimé à 1,8 milliard $ en 2030 se dessine, dont plus de 150 M€ potentiellement captables en Europe si la technologie atteint une adoption de 15 % des chirurgiens neuro‑oncologues.

Malgré une exérèse chirurgicale macroscopique, des cellules infiltrantes restent disséminées dans le parenchyme cérébral, inaccessibles aux instruments classiques. Leur rapidité de prolifération, couplée à une hétérogénéité génétique extrême, explique l’échec récurrent des traitements adjuvants.

dimensions juridiques : médicament‑dispositif, un cadre européen exigeant

La combinaison drug‑device d’Hemerion entre dans le champ du Règlement (UE) 2017/745 (MDR) pour le dispositif Heliance® et du Règlement (UE) 536/2014 pour l’essai clinique du médicament Pentalafen®. La société devra donc cumuler :

  • Marquage CE de classe III pour la plateforme lumineuse ;
  • Autorisation d’essai clinique délivrée par l’ANSM et un CPP ;
  • Dossier de médicament orphelin afin de sécuriser 10 ans d’exclusivité commerciale dans l’UE.

Le calendrier table sur un dossier PMA (Pre‑Market Approval) auprès de la FDA fin 2028, suivi d’une demande d’IDE/Breakthrough Device pour accélérer l’accès au marché américain.

Entré en application en 2021, le MDR renforce la surveillance post‑marché et impose un « évaluateur indépendant » (l’organisme notifié) pour chaque classe III. Les entreprises doivent prouver la sécurité et la performance clinique via des données robustes, souvent issues d’un essai pivot.

territoire et politique publique : le rôle catalyseur des Hauts‑de‑France

Installée à Villeneuve‑d’Ascq, Hemerion bénéficie d’un environnement régional volontariste : campus hospitalo‑universitaire de Lille, incubateurs Eurasanté et plug‑ins FEDER pour l’innovation. Les 2,5 M€ de subventions mobilisées illustrent l’articulation « Région – Bpifrance – Europe » qui vise à consolider une filière medtech exportatrice.

Bon à savoir : FEDER

Le Fonds européen de développement régional finance des projets renforçant la compétitivité territoriale. Sur la période 2021‑2027, les Hauts‑de‑France disposent d’un budget de 1,45 milliard € dont près de 120 M€ fléchés vers la santé.

modèle économique et stratégie de création de valeur

Hemerion mise sur un triptyque : vente de la lumière (dispositif), vente du consommable (générateur à usage unique) et marge sur la spécialité médicamenteuse. Les projections internes prévoient une marge brute de 65 % et un retour sur investissement pour les fonds d’ici 8 ans, sous réserve d’une adoption hospitalière de 10 % en Europe.

Trois relais de croissance se dessinent :

  1. Extension à d’autres indications (métastases cérébrales, carcinome tête‑cou).
  2. Licences territoriales hors UE/USA, avec redevances de 8‑12 %.
  3. Co‑développements avec fabricants de robots chirurgicaux pour intégrer Heliance® au flux opératoire.

capitaux‑risque et santé : pourquoi le crowdfunding séduit‑il ?

La campagne Capital Cell reflète une mutation du financement early‑stage : dilution moindre, effet marketing et preuve sociale. 265 investisseurs particuliers complètent le capital, réduisant le risque pour les VC en phase ultérieure. Pour l’épargnant français, le statut fiscal IR‑PME (loi Madelin) permet une réduction d’impôt de 18 %, voire 25 % si prorogé, sous réserve de conserver ses titres cinq ans.

Le dispositif Madelin‑IR accorde une réduction d’impôt sur le revenu aux souscripteurs de parts de PME non cotées. Plafond : 50 000 € d’investissement pour un célibataire, 100 000 € pour un couple.

perspectives : cap sur une levée de 35 M€ d’ici 2026

L’entreprise prévoit un tour B de 35 M€ pour financer la fabrication GMP, l’étude pivot multicentrique (200 patients, France‑Allemagne‑USA) et les démarches FDA.

En filigrane, un scénario d’exit par rachat stratégique se profile : grands groupes (Medtronic, Johnson & Johnson) scrutent les technologies différenciantes à fort ticket d’entrée. Les observateurs évaluent la valorisation post‑money d’Hemerion à 45‑50 M€ après le tour A. En cas de réussite clinique, un multiple 6‑8× pourrait être appliqué, portant la valorisation à 300‑400 M€.

ouvrir la réflexion : la French Health‑Tech peut‑elle changer d’échelle ?

Si le parcours d’Hemerion illustre la dynamique des jeunes pousses régionales, il met aussi en lumière un défi récurrent : l’accélération du passage du laboratoire au bloc opératoire. L’enjeu n’est plus seulement de financer l’innovation mais de structurer une chaîne industrielle souveraine, de la synthèse pharmaceutique à la fabrication d’optique médicale.

Hemerion démontre qu’un écosystème local, soutenu par des financements hybrides et un cadre réglementaire exigeant, peut hisser une avancée thérapeutique jusque sur la scène internationale, rappelant que l’innovation de rupture se construit à la croisée de la science, de l’investissement et de la stratégie territoriale.