ARMOR Group mise sur Atawey : 22 M€ pour dynamiser les stations hydrogène
Injection de 22 M€ dans Atawey : ARMOR Group accélère la mobilité hydrogène française et soutient la production de stations haute pression.

Les chaînes de valeur de l’hydrogène en France s’enrichissent : ARMOR GROUP vient d’annoncer son entrée au capital d’Atawey, fabricant savoyard de stations de recharge H2. L’opération, d’un montant total de 22 millions d’euros, marque un tournant pour les deux acteurs et, plus largement, pour la filière française de la mobilité hydrogène.
Une injection de capital qui accélère la mobilité hydrogène
Signée au printemps 2025, la levée dirigée par Starquest, l’État (France 2030) et le Fonds Régional Avenir Industrie Auvergne‑Rhône‑Alpes ouvre à Atawey de nouveaux moyens industriels : montée en cadence de l’usine de Chambéry, doublement des lignes d’assemblage et renforcement du département R&D. ARMOR GROUP obtient, à cette occasion, un statut d’observateur au conseil d’administration – une présence discrète mais influente qui lui permettra de peser sur les choix stratégiques sans endosser toutes les obligations d’un administrateur classique.
Cet apport financier intervient dans un marché où la demande est forte mais encore hésitante : en 2024, seules 45 stations publiques étaient opérationnelles en France, contre 95 prévues par le Plan Hydrogène de 2020. En apportant du capital patient, les partenaires sécurisent la capacité d’Atawey à livrer des stations plus grandes (1,3 tonne/jour) tout en respectant les standards de sécurité ATEX et ISO 19880‑1. À moyen terme, l’entreprise vise un EBITDA positif d’ici fin 2025.
Bon à savoir : hydrogène vert ou bas carbone ?
Le terme « hydrogène vert » désigne un gaz produit par électrolyse d’une eau alimentée par des énergies renouvelables. À l’inverse, l’hydrogène « bas carbone » inclut les productions issues de l’électro‑nucléaire français, qui émettent peu de CO2 mais ne répondent pas toujours aux critères européens de durabilité (dits « RFNBO »). Cette distinction est cruciale pour accéder aux subventions IPCEI ou CEE.
Atawey : de la start‑up savoyarde au rôle de champion régional
Née en 2012 au Bourget‑du‑Lac, Atawey a d’abord développé des stations compactes pour flottes captives avant de se positionner sur la recharge haute‑pression 700 bar. Aujourd’hui, la société affiche plus de 60 employés et un portefeuille de 35 stations déployées ou commandées en France, Italie, Espagne et Benelux. Ses deux cofondateurs, Jean‑Michel Amaré et Pierre‑Jean Bonnefond, restent majoritaires, gage de continuité technologique.
La feuille de route 2025‑2028 inclut : une version évolutive 2 tonnes/jour destinée au fret routier, l’export vers l’Allemagne via un réseau de distributeurs agréés, et l’intégration native de modules de liquéfaction pour le marché aéronautique. Cette diversification vise à réduire la dépendance à la seule mobilité terrestre et à anticiper les besoins du maritime fluvial (péniches H2).
Une station hydrogène mobile regroupe électrolyseur, compresseur, stockage et dispenser sur une remorque ou conteneur ISO. Elle permet de tester un usage sans engager d’infrastructures lourdes. Chez Atawey, le modèle « Mobile 60 kg/j » se raccorde à un simple branchement 400 V et se déploie en moins de 24 h.
ARMOR GROUP Open Industry : investir pour ré‑industrialiser
Le programme Open Industry, lancé en 2023 par le Nantais ARMOR GROUP, répond à une double logique : diversifier les revenus d’un groupe centenaire de la chimie d’impression et catalyser un écosystème européen d’industries à impact. Après les panneaux solaires (HoloSolis), les pompes à chaleur acoustiques (Equium) et le graphène (Blackleaf), l’hydrogène vient enrichir la verticale « transition énergétique ».
Outre le capital, ARMOR apporte un savoir‑faire rare en formulation de pâtes conductrices, en revêtements minces et en gestion de supply chain internationale. Ces compétences bénéficieront directement aux skid de compression H2, dont les joints, filtres et membranes exigent une expertise chimique avancée. Pour Atawey, cette contribution non financière pourrait représenter un gain de 7 points de marge brute sur certaines références, selon les projections internes.
On qualifie d’« impact » un investissement qui cherche un retour financier mais aussi, et surtout, une mesure d’impact extra‑financier (CO2 évité, emplois créés, biodiversité préservée…). ARMOR GROUP s’est doté en 2024 d’un cadre méthodologique aligné sur la norme ISO 14097 pour suivre l’empreinte carbone de ses participations.
Lecture financière et juridique de l’opération
En pratique, l’augmentation de capital prend la forme d’actions de catégorie B assorties d’un liquidation preference x1,5 en cas de sortie avant cinq ans. La valorisation pré‑money, estimée à 70 millions d’euros, implique une dilution de 23 % pour les fondateurs — raisonnable au regard de la phase scale‑up. Les tickets se répartissent comme suit : Starquest (8 M€), France 2030 via le fonds Innovation Souverain (6 M€), ARMOR GROUP (4 M€) et un consortium de corporates régionaux (4 M€).
Côté gouvernance, Atawey s’engage à nommer un administrateur indépendant dans les 18 mois et à publier un reporting ESG semestriel. La clause d’anti‑dilution dite « weighted average » protège les investisseurs en cas de future levée down‑round. Le pacte d’actionnaires prévoit en outre un right of first refusal pour ARMOR sur toute cession de brevets liés au stockage cryogénique, domaine qui recouvre ses propres travaux menés au sein d’ARMOR BATTERY FILMS.
France 2030 en 2 lignes
Lancé en 2021, le plan France 2030 mobilise 54 milliards d’euros pour ré‑industrialiser le pays autour de dix objectifs technologiques, dont l’hydrogène bas carbone. Les projets sont financés via l’Ademe et la BPI, avec un taux de subvention pouvant atteindre 50 % pour les premières industrielles.
Retombées économiques régionales et européennes
À l’échelle de la Savoie, l’augmentation de capital devrait se traduire par 70 embauches directes d’ici 2027 – ingénieurs procédés, techniciens d’intégration et opérateurs d’assemblage. L’effet d’entraînement sur la sous‑traitance (métal‑mécanique et contrôle‑commande) est estimé à 200 emplois indirects, selon l’Agence Auvergne‑Rhône‑Alpes Entreprises. Au niveau européen, Atawey ambitionne 250 stations installées d’ici 2030, ce qui représenterait près de 6 % du parc visé par la stratégie EU Fit for 55.
La coopération franco‑italienne est déjà amorcée : un premier contrat portera sur la fourniture de deux stations multi‑pression à Turin. Outre‑Rhin, la loi allemande sur l’approvisionnement en hydrogène vert (H2‑BG) crée un débouché potentiel de 1,6 milliard d’euros sur dix ans. En se positionnant tôt, Atawey mise sur un effet de réseau similaire à celui qu’a connu Ionity pour les bornes électriques.
▪ Capacité mondiale installée : 800 MW d’électrolyse fin 2024.
▪ Stations H2 en Europe : 228 (dont 45 en France).
▪ Prix moyen du kilo H2 à la pompe : 12 €.
▪ Objectif Fit for 55 : 5 Mt d’hydrogène renouvelable consommé en 2030.
Risques et perspectives à horizon 2030
Malgré l’enthousiasme, plusieurs incertitudes demeurent : la visibilité réglementaire (délai de publication des actes délégués RED III), la volatilité du prix de l’électricité et la concurrence asiatique sur les compresseurs haute pression. Atawey répond par une stratégie double : sécuriser des contrats power‑purchase agreements long terme et internaliser la compression d’ici 2026.
Pour ARMOR GROUP, la diversification dans l’hydrogène complète ses films collecteurs batteries et ouvre la voie à des synergies en électrochimie. Néanmoins, la société devra veiller à ne pas trop diluer ses ressources face à d’autres paris (graphène, eau industrielle). La réussite dépendra de la capacité à orchestrer ces participations autour d’un même axe : la décarbonation des chaînes de valeur industrielles.
Rôle d’observateur au C.A.
Contrairement à un administrateur classique, l’observateur n’a pas de droit de vote mais assiste à toutes les réunions. Il peut formuler des recommandations et accéder aux mêmes informations confidentielles – un excellent compromis pour ARMOR GROUP, qui garde ainsi un œil sur la stratégie sans alourdir sa responsabilité fiduciaire.
Hydrogène made in France : quelles prochaines étapes ?
La prise de participation d’ARMOR GROUP dans Atawey incarne la nouvelle méthode industrielle française : mutualiser les forces de groupes établis et la flexibilité des scale‑ups pour accélérer des technologies stratégiques. Si les jalons 2025 (80 stations livrées, EBITDA +) sont atteints, l’opération pourrait servir de modèle à d’autres filières, du captage carbone à la batterie sodium‑ion.
En investissant dans l’hydrogène, ARMOR GROUP ne se contente pas de diversifier son portefeuille : il contribue à bâtir un écosystème souverain où savoir‑faire industriel et innovation convergent au service d’une économie bas carbone.