Cosma révolutionne la cartographie des fonds marins par drones
Découvrez comment Cosma, start-up française, utilise des drones sous-marins autonomes pour cartographier et préserver les fonds marins.

Depuis quelque temps, la jeune pousse niçoise Cosma suscite un intérêt grandissant auprès des industriels et des organismes publics. Son ambition ? Améliorer la connaissance de nos fonds marins grâce à des essaims de drones sous-marins, capables de collecter un volume d’images impressionnant et de résoudre plusieurs problématiques environnementales et industrielles.
Une ambition qui a pris racine dans un contexte sous-marin
Pour beaucoup, le monde sous la surface reste une énigme, voire un univers hostile. Pourtant, d’après un rapport publié par l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) à la mi-juin, seuls 26,1 % des fonds marins de la planète sont à ce jour cartographiés. Tout le défi réside alors dans la capacité à pousser plus loin la connaissance de ces zones en grande partie méconnues.
Lancé officiellement en 2022 par l’équipe de Frederic Mittaine, Cosma se positionne sur cet énorme chantier. L’objectif premier est de remplir une mission : mettre au point des drones autonomes ultra-performants pour observer, analyser et sécuriser les infrastructures sous-marines. Avec un positionnement stratégique à Nice, dans les Alpes-Maritimes, la société s’appuie sur l’expertise technologique et scientifique de la région, non loin du centre de l’Ifremer à La Seyne-Sur-Mer (Var).
Le programme de développement a été rapidement amplifié grâce à la volonté d’adresser deux problèmes : assurer la protection de la biodiversité marine et prévenir les risques pour les installations humaines (câbles, pipelines, ouvrages pétroliers, parcs éoliens). De quoi attirer à la fois acteurs privés et publics, face à la nécessité d’explorer un milieu aussi stratégique qu’opaque.
L’histoire d’une start-up à l’écoute des besoins du terrain
Les premiers pas de Cosma remontent à une série de constats simples : se lancer dans l’exploration océanique implique souvent des coûts prohibitifs, peu de flexibilité et de longs délais pour la saisie et l'analyse des données. En effet, pour cartographier le relief sous-marin ou vérifier l’intégrité d’un site, il fallait historiquement mobiliser des navires scientifiques dédiés, onéreux et rarement adaptés à des opérations répétées.
Face à ces difficultés, Cosma a opté pour une stratégie résolument différente : concevoir de petits robots submersibles, de moins de 25 kg, pouvant descendre jusqu’à 300 mètres de profondeur et naviguer pendant six heures. Cette modularité leur permet de s’insérer dans un bateau léger ou même de décoller quasi spontanément depuis le rivage. L’idée est de multiplier les points de collecte d’informations sans alourdir le processus.
Dès 2022, cette approche a convaincu plusieurs partenaires de recherche, dont l’Ifremer. Aujourd’hui, l’organisme détient 10 % de la jeune société. Cette alliance va bien au-delà d’un simple soutien financier : elle permet surtout d’accéder à un réseau d’experts, de laboratoires et de savoir-faire en matière d’innovation technologique.
Une forte connexion avec l’Ifremer
L’Ifremer (Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) est une référence mondiale dans le domaine des sciences marines. Basée en France, cette institution accompagne de nombreux projets d’innovation visant à mieux comprendre, protéger et exploiter durablement les ressources marines. Le choix de l’Ifremer d’investir dans Cosma souligne l’intérêt scientifique et stratégique de la start-up pour l’exploration des fonds marins.
Des drones sous-marins autonomes : un concept novateur en détail
L’idée d’une flotte de drones autonomes fait immédiatement penser aux véhicules aériens sans pilote. Or, sous l’eau, la donne est tout autre : le signal GPS y est quasi inexistant et la lumière s’y réfère difficilement. Les ingénieurs de Cosma ont alors développé des modèles robustes, capables de se déplacer entre 60 centimètres et 5 mètres au-dessus du plancher océanique, afin d’éviter que le manque de visibilité ne compromette la collecte des données.
Équipés de caméras haute résolution, ces robots envoient un gros volume de clichés (jusqu'à 100 000 images récoltées par hectare) vers une plateforme cloud. Les algorithmes se chargent ensuite de transformer ces images en modèles 3D ou en cartes de haute précision. Conséquence : on peut analyser la présence d’espèces protégées, repérer d’éventuels obstacles (épaves, rochers), vérifier la solidité de structures sous-marines, etc.
Le terme ROV (Remotely Operated Vehicle) désigne un engin sous-marin téléopéré depuis la surface. Un câble ou une liaison en temps réel le relie au navire ou à la station de contrôle. À l’inverse, un drone sous-marin autonome agit sans liaison filaire permanente, naviguant grâce à ses propres capteurs et algorithmes embarqués.
En pratique, la société mise sur deux grands leviers de différenciation technique : la légèreté pour faciliter le déploiement (moins de 25 kg) et l’autonomie de navigation, qui supprime la dépendance à un grand bateau spécialisé. Cette formule permet une grande souplesse sur différents types de missions, qu’elles soient à visée industrielle ou écologique.
Résultats marquants et champ d’application élargi
Si Cosma fait autant parler d’elle, c’est en grande partie grâce aux perspectives concrètes qu’elle offre. Selon les retours d’expérience, un essaim d’une dizaine de drones permettrait de cartographier un hectare de fond marin à une échelle de détails inenvisageable il y a encore quelques années. Chaque robot opère avec rigueur et se coordonne avec les autres pour couvrir la zone sans redondance inutile.
Cette méthode accroît considérablement la précision des données. Pour les chercheurs, cela signifie des images inédites de la biodiversité, mais aussi la possibilité de suivre l’évolution d’une zone dans le temps (extension d’algues, apparition de nouvelles espèces, dégradation d’un récif artificiel, etc.). Pour les exploitants industriels, c’est la garantie de localiser d’éventuelles failles structurelles ou la présence d’éléments dangereux (débris, munitions non explosées) avant qu’ils ne se transforment en risque majeur.
De surcroît, cette expertise est déjà mise à l’épreuve avec des organismes variés. Parmi eux, des associations telle que la WWF, des entités comme SeaForester (spécialisée dans la reforestation sous-marine d’algues brunes au Portugal), ou encore le groupe d’ingénierie Egis. L’objectif est de renforcer la connaissance du milieu sous-marin, tout en apportant une alternative moins invasive qu’une campagne de recherche classique.
Une solution attendue par des industriels et des acteurs publics
L’utilité de ces drones ne se limite pas à la seule surveillance de la biodiversité. Les infrastructures sous-marines, qu’il s’agisse de pipelines, de connexions électriques ou de parcs éoliens offshore, font face à des aléas majeurs : corrosion, collisions imprévues, mouvement des sédiments. Il devient crucial pour les industriels de vérifier en continu le bon état de leurs équipements.
Cosma répond à cette problématique en fournissant, à la manière d’un assureur, un diagnostic régulier du site, permettant de réagir rapidement si une avarie est détectée. L’importance de cette réponse réactive est capitale : une petite fissure repérée à temps peut empêcher une fuite ou un incident bien plus grave. Ainsi, au-delà de l’aspect environnemental, il s’agit aussi de préserver la sécurité et la rentabilité des infrastructures.
D’un point de vue institutionnel, des organismes publics comme les communes littorales ou les parcs nationaux marins cherchent à mieux comprendre l’importance écologique de certaines zones protégées. Grâce aux images de Cosma, ils peuvent évaluer précisément la biomasse présente, détecter les espèces sensibles et éventuellement ajuster leurs politiques de préservation.
La photogrammétrie consiste à utiliser plusieurs clichés d’une même zone, sous différents angles, pour reconstituer un environnement en 3D. Sous l’eau, cette technique est exigeante, car la lumière se disperse rapidement. Toutefois, en multipliant massivement les images (jusqu’à 100 000 par hectare), Cosma peut générer des cartes sous-marines extrêmement détaillées.
Cap sur l’innovation avec l’essaimage des robots
Une caractéristique forte chez Cosma est l’emploi du terme « essaim » pour définir l’action coordonnée de plusieurs drones. L’approche collaborative entre machines permet de pousser plus loin la couverture géographique. Alors qu’un seul engin finirait par être rapidement limité en termes de superficie explorée, un essaim divise le travail, accélère la cartographie et offre des angles multiples.
Derrière cette innovation, on trouve un levier technologique important : la communication entre les différents drones est pensée pour éviter tout chevauchement ou omission de terrain. Il existe également un dispositif garantissant la redondance des informations en cas de défaillance d’un robot lors de la mission. En clair, c’est une approche inspirée de la nature : comme un banc de poissons, chaque drone connaît sa place et compense les éventuelles perturbations dans le groupe.
Le concept va aussi dans le sens des ambitions de l’Ifremer, qui soutient les solutions permettant de réduire l’empreinte environnementale des missions scientifiques. Ce type d’essaimage réduit la nécessité d’avoir un navire lourdement équipé en surface. Les drones utilisent des bateaux plus petits, voire aucune embarcation, pour les trajets courts, limitant ainsi la consommation de carburant.
Pourquoi l’essaimage est-il un avantage majeur ?
Synchronisation et fiabilité : Un essaim de drones opère comme un réseau, se synchronise en temps réel et réduit les risques de zones non couvertes.
Vitesse d’exécution : Plusieurs engins qui travaillent simultanément réduisent considérablement le temps de cartographie de grandes surfaces.
Redondance : En cas de panne, le groupe adapte sa mission, évitant l’interruption totale des opérations.
Le rôle crucial des partenaires financiers et de la levée de fonds
Le 30 juin dernier, Cosma a officialisé une belle étape de sa vie d’entreprise : une levée de fonds de 2,5 millions d’euros souscrite auprès des fonds d’investissement Wind et Ternel, auxquels se sont associés 50 Partners et la Caisse d'épargne Côte d'Azur. L’Ifremer, qui était déjà partenaire, est entrée directement au capital à hauteur de 10 %.
Ces financements offrent une marge de manœuvre supplémentaire à la jeune pousse pour accroître sa capacité de production et entamer des missions plus ambitieuses, notamment en haute mer. Selon les déclarations officielles, Cosma vise sur le long terme le déploiement de centaines de drones d'ici 2030, tout en maintenant la possibilité d’ajuster et d’assembler chaque unité selon les besoins spécifiques de chaque projet.
Dans un paysage concurrentiel où la fracture entre les acteurs traditionnels et les start-up reste souvent marquée, cet accompagnement démontre la confiance accordée à la vision portée par Cosma. Les investisseurs ont salué autant la solidité de la technologie que la faisabilité à grande échelle de ce projet, confirmé par les tests menés sur le terrain.
Le concept de deep tech renvoie à des innovations fondées sur des avancées scientifiques ou technologiques de pointe. Les start-up de ce type répondent à des problématiques complexes, souvent dans les secteurs de la biotechnologie, de la robotique ou des nanotechnologies. Cosma, avec ses drones sous-marins et ses algorithmes de reconnaissance avancée, s’inscrit clairement dans cette catégorie.
Des collaborations déjà fructueuses, du civil au militaire
Pour valider sa technologie, Cosma s’appuie sur des partenariats variés et concrets. L’entreprise collabore par exemple avec SeaForester, qui s’attaque à la restauration des algues brunes dans les eaux portugaises, un enjeu écologique de premier ordre. Les drones viennent prendre des clichés rapprochés permettant d’évaluer la santé de ces algues et leur développement dans le temps.
D’autres projets concernent la WWF ou davantage de missions industrielles. C’est le cas du conglomérat allemand RWE dans le secteur de l’éolien offshore, ou encore perçu dans des missions de sécurisation, avec la Marine nationale pour la détection de mines sous-marines et la dépollution pyrotechnique. Autant dire que le périmètre d’activité s’étend loin au-delà des frontières françaises.
Le fait que les drones soient relativement compacts séduit particulièrement les militaires, qui peuvent les déployer depuis des bases avancées ou des navires de taille modeste. La mobilité de ces engins représente un gain de temps et une économie de moyens considérables, par rapport à l’utilisation de grosses plateformes d’exploration classiques.
Enjeux et défis : une cartographie marine pour un futur durable
L’importance d’une bonne cartographie ne se limite pas à la protection d’espèces ou à la sécurisation d’ouvrages. Elle contribue également à étudier les conséquences du changement climatique sur la faune et la flore marines. Les écosystèmes sous-marins sont souvent des indicateurs très précis de l’évolution de la température de l’eau, de l’acidification ou de la pollution.
En identifiant les zones vulnérables, il devient possible de suggérer des aires marines protégées, de définir des politiques de gestion durable ou d’encourager des innovations dans le monde de l’énergie (hydroliennes, gestion de la biomasse, etc.). Avec la précision apportée par Cosma, la recherche scientifique gagne un atout certain, puisqu’elle peut confronter des données de terrain avec des modèles théoriques et ajuster ses hypothèses au fil des observations.
En parallèle, les universités et laboratoires partenaires (à l’image de l’Ifremer) y voient une opportunité inédite de corréler des données géologiques, biologiques ou encore physico-chimiques, pour percer certains mystères du monde subaquatique. À peser également l’enjeu éthique : comment déployer adéquatement ces dispositifs pour qu’ils servent authentiquement la connaissance et la protection, tout en évitant les dérives liées à la surveillance ou la militarisation exacerbée ?
Sécurité des infrastructures : un point d’attention décisif
Outre la biodiversité, de nombreuses structures reposent sur le plancher océanique : câbles Internet transocéaniques, oléoducs, gazoducs, sans oublier les installations d’énergies renouvelables. Un contrôle régulier grâce à des drones réduit le risque d’interruptions de service, de fuites ou d’incidents environnementaux coûteux à gérer.
Maturité industrielle et production à large échelle
Avec les 2,5 millions d’euros récoltés, Cosma annonce sa volonté de renforcer son outil industriel, en développant des lignes de production capables de générer plusieurs robots en simultané. L’objectif étant de couvrir un large spectre de missions, des eaux côtières aux opérations en pleine mer. Selon les dirigeants, le modèle rejoint un plan de montée en puissance progressif : d’abord valider la fiabilité sur de petits groupes, puis constituer progressivement une flotte comptant plusieurs centaines d’unités à l’horizon 2030.
L’assemblage sur-mesure, annoncé comme un trompe-l’œil, signifie également que Cosma ne se dirige pas vers la création d’une usine géante, mais plutôt vers des ateliers spécialisés, plus flexibles. Autrement dit, la société veut coller au plus près des besoins de chaque secteur et client. Par exemple, un drone destiné à la détection de mines demandera des capteurs spécifiques, tandis qu’un autre, voué aux relevés biologiques, se concentrera sur la acquisition d’images en haute résolution.
Cette logique d’adaptabilité fait écho à l’évolution actuelle du marché : dans un contexte de transitions énergétiques et environnementales, les infrastructures offshore se diversifient. Cosma se place ainsi comme un fournisseur-clé pour de nombreux projets, notamment dans les énergies marines renouvelables (éolien, hydrolien). L’imbrication entre technologie, économie et durabilité fait de ces drones un outil de plus en plus incontournable.
Réalisations terrain et retours d’expérience
Les retours de missions menées avec Egis ont permis de valider la précision des relevés topographiques, ainsi que la capacité des drones à naviguer en milieu difficile. Les marins et scientifiques restent unanimes : les images offertes par l’essaim sont suffisamment fines pour distinguer des détails essentiels (déplacements de sable, état des algues, présence d’anfractuosités dans une paroi, etc.).
Chez SeaForester, on souligne surtout l’apport déterminant pour l’étude de la dynamique des algues brunes, cruciales pour la biodiversité et la séquestration du carbone. Les drones, opérant à proximité du littoral portugais, ont été testés dans des conditions de courant relativement fort. Les données recueillies ont permis d’ajuster la gestion du site et de suivre la croissance des forêts sous-marines.
La Marine nationale voit également un intérêt stratégique dans l’usage de ces robots pour la détection de menaces comme les bombes non explosées, ou pour la sécurisation de zones sensibles. Un délai de déploiement réduit, conjugué à l’absence de lourdes infrastructures, représente un atout majeur pour agir rapidement.
Anticiper les enjeux futurs : de la recherche à la protection écologique
Si à court terme la société vise l’expansion de son parc et la consolidation de ses activités en haute mer, des ambitions plus vastes semblent poindre. Il est question de s’investir dans des programmes internationaux visant la cartographie planétaire des océans, où Cosma pourrait occuper un rôle pionnier. Les directions prises par la communauté scientifique (inventaires de la biodiversité, campagnes de forages, identification d’espèces sous haute surveillance) laissent imaginer un terrain de collaboration très fertile.
Aujourd’hui plus que jamais, la mer est l’ultime frontière. Élucider ses mystères est une nécessité impérieuse à l’heure où la sécurité alimentaire, la transition énergétique et la préservation des écosystèmes sont autant de défis imbriqués. Les drones sous-marins représentent une réponse technologique à la fois pointue et modulable, qui trouve déjà sa place dans l’éventail d’outils disponibles pour mieux gérer nos espaces maritimes.
Les premiers succès de Cosma prouvent qu’il existe une demande réelle et concrète pour des solutions plus abordables, évolutives et capables de combler le vide actuel en données sous-marines. Entre potentiel commercial et vocation environnementale, la start-up niçoise s’inscrit dans l’avenir, positionnée sur des créneaux stratégiques et porteurs.
Cap vers des horizons inexplorés
Les signaux sont au vert pour Cosma, dont la technologie semble taillée pour répondre aux multiples enjeux liés aux fonds marins. Soutenue par l’Ifremer et propulsée par ses partenaires financiers, la start-up affûte désormais ses capacités d’essaim, tout en recherchant de nouveaux collaborateurs et synergies, que ce soit dans le secteur des énergies renouvelables, de la dépollution ou de la recherche en biologie marine.
Pour les collectivités et acteurs économiques, cette cartographie fine représente également une opportunité de repenser l’aménagement du littoral, de rendre plus efficace l’extraction de ressources, tout en minimisant l’impact sur l’environnement. Ce croisement entre intérêt écologique et impératifs industriels pourrait placer Cosma vivement au centre des réflexions sur le partage et la préservation des océans.
Au final, la cartographie procurée par ces essaims de drones autonomes ouvre un nouveau chapitre pour la France et au-delà, unissant prouesse technologique et respect de l’équilibre marin.