La frénésie des fonds de capital-risque en 2025
Découvrez les tendances et stratégies des fonds de capital-risque en 2025, une période marquée par une sélection accrue et des closings importants.

La frénésie des fonds de capital-risque fait couler beaucoup d’encre en 2025. D’un côté, le montant total disponible pour investir, estimé à 59 milliards d’euros en 2024 (source Invest Europe), semble constituer un matelas financier solide. De l’autre, la prudence reste de mise : les investisseurs allongent leurs processus de due diligence et se montrent plus sélectifs. Dans ce panorama chargé d’enjeux, certains acteurs européens finalisent d’importants closings de fonds, attestant d’une détermination intacte à accompagner l’innovation.
Cap sur un capital-risque plus exigeant
Si l’on en croit les récentes observations, les négociations de levées de fonds se rallongent : on est passé d’un délai médian de 17 mois à plus de 20 mois entre 2023 et 2024, indique PitchBook. Même avec un “dry powder” en hausse de 6 milliards d’euros sur un an, les VCs européens se montrent plus concentrés sur la rentabilité et l’exécution de la part des startups. Cette situation n’empêche pas certains véhicules d’investir massivement. En effet, quelques closings marquants ont été annoncés au premier semestre 2025, révélant un appétit intact pour les deeptech, les solutions d’IA et les projets liés à la transition climatique.
De quoi parle-t-on quand on évoque le “dry powder” ?
Dans le monde du capital-risque, cette expression désigne la réserve de capitaux non déployés que les fonds peuvent investir à court ou moyen terme. Selon Invest Europe, l’enveloppe disponible des VCs européens s’élevait à 59 milliards d’euros en 2024, signalant une capacité d’investissement importante malgré un contexte de prudence.
Ci-dessous, un aperçu des principaux fonds qui illustrent la dynamique actuelle. Tous ont effectué des closings significatifs en 2025 (ou disposent d’engagements de souscripteurs conséquents), confirmant leur volonté de soutenir des scaleups ambitieuses, tant en France qu’en Europe.
Nouveaux véhicules et stratégies remarquables
Pour montrer la diversité des approches, voici dix fonds incontournables, mais associés à des objectifs variés. Certains se concentrent sur l’IA, d’autres sur la transition écologique. Tous professent toutefois un suivi plus strict des business models et des plans de déploiement.
Les multiples échecs de business models non rentables en 2023 ont incité les fonds à adopter une posture plus analytique en 2024 et 2025. Délais de vérification plus longs et interrogation sur la profitabilité à moyen terme font désormais partie du quotidien des entrepreneurs qui lèvent auprès des VCs.
Daphni : la transition climatique comme fil conducteur
Parmi ceux qui misent sur l’écologie, Daphni se démarque. Dès mars 2025, il a dévoilé Blue, un nouveau véhicule de 200 millions d’euros, avec la perspective de monter à 250 millions d’ici la fin de l’année (source interne Daphni). Ici, l’objectif affiché est de soutenir des projets sortis de laboratoires scientifiques, et capables de répondre aux défis climatiques.
Qui est Daphni ?
La société de gestion est cofondée par Pierre-Eric Leibovici et s’est déjà illustrée avec des fonds thématiques comme Purple ou Yellow. Elle s’appuie sur un vaste réseau d’experts pour détecter tôt des innovations dans l’agriculture durable, les énergies renouvelables ou les matériaux peu carbonés. Les tickets varient de 50 000 euros jusqu’à 8 millions.
Grâce à cette approche axée sur la R&D et l’impact écologique, Daphni veut insuffler à la French Tech un élan de durabilité. L’ambition est d’investir dans au moins 40 startups, quitte à alimenter des projets dès l’amorçage et à poursuivre éventuellement jusqu’aux séries ultérieures. Cette vision s’aligne sur la volonté grandissante d’intégrer les critères ESG dans l’investissement en capital-risque.
Cathay Innovation : l’IA, pivot central
En mai 2025, juste avant l’événement VivaTech, Cathay Innovation a créé la sensation avec le déploiement final de Cathay Innovation III, un fonds d’un milliard de dollars (environ 950 millions d’euros). Orienté vers les entreprises « IA first », il vise à financer des acteurs plaçant la technologie d’intelligence artificielle au cœur de leurs solutions.
Exemple avec Nabla
Parmi les pépites financées, on retrouve Nabla, qui développe des outils d’IA pour accompagner le secteur médical (source interne Cathay). Cette startup française se distingue par des plate-formes de suivi médical enrichies d’analyse prédictive. Aux côtés de Bioptimus ou encore Flowdesk, Nabla témoigne du rôle fondamental que Cathay entend jouer dans la structuration de l’IA européenne.
Avec Denis Barrier et Jacky Abitbol à sa tête, ce fonds compte accompagner entre 20 et 25 sociétés, en Europe, en Asie et aux États-Unis. Les tickets vont de 5 millions d’euros à 50 millions, permettant un soutien réel, y compris lors de phases d’expansion. Près de la moitié des LPs sont des groupes industriels de premier plan (Seb, BNP Paribas, Valeo…).
Founders Future : cap sur les États-Unis
Fondé par Marc Ménasé, Founders Future s’est forgé une réputation dans l’amorçage de champions français. Toutefois, en 2025, la société annonce un tournant majeur : en accueillant de nouveaux LPs comme CMA CGM, elle jette les bases d’un futur fonds de 250 millions d’euros.
Stratégie et résultats
L’arrivée de MACSF et de la famille Dassault comme investisseurs majeurs redessine l’actionnariat (25 % de la société de gestion). L’ouverture d’un bureau à New York reflète la volonté d’accompagner les jeunes pousses françaises dans leur conquête du marché américain. Yuka, l’application d’information nutritionnelle, s’apprête d’ailleurs à tester une déclinaison outre-Atlantique.
Une amorce désormais prolongée
Founders Future, historiquement focalisé sur des tickets d’amorçage, veut désormais gérer le passage à l’échelle pour ses participations. Cette évolution reflète une tendance plus large en France : aider les entreprises à se développer au lieu de les laisser partir chercher des capitaux étrangers.
Revaia : une aide à l’expansion mondiale
Créé par Elina Berrebi et Alice Albizzati, Revaia a finalisé en avril 2025 un fonds de croissance intitulé Revaia Growth II. Atteignant 250 millions d’euros, il mise sur une sélection très ciblée, avec à peine une douzaine de startups accompagnées.
Un accompagnement axé sur la scalabilité
Revaia maintient des bureaux à Paris, Londres et Amsterdam pour soutenir des participations cherchant à s’ouvrir rapidement à l’international. Selon Elina Berrebi, “le passage à l’échelle internationale” est une offre de valeur indispensable. 80 % des investisseurs institutionnels de ce fonds proviennent de grands groupes bancaires ou d’assureurs, comme JP Morgan Chase.
Une partie du capital a été allouée à Fasst, une insurtech dédiée à l’optimisation des polices d’assurance via l’IA, qui a levé 27 millions d’euros pour cibler le marché européen (source interne Revaia). Le déploiement priorise les fintechs, la logistique et les plateformes B2B où l’extension géographique peut générer d’importants effets de levier.
Omnes : offensive sur la deeptech
À l’été 2025, Omnes a lancé un second véhicule focalisé sur les innovations très techniques : Omnes Real Tech 2, déjà doté de 112 millions d’euros avant de viser 200 millions (source interne Omnes). La deeptech est réputée risquée, mais recèle un potentiel de transformation industrielle majeur.
Le concept d’Omnes dans la deeptech
Ayant soutenu Aledia lors d’un tour précédent (technologie d’écrans microLED), Omnes envisage d’amplifier cet accompagnement sur des secteurs comme l’énergie, la santé ou de nouveaux matériaux. Les tickets vont de 5 à 15 millions d’euros, permettant d’accélérer le passage du laboratoire au marché.
Au total, une quinzaine ou vingtaine de sociétés sont ciblées. Le but est de faire émerger des leaders scientifiques européens, tout en structurant des filières critiques (par exemple, l’électronique bas carbone ou les biotechnologies).
Eurazeo : un quatrième fonds de growth
Eurazeo poursuit son ascension en 2025 avec un closing intermédiaire de 650 millions d’euros, dans l’optique d’atteindre 1 milliard. Cet acteur paneuropéen, déjà présent dans plusieurs capitales, oriente son soutien vers la fintech, les logiciels B2B et la santé numérique.
Électromobilité et diversification
L’an passé, Electra, spécialiste des bornes de recharge, avait levé 433 millions d’euros avec la participation d’Eurazeo (source interne Eurazeo). À l’avenir, ce nouveau fonds de growth prévoit des tickets entre 20 et 100 millions d’euros, visant des entreprises déjà matures et désireuses de franchir de nouveaux paliers. L’idée est d’accompagner la conquête de marchés internationaux, tout en solidifiant les bases opérationnelles.
Eurazeo, tuant dans l’œuf le cloisonnement historique entre venture capital et private equity, illustre la force croissante des fonds de growth. Ils interviennent souvent après plusieurs séries pour pousser les jeunes entreprises à un modèle rentable sur des marchés situés hors de France, quitte à cibler l’Asie ou l’Amérique du Nord.
Isai : l’ère de l’expansion rentabilisée
Isai a accru ses objectifs pour la gamme “Expansion”. Début 2025, le véhicule Expansion III a été clos à 300 millions d’euros, dépassant de 50 millions la cible initiale. Spécialisé dans le tech buyout et le tech growth, Isai soutient des entreprises déjà rentables, à la recherche d’un accompagnement pour franchir un cap supplémentaire.
Focus sur Pennylane
La startup Pennylane, spécialiste de la gestion comptable numérique, figure parmi les investissements récents d’Isai (source interne Isai). Grâce à un ticket entre 10 et 30 millions d’euros, elle vise à accélérer son développement commercial en France et en Europe. Dans le même esprit, Isai a misé sur Flowdesk, plate-forme financière utilisant l’IA, désormais cofinancée par Cathay Innovation.
Sous la houlette de Pierre Martini, Isai mise sur la solidité des business models pour éviter tout effet de bulle. Selon ses dires, le deal-flow actuel demeure plus riche que jamais.
Elaia : pépinière pour l’amorçage et la série A
Avec Elaia Delta, clôturé en juin 2025 à 150 millions d’euros, Elaia se positionne comme un partenaire clé pour les early-stages. Prenant des participations dans des entreprises orientées deeptech, IA et healthtech, elle accompagne jusqu’à la série A, voire au-delà.
La philosophie d’Elaia
Historiquement impliqué dans des réussites comme Mirakl ou Shift Technology, Elaia compte injecter entre 1 et 10 millions d’euros dans 30 jeunes pousses. L’un des points essentiels est l’accompagnement pratique. Des experts techniques aident à valider la proof-of-concept, tandis que des mentors sectoriels renforcent les approches commerciales. C’est un suivi complet, précieux pour des fondateurs manquant souvent de ressources et de retours d’expérience.
Nouvelle vague deeptech
Les investissements en deeptech se sont structurés en France grâce à des soutiens publics et privés. Elaia, comme d’autres fonds, anticipe un potentiel de rupture majeur dans des domaines comme l’imagerie médicale ou l’IA générative, susceptibles de transformer durablement l’économie.
InfraVia Capital Partners : l’alliance infrastructures et numérique
En septembre 2024, InfraVia Capital Partners a officialisé son second millésime de “Growth Equity” visant 1 milliard d’euros. Le bouclage final n’est prévu qu’en 2025, mais déjà 13 opérations ont été menées, dont 60 % hors de l’Hexagone (source interne InfraVia). Les secteurs choyés ? Les infrastructures numériques et la transition énergétique.
Hipli : l’exemple concret
Début 2024, InfraVia a investi dans Hipli, qui conçoit des emballages réutilisables, notamment testés par les géants du e-commerce. L’idée est de verdir la chaîne logistique, de la production à la distribution. Au-delà du financement, InfraVia apporte une expertise sur les enjeux d’infrastructure, cruciaux pour passer à grande échelle.
Fort de cette expérience, le nouveau fonds cherche à amplifier son rayonnement à travers l’Europe et l’Afrique, tout en maintenant une attention particulière à la rentabilité des projets soutenus.
Bpifrance Digital Venture : moteur de la tech française
Bpifrance continue de jouer un rôle déterminant dans le paysage national. Avec un nouveau fonds de 200 millions d’euros dévoilé au printemps 2025, Bpifrance Digital Venture oriente ses capitaux vers l’IA, la cybersécurité et la healthtech. Les tours de table soutenus oscillent entre 5 et 20 millions d’euros.
73 Strings, le fleuron IA de la valorisation
En février 2025, 73 Strings a bouclé une levée de 52,6 millions d’euros (source interne Bpifrance). Cette startup propose une IA dédiée à l’évaluation d’actifs alternatifs, véritable enjeu pour les investisseurs en private equity. Bpifrance y voit une opportunité stratégique pour asseoir la compétitivité française dans le domaine des fintechs spécialisées.
Grâce à ses partenariats avec de grands groupes, la banque publique d’investissement favorise les synergies entre les nouveaux acteurs et la sphère institutionnelle, qu’il s’agisse de distribution ou de co-innovation.
Comparatif des stratégies démontrées en 2025
Pour situer clairement le positionnement de ces fonds, voici un tableau récapitulatif. Chacun se différencie par son secteur principal, le montant déployé et l’évolution comparée à l’an dernier :
Vers un nouveau tournant pour 2025
Dans l’ensemble, ces nouveaux fonds révèlent la maturité croissante du capital-risque en France et en Europe. L’essor des thématiques IA et climat témoigne de la nécessité de répondre aux attentes sociétales, tout en développant des solutions industrielles à impact. Par ailleurs, le renforcement des passerelles vers l’international (États-Unis, Asie) témoigne d’une volonté d’offrir aux startups un horizon élargi.
Toutefois, la prudence reste le maître mot : un modèle économique insuffisamment validé ou un “burn rate” excessif risquent de rebuter des investisseurs. Les fondateurs doivent également s’armer de patience, puisque le temps moyen de closing a gagné plusieurs mois, rendant le pilotage financier plus délicat.
Selon plusieurs directeurs de fonds, la scène française recèle encore de belles opportunités, mais l’exigence en termes d’exécution s’est accrue. Pour décrocher des tickets considérables, les entrepreneurs doivent démontrer une solide traction, un consensus sur la valorisation et une feuille de route offensive mais réaliste.
La multiplication des grands industriels parmi les limited partners – comme chez Cathay Innovation – signale une tendance au rapprochement entre entreprises établies et startups. Ce “corporate venture” favorise des stratégies de co-innovation, où le financier n’est plus le seul argument : l’expertise, les débouchés immédiats et la caution de grands groupes pèsent aussi dans la balance.
Un horizon rempli de défis et d’espoirs
Le capital-risque français et européen traverse donc une phase contrastée : alors que certaines enveloppes d’investissement explosent, les conditions d’accès se durcissent. On observe un mouvement de fond où les solutions à fort contenu scientifique (deeptech, IA) et les entreprises ayant déjà prouvé leur solidité (tech growth rentable) attirent la majeure partie des gros tickets.
En filigrane, cette volonté de soutenir l’innovation reste soutenue par une politique européenne encourageant les dispositifs vertueux en matière de transition et d’infrastructure. Les dix fonds passés en revue ne sont d’ailleurs que la partie émergée d’un écosystème plus vaste, composé de structures spécialisées dans des niches sectorielles (foodtech, biotech, blockchain...). Les mois à venir établiront si ce regain de sélectivité est synonyme de maturité ou de contraction durable du nombre de deals.
Cet article retrace la vigueur actuelle d’un écosystème en pleine mutation, mû par des ambitions vertes, numériques et globales, mais aussi sous l’égide d’investisseurs désormais plus exigeants.