Comment Qair relance le parc solaire de Dédougou ?
Découvrez comment Qair finance un parc solaire à Dédougou avec 17,2 M€, combinant prêts et partenariats solides pour un impact local.

Le montpelliérain Qair décroche une enveloppe de 17,2 millions d’euros pour relancer un parc solaire à Dédougou, au Burkina Faso. Au-delà d’un chantier de 18 MW, l’opération met en lumière un montage financier précis, des garanties contractuelles solides et un positionnement de marché offensif. Un cas d’école pour comprendre comment un producteur indépendant français structure un actif énergétique en Afrique de l’Ouest.
Un montage financier calibré pour un actif de 18 mw à dédougou
Le financement total atteint 17,2 millions d’euros et combine un prêt majeur de la banque de développement néerlandaise FMO et un apport du Sustainable Energy Fund for Africa, géré par la Banque africaine de développement. FMO apporte 10,9 millions d’euros, un niveau qui a permis de mobiliser 6 millions d’euros du SEFA, pour une somme d’investissement compatible avec la mise en chantier rapide de l’actif (pv magazine France, 7 août 2025).
Certains éléments de communication sectorielle font état d’une contribution FMO légèrement supérieure, à 11,2 millions d’euros, mais la référence opérationnelle publiée reste le ticket de 10,9 millions d’euros, qui sert de déclencheur au prêt concessionnel du fonds SEFA. Ce calibrage facilite un coût moyen pondéré du capital cohérent avec un PPA de long terme et un profil de risque pays maîtrisé.
La logique de ce montage est double. D’une part, un prêteur de développement réduit le coût du financement et partage une partie du risque pays. D’autre part, la présence d’un fonds thématique comme le SEFA en second rideau confère un effet d’entraînement pour les autres financeurs, publics ou privés, et consolide la bancabilité du projet.
Deux financeurs, deux rôles complémentaires
FMO intervient comme prêteur chef de file avec une dette senior structurante, tandis que le SEFA maximise l’effet catalytic via un prêt à conditions avantageuses. L’objectif: abaisser le coût moyen du capital, tout en sécurisant la phase de construction et les premières années d’exploitation.
Dans un contexte de risque pays plus élevé, un prêteur de développement accepte un profil rendement-risque différent de celui d’une banque commerciale. Il propose des maturités plus longues, des périodes de grâce, et parfois des instruments adossés à des objectifs d’impact. Ce schéma est déterminant pour la bancabilité d’un PPA longue durée sur un réseau en tension.
Contrat d’achat et garanties: comment qair sécurise ses cash-flows
Le parc de Dédougou repose sur un contrat d’achat d’électricité de 25 ans conclu avec la société publique burkinabè SONABEL. Ce PPA verrouille un tarif contractuel, point d’ancrage de la modélisation financière et des ratios de couverture de dette. Sur ce type de dossier, la structure contractuelle prévoit généralement des clauses de disponibilité, de force majeure et des mécanismes de compensation en cas d’indisponibilité réseau.
Le projet s’inscrit dans un partenariat public-privé avec l’État, comprenant des facilités réglementaires et logistiques. Des exonérations fiscales ciblées existent dans plusieurs juridictions d’Afrique de l’Ouest pour accélérer les investissements renouvelables. Ces incitations, lorsque disponibles, réduisent les coûts d’importation d’équipements, alors que la composante capex reste dominante pour les parcs photovoltaïques.
Sur le volet des risques, plusieurs dimensions sont monitorées: la solvabilité de l’offtaker, le risque politique, l’intégration au réseau et le risque de change. Le franc CFA d’Afrique de l’Ouest étant arrimé à l’euro, l’exposition de Qair à la parité devise demeure moindre pour un acteur basé en France. Des solutions de mitigation additionnelles, comme les garanties partielles de risque ou les assurances politiques, complètent souvent le dispositif de sûretés.
Les financeurs examinent de près la hiérarchie des paiements, les mécanismes de pénalités, la définition des événements de défaut et le droit applicable. Le calibrage des indexations tarifaires, la disponibilité garantie du réseau et la procédure d’arbitrage en cas de litige sont des paramètres qui conditionnent le taux de marge bancaire et la durée de dette.
Ancrage monétaire: un avantage pour un développeur français
Le franc CFA de l’UEMOA est indexé à l’euro. Pour un opérateur dont les coûts de financement sont libellés en euros, l’alignement monétaire réduit l’aléa de change sur les flux du PPA, même si d’autres facteurs de risque devront être couverts contractuellement.
Dédougou, un hub solaire pour soulager un réseau sous tension
Située dans l’ouest du Burkina Faso, Dédougou accueille une centrale photovoltaïque dont l’électricité sera injectée sur le réseau national. Les panneaux transforment le rayonnement en énergie électrique, une technologie mature décrite par les autorités françaises en charge de la transition écologique. L’appoint attendu vise à réduire la dépendance aux importations régionales et à remplacer une partie de la production thermique coûteuse.
Le pays fait face à des arbitrages énergétiques difficiles. En milieu rural, le taux d’électrification restait inférieur à 20 pour cent en 2023, alors qu’une part des besoins est satisfaite par des importations du Ghana et de la Côte d’Ivoire. Dans ce contexte, chaque MW solaire raccordé libère des volumes pour le réseau urbain et l’activité économique.
Le gouvernement burkinabè a inscrit la montée en puissance des renouvelables dans sa feuille de route, avec l’objectif d’augmenter significativement la part d’électricité verte à l’horizon 2030. Le parc de Dédougou s’articule avec cette stratégie et cible une mise en service fin 2025, après un démarrage des travaux prévu au premier trimestre 2025.
Exemple avec sonabel: un ppa étalon pour sécuriser les revenus
La SONABEL constitue l’interlocuteur central pour les PPA longue durée. Un contrat de 25 ans permet de lisser la courbe des cash-flows et de bâtir un profil de dette amortissable adapté. Pour la compagnie publique, l’achat à un tarif prédéfini offre une meilleure prévisibilité des dépenses que l’approvisionnement thermique indexé aux prix internationaux du fuel.
Les projets précédents ont montré que la clarté des clauses relatives aux indisponibilités réseau ou aux retards de paiement est décisive dans la structuration de la dette. La présence de financeurs de développement, comme FMO et SEFA, joue ici un rôle d’aiguillon pour aligner pratiques financières et exigences opérationnelles.
Le dimensionnement des onduleurs, la gestion de la tension et la coordination des protections s’avèrent critiques sur des réseaux contraints. Le plan de raccordement doit intégrer des marges de sécurité, des études de court-circuit et, si nécessaire, des renforcements de ligne ou de poste pour garantir la qualité de l’énergie injectée.
Qair change d’échelle sur le continent africain
Basée à Montpellier et forte de 730 salariés, Qair s’impose comme producteur indépendant d’énergies renouvelables avec un portefeuille de plus de 1 GW en exploitation ou en construction dans le monde. Fondée en 2015, l’entreprise, ex-Quadran International, revendique une présence dans plus de 20 pays et accélère son ancrage africain.
En 2024, Qair a communiqué un pipeline global d’environ 5 GW de projets en développement, dont plusieurs en Afrique subsaharienne. L’entreprise déclare avoir investi plus de 500 millions d’euros en Afrique depuis 2020, misant sur l’emploi local, la formation et le transfert de savoir-faire. Pour Dédougou, environ 100 emplois sont attendus durant les travaux et 20 postes sur la durée d’exploitation.
Qair: stratégie et résultats
Le modèle de Qair repose sur des actifs détenus sur la durée, un savoir-faire d’ingénierie intégré et une relation de proximité avec les autorités nationales de l’énergie. La priorité donnée aux PPA longs et aux partenariats public-privé reflète une culture de gestion des risques adaptée aux marchés émergents, tout en maintenant un discours d’impact lisible pour les financeurs internationaux.
Seychelles: projet flottant et diversification
Qair explore des technologies spécifiques aux contraintes locales. Exemple: le développement d’un projet solaire flottant aux Seychelles, pour un financement à hauteur d’environ 5,7 millions de dollars. Cette diversification renforce la capacité du groupe à adresser des géographies insulaires et des contextes d’espace foncier limité.
Leçons pour les développeurs français
Un PPA long soutenu par des financeurs de développement, une couverture effective des risques réseau et une gouvernance projet robuste. Ces briques, maîtrisées par Qair, sont transposables à d’autres pays d’Afrique de l’Ouest et intéressent un écosystème français exportateur de services d’ingénierie et d’équipements.
Les savoir-faire développés en France, notamment via les cadres d’appels d’offres et de guichets de soutien au solaire, constituent un socle exportable. Sans être copiés-collés, ces dispositifs inspirent des standards procéduraux, des méthodologies de due diligence et des pratiques de suivi de performance.
Retombées carbone et économie locale: impacts mesurables
Sur le plan environnemental, la centrale de Dédougou doit éviter environ 15 000 tonnes de CO2 par an, sur la base de facteurs d’émission internationalement reconnus pour un réseau électrique où l’appoint thermique demeure important. Le signal prix d’un PPA fixe favorise l’optimisation de l’exploitation et une meilleure planification du mix.
Les retombées économiques sont attendues sur trois axes. Premièrement, la substitution des importations d’électricité et de combustible. Deuxièmement, une stabilité tarifaire capacitaire pour l’offtaker public, réduisant la volatilité budgétaire. Troisièmement, un effet d’entraînement sur la chaîne locale: services de génie civil, logistique, gardiennage, maintenance et formation technique.
Pour Qair, l’empreinte industrielle du site se traduit par des contrats locaux, une montée en compétence des équipes d’exploitation et une capacité à dupliquer plus vite les prochains chantiers. Les emplois pérennes sur la durée d’exploitation, bien que moins nombreux que durant les travaux, structurent un socle de compétences dans un bassin où l’offre technique évolue.
La méthode consiste à comparer l’énergie nette injectée par la centrale au facteur d’émission marginal du réseau, souvent corrélé aux centrales thermiques substituées. Le résultat, exprimé en tCO2/an, dépend des profils de charge et de la disponibilité du réseau. La prudence commande d’utiliser des hypothèses sobres, documentées et vérifiables.
Un précédent utile: l’actif solaire de 24 MW
Qair a mis en service une première centrale de 24 MW en 2023, souvent associée à la zone de Zagtouli, avec une production annuelle indicative d’environ 40 GWh. L’addition du site de Dédougou pourrait contribuer, ensemble, à une part non négligeable de la demande nationale, tout en réduisant les épisodes de délestage.
Calendrier, risques et arbitrages industriels jusqu’à fin 2025
Le planning prévisionnel est établi: travaux au premier trimestre 2025, mise en service cible fin 2025. La trajectoire suppose un approvisionnement fluide en modules, onduleurs et structures, ainsi qu’un raccordement sans retard sur le poste de livraison. La logistique terrestre et les procédures douanières sont des points d’attention habituels.
Côté risques, le contexte sahélien appelle une gouvernance projet renforcée. Sécurité des équipes, continuité des opérations, coordination avec les autorités: les protocoles doivent être robustes.
Sur les équipements, les tensions géopolitiques pèsent encore sur certaines chaînes de valeur photovoltaïques. L’enjeu consiste à sécuriser les livraisons critiques avec des clauses contractuelles protectrices, des buffers calendaires et, si possible, une diversification des fournisseurs.
Au plan financier, la remontée des taux a reconfiguré le coût moyen du capital pour les renouvelables. Le tandem FMO-SEFA absorbe une partie de cette contrainte, mais la discipline d’exécution demeure essentielle: respecter les jalons EPC, plafonner les claims, et préserver les ratios DSCR. Sur un PPA long, chaque point de capex économisé améliore durablement la création de valeur.
Des liquidated damages calibrées, des garanties de performance mesurables, un mécanisme clair de traitement des variations de prix et une matrice de responsabilités sans ambiguïté. Ce sont ces clauses, alignées avec les exigences des prêteurs, qui sécurisent le calendrier, encadrent les aléas et préservent les marges en phase d’exécution.
Transfert d’expérience depuis la France
Les dispositifs nationaux d’appui au solaire ont structuré en France des compétences de pilotage de projets et de suivi de performance qui inspirent les approches export. De l’agrégation d’actifs à l’optimisation de la maintenance, ces méthodes trouvent un écho sur des marchés émergents, avec les adaptations nécessaires au cadre local.
Ce que ce deal révèle pour les industriels français du renouvelable
La réussite du schéma FMO-SEFA au bénéfice de Qair valide une trajectoire: des actifs solaires bancables peuvent émerger en Afrique de l’Ouest dès lors que le PPA est solide, que les risques sont correctement répartis et que l’exécution industrielle est tenue. Pour les acteurs français, le message est clair: l’expertise développée en métropole trouve des prolongements concrets à l’international.
En filigrane, Dédougou souligne une dynamique de système. Les financeurs de développement enclenchent le projet, l’offtaker public ancre la visibilité de long terme, et l’industriel apporte discipline d’exécution et performance.
Si cette alchimie est maintenue, les prochains MW solaires pourront se financer plus vite, à meilleure condition. Une consolidation discrète mais structurante pour la transition énergétique, où la crédibilité financière et la rigueur d’ingénierie restent les meilleurs leviers de déploiement.