Atawey lève 22 millions d’euros pour accélérer ses stations hydrogène
Atawey vient de lever 22 M€ avec l’État pour développer des stations hydrogène dédiées à la mobilité lourde et atteindre la rentabilité d’ici 2025.

Les investisseurs continuent de parier sur le déploiement de l’hydrogène décarboné en France, malgré un net ralentissement pour de nombreux acteurs.
Le fabricant de stations savoyard Atawey, lui, affiche un optimisme à contre-courant : il vient de lever 22 millions d’euros, soutenu par l’État et plusieurs fonds, avec l’objectif de devenir rentable d’ici 2025.
L’essor d’une PME audacieuse dans un secteur à la peine
Tout semble sourire à Atawey ces derniers mois, alors même que l’on observe un climat plus frileux dans la filière hydrogène. Tandis que certains groupes comme McPhy connaissent des difficultés financières, la PME savoyarde accélère son développement international. En s’appuyant sur une équipe de R&D réactive et un positionnement stratégique sur la mobilité lourde, l’entreprise a su convaincre un large panel d’investisseurs.
Dans un contexte où la concurrence patine – l’exemple révélateur étant la procédure de redressement judiciaire initiée par McPhy et la défiance envers d’autres acteurs comme HRS, dont le titre a perdu environ 50 % en Bourse en un an – Atawey se présente comme une exception. Cette dynamique soutenue par l’État envoie un signal encourageant : le secteur hydrogène n’a pas dit son dernier mot.
Une reconfiguration du marché de l’hydrogène : enjeux et perspectives
Depuis quelques années, le secteur de l’hydrogène attire massivement les capitaux – publics et privés – car cette source d’énergie est considérée comme l’une des clés de la décarbonation, notamment pour le transport. Or, en France, on observe un ralentissement conjoncturel lié à plusieurs facteurs :
- L’offre limitée de véhicules hydrogène, ce qui structure modérément la demande de stations ;
- Des tensions géopolitiques qui ralentissent les politiques d’investissement à long terme ;
- Le besoin d’une production propre (hydrogène vert) encore coûteuse et techniquement complexe.
Malgré ces obstacles, plusieurs régions françaises et européennes ont lancé des programmes dédiés. Les projets Hympulsion et Hyve (cartographie de stations de recharge) illustrent bien cette volonté publique de construire un écosystème de transport propre, même si ces initiatives peinent parfois à atteindre un déploiement optimal.
Bon à savoir : la date clé pour McPhy
Le fabricant McPhy, également spécialiste des équipements d’électrolyse et de distribution hydrogène, a annoncé son placement en redressement judiciaire récemment. Le sort de l’entreprise sera fixé le 8 juillet. De nombreux experts surveillent l’issue de cette procédure, car McPhy jouait un rôle de premier plan dans de nombreux projets de production et de distribution d’hydrogène en France.
L’entrée de l’État au capital : un signal fort
La dernière levée de fonds de 22 millions d’euros n’est pas seulement le fruit d’investisseurs privés comme Armor Group ou Starquest : pour la première fois, l’État s’invite dans l’actionnariat. Cela représente un marqueur fort pour un segment en évolution, soutenu par la volonté gouvernementale d’assurer la souveraineté énergétique et la transition vers des technologies plus fiables et plus propres.
Pour Atawey, cet apport conforte une structure de financement déjà enrichie par plusieurs tours de table depuis sa création. Les actionnaires fondateurs – dont Jean-Michel Amaré et Pierre-Jean Bonnefond – demeurent majoritaires, mais ils reconnaissent que la présence de l’État offre l’assise nécessaire pour rassurer de futurs bailleurs, en France comme à l’international.
Un tour de table est une levée de fonds lors de laquelle une entreprise réunit différents investisseurs (business angels, fonds d’investissement, partenaires industriels, actionnaires institutionnels, etc.) qui injectent du capital en échange de parts. Cela lui permet de financer sa croissance (R&D, marketing, déploiement commercial...), tout en ouvrant son capital à de nouveaux acteurs.
Stratégie de développement : la mobilité lourde en point de mire
Le positionnement commercial d’Atawey est un point essentiel pour comprendre son succès. Aujourd’hui, la PME savoyarde réalise 90 % de son chiffre d’affaires en France, et prévoit d’inverser la tendance en ciblant principalement les marchés européens à l’horizon de trois ans. Cette expansion internationale se justifie notamment par l’intérêt croissant pour les stations hydrogène de grande capacité, capables de fournir 1 à 2 tonnes par jour.
Avec le renforcement des réglementations environnementales, des subventions gouvernementales et la réticence à recourir uniquement à l’électrique pour le transport de marchandises, l’hydrogène gagne du terrain dans la mobilité lourde : autobus, camions, flottes d’entreprises, engins de BTP, voire navires fluviaux. Atawey, par son anticipation centrée sur ce segment, trouve ainsi un relais de croissance majeur.
En outre, les atouts de l’hydrogène pour les poids lourds sont multiples : temps de recharge limité, autonomie significative, intérêt pour certains secteurs où la logistique ne peut souffrir de longs arrêts. Par conséquent, alors que le marché de la voiture particulière hydrogène reste encore confidentiel, la mobilité lourde figure au rang de priorité incontestable pour décarboner le transport sur de longues distances.
Bon à savoir : différences entre l’hydrogène et l’électrique
Hydrogène : temps de recharge plus rapide (3 à 10 minutes), autonomie élevée (jusqu’à 700 km pour des poids lourds), mais coûts des stations plus élevés et difficulté d’approvisionnement en hydrogène vert.
Électrique : recharge plus longue, réseaux de bornes en progression, vertu pour les trajets urbains et de moyenne distance, coûts d’infrastructure souvent moindres comparés à des stations H2.
Le pari ambitieux de la rentabilité dès 2025
La perspective de la rentabilité d’ici fin 2025 se détache comme un objectif concret, particulièrement audacieux dans l’industrie hydrogène. Bien peu d’acteurs du secteur, obstructeurs ou fabricants de stations, peuvent se targuer d’une telle promesse. Pour être au rendez-vous, Atawey compte sur :
- Une montée en puissance de ses capacités de production (jusqu’à 80 stations/an) réparties sur deux sites en France ;
- Une organisation rationalisée avec un personnel suffisamment formé, l’effectif se situant actuellement autour de 150 salariés ;
- La poursuite de partenariats technologiques pour optimiser l’efficacité des infrastructures et garantir la sécurité du ravitaillement.
À la clé, certaines projections font état d’un chiffre d’affaires proche de 18 millions d’euros dès 2024 – des ressources qui permettraient au fabricant savoyard de se hisser dans la sphère des entreprises européennes les plus dynamiques dans le domaine. Selon son directeur général, ce succès repose notamment sur une approche pragmatique : « être à l’écoute des besoins industriels et mettre en œuvre des solutions techniques rapidement. »
R&D : la clé d’une agilité stratégique
Pour qu’Atawey se démarque, l’innovation interne est demeurée un pilier. Les nombreuses équipes de recherche et développement travaillent avec des cycles proches des pratiques en start-up. Les ingénieurs ont la tâche d’imaginer et de concevoir des stations personnalisables capables de s’adapter aux contraintes de chaque pays : climat, densité urbaine, normes de l’État, etc.
Ce choix d’une R&D flexible, focalisée sur la performance énergétique et la sécurité, est particulièrement remarquable dans un secteur industriel souvent jugé lent à se renouveler. D’ailleurs, dans l’optique de renforcer cette réactivité, l’entreprise mise sur :
- La constitution de partenariats académiques avec des universités et laboratoires régionaux ;
- La veille constante sur les évolutions des réglementations européennes ;
- L’évaluation en continu des performances sur différents prototypes, en tenant compte du retour d’expérience des transporteurs.
Plusieurs indicateurs sont à considérer, dont la vitesse de flux (kg/minute), la fiabilité de distribution (taux de pannes ou temps d’arrêt), la résistance des matériaux sous haute pression (jusqu’à 700 bars pour des véhicules lourds) et les coûts de maintenance. Les opérateurs évaluent également la compatibilité avec diverses générations de réservoirs et de véhicules.
La posture d’Atawey face à un marché contrasté
Le marché de l’hydrogène n’est pas homogène, avec d’importantes disparités entre acteurs. D’un côté, on a un exemple comme HRS qui, après son entrée remarquée en Bourse, a vu son titre chuter presque de moitié. De l’autre, l’incertitude plane sur McPhy, dont le placement en redressement judiciaire s’est accompagné d’un effondrement de la confiance des investisseurs.
Pourtant, Atawey trace sa route en soulignant la dimension inévitable de la décarbonation, malgré le contexte géopolitique houleux et la concurrence d’acteurs internationaux. Le dirigeant souligne un argument essentiel : « La guerre commerciale et les tensions sur l’énergie imposent d’agir, mais de façon plus progressive. Il n’y aura pas de marche arrière, seulement des délais de mise en œuvre. »
On comprend dès lors pourquoi l’entreprise ne s’inquiète pas outre mesure : elle considère ce ralentissement comme passager, misant sur la loi française (et européenne) visant à soutenir la transition énergétique, que ce soit via le Pacte Vert de la Commission européenne ou via les ambitions hexagonales dans la filière hydrogène (France 2030 et autres programmes).
L’histoire et l’ADN d’Atawey : de la création à l’ambition internationale
Lancée en 2012 dans un département savoyard connu pour ses innovations industrielles, Atawey repose sur une conviction simple : l’hydrogène sera déterminant pour atteindre la neutralité carbone. Les fondateurs avaient déjà à cœur de concevoir des stations compactes, modulables et utilisables « AnyTime, AnyWhere, EnergY » (d’où l’acronyme Atawey).
Dès les débuts, des financements publics sont venus appuyer la start-up, laquelle s’est très vite alliée à des réseaux de laboratoires régionaux. Les premières stations mises en service ont suscité l’intérêt d’acteurs locaux de la mobilité collective, puis se sont élargies à d’autres secteurs, comme l’agriculture et la logistique.
Au fil du temps, le visage d’Atawey a évolué : 150 salariés, un chiffre d’affaires qui devrait doubler d’une année sur l’autre, et une ambition clairement internationale. La société n’entend pas pour autant se couper de son ancrage savoyard : ses deux sites de production, situés en France, lui assurent un contrôle vertueux sur la qualité et les délais de fabrication.
Production multipliée, installations en hausse
Outre ses 80 stations/an de capacité, l’entreprise revendique déjà 61 stations installées à travers l’Hexagone, et a partagé son objectif de porter ce nombre à plus de 100 dans les trois ans à venir. Ces installations sont destinées aussi bien à des collectivités locales désireuses d’implanter des bornes de recharge H2 pour bus et véhicules de voirie, qu’à des consortiums privés cherchant à optimiser leurs chaînes logistiques.
Pour chaque commande, Atawey met en avant son accompagnement sur-mesure. Les ingénieurs sont présents dès la phase de conception, afin de dimensionner la station en fonction du trafic et des besoins énergétiques, puis durant l’installation et la maintenance. Cette approche intégrée, combinée à une écoute attentive des retours clients, explique pour partie l’excellente réputation de la PME auprès de ses partenaires.
Les installations hydrogène fonctionnent sous haute pression et intègrent des composants sensibles (compresseurs, dispositifs de refroidissement, etc.). Les pannes peuvent s’avérer coûteuses et impacter la fiabilité du réseau. C’est pourquoi la maintenance préventive et les inspections régulières sont indispensables pour garantir la sécurité des usagers et la pérennité de l’équipement.
Les défis à surmonter pour la filière en France
Malgré l’élan impulsé par des groupes comme Atawey, la filière hydrogène demeure confrontée à plusieurs verrous :
- Un manque d’infrastructures : Il existe encore peu de stations de taille adéquate pour desservir la mobilité lourde sur l’ensemble du territoire, ce qui freine l’adoption du H2 par les transporteurs.
- L’absence d’offres de véhicules hydrogène suffisamment abondantes : Les constructeurs peinent à déployer des camions ou bus en volume important, parfois freinés par les coûts de production et la complexité des homologations.
- La cherté de l’hydrogène vert : Pour que la décarbonation soit réelle, l’hydrogène doit être produit via des énergies renouvelables, ce qui implique de lourds investissements dans l’électrolyse et la logistique associée.
Néanmoins, la loi française de programmation pluriannuelle de l’énergie et les initiatives européennes accordent désormais une plus grande place à l’hydrogène. Les appels d’offres se multiplient (hydrogène vert, électrolyse en circuit court, etc.) et la compétitivité devrait s’améliorer avec l’augmentation des volumes.
Des chiffres révélateurs, un plan de croissance assumé
Sur l’année 2024, Atawey projette d’atteindre 18 millions d’euros de chiffre d’affaires. Une croissance estimée à +120 % par rapport à 2023. Dans le même temps, l’entreprise investit massivement pour quadrupler ses capacités de production, répondant à la hausse de la demande en Europe ainsi qu’aux opportunités qui pourraient émerger dans les pays voisins (Espagne, Benelux, Italie, etc.).
L’ajout récent d’un deuxième site de production en Savoie, en complément du premier, témoigne de l’importance des capacités industrielles pour gagner la bataille de la compétitivité. En accumulant cette assise solide, Atawey se donne la possibilité de négocier de gros contrats dans les années à venir, tout en conservant un pôle de décision basé en France.
Repères chiffrés sur Atawey
• 150 salariés dont une équipe R&D étoffée.
• 2 sites de production (capacité de 80 stations/an).
• 61 stations déjà installées, pour la plupart en France.
• Objectif : rentabilité dès fin 2025.
Sur la scène internationale : quelles ambitions concrètes ?
Si la France est jusqu’à présent le principal marché, la PME affirme vouloir réaliser la majorité de son chiffre d’affaires à l’export dans moins de trois ans. Les premières briques de cette stratégie ont déjà été posées : création de filiales en Espagne, dans le Benelux, et installation d’une première station en Italie.
Cette expansion repose à la fois sur un retour positif des clients français et sur la recherche active de partenariats locaux. Dans l’esprit d’Atawey, la multiplication des points de ravitaillement permet de stimuler l’adoption : plus il y aura de stations, plus les transporteurs s’intéresseront au H2, et donc plus les constructeurs développeront des véhicules adaptés … un cercle vertueux, en somme.
Parmi les chantiers futurs, la participation à des projets de couplage électrolyseurs-stations de recharge, afin de proposer dans certains cas une chaîne hydrogène complète (depuis la production jusqu’à la distribution). Atawey a déjà travaillé sur des démonstrateurs de ce type, et cherche désormais à industrialiser ces solutions.
La vision des acteurs financiers : pourquoi soutenir Atawey ?
De nombreux fonds d’investissement se montrent plus prudents dans la filière hydrogène depuis un an, notamment à cause de la volatilité des prix de l’énergie et de l’incertitude réglementaire. Pourtant, Armor Group et Starquest ont choisi de s’impliquer, rejoints par l’État français et des investisseurs mineurs.
Pour ces partenaires, l’attrait d’Atawey repose sur :
- Une expertise prouvée : plus de 50 stations déjà en activité offrant un retour terrain concret.
- Une équipe dirigeante stable : le management reste aux manettes, garantissant la cohérence de la stratégie.
- Un secteur d’application (mobilité lourde) considéré comme prioritaire dans les mesures pour la transition écologique.
D’un point de vue fiscal et légal, la France encourage cette forme d’investissement dans les technologies vertes, via des mécanismes variés comme le crédit impôt recherche ou des dispositifs de soutien sectoriel. Ainsi, la prise de participation de l’État renforce l’image qu’Atawey incarne le « champion français » des stations H2, à l’instar de ce que d’autres acteurs avaient pu être dans l’éolien ou le solaire.
Défis réglementaires et enjeux de sécurité
La conception et l’exploitation des stations hydrogène obéissent à un cadre réglementaire rigoureux, afin de prévenir tout risque d’accident (fuite, incendie, surpression). Atawey collabore étroitement avec les autorités de certification et les instances normatives pour s’assurer que chaque étape de la chaîne respecte les normes en vigueur.
La sécurité représente un point d’attention primordial, car la moindre avarie pourrait ralentir l’ensemble du déploiement H2 en France. En parallèle, l’entreprise milite pour une harmonisation européenne des normes, qui faciliterait l’expansion au-delà des frontières. À terme, l’ambition est d’obtenir un label de qualité commun à toute l’UE, afin d’uniformiser la maintenance, le ravitaillement, ainsi que la formation des opérateurs.
Anatomie d’un futur leader européen ?
L’histoire récente du secteur suggère qu’un acteur ayant su franchir le cap des démonstrateurs et des premières ventes industrielles peut légitimement prétendre occuper une place dominante. Dans les lignes de force d’Atawey, on retrouve :
- Une croissance consolidée : grâce à ses moyens financiers et son équipe R&D, la société a l’ambition de limiter sa dépendance à quelques clients majeurs.
- La maîtrise de la technologie : le savoir-faire se concentre sur l’ingénierie, la modularité et la capacité à construire des stations adaptées à des situations variées.
- Des partenariats solides : l’arrivée de l’État dans le capital, associée à des fonds privés expérimentés dans la transition énergétique.
Pour devenir un leader européen, la PME savoyarde devra toutefois faire face à une concurrence venue d’Allemagne ou du Royaume-Uni, dont les gouvernements investissent aussi de façon significative dans l’hydrogène. Des industriels internationaux (Asie, Amérique du Nord) cherchent par ailleurs à s’implanter massivement sur le Vieux Continent.
Regard d’expert : une dynamique à consolider pour l’horizon 2027
À ce stade, l’avenir de l’hydrogène semble inexorablement lié à la décarbonation globale. Les programmes européens annoncent des objectifs chiffrés très ambitieux pour 2030, tant sur la production d’hydrogène vert que sur l’infrastructure de mobilité. Cependant, les défis technologiques et financiers demeurent nombreux : il faut réduire encore les coûts, fiabiliser les équipements à grande échelle et promouvoir plus largement les usages de l’hydrogène auprès des industriels.
Atawey, en concentrant ses efforts sur la mobilité lourde, démontre qu’il est possible de tirer parti d’un marché ciblé pour se développer à l’international. Son pari sur la rentabilité d’ici fin 2025 crédibilise un discours encore trop souvent resté au stade de la promesse. Dans un contexte de raréfaction des soutiens financiers, cette réussite envoie aussi un signal rassurant à la filière : tout n’est pas bloqué, et le potentiel reste élevé. Et si la PME savoyarde devenait l’étendard d’une nouvelle ère de l’hydrogène en France ?
Le parcours d’Atawey prouve qu’un modèle économique solide, couplé à une anticipation rigoureuse des besoins industriels, peut distinguer un acteur local dans un secteur pourtant réputé difficile.