Nouveau cadre pour l'égalité des salaires en France d'ici 2026
La directive 2023/970 impose des règles pour garantir l'égalité salariale. Détails sur les responsabilités des employeurs et les droits des salariés.

+5 % : au-delà de ce seuil, les entreprises devront corriger les écarts de rémunération injustifiés. Derrière ce chiffre, la directive européenne 2023/970 s’apprête à rebattre les cartes des salaires et des négociations en France, avec une transposition attendue au plus tard le 7 juin 2026.
La transparence salariale n’est pas un simple reporting. C’est un basculement culturel qui déplace le centre de gravité des négociations vers des critères objectivés et vérifiables.
Directive européenne 2023/970 : ses enjeux pour l’égalité salariale
Adoptée le 10 mai 2023, la directive 2023/970 place l’égalité de rémunération au cœur de la gestion des salaires. Côté calendrier, la France doit la transposer au plus tard le 7 juin 2026, une échéance rappelée par des analyses professionnelles publiées en 2025. À ce stade, l’architecture de la réforme est claire : droit d’accès à l’information pour les salariés, publications régulières pour les entreprises, recrutement non discriminatoire et fourchettes salariales affichées dans les offres dès 2027.
- 10 mai 2023 : adoption de la directive européenne 2023/970 sur la transparence et l’égalité de rémunération.
- 5 juin 2025 : rappel public du délai de transposition au 7 juin 2026 par des sources spécialisées.
- 19 juin 2025 : recommandations opérationnelles pour préparer la mise en conformité.
- 27 juin 2025 : précisions sur les articles 6 et 7, relatifs aux critères de rémunération et au droit d’information des salariés.
- À partir de 2027 : obligation d’indiquer le salaire dans les offres d’emploi et d’appliquer des processus de recrutement non discriminatoires.
Dans les faits, la directive s’attaque à une réalité française persistante. Les écarts de rémunération entre femmes et hommes, bien que réduits lorsqu’on compare des postes identiques, subsistent à divers niveaux d’analyse. C’est précisément cette granularité qui fait la force du texte : décloisonner l’accès aux données, standardiser les critères et contraindre au suivi d’écarts chiffrés.
Points clés à retenir
- 7 juin 2026 : date butoir de transposition en droit français (sources professionnelles publiées en 2025).
- Rapports obligatoires : annuel pour les entreprises de plus de 250 salariés, tous les trois ans pour celles de 100 à 250 salariés.
- Offres d’emploi : salaire à afficher à partir de 2027, sans mentions vagues de type "selon profil".
- Seuil d’alerte : écart de rémunération supérieur à 5 % sans justification objective à corriger.
- Droit d’accès : les salariés pourront obtenir leur rémunération et les moyennes ventilées par sexe pour un poste équivalent.
Employeurs : nouvelles obligations en matière de transparence salariale
Le dispositif impose aux employeurs de rendre accessibles et compréhensibles les moteurs de la rémunération. En pratique, cela signifie documenter ce qui, dans l’entreprise, fait varier un salaire : niveau de responsabilité, compétences certifiées, ancienneté, critères de performance, etc. L’enjeu est double : réduire l’arbitraire et permettre la comparabilité entre salariés occupant des postes équivalents.
Au titre de l’article 7, chaque salarié pourra solliciter par écrit deux catégories d’informations : son propre niveau de rémunération et les rémunérations moyennes, ventilées par sexe, pour des postes identiques ou équivalents. Les DRH devront donc consolider des référentiels de postes et fiabiliser la qualité des données RH.
Critères non discriminatoires pour définir les rémunérations
L’article 6 exige que les critères utilisés pour fixer les salaires, les fourchettes, les progressions et les promotions soient objectifs, neutres et non discriminatoires. L’entreprise devra pouvoir démontrer que ces critères s’appliquent de façon cohérente. Cette traçabilité suppose un effort de gouvernance : cartographier les emplois, harmoniser les intitulés, documenter les règles d’éligibilité aux primes et s’assurer que les variables de performance sont mesurables.
Exemples de critères objectifs à publier
- Niveau de responsabilité : taille d’équipe, budget géré, périmètre décisionnel.
- Compétences : certifications reconnues, expertise technique validée, compétences transverses mesurées.
- Expérience et ancienneté : seuils d’expérience documentés, équivalences de parcours.
- Performance : objectifs quantifiés, indicateurs standardisés, périodicité d’évaluation.
- Conditions de travail : poste en horaires atypiques, niveau d’astreinte, pénibilité objectivée.
Côté gouvernance, les entreprises de plus de 250 salariés devront publier un rapport annuel sur les écarts salariaux et les niveaux de rémunération. Les structures de 100 à 250 salariés seront soumises à une publication tous les trois ans. En dessous de 100 salariés, il n’y a pas d’obligation, mais l’adoption volontaire peut être un levier d’attractivité.
Impact des rapports annuels sur les écarts salariaux
La publication d’indicateurs devient un exercice régulier. Elle va forcer un travail de fond sur les données, la qualité des référentiels et la cohérence des pratiques.
Dans les faits, les équipes RH et finance devront instaurer une revue périodique des écarts, avec comme garde-fou le seuil de 5 % non justifié. C’est une logique de contrôle interne : détecter, expliquer et, le cas échéant, corriger.
Ce reporting viendra s’articuler avec des obligations déjà connues par les sociétés cotées qui communiquent les écarts entre la rémunération moyenne des salariés et celle des dirigeants en application de la loi Pacte. Toutefois, le périmètre de la directive est différent : il se concentre sur l’égalité de rémunération pour un travail identique ou de valeur égale, et étend l’exigence de transparence à des catégories d’entreprises plus larges.
Selon des données de 2024, seulement 53 % des TPE, 64 % des PME et 68 % des ETI et grandes entreprises fournissaient déjà des informations sur les rémunérations. Cette base incomplète va mécaniquement s’étoffer sous l’effet de la directive, en particulier pour les entreprises de plus de 100 salariés.
Au-delà de la conformité, les comités de rémunération et les comités sociaux et économiques auront une matière plus dense pour piloter les politiques salariales. La trajectoire de correction des écarts injustifiés devra être planifiée et budgétée. En pratique, les directions financières devront anticiper l’impact sur la masse salariale et la structure des primes, sans créer d’effets de seuil contre-productifs.
Recrutement : comment la directive réforme les offres d'emploi
À partir de 2027, les offres d’emploi devront indiquer le niveau ou la fourchette de rémunération. Les mentions floues du type "selon profil" ne seront plus acceptables. Cette transparence s’applique dès l’amont du processus d’embauche et s’accompagne d’une exigence de procédures de recrutement non discriminatoires.
Pour les équipes Talent Acquisition, l’impact est immédiat : mise à jour des modèles d’annonce, coordination avec les managers pour valider des fourchettes réalistes et compétitives, harmonisation avec les politiques internes et les grilles communicables. Côté candidats, la symétrie d’information progresse, ce qui devrait renforcer la pertinence des candidatures et limiter les négociations en bout de chaîne, souvent sources d’écarts injustifiés.
Dans l’écosystème des sites d’emploi et des ATS, la conformité passera par des champs obligatoires dédiés au salaire. Les audits de conformité ne s’arrêteront pas au texte des annonces : ils intégreront la traçabilité des critères de sélection, l’égalité d’accès aux entretiens et la neutralité des tests.
Réduction des inégalités salariales entre hommes et femmes
L’objectif central de la directive est clair : combattre les écarts de rémunération injustifiés, notamment entre les femmes et les hommes. En France, le différentiel moyen se situe à 22 % tous temps de travail confondus, à 14 % à temps équivalent et à 4 % pour des postes identiques, selon des données relayées en 2025.
Du côté des cadres, l’Apec fait état d’un écart de 6,9 %, avec des rémunérations moyennes annuelles brutes de 56 000 euros pour les hommes et 50 000 euros pour les femmes en 2024. À postes et profils identiques, l’écart d’environ 7 % est stable depuis 2015. Ces repères montrent pourquoi la mesure d’écart et son explication deviennent des obligations structurantes.
La demande sociale de transparence est tangible : 66 % des cadres y sont favorables, avec un niveau de soutien plus élevé chez les femmes que chez les hommes. En pratique, cela signifie que la transparence n’est pas qu’un impératif réglementaire : elle s’inscrit dans une attente de marché et un mécanisme de confiance, tant en interne qu’en externe.
Sur les réseaux, des commentaires récurrents estiment que la transparence pourrait, dans certains cas, réduire les écarts en comprimant les plus hautes rémunérations plutôt qu’en revalorisant les plus basses, en s’appuyant sur des études internationales. À ce stade, ces observations relèvent du débat public en ligne et ne préjugent pas de l’effet précis en France. Elles rappellent toutefois une vigilance nécessaire : corriger les écarts sans assécher l’attractivité des fonctions pénuriques.
Conséquences pour les employés : transparence et empowerment
Le droit d’accès aux informations salariales ouvre un nouveau chapitre pour les salariés. Chacun pourra obtenir son niveau de rémunération, mais aussi des moyennes ventilées par sexe pour des postes équivalents. Cet accès éclairera les négociations individuelles et donnera un poids supplémentaire aux représentants du personnel dans les discussions collectives.
En pratique, les salariés devront formuler une demande écrite. Les entreprises gagneront à proposer un canal unique et tracé pour ces demandes, afin d’assurer la complétude des réponses et d’éviter des traitements inégaux.
Côté confidentialité, la directive n’impose pas la publication nominative : la comparaison porte sur des postes, pas sur des individus. Cette distinction est essentielle pour concilier transparence et respect de la vie privée.
Pour les TPE et PME non soumises à l’obligation de reporting, la mise à disposition volontaire de grilles simples et de critères explicites peut offrir un avantage concurrentiel sur le marché du recrutement. La transparence a un coût d’organisation, mais c’est aussi un signal de marque employeur positivement perçu.
La directive vise l’égalité de rémunération pour un travail identique ou de valeur égale. La comparaison ne se limite donc pas aux intitulés. Elle s’effectue sur des éléments tangibles : complexité des tâches, responsabilité, effort requis, conditions de travail, compétences formelles et niveau d’impact. Les entreprises doivent objectiver ces dimensions via une grille d’évaluation homogène et opposable.
Feuille de route opérationnelle d’ici 2026 pour les directions rh et finance
La réussite de la transposition se jouera dans les processus. C’est une transformation d’organisation et de données, davantage qu’un exercice de communication. Dans les faits, les directions RH, finance et juridique devront travailler de concert pour fiabiliser, expliquer et publier.
Checklist prioritaire 2025-2026
- Cartographier les emplois : définir les familles de métiers et les postes équivalents, harmoniser les intitulés.
- Formaliser les critères : documenter les critères objectifs de rémunération et de progression, les faire valider en gouvernance.
- Consolider les données : fiabiliser les salaires fixes et variables, l’ancienneté, les éléments périphériques, les primes.
- Mesurer les écarts : produire les indicateurs exigés et repérer les écarts supérieurs à 5 % sans justification objective.
- Planifier les corrections : prioriser les ajustements, budgéter les impacts, fixer un calendrier de mise à niveau.
- Mettre à jour le recrutement : paramétrer les ATS et modèles d’offres avec les fourchettes salariales obligatoires.
- Organiser le droit d’accès : créer un guichet unique pour les demandes des salariés, clarifier les délais et le format des réponses.
- Former les managers : outiller les entretiens de rémunération avec des messages cohérents et des supports de preuves.
- Engager le dialogue social : partager la méthodologie et les résultats avec les représentants du personnel.
- Suivre et améliorer : intégrer la revue des écarts dans le cycle annuel de rémunération et d’audit interne.
Lecture économique : coûts, arbitrages et gains de compétitivité
La mise en conformité a un coût d’organisation. Elle mobilise des ressources en data, en juridique et en SIRH.
Mais l’équation économique ne se limite pas aux dépenses. Un pilotage fin des écarts peut réduire les contentieux, fluidifier les négociations annuelles obligatoires et améliorer la fidélisation, donc les coûts de turnover. À moyen terme, l’effet réputationnel sur le marché de l’emploi peut se traduire par une baisse du coût d’acquisition des talents.
Pour le top management, l’arbitrage porte moins sur "publier ou non" que sur "comment publier bien". Une publication solide repose sur des référentiels clairs et des explications consistantes des écarts lorsqu’ils sont objectivement justifiés par des variables retenues et appliquées de manière uniforme. Le point d’attention demeure l’effet de cascade : corriger un écart sur un segment peut exiger des ajustements sur des rôles voisins pour éviter des distorsions internes.
Le lien avec la performance n’est pas anecdotique. Une politique salariale documentée et équitable peut accroître l’engagement. Elle limite aussi la "prime à l’opacité" qui survient lorsque l’information asymétrique renchérit les recrutements et alimente des écarts non soutenables.
Cap sur 2027 : offres transparentes, marché plus lisible
La mention obligatoire du salaire dans les offres à partir de 2027 va clarifier le marché. Côté candidats, l’information sur la rémunération devient un critère de tri immédiat.
Côté entreprises, la compétitivité des fourchettes sera visible. Les organisations les plus matures auront transformé cette contrainte en avantage : des annonces cohérentes avec la politique réelle, une moindre variabilité des négociations, des écarts maîtrisés au fil du temps.
Pour les métiers en tension, la transparence exigera un calibrage précis des fourchettes pour rester attractif sans produire des écarts injustifiés en interne. La clé sera d’adosser les propositions à des critères lisibles et partagés. Le marché se prépare déjà : des analyses professionnelles ont confirmé le calendrier de transposition et la dynamique d’adaptation des entreprises françaises à l’automne 2025.
Ce que cette transparence va changer pour les salariés et les employeurs
Pour les salariés, le pouvoir de négociation se renforce par l’accès à des moyennes comparables et par la clarification des règles de progression. Pour les employeurs, la priorité est d’industrialiser la qualité des données et la justification des écarts.
Le bénéfice attendu tient à la fois à la réduction des inégalités et à l’amélioration de la marque employeur. Dans les faits, la réussite reposera sur une mise en œuvre stable, expliquée et suivie.
Reste un équilibre à tenir : corriger vite les écarts injustifiés, tout en préservant la capacité à rémunérer des compétences rares sans recréer des déséquilibres. La directive donne le cadre. La maturité des processus fera la différence.
Clé de voûte d’une politique salariale crédible, la transparence va passer du discours aux chiffres. La prochaine étape se joue maintenant, dans la rigueur des données et la cohérence des critères.