31,5 millions d’euros pour accélérer, rentabilité visée fin 2025. La Fourche, supermarché bio en ligne fondé en 2018, annonce un nouveau tour de table qui clarifie sa trajectoire financière et consolide un modèle à contre-courant du marché. En toile de fond, une progression commerciale soutenue et une stratégie opérationnelle assumée.

Levée de fonds et cap financier: une phase d’exécution sous contrôle

La Fourche a réuni 31,5 millions d’euros, un tour co-mené par Bpifrance via son fonds Large Venture et Astanor, avec la participation d’investisseurs historiques. Cette opération intervient quelques mois après une série B de 24 millions d’euros finalisée début 2024. L’entreprise entend utiliser cette enveloppe pour verrouiller ses fondamentaux et atteindre la rentabilité d’ici fin 2025 (Maddyness, 16 septembre 2025).

Le signal envoyé est clair: la verticale “bio en ligne” peut attirer des capitaux lorsque la logique économique est lisible et la discipline d’exécution au rendez-vous. Dans un marché des levées plus sélectif en 2025, les investisseurs privilégient des actifs capables de démontrer une trajectoire maîtrisée et résiliente. C’est précisément l’angle défendu par la direction du groupe.

La performance récente alimente ce crédit. Les ventes ont progressé de 36 % depuis le début de 2025, après un rythme de +43 % en 2023 et +76 % en 2022.

Pour Lucas Lefebvre, cofondateur et CMO, ces signaux de traction font la différence: « Dans un paysage startup plutôt sombre, nous avons des KPI solides et une trajectoire claire vers la rentabilité. Cela a rendu notre dossier attractif, malgré les exigences accrues des investisseurs. »

Chronologie des tours de table de La Fourche

Deux opérations structurantes en moins de deux ans viennent conforter la feuille de route financière de l’entreprise.

  1. Début 2024: série B de 24 millions d’euros pour consolider l’offre et accélérer l’exécution.
  2. Septembre 2025: nouveau tour de 31,5 millions d’euros, co-mené par Bpifrance Large Venture et Astanor, en vue d’atteindre la rentabilité fin 2025.

Un modèle d’adhésion qui compresse les coûts et renforce la fidélité

La proposition de valeur reste la pierre angulaire du projet: 59 euros par an pour accéder à des prix jusqu’à 50 % inférieurs au marché conventionnel. Cette mécanique alimente une communauté de plus de 150 000 adhérents et influe directement sur la structure de coûts.

Selon Lucas Lefebvre, l’adhésion amortit ce qui pèse habituellement dans l’alimentaire en ligne: le marketing digital. La Fourche estime que les dépenses d’acquisition représentent fréquemment près de 20 % du prix produit dans les circuits classiques.

Ici, l’effet-club limite la pression publicitaire. Les économies se retrouvent à la fois sur les tickets clients et sur les indicateurs de réachat. Résultat: des paniers récurrents et un niveau d’engagement qui résiste au reflux observé dans le bio.

L’autre vecteur de rétention tient à la promesse de qualité de service. Les clients commandent en moyenne une fois par mois. L’entreprise fixe un standard élevé sur la préparation des colis et le suivi de la livraison: « Nos clients commandent en moyenne une fois par mois. Il faut que l’expérience soit irréprochable, de la préparation du colis au suivi de livraison. »

Le revenu d’adhésion lisse le coût d’acquisition et amortit les frais fixes, là où un e-commerçant classique subit une volatilité plus forte de son coût d’achat média. En retour, la baisse des dépenses marketing se traduit par des prix publics plus bas, un panier moyen potentiellement plus élevé, et un taux de réachat régulier.

La clef reste la cohérence entre prix d’abonnement, fréquence d’achat et marge brute par commande. La Fourche articule cette cohérence autour d’une commande mensuelle moyenne et d’un catalogue optimisé.

Indicateurs de traction et marché du bio: des signaux contraires mais exploitables

Le contexte sectoriel demeure tendu. D’après des données publiées par l’INSEE, la consommation de produits bio en France a ralenti en 2024, avec une croissance annuelle inférieure à 5 %, après des années au-dessus de 10 %.

La part du bio se serait stabilisée autour de 6 % des ventes alimentaires en 2024. Dans ce paysage, La Fourche fait figure d’exception relative, en captant un public sensible au prix, sans renoncer à la qualité de l’offre.

Cette dynamique s’explique par trois facteurs:

  • Compression des coûts commerciaux grâce à l’adhésion et à la relation directe avec la communauté.
  • Assortiment orienté valeur avec du vrac, des gros formats et une marque propre qui renforcent la marge et la compétitivité prix.
  • Expérience logistique maîtrisée qui stabilise le taux de satisfaction et limite l’érosion du panier.

Ce triptyque positionne La Fourche comme un acteur contre-cyclique: à rebours d’une demande bio en repli, l’offre prix-ciblée et la récurrence des commandes soutiennent la progression des ventes.

Métriques Valeur Évolution
Levée de fonds 2025 31,5 M€ Co-menée par Bpifrance et Astanor
Série B 2024 24 M€ Début 2024
Croissance des ventes +36 % 2025 (YTD) 2023: +43 % — 2022: +76 %
Chiffre d’affaires 2025 > 100 M€ (anticipé) Rentabilité visée fin 2025
Communauté d’adhérents > 150 000 Non communiqué
Tarif d’adhésion 59 € / an Stable
Avantage prix Jusqu’à -50 % Objectif constant
Fréquence de commande Environ 1/mois Habitudes stables

Automatisation logistique et fiabilité transport: l’autre chantier prioritaire

La nouvelle enveloppe sert d’abord à automatiser l’entrepôt. La première séquence se concentre sur les flux de préparation et la qualité opérationnelle.

Une deuxième phase ciblera le “packing” afin de réduire les erreurs et d’augmenter la productivité. En parallèle, l’entreprise entend densifier son réseau de transporteurs en développant des outils internes de suivi et de pilotage des performances, avec un objectif: homogénéiser le niveau de service sur tout le territoire.

Le choix d’investir dans l’infrastructure n’est pas isolé. Les annonces d’investissements productifs et technologiques continuent de se multiplier en France, notamment dans l’innovation et la logistique, un mouvement mis en lumière lors du Sommet Choose France 2025 avec 40,8 milliards d’euros pour 53 projets (DGE, Choose France 2025). La Fourche s’inscrit dans cette logique d’industrialisation à impact, au service d’une expérience client plus stable.

  • Objectif court terme: fiabilité de préparation, baisse de la casse, réduction des retours.
  • Objectif moyen terme: pilotage transport par la donnée, standardisation des délais, satisfaction supérieure.

Les gains proviennent d’abord de la réduction des déplacements préparateur via un slotting dynamique, puis de l’assist technique au contrôle (scans, balances de vérification, pesées de colis). Le volet “packing” cible l’intégrité du colis et le bon dimensionnement des contenants. L’ultime étage consiste à maîtriser la donnée transport: suivi temps réel, taux de livraison à J+1 ou J+2, qualité par zone, et réallocation agile entre transporteurs selon la performance.

Expansion géographique: ancrage local et marque dédiée outre-rhin

La Fourche poursuit une stratégie d’extension mesurée hors de France. En Allemagne, la filiale Ackerherz a été lancée il y a trois ans. L’entreprise y a reconstitué un catalogue local auprès de producteurs allemands, avec une marque et un nom qui respectent les codes alimentaires du pays. L’Autriche a récemment été activée. La Suisse est envisagée comme prochaine étape.

Le fil conducteur reste identique: circuits courts, adaptation culturelle, et prix compétitifs appuyés par l’adhésion. Cette approche vise une internationalisation organique, sans rupture de l’ADN de la marque.

Ackerherz: adaptation allemande

La déclinaison allemande privilégie un assortiment enraciné localement et une identité de marque dédiée. L’objectif est double: renforcer la confiance des consommateurs dans l’offre bio et maintenir la compétitivité grâce à l’appui du modèle d’adhésion. L’entreprise insiste sur le respect des habitudes alimentaires du pays et sur la valorisation des producteurs locaux.

L’autriche puis la suisse: expansion par capillarité

L’entrée en Autriche s’inscrit dans une logique de proximité. La Suisse, envisagée comme prochaine étape, prolongerait cette expansion graduelle. Le fil rouge: éviter la dispersion, prioriser la cohérence opérationnelle et l’adaptation produit-prix, tout en capitalisant sur les outils logistiques et data déjà éprouvés.

French Tech 2030: un appui aux expansions européennes

Le programme French Tech 2030, lancé en 2023, soutient des entreprises innovantes à vocation industrielle et durable. La Fourche n’est pas lauréate 2023, mais son modèle bio en ligne s’aligne avec les priorités du programme orientées transition et impact.

Gouvernance à impact: b corp, société à mission et adhésion solidaire

La Fourche est certifiée B Corp depuis 2022 et a adopté le statut de société à mission. Sa raison d’être: démocratiser un quotidien durable. Deux axes la structurent: une offre orientée pouvoir d’achat (vrac, gros formats, marque propre) et un mécanisme d’adhésion solidaire en faveur des foyers en difficulté.

Concrètement, les bénéficiaires du RSA, les demandeurs d’emploi ou les étudiants boursiers peuvent accéder à une adhésion gratuite. Cette ouverture élargit la base d’accès au bio et renforce la mission sociale du projet. Le cadre légal français facilite cette démarche depuis la loi PACTE de 2019, qui a créé le statut de société à mission et encouragé une gouvernance assortie d’engagements mesurables.

Sur le terrain des labels, la progression du mouvement B Corp en France est notable, avec plus de 500 entreprises certifiées en 2025 selon B Lab. Cela confirme l’essor d’une économie plus responsable et l’intérêt d’outils d’évaluation standardisés pour l’impact.

Statut de société à mission: leviers et garde-fous

Le statut impose d’inscrire des objectifs sociaux et environnementaux dans les statuts, d’en assurer le suivi et de les soumettre à un contrôle indépendant. Dans ce cadre, l’alignement entre stratégie commerciale, outils logistiques et politique de prix prend une dimension extra-financière explicite: rendre le durable accessible tout en équilibrant les comptes.

Adhésion solidaire: qui peut en bénéficier

La Fourche ouvre une adhésion gratuite à certaines catégories de publics en difficulté. Sont cités:

  • Les bénéficiaires du RSA.
  • Les personnes au chômage.
  • Les étudiants boursiers.

Cette mécanique vise à lever la barrière prix pour des foyers qui souhaitent consommer bio mais en sont empêchés.

Bpifrance et astanor: partenaires complémentaires

Bpifrance Large Venture cible des entreprises en phase d’industrialisation avec potentiel de scale-up. Astanor, fonds d’impact spécialisé dans l’agroalimentaire durable, apporte une expertise secteur utile à l’exécution.

L’articulation entre financement de croissance et accompagnement à l’impact correspond à l’identité du projet. Ce duo d’investisseurs a soutenu un tour calibré pour accélérer sans dégrader l’équation économique.

La loi PACTE de 2019 a créé un statut juridiquement encadré. Cela implique une raison d’être inscrite dans les statuts, des objectifs d’impact social et environnemental, un comité de mission chargé du suivi, et un contrôle externe périodique. Pour une entreprise de retail alimentaire, cela structure la conception de l’offre, l’affichage prix, le choix des partenaires et la logistique au prisme d’indicateurs d’impact.

Cap opérationnel et atouts économiques: lecture pour les directions financières

Au-delà de l’effet d’annonce, la trajectoire de La Fourche éclaire une logique financière que nombre de DAF scrutent de près:

  • Prévisibilité du revenu d’adhésion qui amortit le coût d’acquisition et sécurise la récurrence.
  • Optimisation logistique qui pèse directement sur le coût unitaire de préparation et les taux de non-conformité.
  • Différenciation prix adossée à l’adhésion et à la marque propre, levier de marge et de volume.

En additionnant ces trois drivers, le projet vise un point d’équilibre fin 2025. La discipline de déploiement sera déterminante pour convertir la croissance actuelle en résultat durable. L’entreprise revendique un chemin lisible, soutenu par un tour calibré pour l’exécution.

Points-clés pour les comités d’investissement

Les éléments mis en avant par La Fourche pour justifier l’attractivité du dossier:

  • Traction commerciale prouvée sur trois exercices consécutifs.
  • Visibilité financière sur l’objectif de rentabilité fin 2025.
  • Effet-adhésion qui réduit la dépendance aux dépenses marketing.
  • Plan logistique précis avec automatisation et pilotage transport.

Ce que ce tour change pour le bio en ligne en france

En combinant croissance soutenue, discipline opérationnelle et engagement sociétal, La Fourche installe une référence pour le bio en ligne. L’entreprise montre qu’un modèle prix compétitif peut coexister avec une mission d’accès élargi au durable, y compris lorsque la demande sectorielle ralentit.

Si l’objectif de rentabilité fin 2025 est tenu, ce tour de 31,5 millions d’euros pourra servir de cas d’école aux acteurs qui cherchent à sécuriser leur financement sur un marché plus exigeant. La démonstration repose désormais sur l’exécution logistique et la constance de la proposition prix-service.

Rendre le durable accessible sans renoncer à l’exigence économique: c’est la ligne de crête que La Fourche revendique pour la suite.