À Toulouse, Genoskin franchit un cap avec une levée de 8 millions d’euros. La biotech, connue pour ses modèles de peau humaine ex vivo destinés aux tests précliniques de médicaments injectables et de dispositifs implantables, engage un plan d’accélération industrielle et commerciale pensé pour l’Europe et les États-Unis. Au cœur du projet, une promesse claire du secteur: moins d’animaux, plus de données humaines exploitables.

Un tour de série a structuré pour la croissance

La société toulousaine annonce un premier tour de table de série A, combinant 5 millions d’euros en capitaux propres et 3 millions d’euros de financement non dilutif sous forme de dette bancaire structurée. Le tour est mené par le fonds OCCTE via FPCI Occidev Impacts, avec l’appui de Captech Santé, GSO Innovation et CA Toulouse 31 Initiatives (CAT31i) (sources convergentes: site de l’entreprise, presse économique spécialisée, 16 septembre 2025).

Cette architecture financière, bâtie autour d’un noyau equity complété par une dette ciblée, vise un double objectif: préserver l’actionnariat tout en sécurisant les moyens de montée en charge industrielle. D’après les éléments rendus publics, la demande pour des tests humains ex vivo s’intensifie chez les laboratoires pharmaceutiques et les fabricants de dispositifs médicaux, ce qui conforte la pertinence d’un financement hybride au service d’investissements tangibles.

Architecture du tour et gouvernance financière

Au-delà du montant global, la montée en puissance d’un fonds d’impact comme OCCTE souligne l’alignement entre la stratégie de Genoskin et l’exigence d’outcomes mesurables, à la fois scientifiques et sociétaux. Le renforcement en capital ouvre la voie à des recrutements, des capex ciblés et un effort commercial accru sur les marchés matures. La composante non dilutive laisse entrevoir une trajectoire de financement maîtrisée, sans pression excessive sur la gouvernance.

Banques partenaires et effet de levier public

Le volet dette fait intervenir Bpifrance aux côtés d’établissements bancaires implantés localement, dont BNP Paribas, Caisse d’Épargne Midi-Pyrénées et Crédit Agricole. Cet ancrage bancaire, soutenu par un acteur public, constitue un levier déterminant pour accélérer des investissements productifs, avec un effet multiplicateur attendu sur la chaîne de valeur régionale et les exportations de services de R&D.

Chiffres clés du deal Genoskin

Les données financières et industrielles rendues publiques permettent d’identifier plusieurs marqueurs de trajectoire.

  • Montant total de la série A : 8 millions d’euros (Les Echos, Genoskin, Finsmes, 16 septembre 2025).
  • Répartition : 5 millions en equity, 3 millions en dette non dilutive.
  • Leads et co-investisseurs : OCCTE via FPCI Occidev Impacts, Captech Santé, GSO Innovation, CAT31i.
  • Banques partenaires : Bpifrance, BNP Paribas, Caisse d’Épargne Midi-Pyrénées, Crédit Agricole.
  • Capacité industrielle : doublement visé à horizon des extensions annoncées.

La série A marque le passage d’un modèle de preuve à un modèle d’exécution commerciale. L’equity finance la R&D avancée et les recrutements clés. La dette non dilutive, lorsqu’elle est adossée à une traction commerciale visible, permet d’amortir des équipements et d’accélérer l’industrialisation sans dilution additionnelle des fondateurs. L’ensemble optimise le coût du capital et allonge la piste de croissance.

Capex industriels en deux temps en europe et aux états-unis

Genoskin annonce une feuille de route industrielle en deux séquences, structurée par marchés. Une usine modernisée et agrandie à Salem, Massachusetts, sera mise en service en 2026 sur environ 700 m², afin de servir directement le marché nord-américain. Puis, en 2027, une extension est prévue à Toulouse sur 1 000 m², afin de consolider la base européenne de production et d’analyse.

L’entreprise anticipe un doublement des capacités de production et d’analyses de biopsies de peau. Cette montée en puissance accompagne l’essor des thérapies injectables et des dispositifs implantables, segments pour lesquels la pertinence de modèles humains ex vivo est particulièrement forte dans les phases précliniques.

Salem, massachusetts : proximité avec les clients nord-américains

Le choix de Salem s’inscrit dans une logique d’accès marché. La concentration d’acteurs biopharmaceutiques sur la côte Est et la nécessité de réduire les délais logistiques sont déterminantes pour des offreurs de plateformes ex vivo. En localisant l’outil de production, Genoskin vise à gagner en réactivité et à améliorer l’intégration de ses solutions dans les processus de développement clinique de ses clients.

Toulouse : ancrage européen et continuité de la chaîne de valeur

L’extension toulousaine prévue en 2027 vient conforter l’écosystème de compétences en Occitanie. Elle permet de stabiliser une chaîne de valeur de bout en bout, de la réception des prélèvements au rendu des analyses, en renforçant la capacité à traiter des volumes croissants avec un haut niveau de traçabilité.

Les molécules injectables et les biomédicaments posent des enjeux d’absorption, d’inflammation et d’innocuité spécifiques au tissu cutané. Les modèles ex vivo, comme ceux de Genoskin, recréent l’environnement humain pertinent pour tester des effets locaux, optimiser les formulations ou évaluer des dispositifs à administration sous-cutanée. À la clé, des signaux transposables plus tôt dans le cycle de R&D.

Positionnement scientifique : des modèles humains pour éviter l’animal

Genoskin se présente comme un organisme de recherche sous contrat qui conçoit et exploite des modèles de peau humaine ex vivo pour des tests précliniques. Ses plateformes, dont Hyperskin et NativeSkin, sont conçues pour évaluer la toxicité, l’efficacité et l’inflammation de candidats médicaments et de dispositifs implantables sans recourir à des modèles animaux. L’approche répond à une attente grandissante de l’industrie pharmaceutique et cosmétique pour des systèmes de tests plus représentatifs de la biologie humaine.

Cette orientation est cohérente avec des référentiels réglementaires qui privilégient la réduction des essais sur animaux, notamment au sein de l’Union européenne, où la directive REACH soutient l’usage de méthodes alternatives lorsque cela est pertinent. Sur le marché américain, le mouvement en faveur de méthodes non animales progresse également, ouvrant la voie à des schémas d’évaluation complémentaires aux batteries historiques de tests.

Qui est genoskin ? trajectoire, effectifs, clients

Créée en 2011 et basée à Toulouse, Genoskin emploie actuellement environ une trentaine de personnes. La société a mené des levées antérieures, notamment un tour seed en 2018.

Son chiffre d’affaires n’est pas rendu public, mais des estimations sectorielles relayées par des acteurs institutionnels indiquent une progression, avec une accélération enregistrée en 2024. L’entreprise affirme travailler avec de grands noms de la pharma et de la cosmétique, en mode services de R&D.

Un projet intègre typiquement la sélection du modèle ex vivo le plus pertinent, la préparation des échantillons, l’application du produit ou du dispositif, puis un plan d’analyses multiparamétriques. Les livrables incluent des jeux de données et des rapports interprétés, intégrables dans les dossiers de développement préclinique et dans certaines interactions réglementaires lorsque la méthode alternative est acceptée.

Lecture économique et légale : ce que change le financement pour la filière

Le renforcement des capacités de Genoskin s’inscrit dans une dynamique plus large en faveur des technologies de réduction animale et des méthodes centrées sur l’humain. Sur le plan économique, l’effet tracteur attendu concerne l’emploi qualifié en R&D, en production et en qualité, ainsi que la montée en gamme des prestations exportées.

Sur le plan légal, la trajectoire s’aligne avec des lignes directrices qui encouragent les approches alternatives et la validité scientifique des données humaines. Dans ce cadre, un acteur positionné sur l’ex vivo humain consolide sa capacité à accompagner des clients confrontés à des exigences de plus en plus fines quant à la transposabilité des données précliniques.

Points de vigilance contractuels pour les donneurs d’ordre

  • Validité externe des données : cadrage des protocoles pour maximiser l’utilité réglementaire.
  • Droits d’utilisation : clauses de propriété intellectuelle sur méthodes, données et résultats.
  • Approvisionnement : conformité éthique et traçabilité des échantillons humains.
  • Qualité : référentiels et audits, continuité d’activité, critères de performance.

Les investisseurs, à travers des déclarations publiques, soulignent l’enjeu d’un time-to-market plus court pour les candidats médicaments et dispositifs, grâce à des jeux de données plus prédictifs avant les phases cliniques. L’argument économique est direct: moins d’itérations tardives, meilleure priorisation des pipelines.

Effets attendus en occitanie et à l’export

Basée au cœur d’un écosystème dédié aux sciences de la vie, l’entreprise s’appuie sur des partenaires régionaux impliqués dans la capitalisation de la filière santé. L’arrivée de capitaux privés couplée à un soutien bancaire coordonné est de nature à renforcer la capacité d’attraction de talents et à structurer des compétences rares autour de l’ex vivo humain.

À l’international, la montée en charge industrielle à Salem vise à sécuriser la desserte du marché nord-américain, déjà adressé par la société. Cette implantation doit contribuer à raccourcir les cycles projet, un point déterminant pour les donneurs d’ordre américains qui ont besoin de circuits courts et de délais courts entre la commande et la donnée exploitable.

Effet d’écosystème et articulation avec les politiques publiques

Cette levée s’inscrit dans un environnement public-privé qui pousse l’industrialisation des innovations. Le signal envoyé par les annonces d’investissements au rendez-vous Choose France 2025 illustre l’élan en faveur des projets à haute intensité technologique et industrielle, avec des montants significatifs annoncés le 19 mai 2025 par l’administration économique en charge de l’industrie. Sans être un lauréat d’un programme comme French Tech 2030, Genoskin évolue dans une dynamique qui valorise les deeptech et leurs passages à l’échelle.

Pourquoi l’hybride equity + dette est pertinent ici

Le choix d’un montage combiné répond à trois objectifs.

  1. Préservation de la dilution : l’equity finance innovation et go-to-market, la dette couvre l’outil industriel.
  2. Accélération opérationnelle : capex financés rapidement pour répondre à une demande en hausse.
  3. Signal marché : crédibilise la capacité à livrer à l’échelle, en Europe comme aux États-Unis.

Cap vers le doublement d’activité : feuille de route opérationnelle

Genoskin vise à doubler sa taille en trois ans, en chiffre d’affaires comme en effectifs, selon ses communications officielles. Le renforcement des équipes commerciales est annoncé sur les deux zones clés, Europe et États-Unis, avec un effort spécifique sur la transformation des essais précliniques dans la catégorie des injectables.

Sur le plan productif, la montée en cadence repose sur des processus qui doivent rester strictement maîtrisés en termes de reproductibilité et de qualité d’analyse. Le doublement de capacité ne se résume pas à des mètres carrés additionnels: il s’agit d’investir dans des procédés, des standards, des instruments et des compétences qui garantissent un niveau constant de fiabilité scientifique.

Indicateurs de réussite à surveiller

  • Taux d’utilisation des capacités sur les sites de Salem et de Toulouse après extensions.
  • Délai moyen projet entre commande et livraison des résultats analysés.
  • Mix clients entre pharma, biotech et dispositifs médicaux.
  • Part des revenus récurrents liés à des programmes pluriannuels.

Pour une CRO, la dette non dilutive finance idéalement des actifs tangibles et des systèmes qualité. La clé est l’adéquation entre durée d’amortissement et durée de vie des équipements, avec des covenants compatibles avec la cyclicité des commandes. L’implication d’un acteur public bancaire sécurise souvent la syndication et réduit le coût du financement.

Ce que révèle l’opération pour la biotech française

L’opération matérialise la maturité d’une niche stratégique de la biotech française, positionnée au croisement de l’éthique animale, de l’exigence scientifique et des besoins industriels. Elle illustre un schéma vertueux: capital patient + dette ciblée + capex utiles + traction clients. Dans ce périmètre, la performance se mesure autant en qualité des données qu’en capacité d’exécution.

À court terme, le signal est clair pour les donneurs d’ordre: l’offre ex vivo se muscle pour absorber plus de projets, plus vite. À moyen terme, l’enjeu consistera à tenir l’équation qualité-volume, condition impérative pour ancrer durablement ces méthodes dans les pratiques précliniques des industriels.

Reste à transformer cette levée en livrables concrets et en capacités robustes, sur deux continents, sans compromis sur la science et la qualité.