Le capital-investissement en France montre une résilience en 2025
Découvrez les chiffres clés du capital-investissement français en 2025, malgré une légère contraction par rapport à 2024.

10,1 milliards d’euros engagés et 1 365 entreprises accompagnées : le capital-investissement français signe un premier semestre 2025 solide, malgré un retrait mesuré face à 2024. L’étude France Invest et Grant Thornton décrit un marché qui tient sa ligne, tout en absorbant un environnement économique chahuté et des incertitudes politiques persistantes (France Invest et Grant Thornton, 2025).
Performance opérationnelle en léger recul
Après un cru 2024 élevé, le premier semestre 2025 traduit une résilience du private equity en France. Les montants investis, à 10,1 milliards d’euros, reculent de 900 millions d’euros par rapport au premier semestre 2024. Le nombre d’entreprises soutenues fléchit à 1 365, contre 1 383 un an plus tôt.
Ce repli ne reflète pas une faiblesse structurelle, mais plutôt une normalisation des volumes sur un plateau supérieur à la moyenne historique. Les acteurs continuent d’alimenter l’innovation et la croissance, avec des arbitrages plus sélectifs, une rigueur renforcée sur les valorisations et des plans d’affaires davantage stressés.
Lecture France Invest et Grant Thornton
La photographie sectorielle et géographique du semestre montre un écosystème actif, avec la réaffirmation de l’industrie comme premier secteur bénéficiaire et une intensité d’investissement significative en régions. L’étude rappelle que le marché français se situe toujours dans le haut de fourchette des dernières années, malgré une légère contraction par rapport à 2024.
La formule retenue par les auteurs, reprise par France Invest, résume bien le moment : « le capital-investissement français confirme sa stabilité ». Dans le détail, l’activité se rééquilibre, avec des portefeuilles gérés de manière plus défensive et des politiques d’exit opportunistes, ajustées au niveau des prix et à la fenêtre de marché.
Lecture L'Agefi et PitchBook : signaux contraires au T3 2025
La dynamique du premier semestre a été suivie par un troisième trimestre 2025 décevant, avec une contraction supplémentaire rapportée par PitchBook et relayée par L’Agefi. Cette inflexion contraste avec quelques signaux de reprise en Europe et met en lumière des freins spécifiques au marché français, notamment l’instabilité politique et les tensions économiques globales (L’Agefi, d’après PitchBook, T3 2025).
Pour les équipes d’investissement, le message est clair : l’allocation de capital reste active, mais les comités d’investissement exigent des preuves plus tangibles de traction commerciale, de visibilité sur les marges et d’accès au financement d’acquisition.
Périmètres statistiques : pourquoi les lectures divergent
Selon les sources, les périmètres de consolidation peuvent différer : inclusion plus ou moins large des segments capital-risque, capital-croissance, LBO mid et small caps, ou retraitement des réinvestissements. Ces écarts expliquent que les levées ressortent à la fois comme supérieures ou inférieures aux moyennes 2023-2024 selon les publications. Lorsque la méthodologie n’est pas précisée, mieux vaut comparer les ordres de grandeur plutôt que trancher.
Un T3 faible n’implique pas que l’année sera en baisse. Les fonds peuvent lisser leurs déploiements, l’offre de deals peut se reconstituer, et des closing tardifs peuvent modifier la physionomie annuelle. La prudence consiste à suivre la trajectoire par segments et par tailles de deals, sans conclure trop tôt à un retournement.
Cartographie régionale : cap sur les territoires hors Île-de-France
Les données du semestre confirment l’extension du private equity au-delà de la région capitale : 54 % des entreprises financées sont basées en dehors de l’Île-de-France. La dynamique se concentre sur plusieurs bassins économiques bien identifiés, nourris par des réseaux d’incubation, de transfert technologique et des stratégies régionales pro-innovation.
Régions motrices en montants : Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Auvergne-Rhône-Alpes, Provence-Alpes-Côte d’Azur
Quatre zones se distinguent en montants investis au premier semestre 2025 :
- Nouvelle-Aquitaine : un socle industriel important avec l’aéronautique et les énergies renouvelables, propice aux opérations de capital-développement.
- Occitanie : agroalimentaire et technologies spatiales créent un effet d’entraînement, avec une chaîne de valeur qui va de la R&D au scale-up.
- Auvergne-Rhône-Alpes : densité de PME industrielles, mécatronique et logiciels embarqués, favorable aux stratégies buy-and-build.
- Provence-Alpes-Côte d’Azur : biotech, medtech et services numériques attirent des tickets de capital-croissance.
Cette diffusion géographique participe à la décentralisation des capitaux et atténue la dépendance à un seul pôle. Elle valorise aussi les chaînes d’approvisionnement régionales, avec un ancrage industriel et technologique affirmé.
Indicateurs d’entrepreneuriat : l’Auvergne-Rhône-Alpes en dynamique
La région Auvergne-Rhône-Alpes a vu, selon l’INSEE, une hausse de 15 % des créations d’entreprises high-tech en 2024. Cette énergie entrepreneuriale se prolonge en 2025, facilitant l’identification de cibles de croissance pour les fonds. La présence de laboratoires publics et privés, de clusters et d’écoles d’ingénieurs produit un pipeline deal-flow structuré et varié.
Pour les fonds, cet ancrage régional limite le risque d’exécution : disponibilité de talents, partenaires industriels, et visibilité commerciale sur les marchés européens voisins.
Les pôles combinant universités, laboratoires et industriels génèrent des projets plus matures : TRL élevés, propriété intellectuelle clarifiée, premiers clients pilotes. Ces atouts réduisent le risque technologique et améliorent les chances de cofinancement bancaire, deux paramètres décisifs pour les comités d’investissement.
Secteurs financés : l’industrie garde la main, la technologie progresse
L’industrie conserve la première place des investissements, tout en accusant un repli de 10 % par rapport au premier semestre 2024. Le mouvement reflète des conditions de marché plus exigeantes sur les plans d’investissement, dans un cycle d’activité où l’arbitrage CAPEX et l’optimisation des coûts dominent.
Dans le même temps, la technologie et la santé demeurent très recherchées. Les fonds valorisent la visibilité des revenus récurrents, la scalabilité des modèles et les effets de réseau. Les segments logiciels, datacenters ou services IT managés montrent une traction soutenue, tandis que les biotech et medtech captent des tickets ciblés, souvent conditionnés à des jalons cliniques ou réglementaires.
Industrie : premier poste mais repli de 10 %
L’ajustement est surtout visible sur les deals d’expansion à fort besoin de financement. Les équipes privilégient les opérations créatrices de valeur opérationnelle immédiate : consolidation d’ateliers, montée en gamme des équipements, digitalisation des processus de production, et stratégies export calibrées. Les valorisations se normalisent, améliorant le point d’entrée pour les nouveaux véhicules.
Technologie et santé : attractivité maintenue
La profondeur de marché en tech et santé reste un pilier des allocations. Les fonds priorisent la rentabilité unitaire et la génération de cash plutôt que la croissance à tout prix. Les tours sont structurés avec des paliers de décaissement et des clauses de performance, ce qui protège le capital déployé en phase d’incertitude macroéconomique.
Lectures sectorielles : trois points d’attention
- Effet base 2024 : une année élevée peut mécaniquement amplifier le recul relatif de 2025.
- Mix deals : un glissement vers des tickets plus petits masque parfois la vigueur du volume opérationnel.
- Timing des closings : des opérations décalées d’un trimestre peuvent changer la photographie sectorielle d’un semestre à l’autre.
Levées de fonds : un marché polarisé
Les levées atteignent 13,9 milliards d’euros au premier semestre 2025. Deux lectures coexistent : une hausse de 9 % par rapport à la moyenne semestrielle 2023-2024 selon l’étude France Invest et Grant Thornton, et un recul de 6 % d’après L’Agefi. Au-delà de l’angle statistique, un point fait consensus : la concentration des capitaux.
La majorité des levées concernent des fonds situés entre 100 et 500 millions d’euros. 36 % des montants proviennent de fonds de fonds, signe d’un appétit institutionnel toujours présent, mais canalisé vers des équipes au track record établi. Les premiers closing favorisent des plateformes disposant d’un flux d’opérations récurrent et d’un réseau LP solide.
Fonds entre 100 et 500 millions d’euros en première ligne
Ces véhicules occupent une place charnière : suffisamment capitalisés pour mener des opérations de build-up, et assez flexibles pour adresser des niches sectorielles attractives. Leur compétitivité se joue sur la capacité d’origination propriétaire, la vitesse d’exécution et la création de valeur opérationnelle documentée dès l’investissement initial.
Concentration des tickets : avantage compétitif aux grands acteurs
La période favorise les équipes capables de sécuriser des ancres précoces et de structurer des tours à plusieurs étages. Les plus petits fonds, eux, peinent à émerger au-delà des réseaux régionaux et thématiques.
Le tri des LP s’aiguise, avec des critères ESG opérationnels et des exigences accrues sur la gouvernance des participations. Les données de L’Agefi mettent aussi en avant une polarisation qui pourrait durer, tant que la liquidité du marché des cessions reste inférieure à la moyenne 2021-2022.
En représentant 36 % des levées, les fonds de fonds orientent significativement le marché. Ils favorisent la discipline d’investissement, diffusent les bonnes pratiques de reporting et facilitent l’accès des fonds français à des LP internationaux, tout en exigeant des standards élevés sur la gestion des risques et la transparence.
Cessions et liquidité : un débit encore mesuré
Le marché des sorties demeure plus lent qu’attendu. 566 entreprises ont été cédées pour 4,5 milliards d’euros, contre 611 cessions et 4,6 milliards d’euros au premier semestre 2024. Le recul est de 7 % en volume. L’Agefi évoque pour sa part une baisse de 2 % au premier semestre 2025, confirmant une liquidité freinée, sans rupture.
La prudence des acheteurs se concentre sur la visibilité à 18-24 mois, la sensibilité du chiffre d’affaires à la conjoncture, et la soutenabilité des plans d’investissement. Les valorisations demeurent exigeantes dans certains compartiments, rallongeant les négociations et favorisant les processus bilatéraux avec earn-out et clauses de performance.
Volumes et montants en baisse modérée
La baisse des montants cédés, limitée à 100 millions d’euros par rapport à 2024, suggère un ajustement plus qualitatif que massif. Les fonds privilégient les sorties où le rationnel industriel ou stratégique est fort, quitte à prolonger la détention sur des dossiers où l’écart de prix reste trop important.
Valorisations et visibilité macroéconomique : le frein
La convergence prix-qualité d’actif reste la clé. Face aux incertitudes géopolitiques et à l’évolution du coût du capital, la discipline de pricing s’est imposée. Conséquence : davantage de refinancements, de dividendes de recapitalisation lorsque les covenants le permettent, et un regain d’intérêt pour des cessions partielles afin de cristalliser une partie de la valeur sans fermer toutes les options.
Cadre public : France 2030, Choose France et contrôle des IDE
L’activité du capital-investissement s’inscrit dans une politique publique d’accélération de l’innovation et de la transition écologique. Le plan France 2030 mobilise des enveloppes ciblées pour les secteurs stratégiques, en complément des flux du private equity. Les initiatives facilitent l’effet de levier entre capitaux publics et privés, notamment pour l’industrialisation de technologies de rupture.
Le Sommet Choose France 2025 a, en mai 2025, vu l’annonce d’investissements records en IA portés par des entreprises internationales, renforçant l’attractivité de l’hexagone pour les capitaux étrangers, particulièrement dans la technologie.
France 2030 : accélération sur l’innovation et la transition écologique
Les priorités incluent l’émergence de champions de l’IA, la relocalisation d’industries stratégiques et le soutien aux filières décarbonées. Pour les fonds, ces lignes directrices offrent une lisibilité sur les thématiques d’investissement et créent des relais de financement non dilutif précieux pour atteindre des jalons techniques exigeants.
Choose France 2025 : IA et signaux d’attractivité
Les engagements annoncés en 2025 sécurisent des projets d’infrastructures technologiques et de recrutement de talents. Les fonds identifient dans ces annonces un pipeline deal-flow sur les services à forte intensité logicielle, la cybersécurité, et la monétisation de cas d’usage IA en environnement B2B.
Investissements étrangers : filtrage DG Trésor, mise à jour octobre 2025
Le contrôle des investissements étrangers, mis à jour en octobre 2025 par la Direction générale du Trésor, vise à protéger les secteurs sensibles tout en préservant l’attractivité du territoire. Les travaux officiels indiquent que ce filtre n’a pas entravé la croissance du private equity, en apportant au contraire une régulation équilibrée et prévisible des flux.
Contrôle IDE : ce que vérifie l’État
- Secteurs concernés : technologies critiques, données sensibles, défense, énergie.
- Nature de la prise de contrôle : franchissement de seuils capitalistiques ou droits de vote.
- Mesures possibles : autorisation, autorisation conditionnelle, ou refus motivé.
Le crédit d’impôt recherche reste un levier majeur pour les entreprises à forte R&D. Côté marché, l’AMF renforce ses attentes de transparence sur les levées et les cessions. Pour les fonds, la qualité du reporting et la traçabilité des métriques opérationnelles deviennent des différenciants à part entière dans la relation LP.
Fin 2025 : trois lignes de mire pour les investisseurs
Le signal baissier observé au troisième trimestre 2025 pourrait peser sur l’atterrissage annuel. Les équipes sont incitées à surveiller les valorisations, à explorer les opportunités régionales où les prix d’entrée se normalisent plus vite, et à structurer des sorties flexibles. Les incitations fiscales, comme le CIR, et une supervision accrue de l’AMF sur la transparence demeurent des points d’appui pour sécuriser les trajectoires.
Au total, la photographie 2025 demeure celle d’un marché en ordre de marche, sélectif et discipliné, qui privilégie la création de valeur opérationnelle et la robustesse des bilans. La stabilisation des sorties sera la variable clé pour convertir la résilience en accélération sectorielle durable.
Le private equity français avance par ajustements fins : c’est le rythme des marchés matures.