À Brest, Crédit Mutuel Arkéa accélère sa feuille de route pour la souveraineté industrielle. Le groupe coopératif structure un dispositif financier inédit combinant prêts, dette privée et capital-investissement afin d’alimenter la Base industrielle et technologique de défense. Objectif affiché : fluidifier la trésorerie des chaînes d’approvisionnement, muscler les fonds propres et sécuriser l’outil productif national dans la durée.

Arkéa reconfigure son offre autour d’une filière défense et souveraineté

Le groupe coopératif met en place une filière dédiée baptisée Défense et souveraineté. Cette organisation transversale agrège les métiers de la banque de détail et d’entreprises, de la gestion d’actifs et du capital-investissement. Elle vise à répondre à un besoin central : fournir des réponses rapides et lisibles aux PME, ETI et start-up de la BITD qui doivent investir, recruter et augmenter les cadences.

Cette filière s’appuie sur les forces historiques d’Arkéa dans l’Ouest, via le Crédit Mutuel de Bretagne et le Crédit Mutuel du Sud-Ouest, et sur ses filiales spécialisées, notamment Arkéa Banque Entreprises et Institutionnels, Arkéa Asset Management, Arkéa Capital et Fortuneo. Le groupe indique accompagner déjà environ 350 acteurs de la défense dans ses territoires d’ancrage, avec un effectif cumulé proche de 11 500 collaborateurs.

Filière défense et souveraineté : périmètre et gouvernance

La filière fédère des équipes conformité, crédit, ingénierie financière, levées de fonds et coverage sectoriel. Cette gouvernance resserrée doit permettre d’accélérer les circuits de décision, de calibrer des enveloppes de financement multi-instruments, et de coordonner les diligences KYC et export, sensibles dans la défense.

Un cadrage financier déjà opérant

Arkéa annonce une enveloppe bancaire dédiée de 500 millions d’euros et la création de deux véhicules d’investissement : un fonds de dette privée porté par Arkéa Asset Management et un fonds de capital-investissement opéré par Arkéa Capital. Ces briques complètent un programme de financement de cycle d’exploitation co-structuré avec Bpifrance.

La Base industrielle et technologique de défense regroupe l’ensemble des entreprises participant à l’effort de défense national, du grand maître d’œuvre jusqu’aux sous-traitants de rangs 2 et 3. Elle couvre navale, aéronautique, spatial, terrestre, cyber, électronique, matériaux, ainsi que les activités duales à usage civil et militaire.

Avance défense plus : un levier de trésorerie pour la chaîne d’approvisionnement

Pour absorber l’allongement des cycles et l’intensification des commandes, Arkéa Banque Entreprises et Institutionnels et Bpifrance lancent Avance Défense plus, un dispositif de 500 millions d’euros à parité entre les deux partenaires. L’outil cible en priorité les PME et ETI fournisseurs d’équipements et de sous-ensembles stratégiques, avec une logique de fluidification des paiements et d’optimisation du besoin en fonds de roulement.

Fonctionnement côté donneurs d’ordres

Le mécanisme permet à un grand donneur d’ordres d’initier un schéma de paiement anticipé de ses achats via une ligne mobilisée par Arkéa et Bpifrance. L’entreprise cliente conserve sa date de règlement habituelle, tout en déclenchant un règlement avancé au profit de ses fournisseurs. C’est une solution de type supply chain finance qui sécurise les délais et réduit la pression de trésorerie dans la filière.

Effet immédiat pour les sous-traitants

Les fournisseurs convertissent leurs créances en liquidités quasi immédiates. Concrètement, cela :

  • réduit le BFR sans grignoter d’autres lignes bilantielles,
  • accélère la rotation des stocks grâce à une meilleure prévisibilité des encaissements,
  • limite le risque de rupture de production au moment des ramp-ups.

Ce modèle est particulièrement adapté aux PME dont les marges sont sous pression et les capacités d’autofinancement limitées, dans un contexte d’inflation des intrants et de tension sur certaines matières.

Avance Défense plus en 5 repères

  • Enveloppe globale : 500 millions d’euros à parité Arkéa et Bpifrance.
  • Objet : financement du cycle d’exploitation et des factures fournisseurs.
  • Bénéficiaires : PME et ETI de la BITD, y compris rangs 2 et 3.
  • Bénéfice clé : paiement anticipé des fournisseurs, maintien du délai côté donneurs d’ordres.
  • Effet attendu : sécurisation de la production et réduction des tensions de trésorerie.

Les projets défense se caractérisent par des cycles longs, des jalons techniques exigeants et des volumes de stocks élevés. Le BFR est sollicité à la fois par l’avance de production, les stocks qualifiés et les calendriers d’acceptation client. Un schéma d’early payment réduit l’écart entre décaissements fournisseurs et encaissements clients, ce qui allège le coût financier du cycle.

La dette privée d’arkéa asset management pour des besoins de haut de bilan

Arkéa Asset Management lance le fonds France Souveraineté PME, un véhicule de dette privée doté de 250 millions d’euros pour financer des opérations de haut de bilan. Le ciblage porte sur des PME et ETI françaises rentables, engagées dans des trajectoires de croissance organique ou de consolidation, y compris via des build-ups ciblés.

Critères d’éligibilité et finalités

Le fonds a vocation à intervenir en complément des banques et des actionnaires pour des besoins de type capex stratégique, renforcement de trésorerie structurelle, financement de croissance externe ou refinancement de dette existante. Les instruments mobilisables vont du prêt simple au unitranche, avec des clauses calibrées pour préserver l’investissement productif.

Au-delà de la défense, un prisme souveraineté

Si la défense est un axe fort, la thèse d’investissement couvre plus largement les chaînes de valeur jugées critiques : agroalimentaire et sécurité alimentaire, numérique, technologies fondamentales, recherche appliquée. Arkéa cible une allocation majoritairement orientée vers ces secteurs, afin d’élargir l’impact macroéconomique de l’initiative tout en accompagnant la BITD sur le long terme.

Cap budgétaire national à l’appui

La Loi de programmation militaire 2024-2030 fixe un jalon budgétaire de 413 milliards d’euros, niveau qui consacre l’effort national de réarmement industriel et technologique (source gouvernementale, mars 2025). Ce cap favorise la visibilité des carnets de commandes et l’engagement des financeurs privés.

Capital-investissement : arkéa capital prépare un fonds dédié aux besoins en fonds propres

Arkéa Capital travaille à un fonds de capital-investissement Souveraineté destiné à renforcer les capitaux propres des entreprises de la BITD. Le positionnement cible les entreprises en phase d’industrialisation, d’extension de capacités ou de rebond post-innovation, pour lesquelles l’alignement entre horizon d’investissement et cycles industriels est déterminant.

Pourquoi des fonds propres dédiés

La sous-capitalisation reste un frein récurrent. Les sociétés de la BITD affichent souvent des marges inférieures à la moyenne des secteurs manufacturiers, alors même qu’elles doivent investir dans des lignes supplémentaires, des qualifications et des certifications. Un capital patient, adossé à une thèse souveraineté, stabilise le bilan et déverrouille l’accès au crédit classique.

Complémentarité avec la dette

La combinaison fonds propres plus dette privée accélère les plans industriels sans dégrader excessivement les ratios de levier. Cette mécanique est utile pour passer des caps critiques : localisation de composants, relocalisation d’étapes de production, contrats export avec exigences de compensation industrielle, ou encore renforcement cyber et qualité.

Les dispositifs d’investissement intègrent des due diligences renforcées : conformité export et contrôle des destinations, sécurité des partenaires, traçabilité des composants, lutte contre la corruption, analyse des risques pays. Côté financement, les banques évaluent aussi l’exposition aux régimes de contrôle des biens à double usage au titre du règlement européen 2021/821 et aux régimes extra-territoriaux applicables selon les composants.

Contraintes économiques des pme-eti de défense : un déficit de capital qui freine l’exécution

Le cœur de la problématique est bien identifié : 4 000 à 4 500 PME et ETI irriguent la BITD française selon les estimations sectorielles relayées par Arkéa. Une part significative d’entre elles est faiblement capitalisée et confrontée à des marges serrées. La montée en cadence exigée par les programmes nationaux et export dégrade mécaniquement le BFR si les circuits de financement ne sont pas adaptés.

Sous-capitalisation et marges en tension

Plusieurs facteurs se conjuguent :

  • Poids croissant des exigences de qualité et de qualification, parfois multiples selon les clients finaux.
  • Inflation des intrants et volatilité de certaines chaînes de matières.
  • Nécessité d’investissements lourds dans des machines spécifiques, des bancs d’essais et des moyens de contrôle.
  • Dépendance à un nombre restreint de programmes, ce qui impose une discipline stricte du cash.

Le résultat est un effet ciseau bien connu : l’entreprise doit produire plus, plus vite et avec plus d’exigences, tout en absorbant des délais d’encaissement parfois longs. D’où l’intérêt des solutions de supply chain finance et des véhicules de dette privée pour lisser l’effort.

Risques spécifiques au secteur

Les PME-ETI de la défense doivent composer avec :

  • des contrôles export qui nécessitent une documentation et une conformité exemplaires,
  • des cycles de certification qui immobilisent ingénierie et cash,
  • un risque d’approvisionnement sur des composants critiques,
  • des calendriers contractuels à jalons qui conditionnent les flux financiers.

Un partenaire financier sectorisé peut réduire ces frictions en structurant des instruments au plus près des flux réels, tout en gardant un cadre prudentiel robuste.

Plusieurs contraintes coexistent : perception de risques réputationnels, granularité fine des portefeuilles, complexité des clauses de compliance, absence d’encadrement ESG harmonisé pour la défense. La mise en place de filières spécialisées, d’équipes crédit dédiées et de référentiels clairs contribue à lever ces obstacles sans sacrifier les standards de risque.

Retombées régionales : bretagne et nouvelle-aquitaine en première ligne

L’ancrage territorial pèse dans le déploiement. En Bretagne et en Nouvelle-Aquitaine, Arkéa met en avant un tissu industriel dense, avec plus de 35 000 emplois directs agrégés dans la BITD selon ses estimations. Les flux de financement fléchés vers ces écosystèmes devraient accélérer la modernisation des ateliers et la montée en gamme technologique.

Accélération des filières cyber, drones et électronique

Les segments cybersécurité, drones et électronique se distinguent par des cycles d’innovation rapides mais des besoins capitalistiques croissants. L’accès à des lignes de trésorerie adossées à des programmes clients et à des poches de dette privée permet de sécuriser les recrutements, de financer les plateformes logicielles et de multiplier les bancs de tests requis par les certifications.

Des effets d’entraînement attendus

La montée en charge de la BITD soutient plusieurs chaînes amont et aval : métrologie, composites, logiciels embarqués, sécurité des réseaux, maintenance prédictive. L’investissement dans les capacités de production et la qualité a des retombées sur l’export et sur les applications civiles duales, renforçant la résilience industrielle régionale.

Cadre public structurant

Au printemps 2025, une séquence interministérielle a confirmé l’ambition de refinancer la BITD et d’adapter les outils publics aux réalités opérationnelles du secteur, en articulation avec la LPM 2024-2030. Cette dynamique donne un cadre de visibilité utile aux investisseurs privés (annonce gouvernementale, fin mars 2025).

Qui est crédit mutuel arkéa et comment s’articule sa stratégie

Crédit Mutuel Arkéa est un groupe bancaire coopératif rassemblant principalement le Crédit Mutuel de Bretagne et le Crédit Mutuel du Sud-Ouest. Le groupe a développé un pôle d’entreprises et d’institutionnels, une plate-forme d’asset management, une société de capital-investissement et des fintechs.

Un modèle coopératif orienté territoires

Le modèle coopératif et la proximité avec les bassins industriels structurent la stratégie. L’ambition affichée est de se positionner comme partenaire stratégique des acteurs de la souveraineté, en alignant les horizons de financement avec les cycles industriels.

Chiffres clés et empreinte sectorielle

Arkéa revendique un accompagnement de plusieurs centaines d’entreprises de la BITD, principalement en Bretagne et Nouvelle-Aquitaine, et environ 11 500 collaborateurs au total. Les nouvelles enveloppes dédiées visent à amplifier cette présence, avec une articulation claire entre crédit d’exploitation, dette privée et fonds propres.

Haut de bilan : regroupe les financements longs et les fonds propres. Unitranche : dette privée hybride, à mi-chemin entre dette senior et mezzanine. Covenants : engagements financiers contractuels, souvent fondés sur des ratios de levier ou de couverture du service de la dette, adaptés aux spécificités sectorielles.

Ce que ce virage financier change pour la bitd française

En combinant supply chain finance, dette privée et capital-investissement, Arkéa propose une chaîne de financement continue qui épouse la réalité industrielle des entreprises de défense. La capacité à payer vite les fournisseurs, à financer des ramp-ups et à muscler les bilans répond à trois verrous historiques de la filière.

La fenêtre est propice : la trajectoire budgétaire et la coordination public-privé créent un socle de visibilité inédit, auquel s’adossent les financeurs. Si la discipline de risque reste non négociable, l’outillage présenté montre qu’il est possible d’allier souveraineté économique et performance financière. À court terme, l’enjeu sera l’exécution : rapidité de déploiement des lignes, granularité d’accès pour les PME et stabilité des paramètres macro.

La souveraineté ne se décrète pas, elle se finance et s’opère, un ordre d’achat et une ligne de crédit à la fois.