Impact des décisions de la Cour sur les congés en entreprise
Les arrêts de la Cour de cassation changent la gestion des congés payés pour 2025, modifiant les droits des salariés et les obligations des employeurs.

Le 10 septembre 2025, la Cour de cassation a bousculé deux piliers de la gestion du temps de travail en entreprise. En une journée, la haute juridiction a validé le report des congés payés en cas d’arrêt maladie pendant les vacances et a inclus les jours de congés dans l’assiette des heures supplémentaires. Deux inflexions majeures, à la croisée du droit européen et des réalités de paie.
Deux arrêts du 10 septembre 2025 qui redessinent le droit aux congés
La Cour de cassation a opéré un double mouvement aux conséquences très concrètes pour les salariés et les employeurs. D’abord, lorsqu’un arrêt maladie survient pendant une période de congés, les jours de vacances non consommés doivent être reportés. Ensuite, les jours de congés payés entrent désormais dans le périmètre qui sert au décompte des heures supplémentaires.
Ce virage s’inscrit dans une logique de protection d’un repos effectif. L’idée est claire: la finalité du congé payé est la récupération, pilotée par le salarié, quand l’arrêt maladie vise la guérison, encadrée médicalement. Les deux dispositifs poursuivent des objectifs distincts, ce qui justifie, selon la Cour, leur non-concurrence.
Règle de report en cas d’arrêt pendant les vacances
Un salarié qui tombe malade en pleine période de congés ne perd plus ses jours. Il doit en revanche notifier rapidement son employeur de l’arrêt, puis produire le justificatif médical. Les jours de congé non effectués sont alors remis dans le compteur et pourront être pris plus tard, selon des modalités à préciser par l’entreprise ou la branche, en cohérence avec le Code du travail.
Inclusion des congés dans l’assiette des heures supplémentaires
Autre pivot: les jours de congés payés comptent désormais pour déterminer si le seuil des 35 heures est franchi. Concrètement, si un salarié prend un jour de congé et effectue un volume d’heures élevé sur les autres jours de la semaine, ce jour contribuera au déclenchement des majorations. La Cour estime que l’ancienne exclusion pouvait dissuader la prise effective de repos, à rebours de l’objectif européen.
Le repos effectif renvoie à une période durant laquelle le salarié est libéré de l’obligation de fournir une prestation de travail, avec la possibilité de se ressourcer et d’organiser librement ses activités. Un arrêt maladie relève d’une incapacité temporaire, placée sous suivi médical, et non d’un repos librement choisi. La Cour articule ces finalités pour justifier le report des congés.
Rappel express sur le cadre légal des congés
Le Code du travail garantit 5 semaines de congés payés annuels pour un salarié à temps plein. L’employeur fixe la période de prise après consultation et doit assurer une indemnisation fondée sur le principe du maintien de salaire ou de la règle du dixième. Les accords collectifs peuvent prévoir des modalités plus favorables.
Un revirement dicté par l’alignement européen
La juridiction suprême inscrit ses décisions dans la trajectoire du droit de l’Union. La directive 2003/88/CE place le congé annuel payé au rang des droits sociaux fondamentaux.
Surtout, la Cour de justice de l’Union européenne a ouvert la voie: dans l’affaire Pereda, elle a reconnu que des congés coïncidant avec une incapacité de travail doivent pouvoir être reprogrammés afin de préserver la substance du droit à congé. Le message communautaire est constant: le salarié ne doit pas être dissuadé d’exercer ses droits à repos.
Dans le cas français, la Cour de cassation opère un revirement par rapport à des positions antérieures, où un arrêt survenant pendant les vacances n’autorisait pas le report. En rapprochant l’office national du standard européen, la Cour cherche une cohérence d’ensemble: repos effectif, prévention des risques et santé au travail d’un côté, et non-pénalisation des salariés qui prennent réellement leurs congés de l’autre.
Ce que la jurisprudence change pour les entreprises
Trois conséquences se dessinent:
- Calendrier des congés: une procédure de report doit être définie, intégrant délais, justificatifs et trace écrite.
- Paie et temps de travail: la comptabilisation des congés dans l’assiette des heures supplémentaires modifie les seuils hebdomadaires et les majorations.
- Dialogue social: les branches et les CSE devront ajuster les accords, notamment en cas d’aménagement du temps de travail sur une période supérieure à la semaine.
La directive fixe un niveau minimal de protection. Les accords d’entreprise ou de branche peuvent aller plus loin, jamais en retrait. En cas de conflit, les juges privilégient l’interprétation la plus protectrice du droit au congé. D’où l’intérêt de réviser sans tarder les accords pour qu’ils reflètent la nouvelle lecture jurisprudentielle.
Le patronat en alerte: compétitivité, coûts et risque d’effets d’aubaine
Du côté des organisations d’employeurs, la réaction a été immédiate. Les fédérations y voient un choc de court terme pour la gestion des plannings et des charges, sur fond de crainte d’un surcroît de contentieux. Le point d’équilibre entre protection du salarié et soutenabilité des coûts est au cœur des réactions publiées dans la foulée.
Medef: le signal de compétitivité
Le Medef a qualifié ces décisions de signal préoccupant pour la compétitivité. La confédération pointe un double effet: la multiplication possible des reports et l’augmentation mécanique des volumes d’heures supplémentaires à majorer, du fait de l’intégration des congés dans l’assiette. Elle demande l’ouverture d’un chantier auprès des autorités françaises et européennes, avec l’objectif de garde-fous ciblés, notamment un encadrement renforcé des justificatifs médicaux.
Cpme: charge administrative et financière pour les pme
La CPME juge la séquence déséquilibrée pour les petites structures, qui financent à la fois l’indemnisation des congés et, souvent, un complément de maintien de salaire en cas d’arrêt. L’organisation redoute un effet cumulatif: reports, surcharge de gestion des plannings en période de tension d’activité, et hausse de la masse salariale liée aux jours de congés désormais comptabilisés dans le déclenchement des heures supplémentaires.
Autres fédérations: inquiétudes dans les tpe et indépendants
Du côté des TPE et indépendants, la critique vise le risque d’alourdissement des coûts et la complexité supplémentaire pour les structures sans service RH dédié. Des prises de position publiées dès le 11 septembre font état de craintes sur l’emploi dans les petites entreprises, si les reports s’accumulent pendant les pics d’activité.
Chiffres-clés à surveiller sur le coût du travail
Deux variables concentrent l’attention des directions financières: le taux d’heures supplémentaires majorées et le volume de congés reportés en fin d’exercice. À l’échelle macro, le taux de chômage s’établissait à 7,2 % en juillet 2025 (INSEE), et les indemnités journalières pour arrêts maladie représentaient environ 12 milliards d’euros en 2024 (CNAM). Ces ordres de grandeur servent de boussole pour anticiper l’impact sectoriel.
Effets opérationnels pour les rh et la paie: procédures, contrôles et systèmes
Au-delà des déclarations de principe, la traduction opérationnelle est immédiate. Les directions RH doivent à la fois sécuriser les procédures de report des congés en cas d’arrêt maladie et reconfigurer les moteurs de paie pour intégrer les nouveaux paramètres d’heures supplémentaires.
Notification et justificatifs: la discipline des délais
En pratique, le salarié en arrêt pendant ses vacances doit prévenir l’employeur sans attendre et transmettre l’avis médical dans les délais habituels. Les entreprises gagneront à formaliser par écrit la marche à suivre: point de contact RH, canal de transmission, rappel des délais, conservation des pièces. L’objectif est de réduire les zones grises et d’éviter les contestations ultérieures.
Rappel utile: pendant un arrêt, le salarié demeure soumis aux obligations de convalescence. Il ne s’agit pas d’une période de loisirs. Les jours de congés reportés seront ensuite planifiés dans les règles, idéalement via un addendum au planning annuel ou un avenant individuel signé.
Articulation avec la protection sociale et la paie
Le basculement des jours initialement prévus en congés vers un statut d’arrêt maladie déclenche l’intervention du régime obligatoire et, le cas échéant, d’un régime complémentaire. Les indemnités journalières s’appliquent, souvent complétées par l’employeur. Côté paie, il faut reconstituer le compteur de congés et s’assurer que le taux d’indemnisation des congés pris ultérieurement respecte la méthode la plus favorable pour le salarié.
Paramétrage des logiciels de paie et contrôles internes
Les éditeurs et les services paie doivent intégrer deux modifications: l’algorithme de déclenchement des heures supplémentaires hebdomadaires incluant les jours de congés payés, et la gestion des reports de congés avec traçabilité robuste. Les contrôles automatiques peuvent inclure des alertes lorsqu’un report intervient à proximité de fins de période de référence, pour sécuriser les droits acquis et limiter le risque de forfaitisation irrégulière des congés non pris.
- Mettre à jour la note de service congés et arrêts avec la procédure de report et les délais de preuve.
- Reparamétrer le moteur de paie: assiette des heures supplémentaires, seuils hebdomadaires, contrôles d’anomalies.
- Former managers et gestionnaires à l’analyse des semaines mixtes congés-travail.
- Adapter le SIRH: demande de report, pièces jointes médicales, workflow d’approbation.
- Auditer les accords d’entreprise et consulter le CSE pour cohérence avec la nouvelle jurisprudence.
- Mettre en place un suivi trimestriel des reports et des surcoûts associés pour le pilotage budgétaire.
Heures supplémentaires: nouvelle assiette, nouveaux arbitrages économiques
La décision d’inclure les congés payés dans le calcul des heures supplémentaires redistribue les cartes du pilotage du temps de travail. Jusqu’ici, en cas de semaine comportant un ou plusieurs jours de congé, seuls les jours effectivement travaillés étaient comptabilisés dans l’atteinte du seuil hebdomadaire. Désormais, les jours de congé pèsent dans ce décompte.
Effet seuil sur une semaine mixte congés-travail
Illustration chiffrée: un salarié à l’horaire hebdomadaire de 39 heures réparties habituellement sur 5 jours. S’il prend un jour de congé et travaille 4 jours, il effectue 31,2 heures de travail effectif. Avant la nouvelle règle, aucune heure supplémentaire n’était due. Avec l’inclusion du jour de congé dans l’assiette, on reconstitue 39 heures pour la semaine, soit 4 heures supplémentaires majorées à 25 % le plus souvent.
Conséquence: dans les entreprises où l’aménagement du temps de travail est resté hebdomadaire, l’effet seuil se produira plus fréquemment. Dans les organisations annualisées, la réflexion devra porter sur l’articulation entre les semaines hautes et basses, les périodes de congés et le plafond annuel d’heures supplémentaires.
Branches et métiers les plus exposés
Les secteurs à forte saisonnalité ou à recours régulier aux heures supplémentaires subiront l’impact le plus net: industrie, agroalimentaire, logistique, BTP, commerces de détail sur périodes de pointe. À l’inverse, les activités en forfait jours verront moins d’effets directs, même si des ajustements sont probables dans le paramétrage des compteurs de repos et de compensation.
Conséquences budgétaires et arbitrages managériaux
Avec cette nouvelle assiette, les directions financières devront reconsidérer le coût marginal d’un jour de congé sur une semaine chargée. Certains plannings devront être revus pour éviter les empilements: par exemple, la juxtaposition d’un jour de congé payé avec des amplitudes maximales les autres jours. Côté management, les pratiques d’heures supplémentaires structurelles sont à rebalayer, en privilégiant les dispositifs de modulation ou l’intérim afin de lisser les charges.
- Assiette des heures supplémentaires: inclure les heures de congés payés dans la base hebdomadaire.
- Hiérarchie des règles: vérifier l’articulation accord collectif, contrat, usage et note de service.
- Cas limites: semaines de congés fractionnés, ponts, absences mixtes congé-maladie, jours fériés.
Gestion des arrêts pendant les congés: mode d’emploi pour sécuriser le report
Sur le terrain, la question la plus fréquente tient aux étapes pour déclencher un report sans contentieux. La Cour protège le droit au congé effectif, mais n’exonère ni le salarié ni l’employeur de leurs obligations.
Trois réflexes clés côté salarié
- Informer sous 48 heures l’employeur de l’arrêt et transmettre les volets requis.
- Respecter les obligations médicales de l’arrêt: plages de sortie autorisées, contrôles possibles.
- Tracer la demande de report des jours de congés non pris, idéalement par écrit et via le SIRH.
Cette discipline protège la preuve et aide à reconstituer correctement les droits. Dans les entreprises multi-sites ou avec des fonctions externalisées, la désignation d’un référent apporte de la lisibilité.
Trois garde-fous pour l’employeur
- Procédure formalisée: une note de service précise les modalités de report, délais, pièces et calendrier de replanification.
- Traçabilité: chaque report doit laisser une trace dans le dossier du salarié et le compteur de congés.
- Contrôles médicaux et anti-fraude: recours encadré aux visites de contrôle, dans le respect des droits, pour éviter les abus.
Le défi est d’absorber les reports sans mettre à mal les pics d’activité. Des fenêtres de prise privilégiées, négociées avec les partenaires sociaux, peuvent fluidifier l’organisation.
Bon à savoir: indemnisation et complément employeur
En cas d’arrêt, les indemnités journalières de l’Assurance maladie couvrent en moyenne 50 % du salaire brut, souvent complétées par l’employeur selon les accords. Lorsque les jours de congé sont reportés, ils seront ultérieurement indemnisés selon la règle la plus favorable pour le salarié: maintien intégral ou dixième, après reconstitution des droits.
Cap législatif possible d’ici fin 2025: comment l’état pourrait cadrer le terrain
Les arrêts de la Cour ont valeur normative immédiate, mais ils n’épuisent pas le sujet. Un arbitrage plus large peut naître au Parlement: limitation de la période de report, encadrement des justificatifs, précision des règles en cas d’aménagement du temps de travail sur des cycles supérieurs à la semaine. Les organisations patronales appellent d’ores et déjà à un dialogue social structuré pour circonscrire les effets de bord et aligner les pratiques de paie.
À court terme, la priorité est d’éviter le choc opérationnel: mise à jour des accords, formation des équipes et ajustement des systèmes d’information. À moyen terme, un compromis est probable pour préserver la crédibilité du droit au repos tout en garantissant la lisibilité des coûts et la compétitivité. Les entreprises qui anticipent dès maintenant limiteront l’attrition, les litiges et les surcoûts imprévus.
Ces décisions installent un nouvel équilibre entre santé, repos et organisation du travail: il appartient aux acteurs économiques de le transformer en avantage opérationnel plutôt qu’en friction durable.