Réinventer l’auscultation : le stéthoscope augmenté d’Austral DX
Austral DX lève 2,5 M€ pour son stéthoscope augmenté sans contact par ultrasons aéroportés. Diagnostics cardio-pulmonaires rapides en urgences et en télésanté.

Il suffit parfois d’une simple gêne thoracique pour provoquer une inquiétude majeure chez un patient.
L’enjeu est d’autant plus pressant lorsque l’on sait que les urgences françaises reçoivent chaque année près de 4 millions de personnes souffrant de douleurs à la poitrine ou de problèmes respiratoires.
Un nouveau souffle pour l'auscultation médicale
Austral DX, jeune pousse fondée en 2021, s’est lancée dans une mission ambitieuse : réinventer le stéthoscope traditionnel avec une solution technologique de pointe. Son dispositif, qualifié de « stéthoscope augmenté », utilise des ultrasons véhiculés dans l’air afin d’enregistrer, sans contact, l’activité cardio-pulmonaire d’un patient. Cette approche, complétée par une analyse automatisée via intelligence artificielle, pourrait améliorer la précision et la rapidité des diagnostics d’urgence.
L’entreprise vient de lever 2,5 millions d’euros pour concrétiser ses ambitions, un apport crucial qui lui permettra de développer davantage son produit et de préparer son entrée sur le marché mondial. Ce financement, mené par Sorbonne Venture (opéré par Audacia) et d’autres investisseurs, souligne la confiance des acteurs financiers dans ce modèle d’innovation « sans contact » qui fait consensus auprès de la communauté médicale.
Les ultrasons aéroportés se distinguent des ultrasons traditionnels, car ils ne nécessitent pas de gel ni de contact direct avec la peau. L’onde traverse l’air pour analyser les vibrations du thorax. Cette technique novatrice, conjuguée à l’IA, détecte rapidement les anomalies cardiaques et pulmonaires telles que l’insuffisance cardiaque, la BPCO ou encore l’arythmie.
L'histoire d'Austral DX et sa stratégie de développement
Austral DX n’est pas le fruit d’une simple intuition née au hasard d’un laboratoire. Les cofondateurs, parmi lesquels Philippe Mendels-Flandre (CEO), ont observé les contraintes rencontrées par les professionnels de santé face à la saturation des urgences. Partant du constat que le stéthoscope reste un instrument essentiel, mais parfois peu adapté aux besoins de diagnostic rapide, l’équipe s’est concentrée sur une approche « deeptech » originale.
Un premier prototype a été mis au point en 2021, reposant sur trois axes :
- Antenne acoustique : extrêmement sensible aux microvibrations du thorax.
- Électronique avancée : traitant les signaux en temps réel.
- IA performante : donnant des résultats automatisés en moins de deux minutes.
C’est précisément cette combinaison de matériel et de logiciel qui a su conquérir le jury du concours i-Nov, un programme lié à la dynamique France 2030. En décrochant une subvention au sein de ce dispositif, Austral DX bénéficie d’un soutien supplémentaire pour se lancer sur des marchés internationaux. L’équipe compte ainsi poursuivre, dès cette année, une série d’essais cliniques multicentriques pour asseoir la fiabilité de sa solution et accélérer son agrément réglementaire.
Bon à savoir sur France 2030
France 2030 s’inscrit dans une volonté de l’État d’injecter 54 milliards d’euros dans des secteurs stratégiques, dont la santé. Le but est de financer des projets innovants offrant un potentiel économique majeur, tout en renforçant la souveraineté industrielle française.
Des investisseurs séduits par l’impact économique et médical
La levée de 2,5 millions d’euros d’Austral DX a rassemblé un consortium d’acteurs variés. C’est Sorbonne Venture (opéré par Audacia) qui a mené ce tour de table, rapidement suivi par Aloe Private Equity, iXCore, Kima Ventures, Better Angle et Super Capital. À cela se sont ajoutés plusieurs clubs de business angels comme Capital Cell, Paris Business Angels et Angels Santé, ainsi que des investisseurs individuels.
Selon Cédric James, directeur général délégué d’Audacia, cette opération représente un placement stratégique. D’une part, la technologie de pointe répond à des besoins médicaux urgents. D’autre part, le potentiel économique est élevé, puisque le marché mondial du diagnostic cardio-pulmonaire est évalué à plusieurs milliards d’euros, soutenu par l’essor continu de la healthtech.
D’après un rapport de Rock Health, les ventures en digital health auraient enregistré un total de 10,1 milliards de dollars en 2024, contre 10,8 milliards un an plus tôt. Bien qu’en léger tassement, ces chiffres restent particulièrement élevés, preuve que les investisseurs s’intéressent toujours fortement aux technologies révolutionnant la santé.
Afin de mieux visualiser l’importance de ce marché, voici quelques indicateurs chiffrés permettant de cerner la situation actuelle :
Pourquoi cette innovation est en passe de transformer les urgences
Des millions de consultations pour douleurs thoraciques ou gêne respiratoire causent une surcharge dans les services d’urgence français. Lorsque chaque minute compte, le personnel soignant doit disposer d’outils fiables, rapides et non invasifs. Le stéthoscope augmenté d’Austral DX remplit ces critères, en offrant une évaluation précise de l’état cardio-pulmonaire en moins de deux minutes.
Point clé : la diminution des examens invasifs
Grâce aux données générées par ultrasons aéroportés, de nombreux examens coûteux comme l’IRM ou le scanner pourraient être évités dans certaines situations, libérant du temps pour les cas les plus graves tout en réduisant la facture pour le système de santé.
Une réponse aux déserts médicaux et à la médecine de ville
L’innovation d’Austral DX ne s’arrête pas aux portes de l’hôpital. Certains praticiens exerçant en zones reculées, dépourvues d’équipements lourds, ont besoin d’outils portables et intuitifs. Le stéthoscope « nouvelle génération », de par son absence de contact et son format compact, se prête idéalement à cette configuration. Il pourrait être proposé aux cabinets de médecine générale et aux centres de télémédecine, améliorant la prise en charge de milliers de patients éloignés des grands centres hospitaliers.
En matière de télésanté, les données recueillies par le dispositif peuvent être transmises en temps réel à des spécialistes basés dans d’autres localités. Cette connectivité épouse la tendance grandissante de la décentralisation des soins, où l’objectif est de limiter les déplacements de patients tout en offrant une expertise médicale irréprochable.
Exemples d’initiatives similaires dans la healthtech
Exemple avec Eko Health
Eko Health est une startup américaine qui a développé un stéthoscope numérique capable d’amplifier et d’analyser les sons cardiaques par IA. Bien que performante, la solution d’Eko Health nécessite un contact direct avec le patient. À l’opposé, le sans contact d’Austral DX laisse envisager une meilleure facilité d’utilisation et une hygiène renforcée, surtout en période de forte contagion.
Butterfly Network : stratégie et résultats
Butterfly Network propose un dispositif d’échographie portable reposant sur des ultrasons classiques pouvant visualiser directement l’intérieur du corps. Cette approche est plus invasive qu’un examen sans contact et requiert un savoir-faire important. Avec Austral DX, l’objectif est de viser des consultations plus courtes et potentiellement gérées par des professionnels de santé aux compétences variées.
Ibex Medical Analytics : vision IA
Spécialisée dans l’analyse de données en pathologie, Ibex Medical Analytics repose largement sur l’IA pour affiner le diagnostic, essentiellement dans le domaine de la cancérologie. Même si leur domaine d’action est différent, ces deux entreprises partagent une ambition commune : améliorer drastiquement la fiabilité des diagnostics grâce à des algorithmes capables de traiter de larges volumes de données.
GE Healthcare et Philips restent des géants du dispositif médical, déployant des solutions d’imagerie ou de monitoring. Ils travaillent également sur des outils connectés et sur l’IA, ce qui pourrait rendre la concurrence plus féroce. Cependant, l’innovation d’Austral DX sur le sans contact se révèle encore peu répandue chez ces grands industriels.
Les prochaines étapes : essais cliniques et expansion
L’enjeu majeur pour Austral DX consiste à obtenir toutes les autorisations réglementaires nécessaires, à commencer par le marquage CE en Europe et l’approbation FDA aux États-Unis. Afin de conforter ce processus, des essais cliniques multicentriques doivent être menés dans différents hôpitaux, chacun confronté à des typologies variées de patients. Les données récoltées permettront de démontrer la fiabilité du dispositif et de convaincre les autorités sanitaires de sa valeur ajoutée.
Si ces essais sont concluants, l’entreprise prévoit de déployer son stéthoscope augmenté dans les services d’urgence, puis de le commercialiser auprès de la médecine de ville et des structures spécialisées dans la télésanté. Selon les fondateurs, l’adoption sera probablement rapide, car les professionnels de santé sont conscients de l’importance de « dépister tôt et mieux » pour réduire la mortalité liée aux pathologies cardiaques et pulmonaires.
Les investisseurs et leur rôle dans la réussite du projet
Plusieurs fonds ont apporté leur soutien à Austral DX, renforçant ainsi la structure financière de la startup et lui offrant des perspectives d’accompagnement à long terme. Entre la thèse d’investissement de Sorbonne Venture, très axée sur la recherche issue des milieux académiques, et l’expertise sectorielle d’Aloe Private Equity dans les technologies à impact, la jeune pousse bénéficie d’un solide réseau pour naviguer sur la scène internationale.
De leur côté, iXCore, Kima Ventures, Better Angle et Super Capital offrent également un panel de services et de contacts précieux pour accélérer la R&D, l’industrialisation, ou encore la mise en place de partenariats stratégiques. Sans oublier les business angels représentants de Capital Cell, Paris Business Angels et Angels Santé, qui complètent ce tableau en mettant en relation Austral DX avec des experts du secteur médical et des potentiels clients.
Aperçu du marché mondial pour la solution d’Austral DX
Les maladies cardiovasculaires et respiratoires constituent encore aujourd’hui l’une des premières causes de décès dans le monde. Aux États-Unis, elles représentent plus de 500 milliards de dollars par an en coûts directs et indirects. En Europe, la problématique se renforce par le vieillissement de la population et l’aggravation de la pollution atmosphérique, rendant les diagnostics rapides et précis particulièrement recherchés.
C’est dans ce contexte que l’innovation d’Austral DX prend toute sa dimension. En associant technologie sans contact, analyse en temps réel et IA, la solution répond à une double quête : améliorer l’expérience patient tout en allégeant la facture des systèmes de santé. À terme, la startup espère couvrir un large panel de pathologies, allant des insuffisances respiratoires légères jusqu’aux troubles cardiaques plus sévères.
Stratégie de démocratisation : ville et zones isolées
Outre les urgences hospitalières, la solution d’Austral DX devrait s’étendre dans les cabinets de ville, les cliniques de proximité et même dans des communautés médicales itinérantes, particulièrement utiles pour les déserts médicaux. Grâce à son appareil compact et son interface utilisateur intuitive, la startup ambitionne de préparer une véritable révolution diagnostique, à la fois pour la population urbaine et rurale.
Comme le souligne à juste titre un porte-parole d’Austral DX, l’entreprise ne veut pas se limiter à un marché de niche : « Notre crédo est de rendre l’examen cardio-pulmonaire aussi simple que la prise de tension ». Cela se concrétisera, si tout va bien, par de nouveaux partenariats avec des organismes d’assurance santé ou des groupements hospitaliers qui chercheront à optimiser leurs parcours de soins.
Un modèle reproductible sur d’autres segments médicaux
Au-delà des seules affections cardio-pulmonaires, la technologie des ultrasons aéroportés pourrait s’appliquer à d’autres domaines médicaux. La détection précoce d’insuffisances veineuses, ou encore le suivi post-opératoire, constituent des pistes d’exploration. Le principe reste le même : ne plus établir le diagnostic par simple écoute au stéthoscope classique, mais capter mécaniquement les signaux et les confronter à une base de données enrichie.
Grâce à la levée de fonds récente, Austral DX prévoit de renforcer son équipe de R&D et de recruter des profils spécialisés dans la data science médicale. Cette transversalité permettra d’élargir la portée de l’IA et de détecter de nouveaux biomarqueurs vibratoires, pouvant révéler des pathologies encore plus rares ou complexes à diagnostiquer.
Regards vers l'avenir
Si Austral DX parvient à surmonter les défis réglementaires et à convaincre le corps médical de la pertinence de son dispositif, le marché mondial s’ouvre à cette jeune entreprise. La rapidité de l’adoption dépendra avant tout de la clarté des bénéfices cliniques et économiques ainsi que du sérieux des essais cliniques en cours. Les investisseurs, eux, restent confiants et misent sur un essor rapide de cette solution high-tech pour répondre à l’urgence des diagnostics cardio-pulmonaires.
Ce parcours illustre la volonté d’associer évolution technologique, efficacité médicale et rentabilité financière pour transformer durablement l’approche diagnostique à travers le monde.