Impact de l'arrêté de 2025 sur l'eau à Volvic
Découvrez les conséquences de l'arrêté préfectoral de 2025 sur l'eau à Volvic, entre restrictions et enjeux économiques.

Autour de Volvic, la bataille de l’eau ne faiblit pas. Une réduction administrative des prélèvements, des associations mobilisées, un acteur industriel au cœur de l’économie locale et un tribunal administratif saisi en urgence. Ce dossier cristallise une équation délicate où la ressource, l’emploi et le droit public s’entrecroisent, avec des chiffres et des effets tangibles sur le terrain.
Autorisation préfectorale d’avril 2025 : volumes limités et ligne de crête pour l’état
Par un arrêté du 28 avril 2025, la préfecture du Puy-de-Dôme a abaissé le plafond annuel autorisé pour la Société des Eaux de Volvic à 2,389 millions de m³, avec une application fixée au 30 avril 2025 (source préfecture du Puy-de-Dôme).
Cette limitation s’ajoute à une trajectoire de contraction déjà engagée par l’administration, qui fait état d’une réduction cumulée d’environ 17 % entre 2014 et 2024, puis d’un nouveau rabot de 5 % en 2025 sur le volume autorisé.
Politiquement et juridiquement, le cœur du contentieux ne vise pas l’entreprise en tant que telle, mais l’acte administratif qui encadre son activité. Pour le préfet, l’objectif assumé consiste à resserrer la pression sur la ressource tout en garantissant une continuité économique et sociale minimale sur le territoire.
Ce que change concrètement l’arrêté du 28 avril 2025
Plafond annuel fixé à 2,389 Mm³. Entrée en vigueur au 30 avril 2025. Logique de réduction graduelle pour préserver la ressource tout en sécurisant l’activité. Instrument juridique mobilisé : un arrêté préfectoral d’autorisation assorti de conditions et de clauses de modulation en période de sécheresse.
Pour le tissu économique local, cette trajectoire vise à concilier deux impératifs contradictoires : la résilience hydrologique du territoire et la pérennité d’une filière d’embouteillage qui irrigue l’emploi direct et indirect. Pour les associations, elle reste insuffisante au regard des constats de terrain.
Contentieux accéléré et décision du 6 août 2025 : l’urgence non caractérisée
Trois associations, France Nature Environnement Puy-de-Dôme, Frane et Preva, ont saisi le juge des référés par un référé-suspension déposé le 4 août 2025. L’audience s’est tenue le 5 août, au tribunal administratif de Clermont-Ferrand, dans un calendrier express rapporté par des médias locaux.
Le 6 août 2025, le tribunal a rejeté la demande de suspension de l’arrêté préfectoral, estimant notamment que l’urgence n’était pas suffisamment démontrée à ce stade. Quelques jours plus tôt, le 21 juillet, un recours d’un pisciculteur local, lui aussi affecté par le manque d’eau, avait connu le même sort.
Cette séquence juridictionnelle confirme un point clé : le référé est une procédure exigeante, qui ne préjuge pas du fond, mais qui impose des critères stricts d’urgence et de doute sérieux. Sur ces deux piliers, les requérants n’ont pas convaincu suffisamment le juge à ce moment précis.
Le référé-suspension permet de demander au juge d’arrêter provisoirement l’exécution d’une décision administrative. Pour réussir, il faut démontrer un doute sérieux sur la légalité de l’acte et une urgence caractérisée. L’examen est rapide et centré sur ces deux critères. Le fond du dossier sera étudié ultérieurement dans le cadre du recours principal, dont le jugement intervient en général plusieurs mois après.
Jurisprudence locale récente
Le rejet du 6 août s’inscrit dans une série d’ordonnances où la continuité des activités réglementées a été privilégiée en l’absence d’éléments probants d’urgence absolue. Cette position n’implique pas que le débat est clos : le recours au fond déposé par les associations suit son cours, avec un jugement attendu en 2026.
Pour l’administration, il s’agit de sécuriser un équilibre temporaire en attendant la résolution sur le fond. Pour les associations, il s’agit au contraire de contester la pertinence des paramètres techniques retenus pour calibrer les prélèvements autorisés.
Impacts hydrologiques allégués et contestation scientifique autour de l’impluvium
Au cœur du dossier : l’impluvium de Volvic, cette zone de recharge où l’eau s’infiltre et alimente les sources naturellement. Les associations affirment qu’en une décennie, les débits de deux sources majeures auraient reculé de manière très marquée. Elles avancent des ordres de grandeur significatifs, qu’elles associent à une combinaison de facteurs : prélèvements industriels, alimentation en eau potable et contexte de sécheresses récurrentes.
Elles pointent par ailleurs l’absence d’étude d’impact récente diligentée par l’État. Selon elles, aucun bilan actualisé des effets cumulatifs des prélèvements n’aurait été produit depuis 2013, alors que les tensions sur la ressource se sont intensifiées. Ce grief structurel alimente leur critique d’une autorisation qui ne reposerait pas sur des données suffisamment fraîches.
La traduction concrète, selon les requérants, se verrait sur les milieux aquatiques (assèchement des habitats, pression sur la biodiversité) et les exploitations agricoles en aval qui subissent des restrictions fréquentes. Ils estiment qu’une répartition défavorable de l’impluvium prive les milieux d’un volume minimum vital.
L’impluvium est la surface où l’eau de pluie s’infiltre pour réalimenter un aquifère. Dans les territoires volcaniques comme celui de Volvic, l’empilement de roches et l’hétérogénéité des couches favorisent des dynamiques complexes d’écoulement. L’administration doit intégrer cette géologie spécifique dans ses autorisations, via des bilans de recharges, des suivis piézométriques et des scénarios de sécheresse.
Le projet optimum : fonctionnement et critiques
Au centre des débats, le projet dit Optimum porté par la SEV. Il prévoit la fermeture d’un forage mis en service en 2002 et l’accentuation de l’exploitation d’un forage plus ancien, dans une logique d’optimisation interne. Il inclut aussi deux cuves de 1 500 m³ pour recycler environ 3,8 % des eaux de process auparavant rejetées.
Les associations y voient un déplacement des pressions entre forages, sans autorisation environnementale dédiée ni étude d’impact spécifique, et dénoncent un recyclage qui retire définitivement une fraction d’eau aux milieux naturels. La SEV défend un projet technique d’optimisation et rappelle qu’elle s’inscrit dans le cadre des autorisations préfectorales.
Points de friction scientifique
Données hydrologiques jugées trop anciennes par les ONG. Effets cumulatifs potentiels non documentés publiquement selon elles. Réallocation des forages perçue comme un risque de concentration des prélèvements. Biodiversité et débits d’étiage considérés comme insuffisamment sécurisés.
Sur le plan de la preuve, les éléments disponibles dans le débat public sont marqués par un déséquilibre d’information : l’entreprise met en avant une baisse de ses prélèvements et sa conformité, les ONG réclament une mise à jour indépendante des diagnostics pour objectiver les effets, et l’État arbitre en s’appuyant sur ses services techniques.
Volumes réels, effet des plafonds et asymétrie des restrictions en période sèche
Un point soulevé par les requérants porte sur l’efficacité réelle de la réduction de 2025. En 2023, la SEV indique avoir prélevé environ 2,3 millions de m³, soit un niveau déjà inférieur au nouveau plafond de 2,389 millions de m³. Selon les associations, la baisse actée par arrêté aurait donc un impact limité à court terme.
Autre critique, l’asymétrie des efforts lors des sécheresses. Les engagements de la SEV mentionnent des baisses de 5 % en alerte, 10 % en alerte renforcée et 12,5 % en crise. Les associations comparent ces seuils à ceux imposés aux irrigants, souvent de 25 % dès l’alerte dans les arrêtés préfectoraux relatifs à la sécheresse recensés sur Propluvia, même si ces limites varient selon les bassins.
Cette divergence alimente un sentiment de déséquilibre entre les catégories d’usagers, alors que la loi hydro impose une gestion économe et équitable de la ressource. L’administration répond qu’elle applique des règles sectorielles différenciées, tenant compte de l’intérêt général, de la criticité des usages et des alternatives disponibles.
Sur le plan national, les statistiques publiques rappellent la place des secteurs dans les prélèvements d’eau. L’agriculture constitue une part importante, aux côtés de l’eau potable, de l’industrie et de l’énergie. Les volumes totaux de prélèvements ont diminué depuis les années 2000, tendance attribuée à des gains d’efficacité et à des mutations sectorielles (notre-environnement.gouv.fr).
Lecture des chiffres : deux points d’attention
1. Un plafond réglementaire n’équivaut pas à un volume effectivement pompé. L’impact d’une baisse de plafond dépend du niveau réel d’exploitation. 2. Les pourcentages de restrictions en sécheresse diffèrent selon les bassins et les usages. Les comparaisons doivent donc être contextualisées à l’échelle hydrographique pertinente.
Reste une question structurante : quel niveau de sécurité hydrique faut-il garantir aux milieux, compte tenu des épisodes d’étiage plus fréquents et plus longs, et jusqu’où rendre contraignantes les modulations saisonnières sur les prélèvements industriels et agricoles.
Le cadre juridique mobilisé : lema, dce et marges d’appréciation du préfet
Sur le plan normatif, l’argumentaire des requérants convoque la loi sur l’eau et les milieux aquatiques de 2006 et le Code de l’environnement, lesquels posent un principe d’équilibre entre les usages et la préservation des écosystèmes. Ils invoquent également les exigences de la directive cadre européenne sur l’eau qui impose d’atteindre et de maintenir le bon état des masses d’eau.
L’administration, pour sa part, fonde ses décisions sur des autorisations environnementales et des arrêtés préfectoraux adossés aux services techniques de l’État, aux schémas de planification de l’eau et aux régimes de sécheresse activables via Propluvia. Les arrêtés sont calibrés usage par usage, avec des référentiels de seuils modulables.
Les associations soutiennent qu’une hiérarchie des usages doit favoriser la préservation des milieux et l’eau potable avant les activités industrielles. Le droit positif met effectivement en avant la protection des écosystèmes et la sécurité des populations parmi les objectifs prioritaires, mais l’arbitrage précis entre catégories d’usages, en période normale ou de crise, relève d’un pouvoir d’appréciation du préfet au regard des circonstances locales et des données disponibles.
Propluvia centralise les arrêtés de restriction pris par les préfets selon les niveaux d’alerte. Il ne crée pas les règles, mais permet de suivre en temps réel les mesures applicables par territoire et par usage. C’est un outil de transparence et d’aide au pilotage, utile pour comparer les régimes selon les départements et les bassins.
Quels risques contentieux pour l’administration
Au fond, l’enjeu pour l’État sera de justifier la proportionnalité de l’autorisation délivrée, au regard des données hydrologiques, des suivis écologiques et des alternatives techniques disponibles. Un déficit d’actualisation des données ou une insuffisante prise en compte des effets cumulatifs pourraient fragiliser la décision.
Inversement, l’administration dispose d’une marge d’appréciation reconnue par le juge, tant que le dossier démontre une cohérence d’ensemble avec les objectifs de protection des milieux et de continuité des usages essentiels. C’est sur cette ligne de crête que se jouera probablement l’issue du recours au fond.
Sev, un acteur économique structurant et une stratégie hydrique à défendre
La Société des Eaux de Volvic insiste sur une réduction de 15 % de ses prélèvements entre 2017 et 2024. Elle met en avant son respect des restrictions préfectorales en cas de sécheresse et ses efforts d’optimisation interne. Sa maison mère, Danone, rappelle le poids économique de l’activité en local, y compris à travers les recettes de droits de bouchon perçues par la commune.
Le dossier dépasse la seule comptabilité des volumes. En arrière-plan, se joue la légitimité sociale d’une exploitation d’eau minérale réputée, dans une région où la ressource est identitaire. Les élus naviguent entre la demande de protection des milieux et le maintien d’emplois qualifiés associés à l’embouteillage et aux services.
Sev : chiffres de pilotage et leviers opérationnels
Au plan opérationnel, la SEV s’appuie sur des monitorings de la ressource, des ajustements de production en période sèche et des projets d’optimisation comme Optimum. Sa trajectoire de prélèvements, en baisse comparée à ses autorisations, constitue un argument clé pour démontrer un usage mesuré et aligné sur les consignes préfectorales.
Mais l’entreprise sait que la preuve hydrologique se joue hors des murs : sur la disponibilité réelle de la ressource, sur la réponse des milieux aux étiages et sur la capacité à documenter les effets cumulés des différents usages du même impluvium, année après année.
Un protocole commun pourrait agréger les données de la SEV, celles des collectivités et des services de l’État, en intégrant un suivi écologique de référence. Avec un pilotage par un organisme tiers, ce format renforcerait la confiance et faciliterait l’ajustement des autorisations si des seuils de sécurité hydrique étaient franchis.
Sur la communication, l’enjeu pour la SEV est d’éviter un dialogue de sourds en explicitant sa stratégie hydrique, ses points de contrôle et ses limites. Sur le plan industriel, les marges de manœuvre existent, mais elles doivent être qualifiées techniquement et lisibles pour les parties prenantes.
Repères nationaux sur les prélèvements d’eau
Les prélèvements d’eau douce en France ont diminué depuis le début des années 2000, avec une répartition entre agriculture, eau potable, énergie et industrie qui varie selon les territoires et les saisons. Cette tendance nationale, documentée par les services publics, irrigue les arbitrages des préfets au niveau local (notre-environnement.gouv.fr).
Vers un arbitrage renforcé à volvic : points clés à surveiller en 2026
Le rejet du référé ne clôt pas le débat. Le jugement au fond attendu en 2026 devra trancher sur la solidité juridique de l’arrêté d’avril 2025, à l’aune des données hydrologiques et des impacts environnementaux versés au dossier. Les associations, déboutées en urgence, pourront affiner leurs arguments, tandis que l’État et la SEV devront documenter plus finement la proportionnalité des paramètres retenus.
Au-delà du cas d’espèce, ce contentieux éclaire une tendance lourde : la priorisation de l’eau devient une question économique et sociale, autant qu’écologique. À Volvic, la réponse durable passera par un compromis éclairé par des données partagées, et par des arbitrages capables d’évoluer au rythme des étiages et des preuves.
Entre contraintes hydriques, droit administratif et enjeux industriels, le dossier Volvic révèle une bataille de chiffres et de preuves où l’équilibre des usages, s’il est possible, devra se construire à la mesure de la ressource et non l’inverse.