Quelles sont les conséquences du redressement judiciaire de Novasco ?
Découvrez les impacts du redressement judiciaire de Novasco sur l'emploi et la gouvernance financière à Strasbourg.

Le couperet est tombé à Strasbourg. Lundi 11 août 2025, le tribunal a placé le sidérurgiste Novasco, ex-Ascometal, en redressement judiciaire. À peine un an après sa reprise par le fonds britannique Greybull Capital, l’aciériste spécialisé pour l’automobile se retrouve à la recherche d’un repreneur, avec une échéance fixée à fin septembre et des questions lourdes sur le financement, la trésorerie et la pérennité des sites.
Une décision de justice rapide et une trésorerie sous tension
La juridiction commerciale de Strasbourg a ouvert la procédure de redressement judiciaire à l’encontre de Novasco, le 11 août 2025. Selon des représentants syndicaux, cette ouverture ne s’accompagne pas d’une période d’observation de six mois, habituellement prévue à ce stade, en raison d’un niveau de trésorerie jugé critique. Une situation qui rend la séquence de reprise plus resserrée et plus incertaine qu’à l’ordinaire.
Fin juillet, six candidats à la reprise ont été auditionnés par l’administrateur judiciaire. La date butoir pour le dépôt des offres a été communiquée aux parties prenantes, à la fin du mois de septembre, ce qui laisse quelques semaines aux acteurs industriels et financiers intéressés pour finaliser des propositions de plan suffisamment solides, assorties de garanties sociales et d’engagements d’investissement.
Le point dur, immédiatement identifié, reste la continuité d’exploitation dans un contexte de trésorerie fragile. Les syndicats insistent pour que des fonds spécifiques soient sécurisés afin de couvrir d’éventuelles mesures d’accompagnement, notamment en cas de réductions d’effectifs. Une exigence classique dans ce type de procédure, mais rendue ici plus pressante par la situation financière et le calendrier resserré.
Chiffres saillants de la procédure
Redressement judiciaire prononcé le 11 août 2025 à Strasbourg. Six candidats auditionnés fin juillet. Date limite de dépôt des projets de reprise attendue pour fin septembre. Vigilance syndicale renforcée sur la sécurisation des mesures d’accompagnement et la gouvernance financière.
Le redressement judiciaire vise à permettre la poursuite d’activité, la sauvegarde de l’emploi et l’apurement du passif. En pratique, l’entreprise bénéficie d’une suspension des poursuites et d’un encadrement par un administrateur judiciaire, avec un plan à l’issue qui peut prendre la forme d’un plan de redressement ou d’une cession partielle ou totale. Dans un dossier industriel, les enjeux d’approvisionnement, de maintenance et de capital de travail imposent des décisions rapides pour éviter la perte d’actifs stratégiques.
Emploi et empreinte territoriale : hagondange en première ligne, trois autres sites concernés
Le site d’Hagondange en Moselle concentre l’attention. Cette unité, qui demeure le cœur productif de Novasco, emploie environ 450 salariés. Les représentants du personnel s’alarment de l’absence, à ce stade, de projet précis ciblant ce site, malgré l’intérêt de certains candidats pour d’autres implantations.
Au-delà d’Hagondange, trois sites d’usinage et de parachèvement demeurent concernés par la procédure : Custines en Meurthe-et-Moselle, Saint‑Étienne dans la Loire, et Leffrinckoucke dans le Nord. L’ensemble représenterait environ 310 salariés. La capacité de tout repreneur à maintenir des volumes sur ces sites de finition conditionnera la viabilité commerciale de l’ensemble du périmètre, notamment sur des marchés où la qualité, la constance des tolérances et les délais de livraison font la différence.
Hagondange : enjeux industriels et sociaux
Hagondange n’est pas qu’un effectif. C’est un savoir-faire centré sur des aciers spéciaux pour l’automobile, avec des contraintes qualité rigoureuses et des outillages spécifiques. La moindre rupture dans la chaîne de valeur mettrait en péril des contrats clients exigeants, avec un risque de remplacement par des fournisseurs concurrents, y compris extra-européens.
Socialement, la place d’Hagondange est déterminante pour l’écosystème local, de la sous-traitance à la logistique. En Moselle, l’onde de choc d’un ralentissement brutal ne se limiterait pas au site. D’où la position des organisations syndicales qui exigent, au-delà de la continuité d’exploitation, la garantie de financement des mesures d’accompagnement, si nécessaire, et la transparence sur l’origine des fonds.
Effets immédiats sur les contrats et fournisseurs
La procédure gèle le passif antérieur à l’ouverture, mais les dettes postérieures, dites « utiles », doivent être réglées à l’échéance. Côté clients, les commandes en cours peuvent se poursuivre si la production reste régulière
. Les fournisseurs clés exigent souvent des conditions de paiement sécurisées pour éviter le risque de chaîne d’approvisionnement. Un suivi rapproché du besoin en fonds de roulement est indispensable pour préserver le carnet de commandes.
Gouvernance financière et responsabilités : greybull capital sous le regard des parties prenantes
Lors de la reprise en juillet 2024, le montage financier affichait un objectif de relance. Greybull Capital devait apporter 90 millions d’euros, avec un appui public annoncé de 85 millions d’euros pour moderniser les outils, élargir l’offre et reconquérir des marchés
. Or, seulement 1,5 million d’euros auraient été injectés par le fonds britannique, selon des représentants syndicaux, quand l’État aurait, lui, tenu son engagement. Cette asymétrie alimente aujourd’hui les critiques sur la gouvernance du projet, le fléchage des fonds et le contrôle de leur utilisation.
Sur le plan économique, le cœur du sujet est double. D’abord, l’absence de déploiement d’investissements annoncés compromet les gains de productivité et la montée en gamme nécessaires pour consolider des contrats dans l’automobile et l’énergie
. Ensuite, la trésorerie fragile, dans un contexte d’approvisionnements coûteux et de cycle client long, pose un problème de continuité d’exploitation. Cela conduit mécaniquement le tribunal à encadrer strictement les échéances et à presser la sélection d’offres repreneurs crédibles.
Greybull capital : stratégie et résultats
Le débat autour de Greybull n’est pas théorique. Le fonds britannique a fait l’objet de controverses par le passé sur plusieurs dossiers industriels, pour des reprises d’entreprises en difficulté, souvent assorties d’aides publiques, puis de sorties rapides en cas d’échec de redressement. Ce track-record nourrit aujourd’hui le scepticisme des salariés et des élus locaux, face à la trajectoire de Novasco.
Monarch airlines : stratégie et résultats
Greysbull a soutenu le relancement de la compagnie aérienne britannique Monarch en 2014. La société a cessé ses activités en 2017 après une mise sous administration, mettant en lumière les limites d’un sauvetage sans marge financière suffisante dans un secteur à forte intensité capitalistique et soumis à des chocs exogènes. Cet épisode illustre le risque d’un sous-investissement initial et d’un modèle de retournement trop tendu face à des aléas opérationnels élevés.
British steel : stratégie et résultats
En 2016, le fonds a repris des actifs d’acier longs au Royaume-Uni, devenus British Steel, avant qu’une procédure d’insolvabilité ne survienne en 2019. Le site a ensuite été racheté par un industriel chinois. Ce cas met en exergue les défis spécifiques des aciers longs en Europe, confrontés aux coûts énergétiques et à la concurrence internationale, mais aussi la nécessité de planchers d’investissement fermes et de contrats clients sécurisés dès l’origine du plan.
Au-delà de la convention d’aide, l’État et les collectivités peuvent conditionner leurs financements à des covenants de gouvernance : comptes ségrégués, jalons d’investissement, rapports trimestriels, clauses de remboursement en cas de non-respect, interdiction de remontée de dividendes et engagement d’un audit indépendant. Ces mécanismes ne garantissent pas le succès industriel, mais ils limitent l’arbitrage court-termiste et assurent la traçabilité des fonds. À ce stade, les représentants syndicaux demandent que de telles garanties soient appliquées et contrôlées, afin que chaque euro public soit effectivement fléché vers l’outil productif.
Processus de reprise : étapes, contraintes et risques juridiques
Une fois le redressement judiciaire ouvert, la chronologie se densifie. Les offres doivent préciser le périmètre repris, le prix, les engagements d’emploi et les investissements programmés. Compte tenu de la situation de trésorerie, les candidats auront à démontrer leur capacité à financer immédiatement le besoin en fonds de roulement, à sécuriser les matières premières et à garantir la livraison des commandes en cours.
Si les offres sont insuffisantes, ou non conformes aux exigences de continuité, le tribunal peut refuser leur homologation. L’ultime risque, si aucun schéma viable ne se présente d’ici fin septembre, est la conversion en liquidation judiciaire, totale ou partielle. À l’inverse, une cession ciblée pourrait préserver les unités les plus compétitives, à condition de maintenir un socle de volumes et d’accès aux marchés-clés.
- Élément déterminant 1 : la soutenabilité du plan industriel et des CAPEX, y compris maintenance lourde.
- Élément déterminant 2 : la capacité commerciale à sécuriser des commandes fermes avec les constructeurs automobiles et leurs équipementiers.
- Élément déterminant 3 : la gestion des coûts énergétiques et l’accès à des contrats d’électricité et de gaz stables.
- Élément déterminant 4 : la gouvernance et le degré de transparence vis-à-vis des pouvoirs publics et des salariés.
Le contrat de travail se poursuit, en principe, pendant la période d’observation. En cas de cession, le repreneur doit reprendre les salariés affectés au périmètre d’activité cédé, sous réserve des aménagements validés par le tribunal
. Les indemnités et mesures d’accompagnement éventuelles sont prises en charge selon l’ordre des privilèges et, pour partie, par l’AGS, dans les limites prévues. Ici, les représentants du personnel demandent que des fonds soient prévus de manière sécurisée pour accompagner toute réorganisation.
Marchés des aciers spéciaux : pression sur les marges et impératif d’investissement
Novasco est positionné sur des aciers spéciaux, un segment où la valeur ajoutée réside autant dans la métallurgie que dans la constance de la qualité et la traçabilité. Le secteur automobile demeure le débouché principal, avec des spécifications techniques strictes, des audits fournisseurs réguliers et des ramp-ups sensibles. Pour rester dans la course, il faut concilier performance métallurgique, ponctualité logistique et service client.
Trois forces structurent aujourd’hui l’équation économique. Premièrement, la volatilité des coûts d’énergie affecte directement la marge d’Ebitda des sidérurgistes européens
. Deuxièmement, la concurrence internationale, y compris de producteurs hors UE, impose une discipline de coûts et d’investissement. Troisièmement, les exigences de décarbonation amènent les donneurs d’ordres à privilégier les fournisseurs capables de démontrer un mix énergétique plus propre et des trajectoires de réduction d’émissions.
Qualifications clients et continuité industrielle
Dans l’automobile, perdre une qualification peut signifier plusieurs trimestres de revalidation, voire l’exclusion de la plateforme. C’est pourquoi la continuité d’exploitation sous redressement ne peut pas seulement être juridique ou financière. Elle doit être opérationnelle : disponibilité des équipes, maintenance préventive respectée, plan qualité rigoureux, et couverture des achats critiques.
Les repreneurs crédibles sont ceux qui prouveront une capacité à traiter simultanément le court terme (trésorerie, achats, turn-around shopfloor) et le moyen terme (CAPEX de modernisation, automatisation ciblée, outils de contrôle non destructif, innovations sur la propreté inclusionnaire des aciers).
Décryptage marché : acier spécial automobile
Les aciers spéciaux alimentent vilebrequins, boîtes de vitesses, transmissions et composants soumis à fatigue. La montée en puissance du véhicule électrique recompose la demande mais ne la tarit pas : elle la déplace vers d’autres pièces hautes contraintes. Les fournisseurs qui investissent dans la régularité métallurgique et la réduction du taux de rebut conservent un avantage défendable, à condition d’un service logistique sans faille.
Historique d’ascometal devenu novasco : promesses d’investissement et débat sur le fléchage des fonds
Ascometal, devenu Novasco après la reprise de 2024, porte une histoire industrielle dense. La transformation en aciériste compétitif exigeait un effort significatif d’investissement et une discipline financière exemplaire. Le plan initial s’articulait autour d’un couple d’apports privés et publics censé moderniser l’appareil productif, renforcer la présence commerciale et regagner des parts de marché.
Un an plus tard, la procédure de redressement met en lumière l’écart entre les annonces et les exécutions. Selon des représentants syndicaux, 1,5 million d’euros seulement auraient été apportés par Greybull sur les 90 millions d’euros promis, alors que l’État aurait mis en œuvre son soutien de 85 millions d’euros en conformité avec les engagements indiqués. Ces éléments, largement débattus en interne, posent la question du pilotage du plan et de la traçabilité des flux dans une entreprise confrontée à des enjeux opérationnels quotidiens exigeants.
Les salariés à Hagondange demandent des garanties tangibles sur le financement des mesures d’accompagnement en cas de départs, dans un contexte où la poursuite d’activité dépend d’un fil de trésorerie. Les repreneurs, de leur côté, devront être prêts à investir rapidement, avec une discipline d’allocation du capital et un dispositif de gouvernance crédible pour restaurer la confiance.
Faute d’investissements, la productivité n’augmente pas, les coûts unitaires restent élevés et les marges se dégradent. Le besoin de trésorerie s’accroît, limitant encore la capacité à investir. Les clients imposent des réévaluations plus fréquentes, ou basculent vers des concurrents
. Le redressement financier devient alors plus difficile, voire irréaliste sans cession ciblée. D’où l’importance de jalons d’investissement contractuels et contrôlables.
Conditions d’une reprise crédible : capex prioritaire, énergie et gouvernance
Pour convaincre le tribunal, et au-delà pour garantir la pérennité industrielle, un plan convaincant devra articuler plusieurs briques. Il s’agit d’abord d’un socle d’investissements priorisés, fléchés sur des goulots d’étranglement : aciérie, laminage, traitements thermiques, contrôle qualité. Ensuite, d’un schéma énergétique robuste, avec des contrats de fourniture adaptés au profil de consommation de l’usine et une démarche de maîtrise des variations de prix.
La gouvernance ne sera pas accessoire. Les pouvoirs publics et les salariés attendent un reporting régulier, des comptes ségrégués pour les aides, et un cadre qui interdit l’extraction de valeur non justifiée tant que le plan n’a pas atteint ses jalons. En termes commerciaux, un repreneur devra confirmer des engagements fermes avec les donneurs d’ordres automobiles et, si possible, diversifier vers d’autres segments à forte exigence technique, tels que l’énergie ou les équipements industriels.
- Capex critique court terme : fiabilisation des équipements stratégiques, qualité process et maintenance conditionnelle.
- Capex moyen terme : modernisation des chaines et digitalisation du contrôle qualité.
- Énergie : sécurisation de contrats et dispositifs de couverture.
- Clients : reconfirmation des qualifications et calendrier de ramp-up réaliste.
- Gouvernance : jalons publics et audits indépendants.
À retenir pour Hagondange et les sites d’usinage
Hagondange concentre 450 emplois et l’essentiel de la valeur métallurgique. Les 3 sites de finition totalisent environ 310 salariés et conditionnent la promesse client. Une reprise partielle mal calibrée créerait des ruptures de flux et dégraderait l’offre. Un schéma cohérent doit préserver un socle de volumes sur l’ensemble, avec un pilotage précis des stocks et des délais.
Quel message pour la filière : exigences accrues et arbitrages à venir
La mise en redressement de Novasco révèle un point d’inflexion pour la sidérurgie française. L’outil productif peut être compétitif si les investissements sont réels, si la discipline énergétique est maîtrisée et si la chaîne commerciale conserve sa crédibilité auprès des donneurs d’ordres. À l’inverse, un plan « promesses sans exécution » réduit la marge de manœuvre en quelques mois.
Les pouvoirs publics, interpellés sur la qualité du suivi des aides et la protection de l’intérêt général, devront arbitrer entre soutien à l’industrie et exigence de résultats vérifiables. La séquence qui s’ouvre d’ici fin septembre déterminera non seulement le sort de Hagondange, mais aussi un signal envoyé à l’ensemble de la filière des aciers spéciaux en France, sur le niveau d’ambition et de rigueur attendu dans les plans de retournement industriel.
Au-delà de la procédure, l’équation de Novasco tient en trois lignes : un outil qui a de la valeur, une exécution d’investissement qui a manqué son rendez-vous, et quelques semaines pour ancrer un projet crédible sous le regard ferme du tribunal, des salariés et des clients industriels.