14 octobre 2025, Paris. Bpifrance lance « Bpifrance Défense » et ouvre l’investissement de la Base industrielle et technologique de défense aux particuliers. Objectif affiché: mobiliser jusqu’à 450 millions d’euros au profit d’entreprises françaises et européennes de la défense, avec un ticket d’entrée accessible et un rendement net cible annoncé à 5 %, non garanti.

Bpifrance Défense : un fonds grand public au service de la BITD

Officialisé le 14 octobre 2025, le fonds « Bpifrance Défense » concrétise une annonce faite le 20 mars 2025 lors d’un événement dédié au financement de la BITD. Sa vocation: canaliser l’épargne des particuliers vers des start-up, PME et ETI dont l’activité renforce la souveraineté industrielle et technologique.

Les conditions d’accès se veulent inclusives: 500 euros minimum par ticket, avec un plafond de 900 000 tickets disponibles. Le rendement net cible, présenté à 5 %, n’est pas garanti. Selon les informations rendues publiques, le fonds investira dans des entreprises françaises et européennes du secteur, afin d’accompagner l’effort de réarmement et de modernisation.

Pour sa distribution, Bpifrance s’appuie sur des partenaires nationaux: Groupe BPCE, AXA France et Meilleurtaux Placement. Le fonds s’inscrit dans la gamme « Bpifrance Entreprises », qui a déjà fédéré un socle d’investisseurs particuliers sur des véhicules non cotés.

Dimension notable: l’ouverture au marché européen. Ce produit est conçu pour être commercialisable dans les 26 autres pays de l’Union européenne, une première pour une épargne française dédiée à la défense. Cette européanisation élargit le vivier d’entreprises ciblées et d’épargnants potentiels, tout en assumant une approche continentale de la souveraineté technologique.

Repères chiffrés à connaître

Les éléments clés annoncés publiquement:

  • 450 millions d’euros de taille visée.
  • 500 euros de ticket minimum.
  • 900 000 tickets disponibles au total.
  • 5 % de rendement net cible, non garanti.
  • Investissements dans des entreprises françaises et européennes de la défense.

L’ouverture à l’Europe signifie que le produit peut être proposé à la commercialisation dans les 26 autres pays de l’UE. Cela élargit la base d’épargne mobilisable et le périmètre des cibles d’investissement. Il ne s’agit pas d’une promesse de distribution simultanée dans chaque pays, mais d’une capacité réglementaire affichée à franchir les frontières du marché français.

Allocation ciblée et effet de levier industriel

Bpifrance indique que plus de 500 entreprises pourraient bénéficier de ce fonds « kaki ». La priorité va aux domaines critiques pour la souveraineté: cybersécurité, électronique, spatial, ainsi que les segments de défense terrestre et navale. L’ambition est double: accélérer l’innovation et consolider des chaînes d’approvisionnement européennes.

Ces orientations reflètent des besoins déjà identifiés au sein de la BITD française, laquelle regroupe environ 4 000 entreprises selon des rapports du ministère des Armées, avec une prédominance de PME nécessitant des financements adaptés pour monter en maturité technologique et industrielle (defense.gouv.fr).

Cybersécurité et électronique : priorité stratégique

La dépendance accrue aux systèmes numériques place la cybersécurité et l’électronique au rang des investissements critiques. Dans ces filières, le fonds peut contribuer à des enjeux concrets: sécurisation des logiciels embarqués, fiabilisation des composants et amélioration de la résilience des systèmes. L’effet attendu: réduire la vulnérabilité tout en soutenant des capacités européennes de conception et de production.

Spatial, défense terrestre et navale : montée en cadence

Dans le spatial, le besoin se situe à la croisée observation, télécommunications sécurisées et services duals à valeur ajoutée. Sur les volets terrestre et naval, la visée porte sur la modernisation des plateformes, l’électronique embarquée et la maintenance prédictive. L’apport de fonds propres peut lisser des cycles longs et accélérer la mise sur le marché de technologies éprouvées.

Les technologies duales trouvent des débouchés à la fois civils et militaires: capteurs, IA embarquée, communications sécurisées, robotique. Leur intérêt économique est double: amortir la R&D sur plusieurs marchés et accélérer l’industrialisation grâce à des volumes plus larges. Le fonds cherche à se positionner sur ces innovations à fort effet d’entraînement.

Distribution et accès épargnants : modalités clés

Le fonds est proposé au grand public, avec un ticket d’entrée à 500 euros, via des relais identifiés: Groupe BPCE, AXA France, Meilleurtaux Placement. La mécanique d’accès pensée pour les particuliers renforce l’argument d’« épargne patriotique » évoqué par plusieurs médias, tout en ouvrant la voie à une démocratisation du private equity.

Groupe BPCE, AXA France et Meilleurtaux Placement : rôle de distribution

Ces distributeurs combinent une empreinte bancaire, assurantielle et de courtage, susceptible d’élargir la diffusion de l’offre. L’objectif est de capter une épargne jusqu’ici peu exposée aux actifs non cotés orientés défense, avec un parcours d’investissement simplifié et des informations standardisées pour le grand public.

Gamme Bpifrance Entreprises : un historique de collecte

« Bpifrance Défense » devient le cinquième fonds de la gamme « Bpifrance Entreprises » dédiée aux non cotés. Les quatre premiers véhicules ont cumulé plus de 350 millions d’euros auprès de 22 000 investisseurs, attestant d’un appétit croissant des particuliers pour ce segment. Cet historique soutient l’hypothèse d’une traction commerciale robuste pour la nouvelle stratégie orientée défense.

Ce que l’épargnant doit regarder

Points de vigilance usuels sur les supports non cotés:

  • Risque de perte en capital et rendement non garanti.
  • Durée d’investissement généralement longue avant liquidité.
  • Sensibilité à l’exécution industrielle des sociétés cibles.
  • Importance de la sélection et diversification des participations.

Ces éléments sont d’ordre général et ne préjugent pas des modalités propres à ce fonds, qui ne sont pas toutes publiquement détaillées.

Capitaux attendus et cadre macro-budgétaire

Bpifrance évalue les besoins de financement de l’industrie de défense à 15 milliards d’euros dans les prochaines années, dont 5 milliards en fonds propres. Ce calibrage renvoie à l’augmentation de la dépense militaire considérée dans plusieurs analyses publiques, qui évoquent une trajectoire vers 3,5 % à 5 % du PIB pour faire face aux tensions géopolitiques (strategie-plan.gouv.fr).

Ce diagnostic macroéconomique se double d’un enjeu budgétaire immédiat: les alertes récentes du Haut Conseil des finances publiques sur la crédibilité de l’effort budgétaire pour 2026 rappellent l’utilité de capitaux privés complémentaires. Le positionnement du fonds sur des besoins réels de la BITD renforce sa pertinence économique: modernisation capacitaire, sécurisation des approvisionnements, montée en cadence industrielle.

Au-delà des volumes, la clé sera la qualité d’allocation: flécher les capitaux vers des entreprises capables de démontrer une traction commerciale, une gouvernance robuste et des perspectives de rentabilité adaptées aux cycles de la défense. L’approche européenne peut diluer les risques idiosyncratiques en élargissant la base de cibles, à condition de préserver la cohérence stratégique des chaînes de valeur.

Besoins de la BITD : ordres de grandeur

Ce que l’écosystème met en avant dans les documents publics:

  • 15 milliards d’euros de besoins d’ici les prochaines années, dont 5 milliards en fonds propres.
  • Environ 4 000 entreprises composent la BITD française, avec un tissu dense de PME (defense.gouv.fr).
  • Débats d’experts autour d’une dépense de défense à 3,5 % à 5 % du PIB en fonction des scénarios (strategie-plan.gouv.fr).

Ces chiffres cadrent l’effort requis pour l’innovation, l’industrialisation et la résilience des filières.

Innovation défense : articulation avec la DGA et l’AID

Le lancement du fonds intervient dans un momentum d’innovation structuré par des partenariats institutionnels. Le 13 octobre 2025, Bpifrance et la Direction générale de l’armement ont annoncé la deuxième promotion de l’Accélérateur Défense, visant à accompagner des entreprises à fort potentiel sur les marchés de la défense.

DGA : deuxième promotion de l’Accélérateur Défense

Co-porté par Bpifrance et la DGA, l’Accélérateur Défense est une brique de montée en puissance des PME et ETI. La nouvelle promotion a été co-lancée par Matthieu Heslouin (Bpifrance) et Benoit Laroche de Roussane (DGA), avec une insistance sur le rôle des investissements privés pour la souveraineté industrielle. La complémentarité avec un fonds dédié au secteur est évidente: sourcing, coaching, puis financement.

AID : technologies duales et tremplin financier

En septembre 2025, lors de Bpifrance Inno Generation, l’Agence de l’innovation de défense a pris la parole via son directeur adjoint, Nicolas Cordier-Lallouet, pour rappeler l’importance des financements vers les technologies duales. Les interventions de l’AID confirment l’intérêt d’un continuum entre innovation amont et industrialisation, auquel un fonds de place peut contribuer.

Les programmes d’accélération offrent des diagnostics stratégiques, de la mise en réseau et des parcours de montée en maturité commerciale et industrielle. Pour un fonds d’investissement, cela constitue un vivier d’entreprises mieux préparées, avec des plans d’exécution clarifiés et des KPIs suivis, réduisant le risque d’exécution à l’entrée.

Une parole de dirigeant : le sens du projet

Le lancement s’accompagne d’une déclaration forte de Nicolas Dufourcq, directeur général de Bpifrance: « C’est une deuxième révolution, après l’ouverture du private equity au plus grand nombre engagée par Bpifrance: celle d’un produit radicalement nouveau, qui fait le lien armées-nation. Et c’est une première aussi, c’est un fonds ouvert sur l’Europe. » Cette prise de position explicite la dimension patriotique et inclusive du fonds, ainsi que son ancrage européen.

Éthique, rentabilité, sécurité : les arbitrages du marché

L’investissement de défense est longtemps resté à la marge de l’épargne grand public. Le nouveau fonds ramène ce sujet au cœur du débat: concilier sécurité nationale, rentabilité financière et exigences éthiques. Les critères d’éligibilité et la grille d’analyse extra-financière prennent ici une importance particulière, sans que l’ensemble des paramètres ne soient publiquement détaillés à ce stade.

Sur les réseaux, notamment X, plusieurs publications de Bpifrance mettent en avant l’appui aux start-up de la cybersécurité et du spatial, reflet d’un intérêt marqué pour la souveraineté technologique. L’expérience des précédents fonds grand public montre qu’une pédagogie claire et un parcours d’investissement encadré conditionnent l’adhésion durable des particuliers.

Lignes de force à suivre côté gouvernance

  1. Transparence sur la sélection des cibles et le suivi des participations.
  2. Gestion des risques sur des cycles longs et des chaînes critiques.
  3. Approche européenne sans dilution de la souveraineté.
  4. Articulation avec la DGA, l’AID et les écosystèmes régionaux.

Ces points seront au cœur de l’évaluation par les investisseurs particuliers et professionnels.

La BITD couvre l’ensemble des acteurs industriels qui conçoivent, produisent et maintiennent des équipements et services de défense. Maillons sensibles: électronique, composants, logiciels embarqués, matériaux, propulsion, cybersécurité. La résilience passe par la diversification des fournisseurs et la relocalisation de capacités critiques quand c’est pertinent.

Où l’épargne peut faire la différence d’ici 2026

Le calibrage financier annoncé — 450 millions d’euros — vise à irriguer des projets concrets, du prototypage à l’industrialisation. L’effet d’entraînement sera jugé à l’aune de signaux tangibles: nombre d’entreprises soutenues, montées en maturité industrielles, chaînes d’approvisionnement sécurisées, innovations duales commercialisées. Le rapprochement entre l’accélération portée par la DGA, le soutien de l’AID et l’investissement en fonds propres crée un continuum inédit.

Reste un défi de mise en œuvre: articuler démocratisation de l’accès et exigence de performance. Le succès passera par une discipline d’allocation, un suivi rigoureux et une communication pédagogique sur les risques et les objectifs, afin d’aligner les attentes des épargnants avec les réalités du non coté orienté défense.

Article rédigé par la rédaction Infonet.fr, économie, finance et légal.