Huit millions d’euros pour booster la sécurité de l’ablation en cardiologie interventionnelle : c’est la nouvelle dynamique lancée par Circle Safe, selon leur annonce. Cette entreprise française progresse à grands pas pour faire de l’ablation de la fibrillation auriculaire un acte toujours plus maîtrisé. Mais en quoi ce financement constitue-t-il un tournant dans l’univers médical ? Voici un éclairage détaillé.

Un coup d’accélérateur pour la sécurisation des interventions

L’ablation de la fibrillation auriculaire (FA) est une procédure cardiaque désormais fréquente pour venir à bout des arythmies récalcitrantes. Chaque année, on compte des milliers d’opérations de ce type en France, car la FA touche, selon les estimations les plus couramment admises, près de 750 000 personnes dans l’Hexagone. Cette pathologie, qui se caractérise par des battements cardiaques irréguliers et souvent rapides, peut provoquer essoufflement, fatigue persistante et un risque accru d’accident vasculaire cérébral. De ce fait, de nombreux spécialistes considèrent l’ablation comme une avancée majeure, plus efficace à long terme que les traitements médicamenteux classiques dans bien des cas.

Pourtant, la cryoablation, l’une des techniques les plus courantes pour réaliser cette intervention, n’est pas exempte de risques. Parmi les complications, la lésion du nerf phrénique, également nommée PNI (Phrenic Nerve Injury), se démarque comme une source d’inquiétude clinique. Les conséquences peuvent être sérieuses : troubles respiratoires, atteintes du diaphragme et allongement potentiel de l’hospitalisation. Alors, comment faire pour réduire ce danger ? Circle Safe, start-up tricolore, nourrit l’ambition d’apporter une réponse technologique simple et précise en temps réel. Et pour donner plus d’ampleur à ce projet, la société vient de boucler un tour de table à hauteur de 8 millions d’euros.

Ce financement, piloté par ODYSSEE Venture et Région Sud Investissement (RSI), avec le soutien de Bpifrance et des investisseurs historiques, va permettre d’optimiser l’équipement de surveillance électrique diaphragmatique (CMAP). Cet outil, déjà popularisé par le cardiologue Frédéric Franceschi dans les années 2010, a vocation à devenir la référence dans la prévention des complications liées aux procédures de cryoablation. L’objectif final : offrir un système de monitoring encore plus fiable et limiter drastiquement le risque de PNI.

Pourquoi la fibrillation auriculaire nécessite une approche sécurisée

La fibrillation auriculaire est non seulement la forme d’arythmie cardiaque la plus courante, mais elle représente également un facteur de risque majeur d’AVC (accident vasculaire cérébral). Sur le territoire français, on recense chaque année des dizaines de milliers d’hospitalisations liées à cette condition, et la tendance est à la hausse chez les populations vieillissantes. Cette croissance pose une question cruciale : comment prendre en charge efficacement ces patients pour prévenir les complications tout en garantissant une sécurité optimale ?

L’option de l’ablation par cathéter offre un espoir considérable. Elle consiste à détruire (ou à “neutraliser”) le tissu cardiaque incriminé dans la production d’impulsions électriques anormales. Cependant, ce geste, qui peut se faire par radiofréquence ou par cryoénergie, reste délicat : il implique le déploiement de sondes dans les cavités cardiaques et un ciblage précis de la zone à traiter. Lorsqu’elle est effectuée par cryoénergie, la procédure fige littéralement le tissu pour neutraliser la conduction fautive. Or, le nerf phrénique peut se trouver à proximité de la zone “gelée”, créant parfois des dommages imprévus.

Le succès de l’intervention dépend donc d’un suivi permanent de l’état du nerf phrénique. L’idée centrale : détecter au plus tôt tout signe de souffrance nerveuse, pour permettre au cardiologue d’ajuster la procédure. Dans ce contexte, les solutions de monitoring comme celle développée par Circle Safe prennent toute leur importance. Cette innovation s’inscrit dans une démarche plus large visant à perfectionner la sécurité des gestes invasifs en cardiologie.

Le nerf phrénique innerve le diaphragme, muscle essentiel à la respiration. Une atteinte de ce nerf peut provoquer une paralysie partielle ou totale du diaphragme, entraînant des difficultés respiratoires. Une surveillance en temps réel de son activité électrique (via le CMAP) permet de détecter d’éventuels signaux d’alerte et de réduire le risque de lésion irréversible.

La technique initiale du professeur Franceschi : un point de départ qui manquait de ressources

En 2011, le professeur Frédéric Franceschi, cardiologue français reconnu, avait déjà perçu la nécessité d’une surveillance diaphragmatique de précision. Il a donc introduit une méthode de suivi de l’activité électrique du diaphragme (appelée CMAP) pour prévenir les lésions dues à la cryoablation. Cette technique est aujourd’hui adoptée dans de nombreuses salles de cathétérisme à travers le monde, attestant de son efficacité en pratique clinique.

Néanmoins, la solution initiale pouvait être encore perfectionnée, notamment pour fournir au praticien un retour d’information (feedback) plus complet et immédiat durant la procédure. Avec l’essor des technologies miniaturisées et des logiciels d’aide à la décision, l’opportunité de créer un dispositif plus intégré et plus intuitif semblait évidente. C’est dans ce contexte que Circle Safe a vu le jour, sous l’impulsion de Bertrand Thiery, pharmacien et ancien cadre du secteur pharmaceutique. Son objectif : transformer l’idée du Pr Franceschi en un produit capable de répondre aux exigences hospitalières et de s’implanter dans le protocole standard de la cryoablation.

Bon à savoir : la cryoablation, un procédé distinct de la radiofréquence

Dans l’ablation par cryoénergie, le tissu fautif est gelé, alors qu’en radiofréquence il est chauffé. Les deux méthodes ont chacune leurs avantages et inconvénients, notamment en termes de durée de procédure, de temps de récupération et de risque de complications. La cryoablation est souvent jugée moins douloureuse, mais elle n’épargne pas toujours le nerf phrénique.

Un financement décisif pour finaliser certifications et commercialisation

Le récent apport de 8 millions d’euros représente un levier crucial pour Circle Safe. En effet, développer un dispositif médical jusqu’à l’étape de la mise sur le marché requiert des fonds importants, notamment pour le prototypage, l’industrialisation, la réalisation d’études cliniques et le passage des barrières réglementaires. Il faut savoir qu’en France et dans l’Union européenne, les dispositifs médicaux doivent obtenir le marquage CE (indispensable pour la circulation des produits dans l’UE) et, pour les États-Unis, le fameux agrément de la Food and Drug Administration (FDA). Dans le cas de Circle Safe, il s’agit d’obtenir la procédure de type 510(k), qui consiste à démontrer l’équivalence du nouveau produit avec un dispositif déjà agréé.

De plus, pour conquérir le marché américain, l’entreprise s’appuie sur l’expertise de Philippe Marco MD, basé en Silicon Valley. Son soutien opérationnel devrait accélérer la dynamique commerciale outre-Atlantique. Mais avant tout, les certifications CE et FDA restent la priorité : ces jalons sont perçus comme la garantie que la solution Circle Safe répond aux exigences de sécurité et d’efficacité imposées par les autorités sanitaires.

Selon Bertrand Thiery, CEO et fondateur, ce financement permettra de finaliser ces démarches réglementaires et de préparer dans la foulée la commercialisation : un calendrier qui court jusqu’à la fin de l’année pour l’Europe, et un peu plus tard pour les États-Unis (prévision autour de 2025). En parallèle, la jeune pousse souhaite renforcer ses collaborations avec les électrophysiologistes, ces spécialistes de la conduction électrique cardiaque, afin de s’assurer que le produit réponde pleinement aux besoins du terrain.

Le marquage CE s’applique aux pays de l’Union européenne, avec des normes spécifiques de sécurité et d’efficacité. La FDA 510(k) est une procédure d’approbation américaine qui exige de prouver que le nouveau dispositif est « substantiellement équivalent » à un appareil déjà existant sur le marché. Les deux approches partagent des principes communs, mais les formalités et les délais peuvent différer.

Un positionnement stratégique dans le secteur MedTech français

Le parcours de Circle Safe illustre la vitalité de l’écosystème MedTech en France. Dans un contexte concurrentiel mondial, le pays a su développer un réseau de financements et d’incubateurs favorables à l’émergence d’innovations de rupture. Bpifrance, impliqué dans de nombreux projets sanitaires, joue souvent le rôle de catalyseur, aidant à franchir le cap entre le stade de la recherche et la mise en œuvre industrielle.

De leur côté, ODYSSEE Venture et Région Sud Investissement (RSI) contribuent aussi à cette effervescence en ciblant des projets jugés à fort potentiel de croissance et d’impact sociétal. Pour Circle Safe, cette conjonction d’acteurs institutionnels et privés signifie un soutien pérenne, un véritable coup de projecteur, mais aussi une forme de responsabilisation pour concrétiser leurs promesses technologiques. Dans un paysage où chaque innovation doit prouver sa pertinence médicale et économique, l’entreprise est placée sous les feux des projecteurs, avec l’obligation de livrer une solution opérationnelle à court terme.

Le dispositif de Circle Safe soulève également l’intérêt d’autres pays européens, car la prévention des complications de la cryoablation est un enjeu transversal. Une fois le marquage CE obtenu, l’entreprise pourrait accélérer la diffusion de son produit dans les centres cardiologiques d’Espagne, d’Italie ou d’Allemagne, qui rencontrent des problématiques similaires. Cette expansion internationale permettra de recueillir un volume de données cliniques encore plus étoffé, précieux pour affiner la technologie et valider son efficacité dans diverses configurations opératoires.

Qui est Circle Safe ? Histoire et mission

Créée il y a quelques années, Circle Safe est née de la rencontre entre la vision clinique du Pr Franceschi et l’expertise managériale de Bertrand Thiery. L’idée fondatrice repose sur un constat simple : de multiples incidents liés à la cryoablation pourraient être évités si le praticien disposait d’un retour d’information sur l’état du nerf phrénique. Or, les outils existants offraient un suivi limité, obligeant les équipes médicales à demeurer extrêmement vigilantes, sans toujours disposer d’alarme en temps réel.

Face à ce constat, les deux hommes ont réuni une équipe pluridisciplinaire, composée d’ingénieurs biomédicaux, de spécialistes en électrophysiologie et de partenaires hospitaliers. Ensemble, ils ont affiné la technologie CMAP pour qu’elle s’intègre parfaitement aux protocoles d’ablation. Le but : offrir une solution “plug-and-play”, de sorte que les hôpitaux puissent adopter l’outil sans bouleverser leurs habitudes, tout en bénéficiant d’une couche de sécurité additionnelle.

Le concept Circle Safe en un clin d’œil

Surveillance continue : l’appareil enregistre en temps réel les signaux électriques du diaphragme.
Alerte précoce : en cas de diminution ou d’anomalie, le système peut avertir l’opérateur immédiatement.
Interface intuitive : affichage lisible et simple d’interprétation, adapté aux contraintes de la salle de cathétérisme.
Gain de temps : la détection rapide d’un souci potentiel facilite la prise de décision pour interrompre ou déplacer l’application de cryoénergie.

En plus de la prévention des lésions du nerf phrénique, cette innovation pourrait à terme influencer la formation des nouveaux praticiens, la recherche de solutions moins invasives ou encore le développement de protocoles standardisés. De la simple idée à la solution prête à l’emploi, l’histoire de Circle Safe reflète la volonté de moderniser profondément les soins en cardiologie interventionnelle.

Les retombées attendues sur le système de santé français

Sur le plan économique, une solution comme celle de Circle Safe pourrait permettre de réduire les coûts liés aux complications hospitalières. En effet, une lésion du nerf phrénique allonge souvent la durée d’hospitalisation et nécessite des soins complémentaires (kinésithérapie respiratoire, parfois réanimation). Les établissements de santé, dans un contexte de contraintes budgétaires, cherchent constamment à diminuer les surcoûts dus aux complications opératoires. Plus la procédure est sécurisée, plus la prise en charge globale s’avère rentable pour les structures de soins.

D’un point de vue purement médical, la mission première reste de diminuer les séquelles pour les patients. Les personnes victimes d’une PNI peuvent éprouver une altération durable de leur fonction respiratoire. Réduire ce risque permet d’envisager l’ablation de la FA avec davantage de sérénité et, potentiellement, d’élargir l’accès à cette technologie aux patients qui hésitaient à s’engager dans cette démarche thérapeutique. Il s’agit là d’une avancée stratégique, car une FA non maîtrisée peut conduire à des dégradations cardiaques et vasculaires importantes à long terme.

L’enjeu est d’autant plus important que la FA, lorsqu’elle est mal contrôlée, augmente le risque de troubles thromboemboliques et d’insuffisance cardiaque. Ainsi, toute amélioration dans le protocole d’ablation peut avoir un impact significatif à l’échelle de la santé publique. Certains cardiologues estiment même que, dans quelques années, la solution de Circle Safe pourrait s’intégrer dans un “pack standard” de la cryoablation, réduisant presque à néant le risque de paralysie diaphragmatique.

Les prochaines étapes et le calendrier de lancement

Grâce à la levée de fonds, Circle Safe aborde la dernière ligne droite avant la mise à disposition commerciale. Le plan inclut :

  • Certification CE : indispensable pour déployer le dispositif dans les hôpitaux européens. Les essais cliniques et les tests de conformité sont déjà bien avancés.
  • Accord FDA 510(k) : une procédure visant à prouver que le dispositif est équivalent à une technologie déjà approuvée aux États-Unis. L’équipe de la Silicon Valley, conduite par le Dr Marco, est mobilisée pour accélérer ce volet.
  • Lancement américain programmé fin 2025 : un marché colossal, au potentiel énorme pour les entreprises MedTech désireuses de toucher un large bassin de patients.
  • Renforcement de la R&D : la somme investie servira également à peaufiner le dispositif, pour qu’il reste compétitif face aux évolutions rapides du secteur.

Au-delà des frontières, Circle Safe envisage de tisser des partenariats avec des centres d’excellence en cardiologie. L’objectif : développer des recommandations cliniques communes, constituer une base de données plus exhaustive et forger une solide réputation internationale. Les premiers retours de la communauté médicale seront décisifs, car la reconnaissance par les pairs est souvent le meilleur tremplin pour imposer une innovation dans le domaine de la santé.

Certains experts estiment que la surveillance du nerf phrénique devrait bientôt devenir un impératif dans toute cryoablation de la FA. À l’avenir, un système de monitoring systématique pourrait figurer parmi les prérequis des protocoles hospitaliers, au même titre que la vérification du rythme cardiaque ou de la saturation en oxygène.

Analyse : un marché en pleine mutation

L’annonce de l’investissement de 8 millions d’euros dans Circle Safe s’inscrit dans un contexte plus large : le marché mondial de l’équipement de cardiologie interventionnelle connaît une croissance annuelle soutenue, portée par l’augmentation des maladies cardiovasculaires et le vieillissement démographique. Selon diverses estimations (publiques et privées), ce marché pourrait atteindre plusieurs dizaines de milliards d’euros au cours de la prochaine décennie. La France, qui n’a pas toujours été en pointe dans l’attraction de capitaux privés pour la santé, rattrape petit à petit son retard.

En parallèle, les pouvoirs publics, conscients de l’importance stratégique de la filière MedTech, multiplient les initiatives pour faciliter l’accès au financement et encourager le développement de projets innovants. Les acteurs du capital-risque, quant à eux, manifestent un intérêt croissant pour les start-up capables de bousculer les approches thérapeutiques traditionnelles.

Circle Safe s’insère donc dans cette nouvelle génération de sociétés, à la croisée du dispositif médical et du numérique, dont la proposition de valeur repose sur une solution concrète à un problème clairement identifié. Le fait de recevoir le soutien de Bpifrance et de financiers institutionnels donne une légitimité supplémentaire, tout en plaçant la barre des attentes très haut. S’il réussit son pari, Circle Safe aura prouvé qu’en France, l’alliance entre médecins, ingénieurs et entrepreneurs peut donner naissance à des innovations majeures, prêtes à conquérir le marché mondial.

Regard vers un avenir plus sûr pour la cardiologie interventionnelle

La levée de fonds de Circle Safe est plus qu’un simple événement financier : elle symbolise une transformation de la prise en charge de la fibrillation auriculaire en France et potentiellement dans le monde. De l’optimisation du matériel de cryoablation à la volonté de sécuriser chaque étape de l’intervention, cette initiative témoigne de l’engagement collectif à repousser les limites actuelles.

Avec les certifications internationales en ligne de mire et un soutien financier solide, Circle Safe dispose désormais des clés pour matérialiser son ambition : rendre l’ablation de la FA plus sûre, plus accessible et plus efficace. Les praticiens y voient un outil complémentaire pour accompagner la transition vers des soins moins invasifs et plus personnalisés. Les patients, de leur côté, peuvent espérer une amélioration notable de la qualité de vie post-opératoire.

En définitive, ce projet préfigure l’émergence d’une nouvelle ère où l’innovation technologique et l’excellence médicale s’unissent pour optimiser la santé cardiaque de milliers de personnes.