Schiltigheim réinvente son paysage urbain avec le projet Fischer
Découvrez la transformation de l'ex-brasserie Fischer en un quartier durable et mixte à Schiltigheim, alliant logements et espaces verts.

Au nord de Strasbourg, l’ex-site Fischer entre dans une phase décisive. À Schiltigheim, Cogedim engage la transformation d’un ancien ensemble brassicole en un quartier résidentiel et tertiaire à faible impact carbone. Les arbitrages patrimoniaux, la gestion des risques industriels et les équilibres économiques s’entremêlent, dessinant un cas d’école de reconversion urbaine à la française.
Un chantier patrimonial sous contrainte de sécurité
La cheminée de l’ancienne brasserie, symbole familier de la silhouette industrielle schilikoise, sera déconstruite à partir du 8 septembre 2025. L’ouvrage a été fragilisé par un affaissement intervenu en 2023, ce qui impose une mise en sécurité immédiate. La priorité est clairement la prévention des risques, tant pour les riverains que pour les entreprises du périmètre.
Le maître d’ouvrage opère sous pilotage conjoint avec la Ville de Schiltigheim, la DRAC Grand Est et l’Architecte des Bâtiments de France. Ce trio d’acteurs garantit une intervention techniquement maîtrisée ainsi qu’une prise en compte du patrimoine, y compris pour la restitution mémorielle des éléments préservés.
Calendrier opérationnel et gouvernance technique
La déconstruction s’organise en séquences, depuis l’installation des protections périmétriques jusqu’au tri des matières. Le phasage inclut relevés structurels, sécurisation des abords, intervention en hauteur avec nacelles et grutage, puis revalorisation des matériaux. Un suivi de poussières et de nuisances sonores est généralement conduit, avec information des riverains et adaptations horaires en cas de forte activité.
La gouvernance croise deux impératifs. D’un côté, la discipline patrimoniale qui impose le dialogue avec l’ABF et la DRAC. De l’autre, la sécurité chantier et le respect des assurances, notamment pour la responsabilité civile du maître d’ouvrage et des entreprises intervenantes.
La méthode privilégiée pour des ouvrages en brique ou en béton consiste souvent à un démontage mécanisé par le haut. Les équipes retirent couronne après couronne, avec des nacelles et parfois un micro-grutage, plutôt qu’une explosion qui serait inadaptée en cœur urbain.
Des analyses préalables recherchent l’amiante ou les fibres céramiques réfractaires présentes dans les joints. Le tri à la source facilite ensuite le réemploi des briques non altérées et la mise en filière des gravats, conformément aux obligations de valorisation des déchets de chantier.
Préservation de la mémoire industrielle
Les partenaires publics suivent de près l’identification des éléments à réemployer. Les matériaux extraits sont inventoriés et tracés, pour permettre une seconde vie dans le quartier ou dans des œuvres commandées. Le site Fischer ayant structuré l’identité de Schiltigheim, la restitution mémorielle s’inscrit autant dans l’espace public que dans l’imaginaire local.
Ce que le maître d’ouvrage doit anticiper
La déconstruction d’un élément emblématique active plusieurs obligations techniques et administratives :
- Diagnostics préalables, notamment amiante, plomb et stabilité de la structure.
- Coordination SPS renforcée et information systématique des riverains.
- Avis de l’ABF si l’ouvrage est visible depuis des espaces protégés ou en proximité d’un monument inscrit.
- Plan de gestion des déchets incluant des taux de valorisation et une traçabilité matière.
- Communication publique pour partager les étapes sensibles du chantier.
Mixité urbaine et densité maîtrisée: un quartier complet
Le projet porte sur 56 800 m² de surface de plancher sur 3,5 hectares. La programmation conjugue logements, commerces de proximité et équipements. Cogedim vise un quartier complet, fonctionnant en autonomie relative, tout en s’ouvrant à l’Eurométropole.
Programme et surfaces utiles
La programmation inclut 609 logements, dont une résidence intergénérationnelle destinée à favoriser l’entraide et la mixité des âges. Elle s’étoffe avec une résidence étudiante de 400 places, environ 4 179 m² de commerces et services, un cinéma MK2 et une école Simone Veil dimensionnée pour environ 400 élèves.
Ce compromis densité-qualité se traduit par une offre résidentielle variée et la présence d’équipements publics qui diminuent les déplacements pendulaires. L’effet recherché est une “ville du quart d’heure”, où les besoins essentiels se trouvent à courte distance.
Espaces publics et respiration végétale
10 500 m² d’espaces publics végétalisés sont programmés, soit 40 % de la surface du site. Cheminements doux, placettes et jardins de pluie y structurent une trame paysagère qui accroît la valeur d’usage du quartier et la qualité acoustique. La végétalisation joue un rôle sanitaire et climatique, avec un effet d’îlot de fraîcheur notable en période estivale.
Chiffres clés à retenir pour Schiltigheim
Pour mesurer l’ampleur du renouvellement urbain :
- Surface de plancher totale: 56 800 m².
- Emprise foncière: 3,5 hectares, après une configuration initiale évoquant 4,2 hectares.
- Logements: 609 unités, avec résidence intergénérationnelle.
- Étudiants: 400 places.
- Commerces et services: 4 179 m².
- Espaces publics végétalisés: 10 500 m², soit 40 % du site.
- Équipements culturels et éducatifs: un cinéma MK2 et une école Simone Veil.
Insertion métropolitaine et première livraison
La première tranche a été inaugurée en novembre 2021, marquant l’ancrage opérationnel du projet dans l’Eurométropole de Strasbourg. Cette étape a validé les choix d’aménagement, y compris l’équilibre entre habitat, activités et espaces publics, et a permis une montée en charge des commerces de proximité dans la logique de quartier.
La reconversion prolonge l’identité de Schiltigheim, longtemps présentée comme la “cité des brasseurs”. Les traces matérielles du passé et la programmation culturelle, notamment via le futur cinéma, contribuent à capitaliser sur ce récit urbain renouvelé.
Économie du projet et stratégie de l’opérateur
Filiale du groupe Altarea, Cogedim conduit l’opération dans une conjoncture où la soutenabilité économique des chantiers mixtes devient un enjeu de premier plan. Altarea affiche un chiffre d’affaires de l’ordre de 1,9 milliard d’euros et environ 1 000 salariés, consolidant sa capacité à porter des projets complexes à l’échelle métropolitaine (source: rapports annuels Altarea).
Le modèle de la reconversion industrielle mise sur une séquence en “temps longs”. Les phases de dépollution, de déconstruction et de recyclage matière pèsent en amont sur le plan de financement mais sécurisent la valeur à long terme, en réduisant les aléas techniques ultérieurs et en renforçant l’acceptabilité locale.
Modèle économique: marges, coûts et effets de levier
Les coûts de déconstruction, des diagnostics et de sécurité représentent un poste conséquent. La programmation mixte, combinant logements et commerces, répartit les risques et permet de lisser la trésorerie. Les équipements publics et l’école sont des catalyseurs de valeur, malgré leur rentabilité directe limitée, car ils tirent les prix de sortie résidentiels et le taux d’occupation des commerces.
Le cinéma MK2, de son côté, apporte un flux d’usagers à horaires étendus, stimulant les activités de restauration et les services du quotidien. Pour l’opérateur, il s’agit d’un investissement d’attractivité qui consolide la place du site dans le maillage culturel de la périphérie strasbourgeoise.
La hausse des taux a pesé sur la demande, mais les programmes à forte valeur d’usage résistent mieux. Les réservations profitent de critères objectifs: offre d’équipements, desserte de transports, performance énergétique. Sur un quartier complet, l’étalement des livraisons étale le risque commercial et permet des arbitrages de pricing au fil de l’avancement.
En parallèle, les investisseurs locatifs ciblent des sections spécifiques du programme, notamment l’étudiant et l’intergénérationnel, qui offrent une visibilité relative sur la demande locale.
Phasage et trésorerie: la clé de la résilience
Le passage de l’emprise originelle de 4,2 hectares à un périmètre actif de 3,5 hectares reflète un redécoupage opérationnel et une mise en phasage des investissements. Les livraisons fractionnées limitent l’immobilisation de capital et articulent le financement autour d’étapes franchies: permis purgés, précommercialisation, lancement de travaux puis mise en exploitation des commerces et équipements.
La première tranche, livrée en 2021, a servi de test pour l’attrait du quartier. Les données de fréquentation et de ventes soutiennent la poursuite de l’opération, ce que l’opérateur a présenté comme une étape structurante dans la périphérie strasbourgeoise (source: Zonebourse, 2021).
Cadre réglementaire et exigences de durabilité
L’opération se place sous contraintes réglementaires multiples: urbanisme, patrimoine, environnement et sécurité. La présence de l’ABF et de la DRAC rend le dialogue obligatoire sur les options visuelles et les décisions touchant des éléments identitaires. Le projet se construit ainsi dans une logique de conformité renforcée.
Patrimoine et autorisations: ce que change l’abf
L’avis de l’ABF, lorsqu’il est requis, s’apprécie au regard des covisibilités et des périmètres protégés. En pratique, cela influence la matérialité des façades, la hauteur, la volumétrie et les dispositifs d’intégration paysagère. La DRAC, quant à elle, accompagne la cohérence patrimoniale et culturelle du projet dans la durée.
L’ABF émet des avis sur les permis en périmètres protégés. Concrètement, il veille à l’alignement architectural avec les abords. Son appréciation porte sur la volumétrie, les matériaux, les teintes et les perspectives. L’objectif est d’éviter les ruptures d’échelle et la banalisation des paysages urbains historiques.
Son implication en amont évite des allers-retours coûteux et réduit les risques de contentieux.
Transition énergétique: réseau de chaleur et mobilités
Le projet se connectera au réseau de chaleur urbain, ce qui abaisse le bilan carbone des bâtiments par rapport à des chaudières individuelles. Les parkings sont pré-équipés pour la recharge électrique, favorisant un basculement progressif de l’usage automobile. La combinaison chaleur urbaine et électromobilité s’inscrit dans l’effort national de décarbonation.
Sur le plan environnemental, la gestion des eaux pluviales par techniques alternatives et la place donnée aux sols perméables limitent le ruissellement. La végétalisation des espaces publics complète la lutte contre les surchauffes urbaines.
Points de conformité suivis par les institutions
Le projet mobilise plusieurs jalons administratifs et techniques :
- Permis d’aménager et permis de construire avec observations patrimoniales.
- Diagnostics, traçabilité des déchets de chantier et objectif de valorisation matière.
- Respect des normes de performance énergétique et raccordement au réseau de chaleur lorsque pertinent.
- Accessibilité et sécurité incendie, notamment pour les ERP comme le cinéma et l’école.
- Suivi socio-économique favorisant l’emploi local, en lien avec les dispositifs régionaux.
Paramètres socio-économiques: rôle de la dreets
La DREETS Grand Est œuvre sur les volets emploi, insertion et conditions de travail sur les chantiers et dans les équipements futurs. L’objectif est de consolider l’intégration du projet dans le tissu local, depuis les clauses sociales dans la construction jusqu’aux besoins en compétences pour l’exploitation des commerces et services.
Dans un département dynamique, la demande en logements reste soutenue. La combinaison résidence principale, étudiant et intergénérationnel répond à des segments distincts, réduisant le risque locatif tout en évitant l’hyper-spécialisation d’un seul produit.
Mémoire, création et réemploi: une valeur culturelle et matérielle
Fin septembre 2025, un appel à projet artistique sera ouvert afin de transformer des matériaux issus de la déconstruction en œuvres mémorielles. L’initiative, menée en lien avec la DRAC Grand Est, s’aligne sur les dispositifs régionaux de soutien à la création contemporaine. Ce geste culturel donne une portée durable à la matière extraite du site.
Appel à projet artistique: périmètre et attentes
Les artistes seront invités à intégrer briques, métaux ou fragments de structures aux nouvelles œuvres. Le cahier des charges met l’accent sur la sobriété matérielle, la pérennité et la lisibilité pour le public. Les installations pourront trouver place dans les espaces publics, voire dans les halls d’équipements ouverts au public.
Dans le temps long, ces œuvres nourrissent la pédagogie du lieu. Elles rappellent que le quartier ne naît pas ex nihilo, mais résulte d’un héritage industriel et d’une régénération maîtrisée.
Le réemploi limite l’extraction de matières premières, réduit les coûts de transport et diminue l’empreinte carbone. Les briques anciennes, lorsqu’elles sont intactes, trouvent de nouveaux usages en parements, mobiliers urbains ou œuvres artistiques.
Pour le maître d’ouvrage, le réemploi devient un levier de différenciation. Pour la collectivité, il consolide l’acceptabilité sociale du projet en valorisant l’histoire locale.
Programmation culturelle et attractivité commerciale
Le futur cinéma MK2, adossé à un socle de commerces et restaurants, articule offre culturelle et dynamisme économique. La fréquentation génère des flux réguliers qui profitent aux commerces, et inversement. Cet effet de synergie est utile pour des quartiers en reconversion où il faut ancrer de nouvelles habitudes.
À l’échelle de l’Eurométropole, une telle polarité culturelle en périphérie renforce l’équilibre spatial des activités. Elle complète l’offre du centre de Strasbourg et contribue à des mobilités plus courtes pour les habitants du nord de l’agglomération.
Qui est altarea et que vise cogedim
Altarea, coté à Paris, fédère des activités de promotion et d’actifs urbains. Cogedim, sa filiale, se positionne en maître d’ouvrage sur de grands quartiers à régénérer. Le groupe revendique des références nationales et une capacité à orchestrer des programmations mixtes, couplant résidentiel, commerces et équipements sur des emprises anciennes.
Au-delà des volumes, la stratégie consiste à créer de la valeur d’usage et à en capter une partie par les produits commercialisés et les actifs gérés dans la durée. À Schiltigheim, l’école et le cinéma sont les points d’ancrage de cette valeur, soutenant les prix des logements et la vitalité des rez-de-chaussée commerciaux.
Le rôle des œuvres publiques dans l’immobilier
Dans un quartier neuf, la commande artistique agit comme un marqueur de singularité. Elle offre :
- Une mémoire visuelle, qui ancre le projet dans un récit local.
- Un signal urbain différenciant face à d’autres offres résidentielles.
- Un levier d’appropriation citoyenne des espaces publics.
- Un bénéfice immatériel pour le marketing territorial.
Ce que le quartier fischer change pour l’économie locale
Le calendrier 2025-2026 doit finaliser les dernières étapes opérationnelles. La dynamique de chantiers génère de l’emploi et tire le tissu des PME locales de la construction, de l’ingénierie et des services. La mise en exploitation injecte ensuite une activité durable par les commerces, la programmation culturelle et l’école, qui consolident la valeur foncière environnante.
Pour l’Eurométropole, l’impact se lit en mobilité, en qualité environnementale et en attractivité. En renforçant l’offre de logements durables, le projet répond à une pression démographique et soutient le renouvellement de l’habitat autour du cœur historique strasbourgeois.
Les espaces verts et le raccordement au réseau de chaleur matérialisent un cap bas-carbone. Enfin, l’association d’une résidence étudiante et d’un pôle culturel dynamise la consommation locale, tout en ouvrant des opportunités de premier emploi dans les métiers de service.
La déconstruction de la cheminée, déclenchée pour raisons de sécurité, ne marque pas un effacement du passé. Au contraire, l’appel à projet artistique de fin septembre 2025 transforme la contrainte en ressource.
Le matériau réemployé raconte l’histoire, la création contemporaine l’inscrit dans la ville d’aujourd’hui, et le quartier mixte donne une utilité pérenne au site autrefois industriel. L’ensemble dessine une équation solide: sécurité traitée, patrimoine respecté, économie activée, environnement préservé.
À Schiltigheim, Fischer illustre la manière dont un héritage industriel peut devenir un actif urbain moderne: une opération qui concilie mémoire, performance environnementale et efficacité économique au bénéfice du territoire.