Choisir un statut juridique, c’est aussi choisir une fiscalité. En France, l’imposition des bénéfices bascule mécaniquement d’un régime à l’autre selon la forme de l’entreprise et les options possibles. Mise à jour au 18 août 2025, cette analyse passe au crible l’IR et l’IS, leurs effets concrets sur la trésorerie et la rémunération, et les marges de manœuvre offertes par la loi pour ajuster son cadre fiscal.

Repères 2025: qui paie l’impôt selon le statut et comment

Deux voies dominent l’imposition des bénéfices en France. À l’impôt sur le revenu (IR), l’entreprise n’est pas redevable en tant que telle et le résultat se fond dans le revenu global des associés ou de l’entrepreneur. À l’impôt sur les sociétés (IS), la société paye d’abord un impôt à taux proportionnel sur son bénéfice, puis les associés sont, le cas échéant, imposés lors de la distribution des dividendes.

À l’IR, le bénéfice se classe selon l’activité exercée. BIC pour une activité industrielle, artisanale ou commerciale. BNC pour une profession libérale.

BA pour l’agriculture. Revenus fonciers pour la location nue. La fiscalité s’applique ensuite au barème progressif du foyer fiscal avec des tranches à 0 %, 11 %, 30 %, 41 % et 45 %. La quote-part de bénéfice est imposée même si elle n’est pas distribuée, ce qui peut créer un décalage de trésorerie.

À l’IS, le taux normal s’établit à 25 % en 2025. Un taux réduit de 15 % s’applique sur la première tranche de bénéfice, dans la limite de 42 500 euros, si l’entreprise satisfait notamment des critères de chiffre d’affaires et d’actionnariat.

Le capital doit être entièrement libéré et majoritairement détenu par des personnes physiques. Les dividendes distribués subissent ensuite la fiscalité des revenus de capitaux mobiliers, souvent via le prélèvement forfaitaire unique à 30 %.

BIC englobe le commerce, l’artisanat, l’hôtellerie-restauration, la fabrication et la plupart des prestations commerciales. BNC couvre les professions libérales réglementées ou non, du consultant à l’architecte.

BA concerne les activités agricoles au sens large, y compris l’élevage et la viticulture. Cette distinction commande les règles comptables, les régimes micro ou réel, et certaines options fiscales.

Chiffres officiels 2025 à connaître

IS à 25 % pour toutes les entreprises et taux réduit à 15 % jusqu’à 42 500 euros de bénéfice si éligibilité: chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros, capital entièrement libéré et détenu à au moins 75 % par des personnes physiques (données confirmées par les informations publiées au 14 mai 2025 par le Ministère de l’Économie).

Cette architecture met en lumière les grands arbitrages des dirigeants: faut-il préférer une imposition immédiate au barème du foyer en IR, ou privilégier la capitalisation en société à l’IS quitte à être imposé lors de la distribution des dividendes

Cartographie par formes sociales et marges de manœuvre prévues par la loi

IS de plein droit. Les sociétés de capitaux y sont assujetties dès leur création: SAS et SASU, SA, SCA, et la plupart des SARL lorsqu’elles ne sont pas de famille.

Une EURL dont l’associé unique est une personne morale relève aussi automatiquement de l’IS. Responsabilité limitée et imposition au niveau de la société forment ici un couple souvent recherché pour sécuriser l’investissement et lisser la fiscalité.

IR par défaut. Les SNC, SCS, sociétés civiles à activité civile, SARL de famille et EURL avec associé unique personne physique relèvent en principe de l’IR.

L’entreprise individuelle y demeure également, sauf option contraire. Ce bloc s’adresse aux structures où les associés acceptent l’imposition directe et parfois recherchent une simplicité comptable.

Opter pour l’ir quand on est une société de capitaux: fenêtre étroite

Une SAS, SA ou SARL non familiale peut basculer temporairement à l’IR sous des conditions strictes. La société doit avoir moins de 5 ans, exercer une activité commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou libérale, ne pas être cotée, employer moins de 50 salariés et présenter un chiffre d’affaires ou un total de bilan inférieur à 10 millions d’euros. Les droits de vote doivent être détenus à au moins 50 % par des personnes physiques et à au moins 34 % par le ou les dirigeants.

La bascule à l’IR est limitée à 5 exercices consécutifs. Passé ce délai, la société retrouve l’IS de plein droit.

À l’inverse, les structures relevant de l’IR peuvent opter pour l’IS lors de la création ou ultérieurement auprès du SIE, en principe dans les trois premiers mois de l’exercice. La renonciation à cette option est possible jusqu’au cinquième exercice suivant; au-delà, l’IS devient irrévocable.

Le retour à l’IS à l’issue des 5 exercices peut reconfigurer la valeur fiscale des actifs, impacter les déficits et modifier la base de distribution. Cartographier les plus-values latentes et fixer une politique de rémunération cohérente avant la réintégration à l’IS réduit les frictions fiscales et sociales.

Entreprise individuelle: accès à l’IS sans changer d’enveloppe juridique

Depuis la réforme de 2022, l’entrepreneur individuel peut opter pour l’IS par assimilation à une EURL, tout en conservant son SIREN et son régime social d’indépendant. L’option fait basculer l’imposition des bénéfices au niveau de l’entité, avec des règles de distribution de dividendes calquées sur les sociétés à l’IS.

Enfin, une note spécifique concerne la SARL de famille: elle peut opter pour l’IR sans limitation de durée si les associés appartiennent à la même famille au sens fiscal. Cette particularité explique son usage récurrent dans les structures patrimoniales et les transmissions intrafamiliales.

Comparer ir et is par l’effet net: rémunération, dividendes et trésorerie

En matière d’arbitrage, la question n’est pas uniquement le taux facial. Ce qui compte, c’est le cash net disponible après impôts et charges sociales, et la flexibilité de distribution.

À l’IR, l’intégralité du bénéfice remonte au foyer fiscal, potentiellement dans une tranche marginale élevée, mais sans friction lors d’une remise de fonds à l’entrepreneur. À l’IS, la société capitalise à 15 % ou 25 %, puis une distribution subit le PFU à 30 %, sauf option pour le barème avec abattement ou régime spécifique.

Le statut social du dirigeant joue aussi. En SAS ou SA, le dirigeant relève du régime général pour sa rémunération de mandat social.

En SARL, un gérant majoritaire est affilié à la sécurité sociale des indépendants, avec des assiettes et contributions différentes. Les dividendes versés à un gérant majoritaire de SARL au-delà de 10 % du cumul capital social, primes d’émission et apports en compte courant sont assujettis aux cotisations sociales. En SAS, les dividendes ne supportent pas de cotisations sociales, mais subissent les prélèvements sociaux et l’IR.

Exemple avec atelier luthier & fils sarl

Hypothèse: bénéfice fiscal de 80 000 euros, deux associés parents-enfants à parts égales, gérant majoritaire rémunéré modestement, aucune distribution si IR. À l’IR, le bénéfice se ventile au prorata entre associés, imposé au barème.

Si les foyers fiscaux sont en tranche marginale à 30 %, le coût fiscal moyen peut approcher ce taux, modulé par le quotient familial et les charges déductibles. Avantage: pas de friction supplémentaire si les fonds sont réaffectés à des besoins personnels des associés.

Au contraire, à l’IS avec éligibilité au taux réduit sur 42 500 euros et 25 % au-delà, l’impôt société serait d’environ 15 % x 42 500 + 25 % x 37 500. La société paie l’IS puis conserve le reliquat.

Si aucune distribution n’est réalisée, la capitalisation permet d’autofinancer un investissement. En cas de distribution, le PFU à 30 % s’applique sur le dividende brut, en plus de l’IS déjà acquitté, et une fraction de dividendes peut tomber sous cotisations si dépassant 10 % des fonds propres pour le gérant majoritaire. L’arbitrage se lit donc dans la durée de rétention des résultats et la structure des rémunérations.

Consultis sasu: stratégie et résultats

Consultant libéral souhaitant se salarier par une SASU. L’IS est de 25 % sur le bénéfice imposable, avec 15 % jusqu’à 42 500 euros si la société est éligible.

Le dirigeant se rémunère via un salaire soumis aux charges du régime général, déductible du bénéfice de la société, et complète par des dividendes. Atout clé: les dividendes ne sont pas assujettis aux cotisations sociales du dirigeant. Point d’attention: la combinaison salaire dividen de optimise différemment selon la tranche IR personnelle, l’assiette de cotisations et les objectifs de protection sociale.

Le prélèvement forfaitaire unique (12,8 % IR + 17,2 % prélèvements sociaux) simplifie et plafonne souvent la fiscalité des dividendes. L’option pour le barème progressif ouvre droit à l’abattement de 40 % dans certains cas, mais cette option porte sur l’ensemble des revenus de capitaux mobiliers du foyer pour l’année. Simuler les deux scénarios est indispensable pour les contribuables en tranches intermédiaires.

À l’arrivée, l’IS donne de la latitude pour laisser travailler le capital en société, tandis que l’IR concentre l’impôt au niveau des ménages directement bénéficiaires. Un même bénéfice ne produit donc pas la même trésorerie nette immédiate selon le statut et les flux de rémunération-dividendes.

Is en détail: taux, seuil réduit, déficits et paramètres techniques

Taux normal 25 %, applicable uniformément en 2025 aux bénéfices imposables. Taux réduit 15 % sur la première tranche de 42 500 euros de bénéfice, sous conditions cumulatives: chiffre d’affaires inférieur à 10 millions d’euros, capital entièrement libéré, détention à au moins 75 % par des personnes physiques ou par certaines sociétés elles-mêmes détenues majoritairement par des personnes physiques. Au-delà du seuil, le taux remonte au taux de droit commun.

La gestion des déficits à l’IS est structurante. En report en avant, l’imputation est illimitée dans le temps avec un plafond d’imputation annuel de 1 million d’euros, augmenté de 50 % de la fraction de bénéfice au-delà de ce million.

Le report en arrière d’un an reste possible, dans la limite d’1 million d’euros, pour obtenir une créance d’IS. Ces mécanismes donnent de l’élasticité aux entreprises cycliques ou en croissance.

En matière d’intégration fiscale, un groupe peut neutraliser une partie des résultats intra-groupe si la société mère détient au moins 95 % de ses filiales et que les périmètres fiscaux sont alignés. Sans entrer dans l’architecture complète, le principe demeure un outil d’optimisation intersociétés, à manier avec un contrôle de substance et une documentation robuste.

Le calcul du bénéfice IS reprend les règles BIC: déductibilité des charges engagées dans l’intérêt de l’entreprise, amortissements, provisions, et régimes spécifiques sur certains actifs. Les distributions suivent ensuite la fiscalité des revenus mobiliers, avec le PFU par défaut.

Métriques Valeur Évolution
Taux normal de l’IS 25 % Stable en 2025 (réforme achevée)
Taux réduit de l’IS 15 % sur 42 500 € Seuil relevé depuis 2023
Plafond CA pour le taux réduit < 10 M€ Inchangé
Option IR pour sociétés de capitaux Durée 5 exercices Temporaire, non reconductible
Option IS pour entités à l’IR Révocable jusqu’au 5e exercice Irrévocable au-delà
Déficits IS Carryforward illimité, carryback 1 an Plafonds inchangés

Sur le terrain, la clé d’éligibilité au taux réduit se joue souvent sur deux points négligés: libération intégrale du capital et contrôle de la chaîne de détention. Un pacte d’associés ou une holding interposée mal calibrée peut faire perdre le bénéfice des 15 %.

Où trouver le bon chiffre

Pour les paramètres clés comme le 25 % à l’IS et le taux réduit à 15 % sur 42 500 euros, la référence utile reste la documentation du Ministère de l’Économie, confirmée au 14 mai 2025, et les guides à jour du secteur (une double vérification permet d’éviter les seuils obsolètes ou incomplets).

Ir en profondeur: catégories, régimes réels, déficit et spécificités familiales

À l’IR, la mécanique fiscale suit la nature de l’activité. Un commerçant ou un artisan relève des BIC avec la possibilité d’un régime réel simplifié ou normal.

Un professionnel libéral relève des BNC avec des règles spécifiques sur les encaissements-décaissements. Un exploitant agricole relève des BA avec ses propres schémas d’évaluation. Le bénéfice s’ajoute au revenu global du foyer et peut faire varier le taux marginal.

Les déficits professionnels s’imputent, selon le cas, sur le revenu global du foyer, ou se reportent sur les bénéfices des mêmes catégories. Cette imputation directe peut lisser l’impôt familial lors des premières années d’activité ou de retournements conjoncturels. Dans les sociétés de personnes, le déficit transite vers les associés au prorata des droits, sous réserve de l’activité exercée et de la qualification des revenus.

Cas particulier souvent décisif en stratégie patrimoniale: la SARL de famille. Ce cadre autorise une option pour l’IR sans limite de durée, contrairement aux sociétés de capitaux classiques. Il attire des familles d’entrepreneurs souhaitant combiner responsabilité limitée et imposition transparente, avec une gouvernance statutaire adaptable aux transmissions graduelles.

Une société civile qui exerce une activité commerciale à titre principal, par exemple la location meublée, peut se voir imposée à l’IS. La qualification commerciale déclenche l’assujettissement, avec des conséquences sur l’amortissement, la distribution et la fiscalité de la sortie. Anticiper la nature exacte des flux évite une requalification tardive coûteuse.

Enfin, pour les entrepreneurs individuels, le couple micro-régime vs réel demeure un levier important de simplification ou de précision. Le micro offre un abattement forfaitaire et une comptabilité allégée. Le réel, plus exigeant, autorise la déduction fine des charges et amortissements, souvent préférable dès que les marges sont modestes ou l’investissement lourd.

Zones de vigilance juridique, sociale et comptable avant d’arbitrer

La réussite d’un choix IR ou IS tient rarement à un seul paramètre. Elle tient à l’alignement entre fiscalité, statut social du dirigeant, gouvernance et projet d’investissement. Les dirigeants gagneront à poser des garde-fous sur les points suivants.

Éligibilité au taux réduit et structure du capital

Une société éligible au 15 % doit libérer intégralement son capital et maîtriser la chaîne de détention jusqu’aux personnes physiques. L’interposition d’une holding non éligible ou une libération partielle peut faire perdre l’avantage. Contrôler la documentation des libérations et les registres d’associés est une étape simple et décisive.

Statut social du dirigeant et coût complet

Le coût du travail dirigeant varie sensiblement entre un gérant majoritaire de SARL affilié aux indépendants et un président de SAS au régime général. La base des cotisations, la couverture et la déductibilité salariale impactent le résultat imposable et la trésorerie nette. Une projection triennale intégrant la rémunération cible, l’évolution des marges et la politique de dividendes réduit les angles morts.

Option, délais et irrévocabilité

Le droit d’option à l’IS pour une structure à l’IR est facile à activer mais son caractère irrévocable au-delà de cinq exercices impose prudence. Inversement, l’option IR pour une société de capitaux est temporaire et requiert un suivi pour éviter un retour non anticipé à l’IS. Inscrire les jalons au calendrier du secrétariat juridique sécurise la trajectoire.

Checklist documentaire avant de choisir

  • Statuts à jour et registre des bénéficiaires effectifs
  • Justificatifs de libération intégrale du capital
  • Organigramme de détention attestant la part détenue par des personnes physiques
  • Budget d’investissement et de distribution de dividendes sur 24 à 36 mois
  • Simulation fiscale IR vs IS intégrant rémunération et cotisations sociales
  • Calendrier des options et des dates limites pour le SIE

Deux écueils récurrents ressortent dans les contentieux et redressements: l’oubli des limites sociales sur les dividendes des gérants majoritaires de SARL et les erreurs de qualification d’activité des sociétés civiles menant à l’IS. Une revue annuelle des flux et des contrats reste la meilleure assurance.

Décisions fiscales à sécuriser en 2025

Les règles 2025 confirment un paysage lisible: IS à 25 % avec un taux réduit ciblé à 15 % sur 42 500 euros si conditions, IR au barème avec imposition chez les associés, et des options balisées dans le temps pour changer de régime. Le choix n’est ni cosmétique ni théorique. Il conditionne la capacité à financer la croissance, à stabiliser la rémunération du dirigeant et à optimiser la distribution dans la durée (références disponibles dans la documentation économique publique au 14 mai 2025 pour les taux et seuils clés).

À ce stade, l’exigence première est la modélisation pluriannuelle. Un même projet peut appeler l’IR au démarrage pour amortir la charge fiscale au foyer via le déficit, puis l’IS pour capitaliser et bénéficier du taux proportionnel.

Le droit d’option et ses délais forment un véritable levier de pilotage. Les dirigeants attentifs savent que la bonne décision fiscale est celle qui coïncide avec la stratégie opérationnelle et la discipline de distribution, documentée et suivie dans le temps.

En 2025, l’arbitrage IR ou IS n’est pas qu’une affaire de taux: c’est un réglage fin entre fiscalité, statut social et gouvernance, à activer au bon moment pour amplifier la performance économique.