À Paris, le 14 octobre 2025, le gouvernement a déposé le PLF et le PLFSS 2026, affichant un double cap : financer les priorités et contenir la dépense tout en ménageant l’appareil productif. Entre hausses ciblées et allègements assumés, l’exécutif annonce des économies de 30 milliards d’euros et un partage de l’effort mettant à contribution les grandes entreprises et les ménages aisés, tout en revendiquant un soutien à l’emploi et à l’investissement.

Grandes entreprises : contribution exceptionnelle reconduite à taux réduits

Le dispositif phare côté fiscalité des grands groupes est prolongé en 2026. La contribution exceptionnelle sur les bénéfices, introduite par la loi n° 2025-127 du 14 février 2025 (article 48), reste applicable à un périmètre d’environ 400 entreprises réalisant un chiffre d’affaires supérieur ou égal à 1 milliard d’euros.

Taux 2026 et seuils d’application

Pour l’exercice 2026, le gouvernement maintient la contribution mais avec un taux divisé par deux par rapport à 2025. Deux tranches sont prévues :

  • 10,3 % pour les entreprises dont le chiffre d’affaires se situe entre 1 et 3 milliards d’euros.
  • 20,6 % pour les groupes dépassant 3 milliards d’euros.

Selon le Bulletin officiel des finances publiques, l’objectif est de mobiliser des ressources additionnelles sans obérer l’investissement, dans un esprit d’« équilibre » entre grands groupes et PME rappelé lors de la présentation du 14 octobre 2025.

À retenir sur la contribution exceptionnelle 2026

• Entreprises concernées : environ 400, chiffre d’affaires ≥ 1 Md€.

• Taux 2026 : 10,3 % entre 1 et 3 Md€ de CA ; 20,6 % au-delà de 3 Md€.

• Orientation de politique économique : maintien de recettes tout en réduisant l’effort par rapport à 2025.

Lecture business pour les directions financières

Le calibrage à la baisse des taux 2026 agit comme un signal d’atterrissage maîtrisé. Point d’attention : planifier la trésorerie et le résultat net en intégrant cette charge fiscale spécifique dans les budgets 2026, tout en restant vigilants sur d’éventuelles évolutions en séance parlementaire.

Transport routier : fin du B100 préférentiel et recentrage des suramortissements

Le volet transports actera la suppression du tarif particulier sur le carburant B100, un biocarburant à base de colza principalement utilisé par les professionnels du transport routier. Le président de l’Union TLF, Jean-Thomas Schmitt, a récemment rappelé que ce carburant coûte déjà plus cher que les alternatives, ce qui pourrait renforcer les tensions de coûts dans la filière.

Fin d’avantage B100 et justification budgétaire

La sortie du tarif préférentiel s’inscrit dans un effort de rationalisation des dépenses fiscales, le PLF visant explicitement l’élimination de niches peu cohérentes avec les objectifs de trajectoire budgétaire.

Suramortissements : recentrage technologique

La déduction exceptionnelle attachée aux poids lourds et VUL sera recentrée sur les véhicules exclusivement électriques ou à l’hydrogène. L’exécutif y voit un levier de cohérence avec la réduction des émissions du transport routier, sans bloquer les projets déjà engagés.

Pour préserver les décisions d’investissements en cours, l’entrée en vigueur est reportée au 1er janvier 2027 pour les véhicules au gaz ou carburants de transition, limitant les effets de rupture dans les carnets de commandes.

Le B100 est un biocarburant d’origine végétale (colza), déployé dans la flotte de transport routier. Sa suppression en tant que tarif particulier n’en limite pas l’usage mais en modifie l’arbitrage économique. Les transporteurs devront intégrer le coût total de possession et la disponibilité carburant, en parallèle de l’électrification et de l’hydrogène ciblés par le recentrage des suramortissements.

Calendrier et décisions d’investissement

• B100 : fin du tarif particulier actée par le PLF 2026.

• Suramortissements : recentrage sur l’électrique et l’hydrogène, avec report au 1er janvier 2027 pour éviter les effets de falaise sur les acquisitions déjà planifiées.

Lecture financière : sécuriser les plans 2026 et recoter les CAPEX selon la technologie visée.

E-commerce asiatique : taxe de 2 euros sur les envois H7

Le PLF 2026 introduit une taxe temporaire de 2 euros par article pour les petits colis de faible valeur en provenance d’Asie adressés aux particuliers. Objectif affiché : 500 millions d’euros de recettes en 2026.

Champ et justification

La mesure cible les envois bénéficiant de la procédure H7 du code des douanes, utilisée pour les envois inférieurs à 150 euros. Le gouvernement présente cette taxe comme un mécanisme temporaire en attendant une réforme au niveau européen qui prévoirait un prélèvement similaire.

Le dispositif est porté comme une réponse à la concurrence déloyale perçue vis-à-vis des plateformes asiatiques et un appui à la distribution locale. Le volume est significatif : plus de 775 millions d’articles auraient été importés en 2024 via H7.

La déclaration H7 est une procédure douanière simplifiée pour les envois de faible valeur (inférieurs à 150 euros). Sa massification a fluidifié les flux de colis, mais elle questionne l’équité fiscale et la concurrence. La taxe de 2 euros par article change le calcul de marge des paniers moyens bas, invitant les acteurs à revoir frais d’expédition, tarification et politique de retours.

Conséquences opérationnelles

  • Importateurs et e-commerçants devront adapter leurs grilles de prix et leurs conditions commerciales pour absorber ou répercuter ce surcoût unitaire.
  • Les plateformes marketplace seront incitées à clarifier l’information à l’acheteur sur les coûts additionnels lors du paiement.
  • Effets possibles sur la logistique du dernier kilomètre via une dynamique de renchérissement des micro-colis.

Cotisations sociales : tour de vis sur titres-restaurant et ruptures de contrat

Le PLFSS 2026 prévoit une contribution patronale de 8 % sur les titres-restaurant, chèques-vacances, chèques cadeaux et autres avantages financés par les CSE au titre des activités sociales et culturelles. La logique affichée : limiter les substitutions aux salaires.

Ruptures de contrat : relèvement des contributions

Le taux de contribution patronale sur les indemnités de rupture conventionnelle et de mise à la retraite est relevé de 10 points. L’objectif affiché est de clore certaines stratégies d’optimisation au moment des séparations.

Le gouvernement estime que ces hausses renforceront les recettes de la Sécurité sociale tout en préservant l’architecture du modèle social. L’exécutif insiste par ailleurs sur la vigilance portée à la charge des PME.

Quels avantages CSE concernés par la contribution de 8 %

• Titres-restaurant.

• Chèques-vacances.

• Chèques cadeaux.

• Autres avantages financés au titre des activités sociales et culturelles des CSE.

Point de gestion RH et paie : cadrer les politiques d’avantages et leurs plafonds afin d’anticiper l’impact sur le coût global.

Effet pour les comptes d’exploitation

Pour les entreprises fortement dotées en avantages sociaux, ce tour de vis accroît le coût employeur hors salaire. En parallèle, la hausse sur les ruptures vise à réaligner les incitations au moment des séparations, avec un effet direct sur le coût des plans de départ négociés.

Impôts de production et innovation : allègements ciblés pour 2026

Du côté des allègements, l’exécutif accélère la trajectoire sur la CVAE. Le taux maximal est abaissé à 0,19 % en 2026, puis 0,09 % en 2027, avant une suppression totale en 2028, soit deux ans d’avance sur le calendrier initial. Depuis 2021, les baisses d’impôts de production auraient réduit la charge des entreprises de 15 milliards d’euros selon les chiffres officiels.

Financement de l’innovation : ajustement Madelin et JEI

Le dispositif de réduction d’impôt Madelin est remanié afin de fluidifier l’investissement dans les JEI via les FCPI. Le plafond de financement éligible passe de 15 à 16,5 millions d’euros, avec un ciblage renforcé sur le financement en fonds propres et l’alignement avec le droit européen.

Modernisation des paiements

Le paiement des impôts professionnels par chèque est supprimé dans les rares cas où il demeurait autorisé. Cette mesure consacre la montée en puissance des paiements dématérialisés dans la relation fiscale.

La CVAE frappant la valeur ajoutée, sa trajectoire à la baisse libère des marges pour les activités capitalistiques et les ETI industrielles. En pratique, l’échelonnement jusqu’à 2028 offre une visibilité utile pour réallouer des ressources vers la R&D, l’automatisation et l’énergie, en cohérence avec la réindustrialisation revendiquée par l’exécutif (ministère de l’Économie).

CO2 indirect : fin de l’avance de compensation des coûts du carbone

L’article 70 du PLF 2026 supprime l’avance de compensation des coûts indirects du carbone, mécanisme qui remboursait partiellement certains surcoûts d’électricité liés au système européen de quotas d’émissions pour les industries exposées à un risque de fuite de carbone.

Impact budgétaire et motif avancé

Cette suppression génère une économie de 74 millions d’euros en 2026. Le gouvernement l’inscrit dans une démarche de maîtrise de la dépense et cite la baisse des prix de l’électricité pour justifier le retrait du dispositif. Les secteurs exposés, notamment l’industrie lourde, conserveraient d’autres soutiens européens dédiés à la transition.

Outre la tarification directe du CO2, certains secteurs subissent des hausses de coût d’électricité liées au signal-prix carbone. L’avance supprimée permettait d’anticiper le remboursement d’une fraction de ces coûts indirects. Les entreprises devront adapter leur pilotage de trésorerie et leur couverture énergie, en tenant compte de la disparition du préfinancement.

Parcours parlementaire et arbitrages à suivre

Le gouvernement a annoncé un cadre qui combine économies et ciblage des prélèvements, avec des marqueurs clairs : grandes entreprises, e-commerce transfrontalier, avantages sociaux, et allègements de production pour l’investissement. Si le gouvernement n’est pas censuré le 16 octobre 2025, ces mesures seront débattues au Parlement et susceptibles d’ajustements. Les directions financières ont intérêt à scénariser leurs budgets en intégrant des marges de flexibilité.

La feuille de route budgétaire revendique un arbitrage entre compétitivité et rétablissement des comptes publics. Deux nœuds structurants émergent : le coût du travail et la fiscalité de production d’un côté, la neutralité concurrentielle sur l’e-commerce et la stratégie industrielle bas-carbone de l’autre. Les textes officiels demeurent la référence pour les points techniques et les modalités d’application.

À mesure que l’examen parlementaire progressera, la hiérarchie des mesures retenues dessinera la trajectoire effective des coûts et des incitations pour 2026.