La température de l’été 2025 n’a pas empêché les startups françaises de poursuivre leurs ambitions financières. Malgré un repli par rapport au mois précédent, l’écosystème a su démontrer une certaine endurance, en particulier sur les segments de l’intelligence artificielle et de l’amorçage.

Les tendances actuelles révèlent une France toujours en lice pour rester l’un des pôles technologiques majeurs en Europe. Voici un tour d’horizon complet.

Regards sur les flux financiers

Depuis le début de l’année 2025, les capitaux levés par les jeunes pousses françaises oscillent autour de montants élevés, révélant l’attractivité persistante de la French Tech pour les investisseurs (d’après des données partagées par Maddyness). En juillet 2025, on relève un total de 421,7 millions d’euros levés, largement au-dessus des 193,8 millions d’euros obtenus en juillet 2024. Toutefois, ce chiffre montre un recul de 20 pour cent par rapport à juin 2025, où les fonds mobilisés atteignaient 525 millions d’euros.

Indéniablement, cette contraction est logique en période estivale, souvent moins propice aux annonces spectaculaires. Cependant, si l’on se remémore juillet 2024 et ses 193,8 millions, la comparaison souligne un bond de 117 pour cent d’une année à l’autre. Cela reflète, selon plusieurs analystes, une adaptation plus fine de la French Tech au climat économique, avec un renforcement sur des secteurs technologiques d’avant-garde, dont l’IA fait partie.

Le nombre d’opérations recense 47 tours de table en juillet, ce qui est proche du volume du mois précédent. La différence réside dans la taille moyenne des tickets, évaluée autour de 9 millions d’euros, en retrait par rapport aux 10,3 millions de juin. De plus en plus, l’argent se dirige vers des stades précoces, soulignant un retour marqué sur l’amorçage.

L’amorçage est un financement initial accordé à une startup en vue de développer un premier produit ou service. L’enjeu est d’aider les fondateurs à valider leur concept et à constituer une équipe avant d’aborder des séries ultérieures plus importantes. À long terme, un solide amorçage peut attirer plus vite de nouveaux capitaux.

Afin de mieux visualiser ces éléments, certaines données méritent d’être présentées de manière claire. On constate notamment un net contrastre entre les mois de juin et juillet 2025, ainsi qu’entre 2024 et 2025. Cette oscillation invite les professionnels à analyser la répartition des fonds et la répartition précise par secteurs.

Un ralentissement en apparence, une vitalité en profondeur

Au regard de la dynamique globale sur plusieurs mois, il est tentant de qualifier ce mois de juillet 2025 de « modéré ». En effet, le passage de 525 millions d’euros en juin à 421,7 millions d’euros en juillet représente un certain frein. Cependant, les observateurs spécialisés n’y voient pas un retournement brutal, mais plutôt un « atterrissage » après un mois de juin jugé atypiquement actif. L’explication peut notamment se trouver dans la saisonnalité : les vacances d’été entraînent souvent un ralentissement des négociations et moins de grands événements propices à annoncer des levées majeures.

Par ailleurs, le marché mondial demeure soumis à des incertitudes macroéconomiques. L’inflation et la hausse graduelle des taux d’intérêt ont pu aussi tempérer le zèle d’investisseurs, plus enclins à miser sur des tours de table moins risqués. Le contraste avec juillet 2024 demeure toutefois marquant : passer de 193,8 millions d’euros récoltés à 421,7 millions un an plus tard atteste d’une courbe de progression impressionnante.

Analyse détaillée sur l’IA

À l’origine de cette vitalité, le secteur de l’intelligence artificielle occupe une place majeure. Les entreprises spécialisées ont engrangé 145,9 millions d’euros au cours du seul mois de juillet 2025, répartis sur 16 opérations de financement (estimation relayée par des acteurs comme Maddyness). Certes, on est loin des 213,2 millions de juin, mais le volume élevé de projets soutenus signale un engouement intact.

En IA, les investisseurs scrutent surtout l’application concrète des technologies, plutôt que la simple recherche. Les solutions tangibles, promettant un rendement rapide, suscitent une appétence renouvelée. Les méga-levées, quant à elles, ne sont pas apparues au cours de cette période. L’écart se perçoit avec les grandes opérations de 2024, telles que les 468 millions d’euros de Mistral AI ou les 454 millions d’euros de Poolside. En l’absence de tels « mastodontes », le total semble moins spectaculaire, mais l’enthousiasme ne se dément pas pour autant.

Incidence du contexte géopolitique

Certains observateurs lient la bonne performance des startups IA françaises à la volonté de réduire la dépendance européenne face aux grands acteurs américains et asiatiques. Les fonds veulent également renforcer la souveraineté numérique du continent, créant ainsi un environnement favorable aux innovations locales en IA.

Genesis AI : cap sur la robotique autonome

Parmi les noms qui se démarquent, Genesis AI a levé 90 millions d’euros, ce qui en fait le plus gros tour de table IA de juillet 2025 (source : FrenchWeb). L’entreprise s’engage sur la robotique et la conception de modules d’apprentissage profond afin de fabriquer des machines pouvant évoluer de manière autonome dans des milieux complexes. Cette orientation recouvre des secteurs divers comme la logistique, la santé ou encore la production industrielle.

Si Genesis AI n’est pas encore aussi médiatisée que Mistral AI, elle bénéficie néanmoins d’un réseau de partenariats solide. Certains analystes considèrent cette startup comme un futur pionnier européen de la robotique appliquée.

Arago : augmenter l’industrie par l’IA

Arago se distingue par des financements s’élevant à 22,1 millions d’euros. Son créneau : optimiser la productivité et la performance écologique des infrastructures industrielles. L’automobile et l’aéronautique figurent parmi ses principaux terrains d’expérimentation, avec l’objectif d’identifier les gisements d’économie d’énergie et d’augmenter la réactivité des systèmes. Les capitaux levés proviennent de fonds européens soucieux de soutenir des projets d’intelligence artificielle ayant des retombées concrètes sur la compétitivité du continent.

Bonx : moderniser les ERP avec l’IA

Créée à Toulouse en 2022, la jeune pousse Bonx s’est spécialisée dans le développement de logiciels ERP (Enterprise Resource Planning) alimentés par l’IA. Ces solutions aident les PME à gérer leurs ressources via une plateforme modulaire, censée révolutionner leur quotidien administratif. Avec une levée de 7,3 millions d’euros en amorçage, Bonx compte consolider sa gamme de produits afin de faciliter la transformation numérique des structures en croissance.

L’IA durable englobe la conception d’algorithmes moins énergivores et la prise en compte de leur impact environnemental. Cet aspect séduit les investisseurs sensibles aux critères ESG (environnement, social et gouvernance). Ainsi, de plus en plus de startups mettent en avant la notion de sobriété numérique pour obtenir un soutien financier.

Retour sur la structure des tours de table

L’examen de la répartition des opérations offre une lecture instructive. En juillet 2025, on répertorie essentiellement des financements de primo-amorçage et de Série A, alors que les tours plus avancés comme les Séries B et C sont moins présents :

  • Amorçage : 38 opérations (en hausse de 3 par rapport à juin)
  • Série A : 7 opérations (en baisse de 3)
  • Série B : 2 opérations (soit 3 de moins également)
  • Série C : aucune opération recensée

La saison estivale peut en partie justifier cette contraction de tours importants, mais les acteurs financiers y voient surtout une prudence quant aux valorisations. Les investisseurs préfèrent miser sur des projets de taille modérée, plus simples à calibrer, et moins risqués dans un contexte économique globalement incertain.

On remarque également une consolidation : même si moins de grands investisseurs s’impliquent, ceux qui restent misent sur des fonds plus spécialisés et proches des fondateurs. C’est un signe que l’écosystème cherche avant tout la solidité et la pertinence des projets plutôt que l’effet d’annonce autour de méga-levées. Dans cette optique, l’amorçage séduit grâce à son rapport risque-opportunité intéressant.

Comparatif entre 2024 et 2025

Si l’on élargit la perspective, la tendance à la stabilisation est notable. En 2024, on évaluait à 7,8 milliards d’euros le total des fonds récoltés par les startups françaises, soit une diminution de 7 pour cent par rapport à 2023 (8,3 milliards d’euros). L’intégralité de 2025 n’est pas encore bouclée, mais la trajectoire sur les sept premiers mois suggère une performance égale, voire légèrement supérieure, portée en grande partie par l’IA.

Ce mouvement ascendant contraste avec l’année 2024, marquée par une contraction plus forte, à la suite de la dissolution de l’Assemblée nationale en France, d’une conjoncture géopolitique délicate, et de la prudence des investisseurs. Les chiffres de 2025 laissent envisager un retour progressif de la confiance, tout en restant modérés en comparaison de l’euphorie de 2022, où 13,5 milliards d’euros avaient été levés.

Tour d’horizon sectoriel

Au-delà de l’IA, d’autres secteurs affichent des progrès sensibles. La medtech et la greentech poursuivent leur essor, même si les annonces de juillet se révèlent plus timides que celles du mois précédent. L’IA génère souvent l’essentiel des projecteurs médiatiques, mais on note aussi que la robotique, la cybersécurité et le SaaS demeurent très dynamiques en France.

Malgré une absence de tours dépassant la barre des 100 millions d’euros en juillet 2025, le vivier d’innovations reste appréciable. Les acteurs de la deeptech continuent d’émerger, s’appuyant sur des infrastructures de recherche publique solides, tandis que les investisseurs européens recherchent des opportunités capables de contrebalancer l’hégémonie américaine dans les technologies de rupture.

Un tableau récapitulatif qui parle

Un résumé en chiffres pour cerner les évolutions entre juin et juillet 2025, tout en mettant en avant les écarts avec juillet 2024.

Métriques Valeur Évolution
Montant total (juillet 2025) 421,7 M€ -20% vs juin 2025
Nombre d’opérations (juillet 2025) 47 Stable vs juin 2025
Comparaison juillet 2024 193,8 M€ en 2024 +117% en 2025
Part IA (juillet 2025) 145,9 M€ ~35% du total

Comparaison avec le reste de l’Europe et les États-Unis

Afin de prendre la mesure de cette performance française, il est intéressant de jeter un œil à la scène internationale. Les investissements dans l’IA restent ultradominés par les États-Unis, qui absorberaient environ 20 pour cent des capitaux mondiaux dédiés à l’IA générative (chiffres diffusés par plusieurs cabinets de conseil). L’Europe, quant à elle, atteint péniblement la barre de 8 pour cent, même si la croissance s’accélère.

La France conserve une seconde place en Europe, derrière le Royaume-Uni (14 milliards d’euros en 2024) et juste devant l’Allemagne (7,3 milliards d’euros). Le défi restant consiste à créer davantage de licornes technologiques capables de se hisser au rang mondial, comme l’a fait Mistral AI en 2024.

Mistral AI et Poolside : un héritage qui perdure

Même si elles n’ont pas annoncé de nouveau tour en juillet 2025, Mistral AI et Poolside continuent de jouer un rôle symbolique. Le premier a structuré un réseau dédié aux grands modèles de langage, tandis que le second a concentré ses efforts sur l’IA pour développeurs. Leurs levées colossales (468 et 454 millions d’euros) ont marqué l’année 2024, et la French Tech cherche désormais à reproduire ces succès avec d’autres pépites.

H : vers des applications spécialisées

De son côté, la startup H avait pris la scène en 2024 en récoltant plus de 200 millions d’euros, misant sur la création de modèles d’IA générative calibrés pour des applications de haute technicité. Son approche, centrée sur l’efficacité énergétique, est devenue une référence pour les investisseurs attachés à des solutions plus durables. Les attentes autour de H demeurent élevées en 2025, même si aucune nouvelle levée substantielle n’a été annoncée en juillet.

Quelle dynamique pour la French Tech?

L’ensemble des signes indique une stabilisation progressive de l’écosystème français. Les mois de juin et juillet 2025 témoignent de cette tendance : même si le second se révèle plus prudent, les montants levés restent nettement supérieurs à l’été 2024. Les acteurs nationaux poursuivent leur diversification sectorielle. Les alliances avec de grands groupes industriels, les soutiens institutionnels à l’échelle régionale et les fonds européens spécialisés en deeptech contribuent à faire rayonner la France dans l’innovation.

Cependant, la question des « méga-levées » demeure ouverte. L’absence de tours supérieurs à 100 millions d’euros au cours du mois de juillet signale une opportunité manquée pour un coup d’éclat à l’international. Selon plusieurs analystes, ces levées majeures interviennent souvent au moment où les entreprises passent à un stade d’industrialisation ou de conquête internationale. Leur raréfaction serait liée à la hausse des taux d’intérêt et à une forme d’attentisme sur les marchés financiers.

Les investisseurs sont devenus plus méticuleux dans leur sélection de projets, exigeant davantage de preuves conceptuelles (Proof of Concept) et de faisabilité technologique avant d’injecter des sommes conséquentes. Cela favorise un modèle d’investissement progressif, avec une montée en puissance par paliers plutôt qu’un gros chèque d’emblée.

Obstacles et voies d’amélioration

Si la French Tech reste compétitive, trois facteurs méritent une attention particulière. D’abord, la concurrence internationale est loin de faiblir. Les États-Unis et la Chine monopolisent encore la majorité des fonds en IA, mettant la France et l’Europe en posture de « suiveurs ». Pour inverser cette tendance, des partenariats public-privé plus ambitieux devraient être encouragés, en particulier dans la recherche fondamentale et la construction d’infrastructures de pointe.

Ensuite, la saisonnalité demeure un sujet, même s’il n’est pas nouveau. Les mois d’été entraînent une raréfaction des deals d’envergure, laissant parfois l’impression d’une pause dans la dynamique de l’investissement. À rebours, certains prônent une « planification anticyclique », encourageant la signature d’accords stratégiques hors de ces périodes creuses.

Enfin, un bémol existe autour du manque de talents formés à l’IA et au deep learning. Les startups peinent à recruter des ingénieurs et data scientists ayant une expertise de haut niveau, en particulier quand la compétition internationale s’intensifie. Les entreprises françaises doivent donc rivaliser d’arguments pour attirer et retenir les meilleurs profils.

Perspectives pour la fin de l’année 2025

En tenant compte de l’ensemble de ces éléments, plusieurs analystes estiment que la fin 2025 pourrait afficher une remontée progressive des levées de fonds. La stabilité annoncée pourrait s’affirmer une fois la rentrée passée, avec la reprise des événements tech et le retour des investisseurs. Les secteurs de la greentech et de la medtech devraient se joindre à l’IA pour dynamiser l’écosystème, particulièrement si des innovations de rupture viennent soutenir les startups en phase d’expansion.

On évoque aussi la possibilité d’apparition de nouveaux projets deeptech prometteurs, dans le prolongement de ce que l’on observe déjà sur la robotique et l’IA appliquée à la maintenance prédictive. La conjoncture macroéconomique, si elle s’améliore, pourrait rebooster les tours de table plus ambitieux, enclins à dépasser significativement les 100 millions d’euros.

Retab : l’intelligence prédictive pour l’industrie

Dans la mouvance IA, Retab a capté 3,5 millions d’euros ce mois-ci pour développer des algorithmes d’analyse de données industrielles. Elle se spécialise notamment dans la maintenance prédictive, en réduisant le risque de pannes et en optimisant la chaîne de production pour divers clients manufacturiers. Si les montants levés restent modestes, Retab illustre la diversité des segments sur lesquels l’IA peut avoir une empreinte positive.

Tandem : healthtech d’origine suédoise

La startup Tandem, bien que suédoise, dispose d’une implantation active en France. Avec 3,2 millions d’euros collectés en juillet 2025, elle ambitionne d’améliorer le diagnostic médical en oncologie grâce à des outils d’intelligence artificielle avancés. Cette double appartenance nordique et française en fait un exemple de plus de la transversalité au sein de l’Union européenne, et son financement témoigne de la confiance accordée à la healthtech.

Relief : sécuriser la donnée de santé

La jeune pousse Relief a décroché 2,6 millions d’euros pour mettre l’accent sur la confidentialité et la protection des informations médicales. Son logiciel, basé sur le cloud et renforcé par des briques d’IA, envisage de faciliter l’accès sécurisé aux dossiers médicaux. Si le projet n’est pas aussi médiatisé que les géants de l’IA générative, il présente un intérêt sociétal majeur.

Réinventer le paysage post-2024

Le bilan de 2024, avec 7,8 milliards d’euros levés (en baisse par rapport à 2023), a pu semer le doute quant à la pérennité du modèle de la French Tech. Pourtant, juillet 2025 apporte un éclairage plus confiant. La France, certes confrontée à une compétition rude, développe petit à petit un écosystème où les financements se concentrent sur des projets ciblés, plus mûrs technologiquement et dotés d’un fort potentiel d’impact.

Les autorités publiques, conscientes de la nécessité de préserver ce moteur d’innovation, ont multiplié les incitations à l’entrepreneuriat (crédits d’impôt, guichets de prêts garantis, etc.). Pour les fondateurs de startups, un enjeu clé demeure la recherche d’accompagnement au-delà du simple aspect financier : expertise, mentoring, et accès à un réseau d’entreprises établies.

Penser les horizons futurs

Après un début d’année rythmé par une alternance de records et de ralentissements, la French Tech entame la fin de l’été 2025 avec un état d’esprit résilient. La barre de 421,7 millions d’euros levés reste ambitieuse, surtout au regard de l’été 2024. Les pivots stratégiques, centrés sur l’amorçage, se révèlent fructueux pour l’ensemble de l’économie numérique, et l’IA occupe une place dominante.

Pour tenir la distance face aux géants américains et chinois, les startups françaises devront non seulement multiplier les tours de table de grande ampleur, mais surtout faire la preuve de leurs bénéfices à moyen et long terme. Les mois à venir pourraient permettre l’avènement de nouvelles licornes et le retour de quelques méga-levées, si la conjoncture devient plus favorable et si les investisseurs se sentent en confiance.

La French Tech semble avoir trouvé de nouveaux ressorts pour progresser, faisant de chaque ralentissement estival un simple répit avant de nouvelles avancées innovantes et structurantes.