La French Tech subit une perte d'emplois record en septembre
Septembre 2025 marque une baisse significative avec 1 187 emplois supprimés dans les startups françaises, révélant une tendance préoccupante.

1 187 emplois nets effacés en septembre : la French Tech vient d’entrer dans une zone de turbulence que les entrepreneurs espéraient éviter en 2025. Après deux années de solde positif, le marché de l’emploi des startups bascule, tandis que les indicateurs de recrutement fléchissent et que le débat budgétaire 2026 ouvre des incertitudes sur les outils de soutien à l’innovation.
Impacts chiffrés sur l’emploi en 2025
Un mois de septembre au rouge vif
Le baromètre Numeum réalisé avec Motherbase enregistre un solde net négatif de 1 187 postes en septembre. Dans le détail, 5 110 suppressions sont comptabilisées pour 3 923 créations. Cette inversion tranche avec le démarrage d’année, lorsqu’en janvier 2025 les startups avaient généré un solde positif de 3 889 emplois grâce à 7 884 créations pour 3 995 suppressions (Maddyness, 21 octobre 2025).
Malgré ce décrochage, la dynamique cumulée reste positive depuis le 1er janvier : la French Tech a créé plus de 16 000 emplois nets, soit une hausse de 4,8 % sur la période. Toutefois, l’inflexion est nette. Le solde positif avait déjà ralenti à 792 en août, avant de passer dans le rouge le mois suivant. La vitesse de dégradation s’accélère.
Un écosystème devenu massif, désormais plus exposé
La Mission French Tech recense 18 000 startups actives et un volume de 450 000 emplois directs. À cette échelle, le moindre choc macroéconomique se traduit rapidement dans l’emploi. La contraction observée en septembre agit comme un révélateur : une croissance moins vigoureuse, des recrutements plus prudents et des arbitrages budgétaires internes plus stricts.
Photographie chiffrée de septembre 2025
Les données clés à retenir pour l’emploi startup en France :
- Solde net : -1 187 emplois.
- Suppressions : 5 110 postes.
- Créations : 3 923 postes.
- Solde en août : +792 emplois.
- Cumul 2025 : plus de 16 000 emplois nets, soit +4,8 %.
Lecture économique : la bascule de septembre confirme un retournement de tendance après un premier semestre plus porteur.
Un solde net négatif vient de la différence entre créations et suppressions. Il peut refléter des plans d’ajustement ciblés, une pause dans les recrutements ou un décalage de projets. En période d’incertitude, les directions financières privilégient souvent la préservation de trésorerie et une sélectivité accrue sur les profils clés.
Île-de-France et régions : onde de choc différenciée
Île-de-France : concentration des startups et de l’emploi
Plus d’une startup française sur trois est localisée en Île-de-France. Cette polarisation amplifie l’impact des cycles sur l’emploi, car les hubs parisiens concentrent les métiers produit, data, SaaS et IA, très exposés aux tournants d’investissement. La région sert d’accélérateur en phase ascendante et de caisse de résonance lors des ralentissements (INSEE, Insee Analyses Île-de-France n°209).
Hubs parisiens : les métiers tech sous pression
La remontée des suppressions se concentre dans les postes liés au développement logiciel, aux équipes produits et aux fonctions data. Lorsque les startups révisent leurs trajectoires, ces équipes peuvent être rationalisées pour aligner les charges sur un chiffre d’affaires moins dynamique. Le pilotage devient plus granulaire, avec des recrutements au fil de l’eau, souvent réorientés vers des rôles à impact P&L rapide.
Auvergne-Rhône-Alpes et Bretagne : ajustements locaux
Au-delà de Paris, des pôles comme Lyon et Rennes absorbent également des ajustements. Les acteurs locaux rapportent des fermetures partielles ou des gels d’embauche dans des startups logiciels. La diffusion de l’innovation vers ces territoires, soutenue par la croissance des dernières années, ne les immunise pas contre une normalisation des coûts, surtout dans les structures ayant accru leurs effectifs en anticipation de revenus différés.
Lecture territoriale : trois effets à suivre
- Concentration : l’Île-de-France polarise les décisions RH, amplifiant les cycles.
- Diffusion : les régions dynamiques répercutent les arbitrages avec un léger décalage temporel.
- Résilience : les écosystèmes diversifiés amortissent mieux l’ajustement que les clusters monosectoriels.
Secteurs touchés : data, SaaS et l’IA à l’épreuve
Data et SaaS : rationalisation des feuilles de route
Les modèles SaaS et les équipes data enregistrent des suppressions nettes en septembre. Les entreprises rebasculent sur des priorités de monétisation, retardent des modules non essentiels, et redimensionnent l’acquisition client lorsque le coût d’acquisition est sous pression. Les feuilles de route passent en mode must-have plutôt que nice-to-have, avec des critères de retour sur investissement plus stricts.
L’IA, entre potentiel et sélectivité des investissements
Les projets d’IA ne sont pas épargnés : le baromètre Numeum fait état de suppression nettes en septembre dans ce périmètre. La sélectivité s’accroît, non pas faute d’opportunités, mais par exigence d’industrialisation et de certification des cas d’usage. Les dépenses de R&D restent ciblées sur les briques créant un avantage concurrentiel tangible, tandis que les expérimentations moins prioritaires sont ajournées.
Dans les cycles de tension, les équipes produits et data recentrent l’effort sur des cas d’usage à revenus démontrables, la réduction de dette technique et l’optimisation de l’infrastructure cloud. Côté IA, l’arbitrage se fait au profit de projets où la mesure d’impact est short-term et où les questions de sécurité et de conformité sont adressées dès la conception.
Indicateurs de recrutement en repli
France Digitale et EY : signal de prudence
Le baromètre de France Digitale réalisé avec EY confirme une inflexion. 69 % des startups prévoient encore de recruter sur douze mois, contre 84 % l’an passé.
À l’inverse, 17 % n’anticipent aucune embauche et 14 % projettent une baisse d’effectifs, un niveau nettement supérieur à celui observé l’an dernier. L’association évoque le risque d’une dégradation accélérée si le contexte ne s’éclaircit pas.
La mécanique est classique : en sortie de cycle d’expansion, la prudence redevient la norme. Les recrutements critiques sont maintenus, le reste est modulé. Avec une visibilité commerciale plus courte, les tableaux de bord RH sont pilotés au mois, et non plus au trimestre.
Conséquences pour la trésorerie et la productivité
Un ralentissement des embauches améliore la runway mais peut peser sur la vitesse de livraison. Les directions opèrent souvent un arbitrage entre marge de manœuvre financière et capacité d’innovation. Dans les startups en hypercroissance, la discipline de sélection des projets devient un facteur clé de productivité, en particulier pour sécuriser des levées ou obtenir un financement bancaire.
Repères de lecture des intentions d’embauche
- 69 % : une majorité conserve des plans d’embauche, mais sous condition d’atteindre des jalons commerciaux.
- 17 % sans recrutement : stratégie d’attente pour préserver la trésorerie.
- 14 % de réductions prévues : calibrage des coûts après une phase d’expansion.
Conclusion opérationnelle : prioriser les postes à impact direct revenus et réévaluer les rôles de support à faible levier court terme.
Politique publique et cadre budgétaire : 2026 sous surveillance
Loi de Finances 2025 : signaux envoyés aux entreprises
La loi de Finances 2025, adoptée le 6 février 2025, a apporté des ajustements fiscaux pour les entreprises, incluant des éléments relatifs à l’impôt sur les bénéfices. Cette trajectoire s’inscrit dans un objectif de réduction du déficit. Les documents officiels indiquent que le cadrage budgétaire 2026 donnera la priorité à cet équilibre, ce qui pose la question de l’allocation future des dispositifs de soutien à l’innovation.
CIR et CII : vigilance des entrepreneurs
Le crédit d’impôt recherche et le crédit d’impôt innovation constituent des leviers historiques pour financer la R&D. Des discussions sont ouvertes sur d’éventuelles évolutions dans le cadre du budget 2026. Les entrepreneurs affichent une attente forte de stabilité afin d’éviter un effet ciseau en pleine rationalisation des coûts d’équipes techniques.
French Tech 2030 : un amortisseur à préserver
Le programme French Tech 2030, lancé en 2023, accompagne 100 lauréats aux projets jugés stratégiques jusqu’en 2030. Les retours des bénéficiaires insistent sur le rôle de ces outils pour soutenir la compétitivité et ancrer des filières d’avenir. Dans la phase actuelle, le maintien de ce type de programmes contribue à atténuer les effets d’une normalisation des recrutements.
Le CIR et le CII favorisent le financement de la R&D et de l’innovation. Pour un pilotage prudent, de nombreuses directions réexaminent leurs périmètres éligibles, cadencent mieux les dépenses admissibles, et s’assurent de la traçabilité documentaire en vue des déclarations. Objectif : maximiser les leviers tout en réduisant le risque d’insécurité fiscale.
Lecture stratégique pour les dirigeants : arbitrer, séquencer, mesurer
Arbitrages RH éclairés par les métriques
Le passage en solde négatif ne signifie pas un retournement structurel de l’écosystème, mais impose une gouvernance plus serrée des ressources. Trois axes de pilotage s’imposent :
- Aligner effectifs et revenus : calibrer l’équipe commerciale et produit sur des objectifs signés, pas seulement en pipeline.
- Prioriser l’industrialisation : concentrer l’IA et la data sur des use cases déployables et mesurables.
- Phaser les recrutements : déclencher les embauches au franchissement de jalons et préserver la flexibilité.
Mesure de performance et calendrier d’exécution
La trajectoire T4 2025 exigera des revues mensuelles des feuilles de route et des équipes. L’enjeu consiste à éviter la double peine : une capacité d’innovation fragilisée par les coupes et un time-to-market qui s’allonge. Les tableaux de bord devront mettre en regard productivité par équipe, taux d’adoption produit et cash burn.
Ce que disent les baromètres sectoriels
La remontée des suppressions en data, SaaS et IA s’explique par une sélectivité accrue des investissements et un recentrage sur la rentabilité opérationnelle. Les signaux convergents du baromètre Numeum-Motherbase et de l’enquête France Digitale-EY éclairent une phase d’optimisation plutôt qu’un arrêt de croissance.
Rappel chiffré clé : l’écosystème demeure conséquent avec 18 000 startups et 450 000 emplois directs.
Septembre 2025, un test de résilience pour la French Tech
Le point bas de septembre acte une discipline d’exécution qui s’impose à tous les étages : RH, produit, finance. Les données territoriales et sectorielles montrent un ralentissement d’ampleur variable mais réel, alors que les soutiens publics et les choix budgétaires pour 2026 seront scrutés à l’aune de leur effet sur la R&D et l’emploi. Dans ce contexte, la capacité à transformer les contraintes en gains d’efficacité fera la différence (Maddyness, INSEE).
Reste une certitude : la taille atteinte par l’écosystème impose une gouvernance plus fine et un pilotage de court terme assumé, sans renoncer aux ambitions de long terme portées par des programmes comme French Tech 2030. L’inflexion de septembre n’est pas une fin de cycle, mais une invitation à réorganiser le jeu pour continuer à marquer des points.