+80 % d’exemption tarifaire à venir, 17 milliards d’euros d’accords industriels signés, 5,12 % de croissance au deuxième trimestre 2025. L’Indonésie change d’échelle et attire capitaux, talents et technologies. Pour les entreprises françaises, l’archipel s’impose comme un marché d’accès stratégique vers l’Asie du Sud-Est, avec des relais actifs à Jakarta et Bali et une diplomatie économique résolument offensive.

CEPA UE-Indonésie : accélérateur d’échanges et de sécurisation des approvisionnements

Finalisé le 23 septembre 2025, le partenariat économique global UE-Indonésie (CEPA) ouvre une séquence nouvelle pour les flux commerciaux et d’investissement. L’accord prévoit l’exemption de droits de douane pour 80 % des produits indonésiens, y compris des postes sensibles comme l’huile de palme et les textiles, tandis que les exportateurs européens pourraient économiser près de 600 millions d’euros par an grâce à la baisse des barrières tarifaires et non tarifaires (Le Point; Boursorama). Au-delà de l’aspect tarifaire, le texte s’inscrit dans une logique de prévisibilité réglementaire et d’accès élargi aux marchés publics.

Pour les groupes français, l’accord constitue un double levier. D’une part, il améliore la compétitivité-prix dans des segments où la France dispose d’un positionnement différenciant, notamment l’agroalimentaire de qualité, les équipements industriels et les technologies de décarbonation.

D’autre part, il sécurise l’approvisionnement européen en métaux critiques d’origine indonésienne, en particulier le nickel et le cobalt utilisés dans les batteries. L’ensemble s’accompagne de standards environnementaux européens dont la mise en conformité devra être suivie de près par les filières aval.

Droits de douane et économies : le cadre opérationnel

La suppression partielle des droits de douane abaisse les coûts d’entrée de gamme sur plusieurs catégories de produits indonésiens et européens. Pour les exportateurs tricolores, la fenêtre d’opportunité se situe sur les produits à valeur ajoutée, où l’élasticité prix favorise la montée en gamme. L’effet le plus visible se matérialisera pour les chaînes intégrées, combinant distribution régionale et réexportation intra-ASEAN.

Métaux critiques et énergie : des garanties stratégiques

À l’heure de l’électrification, la sécurisation de l’accès au nickel et au cobalt indonésiens constitue un enjeu de souveraineté industrielle pour l’Europe. L’Indonésie, qui accroît ses capacités de transformation locale, consolide ainsi un rôle de fournisseur clé. Les clauses environnementales, présentées comme un socle commun par la partie européenne, appellent un dialogue technique continu entre autorités et industriels pour assurer la conformité tout au long des chaînes de valeur.

Logistique et conformité : les points de vigilance

Dans la pratique, l’impact du CEPA dépendra de la capacité des entreprises à naviguer entre règles d’origine, procédures douanières digitales et exigences de traçabilité. Les opérateurs devront calibrer leurs schémas logistiques pour capter les gains tarifaires tout en limitant les effets de friction liés à la documentation et aux contrôles.

L’accord couvre une large part des échanges de biens et comporte des dispositions sur l’investissement, les services et la propriété intellectuelle. Les effets attendus portent sur une baisse progressive des coûts d’accès, un cadre plus lisible pour l’implantation des entreprises européennes et une meilleure sécurité d’approvisionnement en métaux critiques. La montée en puissance dépendra du calendrier d’entrée en vigueur et des actes d’application sectoriels.

Indicateurs clés à retenir pour les exportateurs

Le CEPA ouvre un régime moins coûteux sur une majorité de lignes tarifaires, avec des économies annuelles significatives pour les exportations européennes et un accès renforcé aux métaux critiques. À l’horizon 2030, la Commission européenne estime que les échanges UE-Indonésie pourraient doubler par rapport à 2024 pour dépasser 60 milliards d’euros, sous réserve de l’exécution réglementaire et de la montée en charge industrielle.

Diplomatie économique française : une visite présidentielle à haut contenu industriel

Au printemps 2025, la visite d’Emmanuel Macron à Jakarta a donné un signal clair. Lors de son entretien avec le président indonésien Prabowo Subianto, des accords ont été signés pour un montant total de 17 milliards d’euros.

Le périmètre couvre des commandes de Rafale, de sous-marins Scorpène, de frégates, ainsi que des projets liés aux métaux critiques, à l’énergie décarbonée, aux satellites et à l’agroalimentaire. Le chef de l’État a salué ce cap, évoquant des commandes nouvelles et des exercices conjoints consolidés, mais aussi la volonté de renforcer la résilience des chaînes de valeur dans de nombreux domaines.

Au-delà des volumes, le message diplomatique est lisible. Paris étend ses priorités industrielles en Asie du Sud-Est, au-delà des marchés historiques que sont la Chine et le Japon, en s’adossant à un pays non-aligné qui cultive la stabilité dans ses rapports avec les grandes puissances. Pour les entreprises françaises, l’effet d’entraînement porte à la fois sur les contrats directs et sur les services, maintenance et formation associés.

Rafale, Scorpène et frégates : retombées industrielles en chaîne

Les lignes de contrats militaires et parapublics favorisent la structuration d’écosystèmes, de la sous-traitance mécanique à l’électronique embarquée et au MCO. Les accords, tels qu’annoncés, créent des opportunités dans les services d’ingénierie, la cybersécurité des systèmes navals et les solutions duales. Les entreprises françaises de taille intermédiaire pourront se positionner sur des segments support, formation et maintien en condition opérationnelle.

Métaux critiques et satellites : diversification sectorielle

Les volets non-défense sont stratégiques. La coordination autour des métaux critiques répond à un besoin européen de sécurisation des approvisionnements. Les projets satellitaires, combinant observation et télécommunications, peuvent devenir des briques d’infrastructures au service de la transition énergétique, du suivi environnemental et de la connectivité des territoires.

Prabowo Subianto : affinités culturelles et continuité du dialogue

Le dialogue franco-indonésien bénéficie d’une base politique stable. Le partenariat stratégique entre les deux pays, signé en juillet 2011, encadre les échanges et les investissements. Les relais locaux observent que Prabowo Subianto, francophone et francophile, facilite les interactions bilatérales, un atout dans le suivi des chantiers économiques et industriels.

Les visites de haut niveau ne valent pas exécution contractuelle mais accélèrent la coordination entre administrations, entreprises et financeurs. Elles débloquent des dossiers techniques, structurent des feuilles de route sectorielles et donnent aux comités conjoints la capacité de résoudre plus vite les points bloquants. L’impact se mesure sur plusieurs trimestres via le volume d’appels d’offres et de sous-contrats notifiés.

Marché indonésien : dynamique macroéconomique et climat d’affaires 2025

La conjoncture reste portante. La croissance du PIB a atteint 5,12 % au deuxième trimestre 2025, soutenue par un rebond de l’investissement, en hausse de 6,9 % sur un an. En septembre 2025, les autorités ont annoncé un troisième plan de relance de près de 1 milliard de dollars pour soutenir l’activité et l’investissement productif, confirmant une trajectoire de soutien à court terme à la demande intérieure et à l’appareil productif (Direction générale du Trésor).

Sur le terrain réglementaire, la plateforme OSS simplifie les démarches de création d’entreprise et l’accès à certains secteurs. Les réformes sectorielles facilitent l’entrée sur des domaines considérés comme stratégiques, notamment le numérique, l’énergie et l’agroalimentaire. Les investissements directs étrangers progressent dans ce contexte, avec un intérêt croissant pour des implantations industrielles et logistiques.

La vitalité entrepreneuriale est notable. D’après le Global Entrepreneurship Monitor, plus d’un tiers des adultes en Indonésie envisagent de lancer une entreprise dans les trois prochaines années. Ce socle soutient l’émergence d’un deal-flow local de qualité, propice aux partenariats commerciaux et aux prises de participation minoritaires.

OSS et réformes sectorielles : effets concrets sur l’entrée de marché

Le guichet unique OSS, conjugué à des assouplissements ciblés, réduit les délais d’installation. Pour un groupe français, l’avantage se mesure dans la capacité à tester un modèle via une entité locale légère, puis à densifier l’empreinte industrielle ou commerciale en fonction de la traction du marché. Les avantages administratifs sont renforcés par les zones économiques spéciales pour les activités capitalistiques.

Investissements et croissance : lecture des indicateurs

La hausse de l’investissement et l’appui budgétaire ont un effet multiplicateur sur l’économie réelle. Les secteurs porteurs regroupent la transformation des ressources, l’énergie décarbonée, les infrastructures urbaines et le numérique. Les banques et institutionnels locaux accompagnent le mouvement, soutenant l’équipement productif et la logistique.

Zones économiques spéciales : incitations fiscales pour capitaux étrangers

Les investisseurs étrangers bénéficient d’incitations ciblées, notamment des exonérations d’impôt sur les sociétés dans les zones économiques spéciales. Ces dispositifs s’inscrivent dans des pratiques compatibles avec les normes internationales, y compris celles de l’OCDE. Pour un projet capitalistique, l’arbitrage localisation-financement doit intégrer ces avantages et la disponibilité des compétences locales.

Macro 2025 : signaux à surveiller

Trois indicateurs clés pour piloter une implantation en Indonésie en 2025.

  1. Croissance soutenue par l’investissement et le soutien budgétaire.
  2. Climat d’affaires amélioré par l’OSS et les assouplissements sectoriels.
  3. Ouverture commerciale renforcée par le CEPA, avec des effets différenciés selon les filières.

Écosystème tech et French Tech : synergies Jakarta-Bali pour l’innovation

Avec un marché digital estimé à 90 milliards de dollars en 2024, en progression de 13 % sur un an, l’Indonésie s’impose comme la place forte numérique de l’ASEAN. En 2025, 21 entrepreneurs indonésiens ont été distingués par Endeavor, un signe de maturité pour l’écosystème. Les places de Jakarta et Bali s’appuient sur une communauté French Tech active qui connecte startups locales, investisseurs européens et corporates français.

Le pipeline d’événements internationaux confirme l’attractivité. Jakarta accueillera les 14 et 15 octobre 2025 la Forbes Global CEO Conference, vitrine de premier plan pour les dirigeants et investisseurs mondiaux. Les champions nationaux comme Gojek et Tokopedia y incarnent un marché à la taille d’un continent et un appétit d’innovation dans la fintech, la logistique et l’énergie.

French Tech Indonésie : structure d’animation et financements

La French Tech organise des rencontres, met en relation startups et investisseurs et oriente vers des financements européens. Des fonds publics comme Bpifrance sont mobilisés pour soutenir des projets conjoints. L’effet réseau s’illustre par des initiatives avec la Chambre de Commerce et d’Industrie française en Indonésie et l’ambassade, permettant d’accélérer la mise en relation entre décideurs, grands comptes et jeunes pousses.

Forbes Global CEO Conference à Jakarta : calendrier et enjeux

Attendue mi-octobre 2025, la conférence Forbes devrait mettre en avant des dirigeants locaux et internationaux, avec un éclairage sur l’Indonésie comme hub régional. Pour les startups, l’événement est un accélérateur de visibilité, notamment pour lever des fonds, valider des partenariats commerciaux et tester des offres sur une audience internationale exigeante.

Gojek et Tokopedia : symboles d’un marché à l’échelle continentale

Les plateformes locales illustrent la profondeur du marché indonésien, de la mobilité aux services financiers. Pour un fournisseur français, l’intégration via ces plateformes peut constituer un canal d’acquisition rapide, à condition d’optimiser la conformité locale et la qualité de service. Les standards technologiques et les exigences de coûts incitent à des partenariats technico-commerciaux plutôt qu’à des approches 100 % greenfield.

Un, la taille de marché autorise des stratégies de niche rentables. Deux, la régulation favorise l’expérimentation à faible capitalisation initiale. Trois, les alliances locales sont cruciales pour l’accès aux données, à la distribution et au support réglementaire.

Infrastructures, capitale Nusantara et transition énergétique : leviers de projets

Le programme d’infrastructures indonésien franchit un cap avec la nouvelle capitale Nusantara, en construction sur l’île de Bornéo, appelée à remplacer Jakarta exposée aux risques de subsidence. Le chantier mobilise des opérateurs, dont NEXA, avec l’ambition de bâtir une vitrine intégrant technologies vertes et IA. Au-delà de l’urbanisme, Nusantara vise à diversifier l’économie au-delà du tourisme, pour attirer des industries et services à plus forte intensité technologique.

Les priorités d’investissement couvrent la transition énergétique, l’efficacité des réseaux, la production décarbonée et les technologies de pilotage par la donnée. En 2025, des partenariats franco-indonésiens se structurent autour des énergies décarbonées et des métaux critiques. Pour les industriels français, les combinaisons gagnantes associent ingénierie, équipements et services digitaux, avec des offres modulaires déployables par phases.

Sur le plan géopolitique, l’Indonésie cultive une posture de non-alignement, dialoguant avec la Russie, la Chine, la France et les États-Unis. Cette stabilité relative protège ses ambitions économiques des tensions mondiales. L’approche a été saluée par Emmanuel Macron, qui voit dans l’identité indonésienne un attachement à la tolérance et à l’ouverture, utile dans une période de volatilité internationale.

Nusantara : nouvelle vitrine urbaine et industrielle

Le calendrier des travaux s’échelonne avec une montée en charge par quartiers. L’architecture projetée inclut des standards énergétiques élevés, une gestion intelligente de l’eau et une logistique pensée pour les nouveaux usages. Les entreprises françaises peuvent se positionner sur la ville durable, la gestion des déchets, la mobilité et la cybersécurité des infrastructures.

Transition énergétique et IA : domaines prioritaires pour 2025

L’Indonésie multiplie les projets visant à optimiser la production et la distribution d’énergie, avec des solutions numériques intégrées pour la supervision. Les besoins couvrent l’intégration de renouvelables, le stockage, l’efficacité industrielle et le pilotage intelligent des réseaux. Les offres combinant matériel et logiciel ont un effet d’ancrage durable sur le marché local.

L’Asie-Pacifique pourrait accueillir 535 millions de visiteurs annuels d’ici cinq ans. L’Indonésie vise une part significative de ces flux, avec des impacts sur la distribution, la logistique du froid, l’hôtellerie et la billetterie digitale. Les opérateurs devront dimensionner les capacités techniques et le support multilingue.

Mobilité des talents et communautés expatriées : un atout pour les entreprises

Jakarta et Bali concentrent une part croissante d’expatriés occidentaux. Les Australiens, Britanniques et Américains ont formé le noyau initial, rejoints par des francophones, dont des Suisses, Belges et Français.

L’étude d’InterNations, réalisée auprès de 10 000 participants, positionne l’Indonésie 8e sur 46 pays pour la facilité d’installation, portée par un coût de la vie abordable et des perspectives de carrière. Pour les entreprises, ce vivier de talents internationaux fluidifie les recrutements et les projets multiculturels.

Les relais entrepreneuriaux français se densifient. La Chambre de Commerce et d’Industrie française en Indonésie, en lien avec l’ambassadeur Fabien Penone, tisse des ponts avec la French Tech locale.

Un porte-parole consulaire souligne la francophonie de Prabowo Subianto, un facteur qui fluidifie les échanges. Ces réseaux contribuent à une montée en compétence rapide, notamment pour les sujets réglementaires et les premiers recrutements locaux.

7am Bakery : stratégie et résultats

À Bali, l’entrepreneur français Maxime Chene a fondé 7am Bakery avec l’objectif d’exporter l’excellence boulangère made in France. En deux ans, l’enseigne est passée d’une à six boutiques, portée par la demande simultanée des résidents indonésiens et de la communauté expatriée. L’entrepreneur y voit un signal pro-business de l’accord commercial UE-Indonésie, indiquant que le CEPA est un indicateur favorable pour les affaires et la planification d’investissements additionnels.

Réseaux d’affaires : CCI France Indonésie et relais diplomatiques

Les réseaux d’affaires jouent un rôle de démultiplicateur. La CCI France Indonésie, l’ambassade et la French Tech ont intensifié les échanges d’informations et les rencontres entre PME, ETI et grands groupes. Ces relais permettent de baliser les étapes d’implantation, de structurer des consortiums et d’activer des financements adaptés aux projets bilatéraux.

Mobilité internationale : points de contrôle pour les entreprises

Avant une implantation, trois vérifications à réaliser côté RH et conformité.

  1. Statuts et visas adaptés aux fonctions et durées de séjour.
  2. Cadre fiscal et social pour salariés expatriés et contrats locaux.
  3. Protection des données et secrets d’affaires dans les flux transfrontières.

Cap sur 2030 : quels gains concrets pour les entreprises françaises

Les signaux convergent. L’Indonésie affiche un noyau dur de croissance, un agenda d’infrastructures ambitieux, une stabilité géopolitique précieuse et un accord commercial structurant avec l’Union européenne.

Les investissements français ont atteint des niveaux élevés en 2025, portés par l’aéronautique, l’énergie et les infrastructures, tandis que plus de 200 entreprises françaises opèrent localement avec des milliers d’emplois à la clé. La montée en puissance du CEPA pourrait faire passer les échanges UE-Indonésie d’environ 30 milliards d’euros en 2024 à plus de 60 milliards à l’horizon 2030, sous réserve d’une mise en œuvre fluide.

Pour capter la valeur, trois leviers se distinguent : articuler défense et civil dans des offres duales, ancrer les chaînes d’approvisionnement dans les métaux critiques et la transition énergétique, et utiliser Jakarta-Bali comme plateforme d’innovation et de services régionaux. Les initiatives régionales, comme le Future of Investment and Trade Partnership lancé en 2025 et incluant l’Indonésie, renforceront ces dynamiques.

Les coopérations éducatives, de Sciences Po à des institutions indonésiennes, alimenteront enfin le pipeline de talents. Les signaux d’enthousiasme observés sur X restent à relativiser, mais illustrent l’intérêt du marché.

Rester sobre dans l’exécution, rigoureux dans la conformité et ambitieux dans l’industrialisation sera la meilleure boussole pour réussir en Indonésie.