RTE confie à Eiffage la construction de sous-stations maritimes
Eiffage décroche un marché crucial de 1,5 Md€ pour des sous-stations offshore. Un axe porteur pour l'éolien en mer en France.

1,5 milliard d'euros : Eiffage décroche un marché stratégique auprès de RTE pour équiper trois parcs éoliens en mer. À la clé, des sous-stations offshore et une chaîne industrielle 100 % européenne, avec des assemblages en Provence et aux Pays-Bas. L'opération consolide le virage du groupe vers les renouvelables et éclaire les ambitions françaises en matière d'éolien en mer.
Contrat RTE de 1,5 milliard d'euros : périmètre et portée industrielle
Eiffage a été retenu par RTE pour concevoir et construire trois sous-stations électriques offshore destinées au raccordement au réseau terrestre des futurs parcs éoliens en mer en Bretagne Sud, dans la zone Narbonnaise Sud-Hérault et dans le Golfe de Fos. La valeur du marché atteint 1,5 milliard d'euros, un volume qui place ce contrat parmi les plus importants remportés par le groupe dans l'éolien en mer.
Le périmètre comprend la fabrication des fondations métalliques dites jackets, l'assemblage des structures supérieures topsides et la livraison d'installations en courant alternatif aptes à fonctionner dans des environnements marins exigeants. L'ensemble doit permettre de renforcer les capacités d'évacuation d'électricité renouvelable vers le réseau national.
Deux déclarations illustrent l'envergure du projet. Jean-Luc Sidoroff, directeur d'Eiffage Métal, souligne : « Ce contrat illustre notre expertise en ingénierie offshore et notre engagement pour la transition énergétique.
Il créera des centaines d'emplois qualifiés en Europe. » Xavier Piechaczyk, président du directoire de RTE, y voit un renfort pour la sécurité d'approvisionnement : « Ces sous-stations sont essentielles pour intégrer 2 GW supplémentaires d'énergie éolienne au réseau, renforçant la résilience électrique française. » (BFMTV, 29 septembre 2025)
Selon un communiqué d'Eiffage daté du 29 septembre 2025, l'exécution s'appuiera sur des technologies avancées afin de garantir robustesse, durabilité et continuité d'exploitation sous conditions marines extrêmes. La fabrication et l'assemblage seront répartis entre plusieurs sites européens, dont Fos-sur-Mer et Vlissingen, afin de sécuriser les flux d'approvisionnement et de mutualiser les expertises.
Architecture technique des sous-stations : AC, jackets et topsides
Les trois sous-stations seront réalisées en courant alternatif et reposent sur des fondations jackets. Ces structures treillis, en acier, mesurent entre 110 et 115 mètres de hauteur selon les sites.
Au-dessus, les topsides formeront le cœur électrique, chaque module atteignant environ 5 000 tonnes. Ce dimensionnement répond aux contraintes de fatigue, de corrosion et de levage en mer.
Au sein des topsides, les équipements électriques concentreurs permettront le rassemblement des câbles des éoliennes, le réglage de la tension et le transit vers la terre via des câbles d'export. Ce choix en AC facilite l'interfaçage avec le réseau terrestre, tout en limitant les ouvrages de conversion à terre pour cette génération de projets.
Au stade industriel, Eiffage prend en charge la fabrication, la logistique lourde et l’assemblage de ces éléments. La précision d'usinage, la rigidité des assemblages et la qualité de protection anticorrosion constituent trois lignes de défense majeures face à l'agressivité saline et à l'action dynamique de la houle.
Le courant alternatif permet de s'intégrer directement au réseau terrestre sans étape de conversion systématique. Pour des liaisons et distances compatibles, l'AC reste une solution industrielle éprouvée, avec des équipements standardisés et un retour d'expérience important sur les grands chantiers européens. Il en résulte un équilibre entre performance, coûts d'investissement et délais d'exécution.
Lexique technique utile
Pour mieux suivre le projet, trois définitions clés :
- Jacket : fondation treillis en acier ancrée au fond marin, supportant le poids et les efforts de la sous-station.
- Topside : superstructure posée sur la jacket, intégrant appareillages électriques et systèmes auxiliaires.
- Sous-station offshore : plateforme qui collecte l'électricité des éoliennes, la conditionne puis l'achemine vers la terre.
Chaîne de valeur européenne : Smulders, Fos-sur-Mer et Vlissingen
La réalisation mobilise une chaîne de production intégralement européenne. Smulders, filiale belge d'Eiffage Métal, pilotera la fabrication dans ses ateliers, épaulée par des sous-traitants. La logique d'organisation est claire : proximité des capacités lourdes, standardisation des procédés et répartition des risques industriels.
- Fabrication : Smulders conduira la production des grands éléments métalliques avec des partenaires européens.
- Assemblage des jackets : opérations réalisées sur le site d'Eiffage Métal à Fos-sur-Mer dans les Bouches-du-Rhône.
- Assemblage des topsides : travaux conduits aux Pays-Bas, à Vlissingen.
Cette architecture industrielle joue la complémentarité des sites et des équipes. Les flux seront cadencés pour sécuriser les fenêtres météo de transport et d’installation, un jalon critique lorsqu’il s’agit de modules pesant plusieurs milliers de tonnes.
Le communiqué du 29 septembre 2025 met en avant des « technologies avancées » sans détailler les références produits. Dans une filière où la disponibilité de l'acier, la maîtrise des soudures et la protection anticorrosion sont des facteurs clés, la robustesse des procédés et le contrôle qualité sur site demeurent déterminants.
Trois risques concentrent l'attention des donneurs d'ordres et EPCistes :
- Intégrité structurelle : tenue à la fatigue des soudures et assemblages sous sollicitations cycliques.
- Corrosion : systèmes de peintures, anodes sacrificielles et inspections en service.
- Chaîne logistique : capacités de levage, créneaux portuaires, coordination transport-installation selon météo.
Leur traitement précoce, via des plans d'assurance qualité et une ingénierie de construction détaillée, conditionne délais et coûts finaux.
Sites industriels mobilisés
Trois ancrages géographiques structurent l’exécution :
- Belgique : pilotage industriel et production chez Smulders.
- Fos-sur-Mer : assemblage des jackets sur le site d’Eiffage Métal.
- Vlissingen : assemblage des topsides aux Pays-Bas.
Ce triptyque « Belgique–Provence–Zélande » vise à combiner capacités lourdes, savoir-faire offshore et proximité maritime.
Trois zones éoliennes raccordées : Bretagne Sud, Narbonnaise Sud-Hérault et Golfe de Fos
Le contrat adresse trois bassins maritimes aux profils complémentaires. Leur raccordement conditionne la montée en puissance des volumes éoliens en mer sur façade Atlantique et Méditerranée.
Bretagne Sud : sécurisation d'un futur hub électrique
Au large du Morbihan, le parc futur constitue une brique importante pour sécuriser la production décarbonée en Bretagne. Le bilan électrique 2024 publié par RTE le 25 septembre 2025 met en évidence une progression de l’éolien et du solaire, mais insuffisante au regard des objectifs régionaux 2025-2040. Le raccordement par sous-station offshore doit améliorer la stabilité des injections et la qualité des transits vers terre.
Narbonnaise Sud-Hérault : accélération en Méditerranée
Sur le pourtour méditerranéen, la zone Narbonnaise Sud-Hérault est intégrée aux projets structurants du littoral. Les données publiées par le ministère de la Transition écologique en août 2025 indiquent que ces parcs contribueront aux objectifs nationaux de 40 GW d’éolien en mer à l’horizon 2030, à l’échelle de la filière.
Golfe de Fos : ancrage provençal et réseau de transit
Dans les Bouches-du-Rhône, le Golfe de Fos capitalise sur des vents soutenus et une infrastructure portuaire apte aux charges lourdes. Un rapport de la préfecture de région Provence-Alpes-Côte d’Azur publié en avril 2025 souligne l'importance des infrastructures énergétiques pour la sécurité d'approvisionnement régionale. Le choix d’assembler les jackets à Fos-sur-Mer renforce cet ancrage industriel.
Bretagne : un retard qui structure les priorités
La Bretagne, historiquement contrainte sur l’équilibre production-consommation, doit accélérer la mise en service de capacités locales. Les sous-stations prévues au large du Morbihan visent précisément à fiabiliser ces futurs apports d’énergie et à éviter les congestions. La photographie dressée par RTE au 25 septembre 2025 alimente les choix d’investissement réseau à court terme.
La DREAL Bretagne a organisé des rencontres avec les pêcheurs professionnels au printemps 2025. Objectif : ajuster le tracé des ouvrages, les fenêtres de chantier et les protocoles de navigation. Ce type de concertation, désormais systématique, conditionne l’acceptabilité sociale des projets et limite les risques de recours.
Cadre réglementaire et impact économique : objectifs, emploi et réseau
Les projets s’inscrivent dans la trajectoire de la loi de programmation énergétique adoptée en 2024, qui ambitionne de doubler la part des renouvelables d’ici 2030. Dans une note prospective de juillet 2025, RTE estime que l’éolien en mer pourrait contribuer jusqu’à 20 % de la production électrique française à l’horizon 2040. Ces repères encadrent la planification des infrastructures et les besoins d’investissements réseau.
Sur le terrain économique, Eiffage anticipe des retombées significatives. À Fos-sur-Mer, l’assemblage des jackets mobilisera un socle d’emplois industriels avec des sous-traitants nationaux.
Le groupe estime un impact de l’ordre de 500 emplois directs sur trois ans, un chiffrage étayé par des analyses sectorielles de l’INSEE en 2025. Pour le management et la supply chain, cela suppose des compétences éprouvées dans le levage lourd, la métallurgie et la maîtrise qualité.
Les messages officiels convergent. Côté Eiffage, l’accent est mis sur l’industrialisation et les compétences. Côté RTE, l’enjeu se lit surtout sous l’angle système : chaque sous-station représente une brique d’optimisation du réseau de transport national. À la clé, un gain de résilience et la capacité à accueillir davantage d’énergie intermittente.
Qui est Eiffage : profil et résultats 2024
Basé en Île-de-France, Eiffage emploie environ 84 000 salariés et a réalisé un chiffre d’affaires de 23 milliards d’euros en 2024, d’après ses rapports annuels. L’orientation vers les énergies renouvelables et les projets d’infrastructures énergétiques place le groupe au cœur des chantiers de transition, aux côtés des activités historiques de construction, concessions et métallurgie.
Eiffage et NGE : stratégie et résultats
La diversification d’Eiffage dans la transition se matérialise aussi à terre. Avec NGE, le groupe a annoncé en septembre 2025 un marché de génie civil pour deux unités de valorisation énergétique à Toulouse, pour 132 millions d’euros. Cette orientation vers les infrastructures bas carbone consolide un portefeuille qui intègre désormais réseaux, déchets valorisés et énergies marines.
Trois leviers dominent les projets offshore lourds :
- Industrialisation : standardiser jackets et modules pour réduire les reprises en atelier.
- Logistique : scénariser les transferts port à port, limiter les attentes et maximiser la fenêtre météo.
- Qualité : inspection précoce sur soudures critiques et systèmes anticorrosion pour éviter les reprises coûteuses.
Ces leviers ont un impact direct sur le coût complet et le délai de mise en service des sous-stations.
Chiffres clés à retenir
- Montant du contrat : 1,5 milliard d’euros.
- Ouvrages : 3 sous-stations offshore en courant alternatif.
- Fondations : jackets acier de 110 à 115 mètres.
- Topsides : environ 5 000 tonnes par module.
- Emplois : impact estimé à 500 emplois directs sur trois ans à Fos-sur-Mer.
- Objectifs nationaux : contribution aux 40 GW d’éolien en mer d’ici 2030 à l’échelle de la filière.
Sources publiques mentionnées : BFMTV pour l’annonce du contrat, bilan électrique 2024 de RTE pour la situation régionale en Bretagne.
À l’échelle européenne, le marché reste porteur. Selon l’AIE dans son rapport 2025, l’éolien offshore pourrait croître d’environ 15 % par an d’ici 2030 en Europe. Cette dynamique pose toutefois des défis récurrents : accélérer les autorisations, garantir la capacité industrielle des chantiers navals et métallurgiques, stabiliser les chaînes d’approvisionnement en acier et en composants électriques, et renforcer l’adéquation du réseau.
Pour la puissance publique, la mise en cohérence entre objectifs, planification réseau et acceptabilité locale demeure centrale. Des initiatives régionales, comme la consultation en Bretagne Nord-Ouest en avril 2025, ou les orientations en Nouvelle-Aquitaine en faveur de l’éolien en mer, structurent cette trajectoire. Le contrat remporté par Eiffage avec RTE s’y inscrit pleinement, en apportant la pièce maîtresse que constitue une sous-station offshore dans la chaîne de valeur.
Cap industriel confirmé pour l'éolien en mer français
Le marché obtenu par Eiffage avec RTE réunit trois ingrédients recherchés dans la transition énergétique : un investissement massif, une industrialisation européenne et un impact immédiat sur la sécurité électrique. En alignant compétences métallurgiques, montage lourd et intégration réseau, le groupe confirme son ancrage dans les infrastructures bas carbone.
La suite dépendra de l’exécution industrielle et de la synchronisation avec les parcs, mais le signal adressé à la filière est clair : les capacités françaises et européennes se structurent pour livrer des ouvrages critiques à grande échelle. Un jalon qui place l’éolien en mer au cœur du mix futur, avec des retombées industrielles tangibles sur les territoires.