Bercy analyserait la fiscalité sur les liquidités des holdings
Découvrez les implications de la taxation sur la trésorerie excédentaire des holdings françaises prévue pour 2026.

+15 % en moyenne de l’actif en trésorerie dormante dans les holdings françaises : c’est l’angle d’attaque que Bercy explore pour une nouvelle taxation ciblée, en alternative à la « taxe Zucman ». L’exécutif teste l’idée d’un prélèvement sur les liquidités excédentaires, sans toucher aux actifs productifs, avec en ligne de mire le budget 2026 et la stabilité de l’investissement.
Nouvelle piste fiscale de Bercy : liquidités de holdings dans le viseur
Le ministère des Comptes publics analyse un mécanisme fiscal inédit centré sur la trésorerie excédentaire des holdings, afin de limiter les stratégies d’optimisation patrimoniale qui consistent à loger des liquidités au sein de sociétés interposées plutôt que chez les personnes physiques. Cette option, encore à l’étude, privilégie une approche ciblée sur le cash non déployé dans l’économie, en évitant de pénaliser les actifs opérationnels ou stratégiques.
Cette orientation fait suite aux controverses suscitées par un projet d’imposition patrimoniale plus large. Les informations récentes publient que la piste « cash-box » reste exploratoire, avec des discussions techniques en cours et un cadrage envisagé dans la perspective du budget 2026. L’objectif affiché est double : réduire les inégalités fiscales et préserver l’attractivité de l’investissement productif, un équilibre délicat à maintenir dans un environnement concurrentiel.
Sur le plan politique, l’exécutif avance prudemment. Les arbitrages s’annoncent sensibles, notamment pour ne pas envoyer un signal défavorable aux investisseurs alors que les flux d’investissements doivent rester orientés vers la production et l’innovation.
Les holdings en France : rôles, régimes et angles morts
Les holdings structurent la gouvernance des groupes, centralisent la trésorerie et sécurisent le contrôle des actionnaires familiaux. En France, une part notable des grandes entreprises s’appuie sur ces structures pour mutualiser les fonctions clés et piloter les participations. Environ 20 % des entreprises de plus de 250 salariés sont organisées sous forme de holding, reflet de leur ancrage dans l’économie nationale.
Régime mère-fille et report d’imposition
Le régime mère-fille, pilier de la fiscalité des groupes, exonère de 95 % les dividendes remontant des filiales à la holding. Les revenus non distribués ne sont pas soumis à la flat tax de 30 % chez les particuliers, ce qui ouvre la voie à un report d’imposition via la capitalisation intra-groupe. Ce cadre favorise la consolidation financière et la fluidité des réallocations de capital, mais peut, par effet collatéral, renforcer l’accumulation de liquidités.
Effet cash-box : pourquoi Bercy s’en préoccupe
Un nombre d’entités de tête conserve des fonds sans projet d’investissement immédiat, qualifiés d’improductifs lorsqu’ils ne servent ni l’activité ni un projet identifié. D’après des travaux de référence, les holdings détiendraient en moyenne 15 % de leur actif sous forme de liquidités excédentaires, signe d’une réserve qui n’est pas systématiquement réinjectée dans l’économie (IPP, 2024).
Régime mère-fille : trois points à retenir
Le dispositif, au cœur de la fiscalité des groupes, s’articule autour de règles simples à effets puissants.
- Exonération à 95 % des dividendes perçus par la holding sur ses filiales, après réintégration d’une quote-part pour frais et charges.
- Neutralité de la chaîne capitalistique pour éviter les doubles impositions intra-groupe.
- Report d’imposition pour l’actionnaire personne physique tant qu’il n’y a pas de distribution en bout de chaîne.
Définir la trésorerie excédentaire : enjeux techniques et juridiques
Identifier ce qui relève d’une « trésorerie excédentaire » est la clé d’un dispositif robuste. L’expérience de l’ISF montrait déjà la difficulté à tracer la frontière entre cash de précaution et surplus inactif. Les fiscalistes insistent sur la nécessité d’une définition légale claire pour éviter contentieux et effets d’aubaine, plusieurs acteurs jugeant floues les notions d’excédent ou de suroptimisation lorsqu’elles ne sont pas objectivées par des critères.
Des pistes circulent autour d’un seuil adossé à l’actif total ou aux besoins opérationnels. L’hypothèse évoquée d’un repère de 10 % au-delà des besoins normaux offrirait une ligne de crête simple à auditer et à déclarer.
Des estimations publiques avancent par ailleurs une capacité de rendement pouvant atteindre jusqu’à 2 milliards d’euros par an en cas d’implémentation calibrée (IPP, 2025). Sans sur-pénaliser la prudence financière, l’enjeu est de limiter les poches d’inertie.
Le calibrage comporte des risques. Un périmètre trop étroit pourrait se révéler cosmétique. À l’inverse, un cadre trop strict inciterait à des arbitrages défensifs vers des placements non visés par la mesure, comme certains titres publics, déplaçant sans résoudre l’enjeu macroéconomique d’allocation du capital.
Plusieurs références peuvent être combinées pour fixer un seuil prudentiel :
- Fonds de roulement consolidé des filiales et saisonnalité des flux.
- Engagements signés non décaissés : capex programmés, dette arrivant à échéance, acquisitions autorisées.
- Couverture des risques extrêmes via un buffer prédéfini, par exemple un multiple de la masse salariale consolidée.
- Trésorerie affectée à un projet validé par un organe de gouvernance, traçable en comptabilité analytique.
L’adossement du seuil à ces agrégats permettrait de différencier précaution légitime et surplus durablement inactif.
Pour limiter les frictions, les holdings auraient intérêt à formaliser dès à présent :
- Un plan de trésorerie consolidé à 12-18 mois avec hypothèses justifiées.
- Des délibérations de gouvernance affectant explicitement les réserves à des projets ou à un buffer de risque.
- Un référentiel interne définissant besoins opérationnels, trésorerie stratégique et excédents.
- Un fichier de preuves pour l’audit fiscal et la justification des seuils.
Cette documentation préventive contribuerait à sécuriser la distinction entre liquidités nécessaires et surplus durables.
Inspirations étrangères et garde-fous
La doctrine internationale offre des repères. Aux États-Unis, la catégorie des personal holding companies fait l’objet d’une taxation spécifique de 20 % sur les bénéfices non distribués lorsque la structure répond à certains critères de contrôle et de revenus passifs. L’objectif historique est d’éviter la rétention indéfinie de profits dans des structures interposées.
Au Luxembourg, l’impôt sur la fortune des entreprises intègre la trésorerie et certains actifs financiers dans l’assiette, tout en exonérant les participations productives. Ce système illustre une logique d’équilibre entre rendement fiscal et neutralité des investissements d’exploitation.
Ces exemples alimentent la réflexion française. Les autorités économiques ont indiqué étudier des pratiques internationales comparables, tandis que le régulateur des marchés a alerté sur des risques de distorsion de concurrence si le calibrage venait à créer des écarts trop marqués au sein de l’UE. Les arbitrages porteront donc autant sur le périmètre des actifs que sur la coordination européenne.
États-Unis : la personal holding company tax
Le dispositif américain cible les holdings contrôlées par un nombre restreint d’actionnaires et dont une large part du revenu est passive. Le message est clair : distribuer ou investir, plutôt que d’empiler des liquidités indéfiniment. La mécanique a perduré dans le temps, preuve de sa lisibilité.
Luxembourg : impôt sur la fortune des sociétés
L’assiette inclut la trésorerie et certains actifs financiers, tout en ménageant les participations qualifiées. Cette approche structure un rééquilibrage fiscal vers le patrimoine immobilisé non productif sans freiner les flux vers l’économie réelle. Elle illustre un compromis auquel Bercy pourrait s’inspirer, sous réserve d’adaptations au droit français.
Le calibrage devra prévenir :
- La transformation artificielle de liquidités en actifs exclus de l’assiette sans réalité économique.
- L’arbitrage pays au sein du groupe si des filiales hors de France offrent une fiscalité plus douce sur le cash.
- La multiplication des entités pour diluer l’assiette dans des seuils par holding.
- Le basculement mécanique vers des actifs publics si ceux-ci ne sont pas dans le périmètre.
Des clauses anti-abus et une assiette consolidée par groupe pourraient limiter ces stratégies.
Calendrier politique et arbitrages 2025-2026
Le 10 janvier 2025, lors d’échanges de haut niveau, la prudence a été exprimée face à une taxation frontale du patrimoine logé en holdings, par crainte d’un signal rédhibitoire pour les investisseurs. Dans la foulée, Bercy a continué à travailler des pistes techniques. La loi de finances 2025 a été adoptée le 6 février 2025, sans intégrer de taxe dédiée aux holdings, mais en laissant la porte ouverte à des adaptations ultérieures.
Les orientations politiques évoquées à l’été 2024 balisaient déjà un axe : cibler les hauts revenus et la suroptimisation du patrimoine non productif, en s’interdisant de toucher aux actifs nécessaires à l’activité. Ce cadre d’intention a été régulièrement rappelé, y compris lors des communications officielles de 2025 autour des réformes fiscales pour les entreprises.
Le débat public s’est ensuite transporté sur la scène médiatique et les réseaux sociaux. Les réactions oscillent entre inquiétudes opérationnelles liées au formalisme et soutien à une mesure perçue comme plus juste.
Ces signaux reflètent la diversité des intérêts en présence, sans valoir données probantes. La trajectoire la plus probable se dessine autour d’un texte affiné pour 2026, à l’issue de consultations annoncées pour la fin 2025.
Impacts pour les entreprises : diagnostics, coûts et options
Une taxe sur la trésorerie excédentaire toucherait principalement les holdings familiales et les PME structurées en groupe. Les estimations évoquent près de 5 000 entités potentiellement concernées et une charge additionnelle qui, selon certaines analyses, pourrait se situer autour de 5 à 10 % sur la part du cash identifiée comme excédentaire. Cette fourchette, discutée, illustre l’effort d’équilibre entre rendement fiscal et maintien des stratégies de prudence.
Des dispositifs d’atténuation sont envisagés, notamment la neutralisation de l’assiette pour des réserves affectées à des projets d’investissement dûment documentés. Les obligations déclaratives existantes sur TVA, CFE ou CVAE pourraient servir de socle à une collecte d’information standardisée, afin de limiter la complexité administrée et d’adosser la mesure à des états financiers familiers.
Dans l’intervalle, les entreprises peuvent travailler sur trois chantiers : cartographier les besoins de trésorerie en distinguant précaution et excédent, formaliser l’affectation des réserves à des projets validés, et anticiper les scénarios d’investissement ou de distribution si une taxation d’excédents voyait le jour. Ces démarches limitent le risque d’interprétation et préparent une conformité fluide.
PME structurée en holding : options d’allocation
Trois leviers non exclusifs se dégagent, sans préjuger d’un texte définitif :
- Accélérer des capex déjà étudiés lorsque le retour sur investissement est avéré, afin de réduire le périmètre des excédents.
- Documenter un buffer de précaution calibré sur les risques réels du groupe, validé en conseil.
- Arbitrer distribution vs. réinvestissement à la marge, selon la fiscalité et le coût d’opportunité du capital.
La logique n’est pas de forcer la dépense, mais de rendre visible et juridiquement défendable la part de trésorerie réellement utile.
Points-clés à surveiller en cas de réforme
Les entreprises gagneront à suivre attentivement quatre paramètres de conception de la taxe.
- Assiette : définitions des liquidités retenues et exclusions explicites.
- Seuils : pourcentages et modalités de calcul consolidé ou entité par entité.
- Neutralisations : réserves affectées à des projets, dettes à court terme, engagements conditionnels.
- Clauses anti-abus : consolidation de groupe, seuils anti-fragmentation, périmètre des actifs financiers.
Fin 2025 : négociation serrée pour un ciblage efficace
Le compromis recherché par Bercy se veut chirurgical : encadrer l’inertie de trésorerie sans altérer l’investissement productif. Les consultations annoncées pour la fin 2025 détermineront la capacité des professionnels à proposer des critères opérationnels simples, audités et compatibles avec la diversité des modèles de groupes.
La réussite dépendra de trois vertus cardinales : une assiette claire, un seuil défendable, des exceptions traçables. À ce prix, la réforme pourrait financer des priorités publiques sans fracturer l’écosystème de l’investissement. Cap sur un calibrage au millimètre et des preuves comptables à l’appui.