À Marseille, CMA CGM accélère sa mue logistique. Le 22 septembre 2025, le groupe a annoncé le rachat de Freightliner UK Intermodal Logistics, un opérateur majeur du fret ferroviaire britannique. Objectif affiché : muscler l’intermodal entre ports, rail et route, et sécuriser les chaînes d’approvisionnement en période de volatilité. Une intégration qui doit rester ouverte à tous les clients, sans exclusivité.

Acquisition au Royaume-Uni : périmètre, calendrier et intentions industrielles

Le 22 septembre 2025, CMA CGM a officialisé l’acquisition de Freightliner UK Intermodal Logistics. L’opération constitue un jalon stratégique pour un groupe historiquement centré sur le maritime, qui consolide désormais un réseau mer-rail-route à l’échelle européenne. Elle doit être finalisée début 2026, selon le calendrier communiqué.

Le groupe marseillais insiste sur un principe clé : Freightliner conservera son indépendance opérationnelle. Cette organisation restera multi-utilisateurs, ouverte à l’ensemble des chargeurs et transitaires, tout en bénéficiant de l’adossement mondial de CMA CGM pour la logistique, l’océan et la connectivité commerciale.

Freightliner UK Intermodal Logistics : périmètre d’activité

Freightliner opère des services ferroviaires pour conteneurs et marchandises, des liaisons routières complémentaires, ainsi que la gestion de terminaux de conteneurs. Cet écosystème permet d’absorber les flux en provenance des ports, d’alimenter les hubs intérieurs et de proposer des solutions point-à-point aux industriels, distributeurs et logisticiens.

Présenté comme le premier opérateur de fret ferroviaire au Royaume-Uni, Freightliner s’inscrit dans un marché particulièrement stratégique pour la continuité des échanges avec l’Europe continentale. Cette opération est perçue comme un renforcement durable du corridor Royaume-Uni - Europe.

Points clés de l’opération

  • Date d’annonce : 22 septembre 2025.
  • Statut post-rachat : entité indépendante et multi-clients.
  • Intégration industrielle : connexion mer-rail-route sous l’ombrelle CMA CGM.
  • Calendrier de finalisation : début 2026.
  • Montant de la transaction : non communiqué.

Le modèle britannique favorise l’accès non exclusif aux capacités de fret. Dans ce schéma, un opérateur comme Freightliner exploite des trains et des terminaux tout en desservant plusieurs chargeurs et transitaires, sans verrouillage vertical. L’intérêt pour CMA CGM : connecter ses services maritimes à un réseau ferroviaire multi-clients déjà éprouvé, sans perturber les relations commerciales existantes.

Maillage renforcé au Royaume-Uni : mer, rail et route au service des flux

CMA CGM dispose déjà d’un maillage au Royaume-Uni avec 286 employés et 28 services maritimes reliant le pays à l’international. L’intégration de Freightliner vient créer un continuum logistique entre les terminaux portuaires, les trains intermodaux et la distribution routière, à la recherche d’une réduction du nombre de ruptures de charge pour les clients finaux.

Au cœur de la proposition de valeur : une synchronisation fine des horaires entre navires, trains et camions, et des informations de suivi unifiées. Ce type d’intégration vise à réduire les délais, à stabiliser les coûts et à sécuriser la qualité de service, notamment dans les corridors sensibles de la supply chain britannique.

CMA CGM au Royaume-Uni : effectifs et services

Les 28 liaisons maritimes opérées par CMA CGM avec le Royaume-Uni constituent la base d’un pont logistique désormais étendu à l’hinterland. Le réseau Freightliner permet d’absorber les arrivées en port, de massifier les flux par rail et d’assurer une distribution routière ciblée. Cette combinaison accroît la résilience en cas de congestion portuaire ou de perturbations sur une des branches du triptyque mer-rail-route.

Rodolphe Saadé, PDG de CMA CGM, résume l’ambition : « Elle renforce notre présence intermodale au Royaume-Uni, qui est un marché stratégique pour le Groupe. Elle nous permet de relier plus efficacement la mer, le rail et la route, afin d’offrir des solutions plus adaptées aux besoins de nos clients. »

Pour les industriels et distributeurs français, la combinaison navire + rail + route facilite l’acheminement door-to-door au Royaume-Uni, limite les délais liés aux congestions routières et améliore la prédictibilité des arrivées. Le rail permet aussi d’absorber des pics saisonniers ou des réacheminements urgents, tout en optimisant les coûts unitaires sur des axes denses.

Un pari de résilience économique face aux aléas du maritime

Le transport océanique reste soumis à des perturbations récurrentes d’origine géopolitique ou climatique. Les intégrateurs maritimes qui développent des options terrestres solides disposent d’un amortisseur industriel pour maintenir le service, rerouter les flux et préserver la satisfaction client. L’acquisition de Freightliner s’inscrit dans cette logique, avec une capacité de remaillage rapide en cas de déviation d’escales ou de modification d’horaires.

Des analyses spécialisées soulignent que CMA CGM renforce sa capacité à lisser la volatilité et à élargir son périmètre de captation de valeur, au-delà du seul fret maritime, en privilégiant une stratégie intermodale intégrée qui découple une partie des revenus des cycles océaniques.

Indicateurs financiers et statut d’armateur

Selon les données rapportées par le groupe, CMA CGM a réalisé un chiffre d’affaires de 53,33 milliards d’euros en 2024. Le transporteur se positionne comme le troisième armateur mondial de conteneurs. Aucun autre détail financier n’est communiqué pour la transaction Freightliner, ni précision sur la structure de financement, ce qui est fréquent à ce stade pour une opération non finalisée.

Pour les clients B2B, l’enjeu ne réside pas uniquement dans le prix d’achat, mais dans l’exécution opérationnelle qui suivra : fiabilité des horaires, flexibilité de capacité, intégration des systèmes d’information et qualité de la relation commerciale. Ce sont ces éléments qui conditionnent l’économie des flux.

Intermodalité : une couverture des cycles maritimes

Ce rachat illustre une stratégie de couverture opérationnelle :

  • Diversification des revenus au-delà de l’ocean freight.
  • Maîtrise de bout en bout des itinéraires critiques, jusqu’aux hubs intérieurs.
  • Réduction des aléas sur la qualité de service lors d’événements exogènes.
  • Stabilisation des coûts grâce à la massification par rail sur les axes denses.

France et Royaume-Uni : deux marchés logistiques qui convergent

En France, le transport routier de marchandises a atteint 286,4 milliards de tonnes-kilomètres en 2023, en recul de 2,4 pour cent par rapport à 2022. Ce signal illustre à la fois la conjoncture et la recherche d’optimisation multimodale par les acteurs de la supply chain, avec un intérêt croissant pour le rail et le combiné (statistiques.developpement-durable.gouv.fr).

Au Royaume-Uni, le fret ferroviaire occupe une place singulière pour fluidifier les échanges post-Brexit. En renforçant ses positions sur ce marché par l’intégration de Freightliner, CMA CGM s’équipe pour connecter davantage les ports britanniques à l’hinterland, tout en gardant l’accès multi-clients. Ce positionnement peut soutenir les flux transmanche et intra-européens, y compris les chaînes de valeur sensibles.

Décarbonation et efficacité : les atouts du combiné

Le rail intermodal permet de déplacer une part significative des flux lourds vers des itinéraires plus sobres en énergie, tout en offrant des cadences régulières. À l’échelle d’un réseau, l’effet de masse et la standardisation des unités de chargement favorisent la réduction des émissions par conteneur-kilomètre et le lissage des coûts logistiques. La complémentarité avec la route demeure essentielle pour l’ultime kilomètre.

La massification par rail sur les longues distances limite l’usage de la route aux derniers kilomètres. En pratique, on retire des camions de l’axe principal, on réduit la consommation d’énergie par unité transportée et on améliore la fiabilité horaire si les sillons ferroviaires sont bien cadencés. L’essentiel tient dans la qualité d’assemblage mer-rail-route et dans la gestion des aléas.

Gouvernance de l’intégration : indépendance opérationnelle et continuité clients

L’un des signalements les plus forts de l’annonce tient à la neutralité commerciale de Freightliner. CMA CGM s’engage sur un modèle ouvert à tous les utilisateurs. Cette architecture vise à préserver la diversité des flux, la concurrence au bénéfice des clients et la robustesse des capacités, tout en capitalisant sur les synergies d’adossement à un grand groupe maritime et logistique.

La gouvernance de l’intégration repose ainsi sur un équilibre entre efficacité industrielle et neutralité d’accès. C’est la condition pour que la chaîne de valeur s’élargisse sans perturber l’écosystème existant. Les acteurs historiques, qu’ils soient chargeurs, transitaires ou opérateurs portuaires, peuvent y retrouver une stabilité d’accès aux sillons et aux terminaux.

Clients et partenaires : continuité d’accès, plus de choix

Le maintien d’un Freightliner multi-clients rassure les entreprises françaises et européennes qui opèrent vers ou depuis le Royaume-Uni. Pour elles, l’arrivée d’un actionnaire industriel comme CMA CGM s’interprète comme un renforcement des capacités à l’interface portuaire et à l’intérieur du territoire, sans remise en cause des relations commerciales préexistantes. L’enjeu, désormais, est de traduire cette promesse en gains mesurables de fiabilité et de délai.

Impacts recherchés pour les entreprises

  • Moins de ruptures de charge et meilleurs lead times sur les corridors UK-Europe.
  • Capacité de reroutage en cas de perturbation maritime ou routière.
  • Prévisibilité accrue des arrivées grâce aux sillons ferroviaires cadencés.
  • Suivi unifié des flux de bout en bout sous une gouvernance clarifiée.

Diversification globale : signaux extra-sectoriels et contexte macro

Cet investissement s’insère dans un mouvement plus large de diversification du groupe. En parallèle du renforcement de la logistique terrestre en Europe, CMA CGM a annoncé un partenariat de sponsoring avec l’équipe cycliste Decathlon à partir de 2026, un signe d’extension de sa visibilité auprès du grand public et des territoires sportifs. Ce choix de marque soutient la notoriété dans des écosystèmes éloignés du cœur maritime.

Sur le plan macro, les échanges commerciaux entre la France et les États-Unis ont progressé en 2024, dynamisés par les exportations françaises. Pour un acteur intermodal, ces courants d’échanges sont autant d’opportunités de mailler les principaux hubs et d’optimiser les délais de transit entre façades océaniques et réseaux intérieurs, en Europe comme outre-Atlantique (Direction générale du Trésor).

Flux transatlantiques : complémentarités possibles

Si l’acquisition vise d’abord le marché britannique, elle s’inscrit dans une logique mondiale d’intégration port-hinterland. En renforçant la connectivité au Royaume-Uni, CMA CGM élargit la palette d’options pour les flux transatlantiques qui se prolongent vers les hubs intérieurs britanniques. Le bénéfice recherché : un routing plus agile pour les industriels qui alimentent le Royaume-Uni depuis l’Europe continentale ou depuis l’Amérique du Nord via les ports UK.

Le sponsoring d’une équipe sportive de premier plan agit comme un accélérateur de notoriété et de fierté d’appartenance pour les collaborateurs. Dans la logistique B2B, la marque joue un rôle dans l’attractivité commerciale, la négociation et la réassurance du client grand compte. Ce capital immatériel complète l’investissement matériel dans les flottes, les terminaux et les services ferroviaires.

Feuille de route jusqu’à début 2026 : livrables à surveiller côté entreprise

À horizon début 2026, plusieurs indicateurs permettront de juger de la profondeur de l’intégration industrielle. Les entreprises françaises expédiant vers le Royaume-Uni seront attentives à la qualité de service, aux plans de capacités sur les axes clefs et à la souplesse de reroutage lors des pics saisonniers. Le traitement informatif unifié et la coordination port-rail seront également observés de près.

Au-delà, le maintien du modèle open access et l’articulation fine entre les intérêts des multi-clients et ceux de l’actionnaire seront déterminants pour préserver la confiance de l’écosystème. C’est sur cette cohérence que se jouera la création de valeur durable pour le tissu entrepreneurial français comme pour les partenaires britanniques.

Questions clés pour les chargeurs français

  1. Le calendrier d’intégration permettra-t-il des améliorations tangibles des temps de transit dès 2026
  2. La tarification intermodale restera-t-elle compétitive face au tout-routier sur les axes UK-Europe
  3. Le maintien du modèle multi-clients garantira-t-il un accès neutre aux capacités pour les transitaires
  4. Quels indicateurs de fiabilité et de durabilité seront publiés pour suivre les performances

Rappel chiffré utile : le transport routier de marchandises en France a représenté 286,4 milliards de tonnes-kilomètres en 2023, soit une baisse de 2,4 pour cent en un an, illustrant les arbitrages en faveur d’un meilleur usage du combiné rail-route pour stabiliser les coûts et réduire les émissions.

À l’échelle internationale, le rebond des flux France-États-Unis en 2024 soutient la pertinence d’un réseau intermodal maillé entre ports majeurs et hinterlands, au bénéfice des industriels et des distributeurs.

Pour CMA CGM, l’intégration annoncée de Freightliner UK Intermodal Logistics fixe un cap : rendre la mer, le rail et la route indissociables dans la performance logistique, au service d’une compétitivité plus résiliente.