European Camping Group muscle son emprise sur l’hôtellerie de plein air, accélérant la construction d’une marque européenne visible et rentable. Avec l’acquisition d’Alannia en Espagne, un renfort financier de 600 millions d’euros apporté par une filiale d’ADIA aux côtés de PAI Partners, et une stratégie d’investissements ciblés, le groupe basé à Aix-en-Provence assemble pièce après pièce un champion continental.

Au-delà des effets d’annonce, la dynamique d’ECG repose sur un triptyque clair : intégration d’actifs, industrialisation de la distribution et montée en gamme de l’expérience client. Les chiffres, la gouvernance et le terrain disent la même chose : la consolidation s’accélère et l’équilibre économique se renforce.

Cap stratégique et ambition européenne

European Camping Group assume une ambition simple et explicite : bâtir une marque européenne de plein air, capable d’absorber la saisonnalité, de lisser les risques pays et d’optimiser les taux d’occupation. L’entreprise revendique une fréquentation annuelle de plus de 3 millions de clients, portée par un mix de nationalités qui réduit la dépendance à la conjoncture d’un seul marché.

La feuille de route repose sur trois leviers. D’abord, la consolidation d’acteurs leaders au sein des grands bassins touristiques européens. Ensuite, la standardisation graduelle des standards qualité vers les catégories 3 à 5 étoiles. Enfin, la construction d’un socle digital capable de capter la demande internationale et de piloter le yield management.

La nomination de Sébastien Manceau à la direction générale début 2024 s’inscrit dans cette logique. Son principe directeur est lisible : la dimension européenne améliore les taux de remplissage et soutient la rentabilité. Le groupe en donne une traduction opérationnelle par la diversification géographique et un portefeuille de marques complémentaires.

Chiffres clés à retenir

Chiffre d’affaires 2023 : environ 700 millions d’euros.

Effectifs : près de 6 900 collaborateurs en haute saison.

Capex annuels : environ 100 millions d’euros, principalement dédiés aux parcs aquatiques, à la restauration et à la modernisation des logements.

Portefeuille : 115 campings en propre, 450 destinations partenaires, présence dans 13 pays.

Pour les investisseurs, ce positionnement est lisible : des actifs tangibles, des flux de trésorerie saisonniers mais de plus en plus lissés, et une base client large où les Français représentent 40 à 45 % des visiteurs, aux côtés de 20 % de Britanniques, 15 % de Néerlandais et 12 % d’Allemands, complétés par des clientèles nordiques et d’Europe centrale.

Alannia en espagne : une acquisition structurante

Finalisée en juillet 2025, l’acquisition d’Alannia en Espagne consolide la présence d’ECG dans la péninsule Ibérique. Alannia apporte environ 1 000 unités d’hébergement et 1 600 emplacements sous un format campings-resorts haut de gamme, un segment où la demande internationale croît rapidement.

Cette opération ne se résume pas à des chiffres d’offre. Elle améliore l’équilibre géographique des flux.

Si deux tiers des touristes d’ECG plébiscitent encore la France, environ 20 % préfèrent l’Italie et 7 à 8 % optent pour l’Espagne et la Croatie. L’entrée d’Alannia crédibilise la proposition espagnole, renforce les itinéraires multi-destinations et accroît la résilience en cas d’aléas climatiques ou macroéconomiques localisés.

Alannia : effet réseau et montée en gamme

Le profil premium d’Alannia s’intègre parfaitement au plan de modernisation d’ECG. Les resort-campings espagnols, souvent dotés d’infrastructures aquatiques et d’espaces bien-être, améliorent la proposition de valeur vis-à-vis d’une clientèle familiale prête à payer pour des services complets. L’enjeu est double : accroître la durée moyenne de séjour et augmenter le panier moyen via restauration et activités.

Côté distribution, l’intégration d’Alannia dans l’écosystème de plateformes du groupe doit accélérer la conversion en basse et moyenne saisons. Les calendriers de vacances décalés entre pays européens, atout déjà exploité par ECG, ont plus d’impact encore depuis l’Espagne, destination attractive hors été et compatible avec les ponts de printemps et d’automne.

Risque climatique diversifié : l’exposition à des microclimats distincts lisse les annulations de dernière minute et l’écart de fréquentation entre semaines pleines.

Courbe de prix rehaussée : profil resort premium, politique commerciale valorisée en haute saison, montée en gamme possible en intersaison.

Effet de réseau : ventes croisées sur les marques du groupe, amplification des bases CRM et renforcement des effets de fidélité.

Sur le plan juridique, la nature transfrontalière de l’opération s’inscrit dans un cadre de contrôle des concentrations, traditionnel en Europe. Aucun obstacle notoire n’a été signalé, signe d’un marché encore très fragmenté où la part de marché cumulée reste compatible avec une concurrence active.

Une décennie de consolidation : des rachats à la plateforme

Depuis les années 2010, ECG empile les briques d’un modèle de consolidation. L’ADN vient de Homair, pionnier du mobile home depuis les années 1990, qui a donné le tempo des premières intégrations et de la standardisation des opérations.

Homair : la matrice opérationnelle

Homair a fait école avec un modèle combinant campings opérés en propre et emplacements sous partenariats. L’équilibre permet d’alléger le bilan tout en gardant la main sur les standards client. Ce double dispositif reste au cœur du groupe, garantissant une expansion mesurée du capital investi et une flexibilité lors des cycles.

Eurocamp : l’effet taille

Le rachat d’Eurocamp en 2014 a été un tournant. L’opération a porté le parc à 15 000 mobile homes sur environ 300 campings. Elle a aussi ancré la stratégie internationale, en renforçant la distribution à l’échelle britannique et en densifiant l’offre sur les destinations prisées par les familles d’Europe du Nord.

Vacanceselect : le changement d’échelle

En 2023, l’acquisition de Vacanceselect a doublé la taille d’ECG et l’a confirmé comme principal acteur français de l’hôtellerie de plein air. Cet accord a apporté un portefeuille d’actifs et de marques complémentaires, tout en renforçant l’expertise sur des zones méditerranéennes très demandées.

Camping vision et roan : la distribution comme levier

Au-delà des actifs, ECG a sécurisé ses canaux de vente. L’intégration de Camping Vision et de Roan a dopé la portée digitale, notamment dans les pays du Benelux, en Suisse et en Allemagne. Le groupe a un objectif clair : capturer une part croissante des réservations en direct, dans un marché où le digital concentre désormais une majorité de décisions d’achat.

Dépendance réduite aux OTA : baisse des coûts d’acquisition par rapport aux plateformes tierces.

Yield management affûté : meilleure maîtrise des prix au jour le jour, couplée à des données locales de fréquentation.

Effets CRM : relances personnalisées, fidélisation multi‑marques, paniers moyens accrus via ventes additionnelles.

La transformation du groupe s’illustre également par l’adoption du nom European Camping Group en 2018, signe d’un périmètre devenu continental. En 2025, en plus d’Alannia, ECG a aussi acquis huit campings supplémentaires, poursuivant un maillage méthodique de destinations congruentes avec ses principaux bassins émetteurs.

Capital, dette et cadre juridique : les leviers de la croissance

Le capital d’ECG a connu plusieurs cycles d’investisseurs de long terme. Montefiore Investment est entré au capital en 2007, avant Carlyle en 2014. En 2018, le fonds de pension des enseignants de l’Ontario a pris le relais, puis PAI Partners en 2021. Cette succession de sponsors traduit la capacité du dossier à franchir des seuils d’échelle récurrents.

Juillet 2025 marque une nouvelle étape : PAI Partners a cédé une participation minoritaire à une filiale de l’Abu Dhabi Investment Authority, pour 600 millions d’euros, une opération saluée lors du sommet Choose France. Pour ECG, ce renfort financier sécurise une enveloppe d’investissements, stabilise la trajectoire et envoie un signal de confiance aux marchés et aux partenaires bancaires.

Cette entrée d’ADIA n’est pas une inflexion opportuniste. Elle s’aligne avec une thèse d’actifs récurrents, tangibles, adossés à des destinations pérennes et à une clientèle européenne multigénérationnelle. La granularité des revenus et la diversification multi‑pays en font un profil de cash-flow appréciée des fonds à horizon long.

Quels usages pour les 600 millions d’euros

La logique d’allocation du capital peut se lire à trois niveaux, sans renier la discipline financière :

  • Capex d’amélioration : parcs aquatiques, hébergements premium, restauration, parcours clients, connectivité et maintenance prédictive.
  • Build-up ciblé : rachats opportunistes d’actifs et de portefeuilles alignés avec les bassins de demande, notamment en Espagne et en Italie.
  • Accélération digitale : intégration des marques dans un socle data unifié, optimisation du référencement organique et pilotage du pricing.

Sur le plan juridique, ces mouvements se cadrent dans un environnement où la protection du consommateur et la transparence des plateformes de réservation sont de plus en plus scrutées. La montée en puissance de la distribution directe exige une conformité rigoureuse aux obligations d’information précontractuelle, aux règles de prix affichés et aux politiques d’annulation.

Éléments de conformité à ne pas sous-estimer

  1. Contrats de voyage : respect des obligations d’information et de remboursement en cas de modification substantielle.
  2. Protection des données : gouvernance RGPD, conservation limitée, transparence sur les usages marketing et la personnalisation des prix.
  3. Publicité : clarté des prix affichés, frais inclus, conditions d’annulation visibles.

Côté dette, le profil de l’activité soutient des financements amortissables et des lignes dédiées aux capex. La saisonnalité forte impose un soin particulier au besoin en fonds de roulement et au calibrage des covenants. La récurrence grandissante de la demande hors été, favorisée par l’extension géographique, améliore cependant la visibilité des flux.

Clientèles, destinations et saisonnalité : l’équation de la demande

ECG s’appuie sur une demande large et internationale. La clientèle française compte pour environ 40 à 45 % des séjours, suivie par les Britanniques à 20 %, les Néerlandais à 15 % et les Allemands à 12 %. Cette pluralité alimente des pics de fréquentation différents selon les calendriers scolaires, ce qui optimise l’occupation et la tarification.

La France concentre encore environ deux tiers des séjours, grâce à une densité d’actifs et à la profondeur du marché domestique. L’Italie illustre la diversification avec environ 20 % des séjours. L’Espagne et la Croatie, plus récentes dans le mix, forment un relais saisonnier utile au printemps et en arrière-saison, notamment pour les clientèles d’Europe du Nord.

Des signaux macro à décrypter

Après une année 2023 très dynamique, la fréquentation a légèrement reflué en 2024 dans certaines régions comme le Grand Est, avec 22,4 millions de nuitées dans les hébergements collectifs et un recul de 1,2 % sur l’année (source : Insee, bilan économique 2024, Grand Est). Au premier trimestre 2025, les nuitées hors campings ont diminué de 1,5 % sur un an, signe d’une stabilisation après l’après‑COVID, avec une saison hivernale 2025 globalement au niveau de 2024 (source : Insee, avril 2025).

Pour un groupe comme ECG, ces signaux mixtes sont managés par la diversification des clientèles et des géographies. Les cycles de consommation de loisirs, parfois heurtés par l’inflation et le coût de l’énergie, deviennent gérables quand l’offre peut se déplacer vers les marchés ou les périodes les plus porteurs, tout en modulant les prix.

Elasticité différenciée : la sensibilité au prix varie entre pays. Une base internationale autorise des hausses localisées.

Calendriers décalés : exploitation des vacances de Pâques, de mai et d’octobre selon les marchés émetteurs.

Offres packagées : intégration d’activités, restauration et accès prioritaire aux infrastructures pour augmenter le panier moyen.

Marques et promesse client

ECG aligne un portefeuille conçu pour limiter la cannibalisation tout en couvrant les principaux segments de demande : Homair pour la marque ombrelle en France et Méditerranée, Eurocamp très prescripteur sur le marché britannique, Roan retenu sur les marchés néerlandais et allemand, Camping Vision comme méta‑plateforme de distribution, auxquels s’ajoutent Marvilla Parks, Tohapi et Vacanceselect.

Le groupe insiste sur l’expérience et la personnalisation, tout en évitant un schéma trop standardisé. L’adaptation aux codes locaux reste une constante : intensité des animations, localisation des zones calmes, restauration et commerces, signalétique multilingue, standards d’hébergement adaptés aux attentes des clientèles du Nord et du Sud de l’Europe.

Ce que cette séquence dit du tourisme de plein air

ECG illustre un mouvement de fond : la montée en puissance d’acteurs intégrés capables d’absorber un marché historiquement atomisé. La combinaison d’actifs physiques solides, d’une plateforme commerciale internationale et d’investissements réguliers dans l’expérience client crée un environnement propice à la résilience comme à la croissance.

Avec l’adossement de PAI Partners et l’entrée d’ADIA pour 600 millions d’euros, le groupe dispose de marges de manœuvre pour intégrer d’autres actifs, accélérer la digitalisation et poursuivre la montée en gamme. Le segment MICE de proximité et les audiences jeunes offriront des relais de croissance tandis que l’enjeu environnemental poussera l’innovation vers des infrastructures plus sobres et des modèles d’exploitation calibrés pour un tourisme responsable.

En consolidant l’offre, en sécurisant son financement et en soignant l’expérience, European Camping Group assemble les briques d’un leadership européen durable dans l’hôtellerie de plein air, à la croisée d’un tourisme plus qualitatif, plus digital et mieux diversifié.