+15 % d’attaques en 2023 et plus de 400 000 escroqueries constatées l’année précédente : le risque financier lié à la fraude explose en France. Pour les ménages comme pour les entreprises, un simple indicatif téléphonique suspect ou un virement transfrontalier non vérifié peut suffire à déclencher un préjudice majeur.

Escroqueries en France : impact financier et terrain d’attaque

Appels, SMS, messageries chiffrées et plateformes sociales composent désormais le théâtre d’opérations des fraudeurs. Leur objectif reste inchangé : vider les comptes en exploitant l’urgence, la confusion ou la confiance. Un appel à un moment sensible, une consigne pressante ou un lien raccourci malicieux, et le piège peut se refermer.

Les techniques ne sont pas nouvelles, mais leur industrialisation l’est. Les arnaqueurs automatisent la prospection, multiplient les scénarios et segmentent leurs cibles selon des profils comportementaux. À l’échelle d’une entreprise, la surface d’exposition s’étend aux lignes directes des dirigeants, aux numéros du service comptable et aux canaux de relation client.

Un réflexe utile consiste à prêter attention à des signaux faibles : numéro non identifié, indicatif international inattendu, demande de données bancaires ou redirection vers une messagerie instantanée. Sur téléphone, un indicatif étranger mal à propos peut suffire à enclencher les vérifications internes.

Indicateurs téléphoniques à surveiller

Des numéros commençant par +229 (Bénin) ou +225 (Côte d’Ivoire) sont régulièrement associés à des arnaques opérées par des brouteurs. Ce n’est pas une preuve en soi, mais un signal d’alerte qui justifie de couper la communication et de recontacter l’interlocuteur par un canal vérifié.

Des applications permettent d’obtenir des numéros virtuels en +33, rendant l’origine réelle difficile à tracer. Un appel affichant un numéro français peut donc masquer un routage international. D’où l’intérêt de croiser l’identifiant de l’appelant avec une source indépendante et d’exiger un rappel via un canal officiel.

Signal-Arnaques : signaux faibles utiles aux entreprises

Anthony Legros, fondateur de Signal-Arnaques, signale que certains indicatifs, dont +229, sont fréquemment repérés dans les tentatives d’escroquerie. Les directions financières peuvent intégrer ce type d’indices dans leurs chartes de réponse aux sollicitations par téléphone et messagerie, afin d’harmoniser les réactions et réduire les faux pas individuels.

Courbe des infractions et coût chiffré en 2023

La statistique publique confirme l’ampleur du phénomène. Une étude du Service statistique ministériel de la sécurité intérieure fait état de plus de 400 000 infractions d’escroquerie enregistrées en 2023 par la police et la gendarmerie, avec une progression tendancielle significative entre 2016 et 2023. Les fraudes aux moyens de paiement pèsent lourd, notamment les paiements effectués à l’aide de numéros de cartes volées.

Du côté bancaire, les rapports 2023 recensent des millions de transactions frauduleuses pour une valeur totale dépassant 1,2 milliard d’euros. Les fraudes par carte représentent près de la moitié des cas, ce qui, en volume opérationnel, en fait le principal vecteur de pertes dans l’écosystème des paiements.

Le volet cyber n’est pas en reste : le Rapport annuel sur la cybercriminalité 2024 du Ministère de l’Intérieur décrit une hausse de 15 % des cyberattaques en 2023, avec plus d’un million de victimes potentielles et des pertes cumulées estimées à plusieurs milliards d’euros.

Métriques Valeur Évolution
Infractions d’escroquerie enregistrées en 2023 Plus de 400 000 Tendance haussière 2016-2023
Progression moyenne annuelle 2016-2023 +10 % Hausse prolongée
Cyberattaques en 2023 Augmentation de 15 % Accélération
Transactions frauduleuses bancaires 2023 Valeur > 1,2 Md€ Niveau élevé
Part des fraudes par carte Environ la moitié Prépondérante

SSMSI : dynamique 2016-2023

La courbe observée par le SSMSI met en évidence un rythme d’augmentation moyen de 10 % par an, avec des pics d’abus de confiance et d’usage de faux, particulièrement hauts en 2022 et 2023. Pour les directions financières, cette dynamique plaide pour un renforcement durable des contrôles internes plutôt qu’une campagne ponctuelle de sensibilisation.

La Banque de France : flux frauduleux et cartes bancaires

Les rapports bancaires pointent des flux transfrontaliers sensibles, avec une fraction notable des transactions frauduleuses impliquant des pays hors EEE. Les virements et prélèvements y sont particulièrement exposés. Dans les entreprises, la combinaison d’une double validation et d’un monitoring renforcé des opérations hors zone EEE s’impose comme standard prudentiel.

Rapport cyber 2024 : bascule numérique du risque

Le volet cyber franchit un palier : la hausse des intrusions se traduit par une multiplication des fraudes en ligne et une extension des scénarios de social engineering. Les pertes agrégées se chiffrent à plusieurs milliards d’euros et le nombre de victimes potentielles dépasse le million, ce qui sous-tend une pression financière continue sur l’écosystème des paiements et de la trésorerie.

Techniques des brouteurs et zones à risque

Une partie des escroqueries est orchestrée depuis l’étranger. Les opérations peuvent transiter par des fermes d’appels, des comptes sociaux anonymisés et des cartes SIM prépayées.

Les brouteurs d’Afrique de l’Ouest ont popularisé des scénarios d’arnaques sentimentales, de faux lotos et de petites annonces mensongères. La montée en qualité linguistique, la capacité à cloner des éléments d’identité et la gestion scriptée des réponses accentuent la difficulté de détection.

La Banque de France observe qu’jusqu’à un tiers des transactions frauduleuses concernent des pays hors EEE. Cette structure géographique complique les recours, rallonge les délais bancaires et réduit l’efficacité des mécanismes de contre-passation après exécution.

Les brouteurs, historiquement identifiés en Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Nigeria, au Ghana et au Bénin, privilégient des conversations longues qui instaurent une confiance progressive, avant de déclencher une demande financière ou un test de paiement. Ils exploitent des plages horaires élargies et se montrent très réactifs aux signes d’hésitation pour reformuler leur scénario.

Opérations hors EEE : virements et prélèvements

Les circuits hors EEE concentrent un risque accru sur les virements internationaux et certains prélèvements ciblés. À l’échelle d’une PME ou d’un ETI, fixer des seuils d’alerte spécifiques pour ces transactions et instaurer une confirmation verbale par un cadre identifié constituent des garde-fous pragmatiques.

Afrique de l’Ouest : scénarios récurrents

Les fraudsters mêlent séduction relationnelle et urgence pécuniaire pour provoquer un premier transfert. Les plateformes sociales servent souvent de point d’entrée, avant un basculement vers appels et SMS. Les indicatifs +229 ou +225 émergent comme signaux d’alerte, même si l’usage de numéros virtuels français brouille désormais ces repères.

Justice et moyens : arbitrages qui pèsent sur la répression

Le traitement judiciaire illustre une tension persistante entre volume des dossiers et ressources disponibles. Un jugement à Villefranche-sur-Saône en octobre 2025 a ainsi condamné deux hommes, âgés de 31 et 29 ans, pour l’escroquerie de 257 victimes et un préjudice de 267 000 euros, après achat illégal de données bancaires.

Au même moment, en Île-de-France, un rapport de l’IGPN relayé dans la presse fait état d’environ un million de procédures en souffrance. Les enquêteurs indiquent ne plus traiter les escroqueries inférieures à 5 000 euros par manque de moyens, ce qui nourrit la frustration des équipes et des plaignants et peut, mécaniquement, encourager des fraudes de faible montant mais répétées.

L’engorgement des services conduit à des priorisations fondées sur l’impact financier agrégé et la probabilité de résolution. Les escroqueries de faible montant unitaire exigent un temps d’enquête comparable à des cas plus lourds, pour un rendement pénal moindre. Les fraudsters exploitent ces angles morts en multipliant les attaques fragmentées.

Villefranche-sur-Saône : effets démonstratifs mais circonscrits

La condamnation d’octobre 2025 a valeur de signal pour les réseaux qui monétisent des données bancaires volées. Mais l’effet dissuasif reste limité si l’écosystème d’exécution demeure largement internationalisé et si le retour d’argent s’opère via des circuits opaques hors EEE.

Île-de-France : saturation procédurale

Sur le terrain, la saturation entraîne des choix opérationnels qui déplacent la charge préventive vers les victimes potentielles. Pour les entreprises, l’enjeu devient donc de réduire la surface d’attaque et de couper vite la chaîne de paiement quand une anomalie est détectée.

Bouclier opérationnel pour les entreprises : outils et procédures

La prévention s’articule autour de trois leviers : outillage, procédure, gouvernance. Côté outillage, des applications et services de filtrage comme Hiya, Truecaller ou l’application Orange Téléphone permettent d’identifier et bloquer les spams et appels malveillants. Les opérateurs ajoutent des mécanismes de blocage automatique.

Sur la procédure, la Banque de France recommande d’instaurer une double vérification sur les transactions sensibles et une surveillance renforcée des opérations transfrontalières. En pratique, cela se traduit par une validation hiérarchique, une contre-appel via numéro officiel et une revue quotidienne des mouvements inhabituels par la trésorerie.

La gouvernance consiste à définir les règles du jeu entre DAF, DSI, achats et service client. Le pilotage doit clarifier qui décide de geler un paiement, comment escalader une alerte et quand déclarer un incident au support bancaire ou aux autorités.

Orange : filtrage automatique et alertes

L’écosystème opérateur renforce ses filtres côté réseau et propose des apps dédiées. Les entreprises peuvent coordonner leur politique de flotte mobile avec ces capacités afin d’aligner les paramètres de signalement et d’auto-blocage sur tous les terminaux.

Procédures de paiement : double validation comme standard

La double validation s’impose sur les virements au-delà d’un seuil paramétré et sur toute opération hors EEE. Un rappel à l’initiative du payeur vers un contact déjà connu, et non l’inverse, limite les redirections frauduleuses. La règle utile reste de ne jamais changer un IBAN sans contre-vérification avec un canal officiel de la contrepartie.

Rôles DAF et DSI : gouvernance anti-fraude

Le tandem DAF-DSI traduit les consignes en politiques applicatives et droits d’accès. La DSI paramètre les applications anti-spam, met à jour les listes de blocage et surveille les signaux de social engineering via les outils de sécurité. La DAF définit les seuils et workflows et anime la sensibilisation des équipes exposées.

Ressources officielles utiles

Des fiches pratiques gouvernementales ont été mises à jour en septembre 2025 et détaillent les bons réflexes pour identifier les arnaques en ligne et s’en prémunir. Le Rapport annuel sur la cybercriminalité 2024 précise les tendances récentes et leurs impacts opérationnels.

Avant exécution d’un virement non récurrent : contre-appel via numéro officiel, double approbation, vérification de l’origine géographique et confirmation écrite par un contact habituel préalablement connu. À la moindre anomalie, geler le paiement et informer la banque sans délai.

IA, deepfakes et nouvelles vagues de fraudes

La sophistication technologique bouscule les repères. En 2024, les arnaques exploitant l’IA générative et les deepfakes vocaux progressent, avec une hausse estimée à 20 %. Ces procédés tentent d’imiter la voix d’un dirigeant ou d’un partenaire pour déclencher un virement urgent ou valider une opération sensible.

Les réseaux sociaux demeurent le point d’entrée privilégié pour collecter des éléments d’ingénierie sociale et repérer les moments de vulnérabilité d’une équipe. L’agrégation de signaux publics permet aux fraudeurs de cibler le bon moment pour appeler et lever des inhibitions. Côté défense, la réduction de l’empreinte informationnelle et la centralisation des canaux de validation restent au cœur des réponses efficaces.

Interpol et coopérations 2023-2024

La France renforce la coopération internationale pour frapper les réseaux à la source, notamment avec Interpol. Des opérations conduites en 2023 et 2024 ont abouti à des arrestations, signalant une intensification de la pression sur les infrastructures de fraude. Reste que la résilience des réseaux repose sur des capacités de reconstitution rapides et des relais multiples.

Réseaux sociaux : démarchage initial

Le schéma-type se répète : prises de contact sur réseaux, bascule vers SMS ou appels, puis demande financière en urgence ou captation de données bancaires. Le point de contrôle utile consiste à cloisonner les usages des canaux pro et personnels et à formaliser une politique de messagerie claire.

Marché de la fraude : chiffres clés et vigilance à maintenir

Les indicateurs agrégés témoignent d’un risque durablement élevé en France, avec une progression portée par le numérique et les failles de procédures. Les données du SSMSI confirment la montée des infractions d’escroquerie et les rapports sectoriels décrivent un impact financier massif sur les paiements et la trésorerie des entreprises. Les autorités pointent des milliers de victimes potentielles supplémentaires d’une année sur l’autre, sur fond de sophistication croissante des méthodes.

Pour rester au niveau du risque, l’effort porte autant sur l’hygiène numérique et le filtrage que sur la discipline de paiement et la traçabilité des validations. Les ressources officielles et les analyses publiques constituent un socle de référence pour calibrer les politiques internes, du paramétrage des outils au design des contrôles de trésorerie.

Les deux repères chiffrés à garder à l’esprit restent la trajectoire haussière des infractions et l’ampleur des pertes estimées pour 2023 et 2024 (SSMSI, sept. 2025; Ministère de l’Intérieur, juil. 2025).

La vigilance partagée, associée à des procédures claires et auditées, demeure l’arme la plus robuste face à la diversité des escroqueries téléphoniques et en ligne.