Une poignée de secondes suffit parfois pour transformer le destin d’une entreprise. Ainsi en va-t-il de Comet, qui vient de lever 10 millions d’euros et de changer son équipe dirigeante. Au-delà du simple chiffre, c’est tout un modèle qui se renouvelle, dans un marché du freelancing secoué depuis la pandémie. Voici les principaux enseignements de cette actualité stratégique et financière.

Un nouveau chapitre marqué par un virage stratégique

Fondée pour faciliter la mise en relation entre freelances et grands groupes, Comet s’est fait un nom sur un secteur en effervescence. L’entreprise se distingue notamment par la qualité de son vivier d’experts et par des collaborations nouées avec de grandes enseignes françaises et internationales. Mais en 2023, l’écosystème a changé de visage : la fin progressive des mesures liées à la pandémie de Covid-19 a ralenti la demande en freelance sur certains segments, tout en ouvrant de nouvelles opportunités dans d’autres.

Pour traverser cette phase d’ajustement, Comet se réinvente. L’annonce d’un tour de table de 10 millions d’euros confirme cette volonté de renforcer ses bases financières et de soutenir un projet déjà rentable depuis deux ans. Cette somme, versée par des investisseurs reconnus comme Daphni, Otium Capital, Founders Future, Tomcat, FJ Labs ou encore Kima Ventures (le fonds de Xavier Niel), vient s’ajouter aux 11 millions d’euros de 2018 et aux 4 millions d’euros de 2022.

La manoeuvre est d’envergure : attirer davantage de profils experts, diversifier les secteurs d’intervention et améliorer la plateforme de matching. Dans un univers désormais plus compétitif, Comet ambitionne ainsi de consolider son rayonnement auprès de clients exigeants, notamment au sein du CAC 40 et du SBF 120. Les ambitions se révèlent audacieuses, et l’entreprise compte sur un nouveau leadership pour les réaliser.

En France, le freelancing a connu une forte croissance jusqu’en 2021. Toutefois, depuis la crise sanitaire, les besoins ont fluctué et les entreprises recherchent désormais plus de qualifications ciblées (IA, cybersécurité, data science). Comet veut s’adapter à cette nouvelle donne en recentrant ses efforts sur ces domaines à fort potentiel.

Une levée de fonds pour déployer de nouvelles ambitions

Avec un total de 25 millions d’euros (répartis sur plusieurs tours de table depuis 2018), Comet bénéficie d’une solidité financière qui lui offre une marge de manœuvre significative. L’entreprise prévoit d’investir dans des outils technologiques permettant un meilleur référencement des freelances spécialisés, un accompagnement sur mesure et une automatisation renforcée du processus de sélection.

Au-delà de la simple interface, Comet entend proposer un environnement plus complet pour les talents indépendants : espaces de coworking virtuels, formations pointues et événements de networking. Cette orientation intervient dans un contexte où les freelances, selon plusieurs études sectorielles, aspirent à bien plus qu’à un simple job matching. Ils recherchent un écosystème stimulant, des retours d’expérience, et une projection à long terme dans leur carrière.

Parallèlement, l’arrivée de l’intelligence artificielle rebat les cartes. De nombreuses entreprises en France se tournent vers cette technologie pour optimiser leurs processus internes. La cybersécurité, elle aussi, devient un enjeu de premier plan. Comet souhaite donc muscler son offre en proposant des profils extrêmement qualifiés sur ces segments porteurs.

Bon à savoir : l’esprit French Tech

La French Tech désigne l’ensemble des start-up françaises à fort potentiel d’innovation, soutenues par des initiatives publiques et privées. Elle regroupe un écosystème dynamique et connecté, favorisant les rencontres entre entrepreneurs, investisseurs et talents pour promouvoir l’excellence technologique française à l’échelle internationale.

Cette dynamique donne à Comet une chance de se positionner comme interlocuteur privilégié pour les grandes entreprises, tant sur le plan opérationnel que stratégique. Même si la concurrence demeure féroce avec d’autres plateformes (comme Crème de la Crème ou Malt), l’injection de capital et la vision d’une équipe renouvelée peuvent aider à consolider sa place de choix sur un marché dont la taille ne cesse de croître.

La figure de proue : Laurent Potel prend les commandes

L’un des points clés de cette annonce concerne l’arrivée de Laurent Potel en tant que nouveau PDG de Comet. Ce nom résonne dans l’univers de l’entrepreneuriat français grâce à Reezocar, la plateforme de vente de voitures d’occasion qu’il avait cofondée en 2014. L’entreprise avait su fédérer une large communauté d’acheteurs potentiels, avant d’être revendue à Société Générale en 2020. L’histoire s’est toutefois conclue récemment par l’arrêt d’activité de Reezocar l’an passé, preuve que même les success stories ne sont pas exemptes de défis extrêmes.

Pour Comet, l’arrivée de ce dirigeant n’est pas une surprise totale. Laurent Potel siège depuis 2017 au conseil de surveillance de la société. Il connaît donc bien la plateforme, ses enjeux, et a pu observer ses forces et ses faiblesses de l’intérieur. Il succède à Éric Didier, qui a quitté ses fonctions à l’été 2024, et doit maintenant imprimer sa marque sur une structure en pleine transformation.

Comet est une plateforme fondée sur l’idée que les entreprises ont besoin de compétences pointues et flexibles pour mener à bien leurs projets IT. Elle cible les grands comptes (CAC 40, SBF 120) souhaitant compléter leurs équipes internes par des freelances triés sur le volet. Depuis sa création, Comet insiste sur la qualité des profils recrutés et sur l’adéquation précise entre la mission et l’expert.

Dans ses premières déclarations, le nouveau PDG met en avant la nécessité de proposer une offre capable de répondre aux « pénuries croissantes de certains profils IT et tech spécialisés ». L’ambition est de créer un pont entre la nouvelle vague technologique (IA, cybersécurité) et les grands groupes parfois en retard sur ces sujets. Les partenaires financiers de Comet y voient un terrain idéal pour doper la rentabilité de leurs investissements.

Si le leadership change, la culture interne se veut maintenue : agilité, excellence et accompagnement haut de gamme. Les analystes du secteur surveilleront de près la capacité de Comet à préserver son ADN tout en intégrant de nouvelles dimensions, notamment les technologies émergentes. Les choix de management, le suivi des innovations et la relation avec les freelances seront déterminants dans cette transition.

La cybersécurité et l’intelligence artificielle comme nouveaux leviers

Attirer des freelances spécialisés en cybersécurité ou en intelligence artificielle fait aujourd’hui figure de priorité pour de nombreuses entreprises, tant les cyberattaques et l’automatisation impactent la compétitivité. Comet se prépare donc à jouer un rôle d’intermédiaire entre les grands groupes en quête de protection et les experts disposant de compétences avancées, qu’ils soient ingénieurs en machine learning ou architectes sécurité.

Cette extension d’expertise peut aussi ouvrir des opportunités à l’international. La sécurité informatique ne connaît pas de frontières, et Comet pourrait saisir la balle au bond en présentant un vivier d’experts globalisé. D’autre part, l’IA se montre tout aussi universelle. Plusieurs grands acteurs français – dans l’énergie, la banque ou l’industrie – ont déjà amorcé leur transformation numérique. Ils se heurtent toutefois à un manque de ressources humaines qualifiées. C’est là que Comet intervient pour proposer un recrutement ultraciblé.

Depuis le début de l’année, Comet a renforcé son pôle dédié à ces problématiques. Des partenariats avec des sociétés de conseil spécialisées permettent d’offrir un accompagnement complet. Au-delà du recrutement, l’entreprise envisage de proposer un service de suivi post-mission pour mesurer l’efficacité des freelances placés chez ses clients et ajuster si nécessaire les compétences recherchées.

Intelligence artificielle : Ensemble de techniques permettant à des machines d’accomplir des tâches nécessitant normalement une intelligence humaine (compréhension du langage, reconnaissance visuelle, prise de décision...).

Cybersécurité : Ensemble de mesures et de pratiques visant à protéger les systèmes informatiques, réseaux et données contre les menaces, failles et attaques extérieures ou internes.

Cette logique s’inscrit dans l’air du temps : proposer, plutôt qu’une simple relation commerciale, un dispositif global d’amélioration continue. Alors que d’autres plateformes peuvent se limiter à du “placement” ponctuel, Comet souhaite incarner une solution de référence, du conseil stratégique jusqu’à l’évaluation de la performance.

La concurrence se durcit sur le marché du freelancing

Si le marché reste attractif, il est loin d’être un long fleuve tranquille. Des plateformes concurrentes comme Crème de la Crème ou Malt ont, elles aussi, musclé leurs offres. Crème de la Crème, par exemple, vient de réaliser un LBO (leveraged buy-out) afin de développer des acquisitions ciblées et élargir son portefeuille de freelances.

D’autres acteurs spécialisés dans des niches – développement mobile, design UX/UI, data science – cherchent à tirer leur épingle du jeu. Dans ce paysage, Comet insiste sur sa capacité à identifier des profils ultra-qualifiés, notamment grâce à des algorithmes de matching internes et à des retours d’expérience documentés. La plateforme s’engage aussi à offrir une expérience utilisateur aboutie, tant pour les consultants indépendants que pour les entreprises clientes.

Le modèle économique est également un facteur de différenciation. Comet applique des commissions, mais promet à ses freelances un accompagnement personnalisé : sessions de formation, ateliers de partage de bonnes pratiques, retours réguliers de la part des clients. Cette notion de communauté constitue un atout, car beaucoup d’indépendants se sentent isolés et recherchent de la synergie pour faire évoluer leurs compétences.

Bloc encadré : chiffres-clés du marché du freelancing en France

Entre 2009 et 2019, le nombre de freelances a connu une hausse de 110 %. Plus récemment, certains analystes estiment que plus d’un million de Français ont un statut d’indépendant dans les métiers du numérique ou du conseil. La crise du Covid-19 a toutefois créé des disparités : certains secteurs ont souffert, tandis que d’autres ont explosé (e-commerce, santé connectée, services cloud).

D’après des études récentes, la fidélité des freelances à une plateforme dépend en grande partie du relationnel et de l’ergonomie. Les profils très demandés (experts IA, data scientists) sont souvent chassés par plusieurs entreprises à la fois. Pour Comet, la qualité d’accompagnement devient donc un argument de poids, afin d’éviter que ses talents ne quittent la plateforme pour une offre rivale.

200 millions d’euros de chiffre d’affaires : un cap à portée de main ?

Selon les derniers chiffres communiqués, Comet a réalisé 77 millions d’euros de chiffre d’affaires sur le dernier exercice, et se félicite d’être rentable depuis deux ans. Un objectif de « 200 millions d’euros de revenus à court terme » est désormais évoqué, même si aucune échéance précise n’a été partagée. Cette ambition soulève néanmoins quelques questions : comment tripler le chiffre d’affaires dans un contexte économique encore incertain ?

Plusieurs pistes semblent envisagées. D’abord, un déploiement accéléré vers les grands groupes français et européens, particulièrement ceux du CAC 40 et du SBF 120. Ces entreprises disposent de budgets conséquents pour leurs projets d’innovation, mais la guerre des talents fait rage. Si Comet parvient à proposer des profils experts rapidement et à des tarifs maîtrisés, le partenariat pourra s’étendre sur la durée.

Ensuite, la volonté de franchir les frontières. L’ouverture vers d’autres marchés européens (Allemagne, Royaume-Uni, Espagne) se retrouve dans les plans de nombreuses scale-ups françaises. Cette internationalisation nécessite toutefois un investissement conséquent : adaptation linguistique, prise en compte des différences légales et fiscales, recrutement local. Pour l’instant, Comet reste principalement focalisé sur la France, mais l’idée d’un rayonnement mondial n’est pas écartée.

Enfin, l’expansion sur les secteurs émergents (IA, cybersécurité, data engineering, robotique, etc.) pourrait générer un volume d’affaires important, tant la demande des grandes structures est forte sur ces spécialités. En accompagnant les freelances dans leur montée en compétences, Comet se donne les moyens de demeurer un acteur clé. Reste à savoir si la plateforme saura maintenir sa rentabilité en faisant face à de nouveaux coûts (formation, marketing, partenariats stratégiques…).

Que devient la concurrence, entre diversification et consolidation ?

La mention de Crème de la Crème, qui ambitionne de réaliser plusieurs acquisitions, témoigne d’une tendance globale dans ce secteur : la consolidation. Alors que plusieurs petites plateformes luttent pour se faire connaître, les plus grandes adoptent des stratégies de croissance externe. Cette course aux rachats vise à s’approprier un portefeuille de clients et de freelances plus vaste, tout en élargissant l’éventail d’expertises.

Par ailleurs, on peut s’attendre à une montée en puissance de plateformes verticalisées. Spécialisées dans un domaine (par exemple, la finance décentralisée ou la santé connectée), elles peuvent mieux cibler leur communauté, proposer un contenu éditorial pertinent et bâtir une image de marque forte. Face à ce phénomène, Comet choisit de se positionner comme un guichet unique capable de répondre à l’ensemble des besoins numériques de ses clients, du développeur backend au spécialiste en cryptographie.

Malt, autre acteur bien établi, mise sur la dimension internationale et sur un réseau de freelances couvrant l’Europe entière. Cette concurrence est saine, dans la mesure où elle pousse chaque plateforme à innover. Les entreprises clientes bénéficient alors de meilleurs services : filtres de recherche plus précis, outils collaboratifs intégrés, dispositifs de paiement sécurisés, etc.

Si le marché du freelancing paraît porteur, il n’est pas à l’abri des aléas macroéconomiques. En période de crise, les entreprises peuvent geler leurs budgets ou privilégier le recrutement interne. La flexibilité des freelances est un atout, mais la volatilité des commandes demeure un risque. Voilà pourquoi la stratégie de Comet, fondée sur la diversification et l’excellence opérationnelle, vise à sécuriser ses positions.

Faire la différence : l’importance du conseil et du service premium

L’un des éléments différenciants de Comet réside dans la notion de service premium. Bien loin de la seule mise en relation algorithmique, la plateforme met en avant un suivi régulier, une équipe de consultants spécialisés et un accompagnement dans la négociation des contrats. Pour les freelances, cela se traduit par un gain de temps administratif, mais aussi par une meilleure connaissance des attentes clients.

Pour renforcer cet aspect conseil, Comet entretient le lien avec les clients à travers des rendez-vous de cadrage, des échanges sur les besoins à venir et un système de reporting détaillé. L’idée est de devenir un partenaire clé et non un simple prestataire, ce qui peut faire la différence dans un secteur où la compétition est acharnée.

D’autre part, la plateforme compte sur son image de marque pour attirer les meilleurs freelances. Elle précise que les missions proposées sont fréquemment de longue durée et bénéficient d’un budget alloué pour la R&D et l’innovation. Un indépendant cherchant à monter en gamme dans sa carrière appréciera la perspective de travailler sur des projets à fort impact, dans des entreprises leaders.

Bloc encadré : pourquoi le conseil premium est-il essentiel ?

Dans le freelancing, la valeur ajoutée provient souvent des interactions humaines, de la confiance et de l’écoute. Proposer un conseil haut de gamme permet de rassurer les grands comptes sur la pérennité de leurs projets et de maintenir la satisfaction des freelances, qui se sentent valorisés et soutenus.

Comet exploite aussi cet argument pour justifier sa tarification : une commission qui rémunère non seulement la mise en relation, mais aussi l’ensemble des services offerts. Sur un marché où l’on peut facilement être tenté de négocier les prix à la baisse, Comet parie sur la qualité pour justifier un positionnement tarifaire plus élevé. Le pari est risqué, mais peut rapporter gros si la demande demeure soutenue sur les domaines de pointe (IA, cybersécurité, data analytics…).

Un horizon stratégique pour Comet

Avec 10 millions d’euros supplémentaires, un dirigeant connaissant déjà la maison, et une ambition de toucher les grands comptes sur des domaines clés, Comet semble se diriger vers une nouvelle phase de développement. Les défis sont nombreux : maintenir la rentabilité, consolider l’offre premium, se distinguer de la concurrence, et accompagner efficacement les freelances dans leurs parcours.

Néanmoins, l’entreprise peut s’appuyer sur des forces majeures : un réseau solide d’investisseurs, une expertise déjà reconnue en matching de profils IT et des ambitions clairement affichées dans l’IA et la cybersécurité. Si la plateforme parvient à innover tout en préservant son ADN, les objectifs de chiffre d’affaires annoncés ne relèveront pas de l’utopie. Au contraire, ils pourraient devenir un signal fort dans un marché du freelancing qui, malgré les remous, affiche encore un potentiel de croissance remarquable.

Au final, cette levée de fonds et l’arrivée de Laurent Potel marquent un tournant stratégique déterminant : Comet aspire à devenir la solution privilégiée des grands groupes pour recruter des talents d’élite, tout en offrant aux freelances un environnement propice à leur épanouissement et à leur montée en compétences.