À Laon, Sonoco enclenche une fermeture industrielle qui rebat les cartes locales de l’emploi. La décision, assortie d’un projet de plan de sauvegarde de l’emploi, mettrait en cause 117 postes sur 128 et place la filière de l’emballage sous tension dans les Hauts-de-France. Entre exigences légales, réponses publiques et risque d’effet domino, le dossier devient un test pour la gouvernance économique territoriale.

Fermeture programmée à laon : faits saillants et ampleur sociale

Le groupe américain Sonoco, fondé en 1899 et basé à Hartsville en Caroline du Sud, a confirmé son intention de fermer son site laonnois, spécialisé dans la fabrication de fonds de bouchage utilisés par plusieurs industries manufacturières. Cette orientation s’accompagne d’un projet de suppression de 117 emplois sur un effectif de 128 salariés.

Hier, la direction de l’entreprise Sonoco Metal Packaging France a informé ses représentants du personnel de changements potentiels dans l'organisation de ses activités en France, via l’initiation d’une procédure d’information-consultation dans le cadre d’un projet de réorganisation impactant notamment le site de Laon.

Le projet consisterait en particulier en l’arrêt de l’activité de production sur l’un des sites historiques de Sonoco, celui de Laon (02), lequel resterait néanmoins une plateforme technique et logistique et en l’adaptation de leur équipe de production sur le site industriel de Carpentras (84). Ainsi, le site de Laon ne fermerait pas comme vous l’avez indiqué. Serait-il possible en ce sens de modifier votre article afin d’y apporter cette précision s’il vous plaît ?

Malgré ces changements rendus nécessaires par un contexte macroéconomique difficile, la France resterait un marché clé, servant des clients importants et menant des activités cruciales pour Sonoco Metal Packaging EMEA.

Conformément à ses engagements, la direction entend mener ce projet et ce processus d'information-consultation de manière responsable et transparente en étroite collaboration avec les instances représentatives du personnel, et en lien avec les autorités compétentes, afin de proposer des solutions adaptées à chacun des collaborateurs qui pourraient être concernés. Aucune décision définitive ne sera prise avant la fin de la procédure d’information-consultation.

Le dialogue social ayant débuté, la direction de Sonoco ne peut commenter davantage, la primeur des informations étant réservée aux représentants du personnel.

Une réunion du comité social et économique central s’est tenue le 11 septembre 2025 à Saint-Ouen. Les représentants syndicaux, notamment de FO et de la CGT, y ont exprimé leurs inquiétudes, réclamant des garanties sur le maintien des activités et la protection des emplois.

Des rumeurs de restructuration circulaient depuis plusieurs semaines. Cette séance a donc cristallisé des attentes fortes autour de la stratégie future du groupe en France et de ses obligations légales en matière de restructuration.

Au sein de l’atelier, la production de fonds de bouchage incarne un savoir-faire technique qui irrigue une chaîne d’approvisionnement régionale. L’arrêt programmé de la production touche une main-d’œuvre formée aux exigences qualité de l’emballage industriel, segment confronté à une compétition internationale accrue, à des coûts énergétiques volatils et à des transformations réglementaires.

Les fonds de bouchage sont des pièces de fermeture ou d’obturation qui assurent l’étanchéité et la sécurité des contenants techniques. Ils s’emploient dans des conditionnements entraînant des contraintes mécaniques et thermiques spécifiques. Leur fabrication requiert une maîtrise des tolérances, des métaux et polymères, ainsi que des procédés d’assemblage compatibles avec les normes des filières clientes.

Qui est sonoco en quelques repères clés

Sonoco figure parmi les acteurs mondiaux de l’emballage, présent sur plusieurs segments, de l’alimentaire aux applications industrielles. Sa stratégie historique associe innovation matériaux, portefeuille multi-géographies et services logistiques. En France, la fermeture envisagée à Laon interroge sa cartographie industrielle locale et sa politique d’allocation d’actifs au sein d’un marché soumis à des arbitrages de coûts et de proximité client.

Ce qu’il faut retenir côté chiffres

Laon : 117 suppressions envisagées sur 128 salariés. Réunion du CSEC à Saint-Ouen le 11 septembre 2025. L’emploi départemental dans l’Aisne avoisine 200 000 postes et le taux de chômage tourne autour de 9 % en 2024 (INSEE, 2024).

Procédure sociale et obligations légales : le cadre que sonoco doit respecter

Une fermeture d’établissement en France implique un corpus d’obligations précises. L’employeur doit justifier un motif économique, informer et consulter les représentants du personnel à l’échelle du site et, le cas échéant, au niveau central, et négocier un plan de sauvegarde de l’emploi lorsque le seuil légal est atteint. Cette procédure est placée sous contrôle de l’administration du travail, qui la valide ou l’homologue selon les situations.

Concrètement, le PSE doit prévoir des mesures de reclassement internes et externes, une cellule d’accompagnement, des formations, des aides à la mobilité et, le cas échéant, des indemnités supralégales. Les critères d’ordre des licenciements, l’analyse des possibilités de reclassement au sein du groupe et l’étude d’alternatives à la fermeture sont des pièces structurantes. Les organisations syndicales et les élus du personnel scrutent précisément ces items, car ils conditionnent la robustesse juridique et sociale du dispositif.

Ce que la direction doit documenter pour un PSE solide

  1. Motifs économiques explicités et argumentés, intégrant le périmètre groupe si pertinent.
  2. Recherches de reclassement effectives et traçables, y compris au sein d’autres sites en France ou dans l’UE.
  3. Mesures actives d’employabilité : bilans de compétences, FNE-Formation, validation des acquis de l’expérience.
  4. Compensation financière : indemnités et dispositifs complémentaires pour les salariés vulnérables.
  5. Consultation loyale des représentants du personnel avec calendrier, expertises et réponses motivées.

La DREETS examine la qualité du plan, l’ampleur des mesures sociales et la sincérité de la procédure d’information-consultation. Elle peut demander des compléments, allonger les délais de traitement par demandes d’information et, à l’issue, valider ou refuser le PSE. Un refus expose l’employeur à reprendre la procédure, avec des risques contentieux et d’image.

Au-delà du socle légal, les partenaires sociaux revendiquent souvent un calendrier étendu pour explorer des scénarios alternatifs, dont la recherche de repreneur, la mutualisation d’équipements ou la mise en place de lignes pilotes. Pour Laon, ces pistes gagneraient à être examinées avec une expertise externe, afin de sécuriser la comparaison des options économiques et limiter les risques d’une fermeture sèche.

Emploi local : impact chiffré et effets de chaîne

La suppression de 117 emplois dans l’agglomération de Laon représente une onde de choc pour le bassin d’emploi. Si l’on rapporte l’effectif touché aux volumes départementaux, l’effet direct semble limité en pourcentage. Toutefois, l’impact réel s’étend aux sous-traitants, aux prestataires logistiques et aux services de proximité, amplifiant le choc.

Métriques Valeur Évolution
Salariés du site de Laon 128 Stable avant projet
Suppressions d’emplois envisagées 117 Projet de fermeture
Part des emplois du site touchés 91,4 % Forte hausse
Emplois dans l’Aisne ≈ 200 000 N. c.
Taux de chômage Aisne 2024 ≈ 9 % N. c.
Emplois menacés récents dans la région ≈ 185 Ajout Albéa Bernaville

Les données agrégées départementales masquent un fait crucial : la concentration géographique du choc. Dans un bassin d’emploi de taille intermédiaire, la perte d’une centaine de postes industriels peut peser sur la mobilité des salariés, la valorisation des compétences spécifiques et l’activité des fournisseurs. D’où l’intérêt de calibrer rapidement les actions de reclassement et de formation, au plus près des besoins du tissu économique local.

L’« emploi indirect » est une estimation prudente des postes liés chez les sous-traitants, transporteurs et services. Les ratios varient fortement selon la complexité de la chaîne et le degré de sous-traitance. Pour des sites de production technique, un ordre de grandeur qualitatif est d’attendre un impact additionnel mesuré, mais réel, à ajuster lors des diagnostics menés avec les chambres consulaires et l’URSSAF locale.

Réponses publiques et gouvernance régionale : le pilotage de la crise

Les élus des Hauts-de-France ont critiqué des méthodes jugées « indignes et méprisantes », reprochant à la direction de Sonoco une absence de dialogue en amont. Xavier Bertrand, président de Région, Éric Delhaye, maire de Laon et président de l’agglomération, ainsi que Christophe Coulon, vice-président régional, demandent à la préfète de l’Aisne de convoquer rapidement une réunion réunissant l’ensemble des parties prenantes. Objectif : explorer chaque levier pour préserver l’activité et accompagner les salariés.

La préfecture dispose d’outils opérationnels pour coordonner la réponse. Les services de l’État mettent en avant des dispositifs d’appui aux transitions industrielles, régulièrement rappelés sur leurs portails et dans leurs communications. À la fin juillet 2025, un changement de secrétaire général et de sous-préfet de l’arrondissement de Laon a été annoncé, un mouvement qui peut contribuer à fluidifier la conduite d’une cellule de crise et l’interface avec les acteurs économiques territoriaux.

Qui pilote quoi dans une crise industrielle

  • Préfecture : coordination interservices et convocation des parties prenantes, activation de cellules territoriales.
  • DREETS : contrôle du PSE, appui aux mobilités et formations, ingénierie de solutions.
  • Région : mobilisation des dispositifs économiques, orientation sectorielle, lien avec les pôles de compétitivité.
  • Agglomération et communes : foncier, infrastructures, services aux salariés, relais vers le tissu entrepreneurial local.

Une réunion efficace met sur la table le diagnostic industriel, le calendrier social, la cartographie des compétences, les besoins de formation et la prospection de repreneurs. Elle attribue des responsabilités claires, fixe des jalons de suivi et s’appuie sur des expertises externes lorsque nécessaire, notamment pour l’ingénierie financière et la due diligence des candidats à la reprise.

Une séquence industrielle tendue dans l’emballage en hauts-de-france

Le dossier Sonoco s’inscrit dans une série de signaux d’alerte pour la filière régionale de l’emballage. Les coûts énergétiques et matières premières fluctuants, la concurrence mondiale et les calendriers d’investissement plus sélectifs pèsent sur les sites de production. S’y ajoutent des transformations réglementaires sur les matériaux, qui redéfinissent des chaînes d’approvisionnement parfois à marche forcée.

Exemple avec albéa à bernaville

Quelques jours avant la réunion centrale chez Sonoco, le groupe Albéa a annoncé le 9 septembre 2025 la fermeture de son site de Bernaville, exploité par la Société Française de Galvanoplastie, avec 68 emplois menacés. La décision a suscité des critiques quant au manque de concertation préalable. Au total, l’addition des suppressions annoncées chez Albéa et des postes visés chez Sonoco porterait l’impact potentiel régional à environ 185 emplois dans un laps de temps rapproché (France 3 Régions, 9 septembre 2025).

L’effet psychologique sur les bassins d’emploi est loin d’être anecdotique. Deux annonces successives dans un même périmètre géographique renforcent l’incertitude des salariés, complexifient le reclassement simultané de profils parfois similaires et peuvent ralentir l’atterrissage de nouveaux projets industriels si les signaux de stabilité ne sont pas rapidement rétablis.

Effets d’entraînement sur la filière de l’emballage

Les donneurs d’ordre exercent une pression constante sur les coûts et les délais. La localisation des clients, la densité logistique, l’accès à une énergie compétitive et la disponibilité d’opérateurs qualifiés deviennent décisifs. En 2025, plusieurs variables structurent la compétitivité des sites :

  • Énergie : visibilité des prix, sécurisation des volumes, efficacité énergétique des procédés.
  • Matériaux : volatilité des métaux et polymères, substitutions matières pour répondre aux objectifs de recyclabilité.
  • Capex : arbitrages sur les lignes à moderniser, délais d’amortissement compatibles avec la demande.
  • Réglementation : nouvelles exigences environnementales, traçabilité, éco-conception.
  • Proximité client : réduction des coûts de transport et des délais, sécurisation des chaînes.

Pour Laon, l’équation consiste à déterminer s’il existe un modèle de relance viable, avec ou sans changement d’actionnaire, ou si la meilleure option réside dans un accompagnement massif des transitions professionnelles. Dans les deux cas, l’exécution rapide et la coordination public-privé sont cruciales.

Signaux de marché à surveiller en 2025 pour l’emballage

  • Demande clients : consolidation des portefeuilles achats et relocalisations partielles.
  • Réglementation matière : trajectoires de substitution et taux d’incorporation de recyclé.
  • Financement : coût du capital, priorités ESG et appétit des investisseurs pour les procédés bas carbone.
  • Productivité : adoption d’automatisation ciblée et d’outils qualité pour limiter les rebuts.

Pistes d’atténuation : reclassements, reprises et outils financiers mobilisables

Pour amortir le choc social, un ensemble de leviers peut être activé. D’abord, une cellule de reclassement dédiée, pilotée avec des opérateurs spécialisés, cartographie les compétences transférables et cible les entreprises régionales en recrutement.

Les dispositifs de contrat de sécurisation professionnelle pour les salariés éligibles et le recours au FNE-Formation pour des parcours intensifs de reconversion renforcent l’employabilité. Les branches professionnelles et les OPCO peuvent cofinancer des modules répondant aux besoins réels d’ateliers voisins, de l’agro-industrie à la métallurgie légère.

En parallèle, la recherche de repreneur industriel demande une méthode rigoureuse. Elle implique un mémorandum d’information, une analyse de la base clients du site, l’inventaire des actifs, la qualification des investissements à consentir et l’évaluation des synergies possibles. L’attractivité du dossier s’accroît lorsque les risques d’exécution sont réduits : engagements clients, support fournisseurs, plan d’amélioration des coûts et perspectives commerciales réalistes.

Les opérateurs et techniciens issus de la fabrication de pièces d’obturation disposent d’atouts transférables vers : maintenance industrielle, conduite de ligne en agroalimentaire, transformation des métaux légers, contrôles dimensionnels et qualité. Les modules courts centrés sur les normes sectorielles, la lecture de plans, l’automatisme et l’initiation aux procédés bas carbone accélèrent les transitions.

Les collectivités peuvent aussi faciliter des solutions de reprise partielle ou de réindustrialisation du foncier via des baux adaptés, l’aménagement d’accès logistiques et l’appui à la dépollution éventuelle, le tout adossé à des fonds européens et régionaux ciblés. Une intervention de la cellule territoriale d’appui aux restructurations permet de coordonner les acteurs, d’agréger des diagnostics et d’éviter l’émiettement des efforts.

Leviers publics activables à court terme

  • Appui préfectoral aux restructurations et animation des cellules locales de suivi.
  • Accompagnement DREETS pour l’ingénierie PSE et la formation financée.
  • Programmes régionaux d’attractivité industrielle et de requalification des sites.
  • Fonds européens mobilisables sur l’innovation procédés et la transition énergétique.

Sonoco : histoire et empreinte industrielle

Créé en 1899, Sonoco s’est développé sur un modèle alliant production de solutions d’emballage et services associés. Son réseau mondial lui permet d’arbitrer la localisation des productions en fonction des coûts, de l’accès aux marchés et des capacités techniques. En France, l’arrêt envisagé du site de Laon interroge l’équilibre entre proximité client et consolidation industrielle internationale, un dilemme fréquent dans les chaînes d’approvisionnement contemporaines.

La lisibilité de la stratégie de portefeuille sera déterminante pour le traitement social du dossier. Une communication explicite sur les raisons économiques et sur les alternatives réellement expertisées renforcerait la crédibilité du processus et faciliterait, le cas échéant, l’émergence d’un repreneur ou la réussite des reconversions.

Quel cap pour le territoire après sonoco laon

Au-delà de l’urgence sociale, la séquence ouverte par Sonoco à Laon pose une question d’architecture industrielle. Un accompagnement rigoureux des salariés et une recherche méthodique de solutions industrielles doivent aller de pair avec la sécurisation d’un pipeline de projets pour le bassin. Les annonces rapprochées, y compris chez Albéa à Bernaville, rappellent l’importance d’une veille fine des risques et de réponses publiques rapides, visibles et coordonnées.

L’enjeu est double : protéger les trajectoires professionnelles et préserver l’attractivité productive de la région. C’est à cette condition que l’écosystème local pourra transformer une épreuve en étape de recomposition, sans perdre son savoir-faire ni sa capacité à capter de nouveaux investissements.

Les prochaines semaines diront si une solution industrielle crédible peut émerger ou si l’effort doit se concentrer sur un accompagnement social exemplaire et des reconversions accélérées.