Les RH face à la transformation des emplois : anticiper ou subir ?
Face aux défis technologiques et réglementaires, les RH doivent anticiper la transformation des emplois et des compétences.

Les fonctions Ressources Humaines ont atteint un moment charnière : entre les bouleversements technologiques, l’impératif écologique, et les évolutions réglementaires françaises, elles doivent revoir leurs priorités.
Beaucoup de services RH admettent réagir aux situations, plutôt que de les anticiper. Cette dynamique pose la question cruciale de leur capacité à accompagner, voire à devancer, la transformation rapide des emplois et des compétences.
Des réflexes défensifs face à une révolution des métiers
La montée en puissance de l’intelligence artificielle dans le monde professionnel rebat les cartes : les algorithmes modifient la manière dont les collaborateurs travaillent, suivent leur performance et acquièrent de nouvelles expertises. De surcroît, la transition écologique entraîne l’apparition de métiers orientés vers la sobriété énergétique, la revalorisation des déchets ou encore la logistique verte. En parallèle, le cadre normatif ne cesse de s’intensifier avec, en France, diverses lois incitant les entreprises à revoir leurs politiques RSE, de formation ou de reporting social.
Selon une étude du cabinet PwC, qui a interrogé 93 professionnels RH, plus de la moitié d’entre eux reconnaissent « subir » la transformation des emplois et des compétences. C’est-à-dire qu’ils attendent que le changement survienne pour agir, plutôt que de développer en amont un plan d’action coordonné. Ce constat n’est pas anodin : il a des répercussions sur l’efficacité de la gestion RH, ainsi que sur la compétitivité et l’image de l’entreprise à l’échelle nationale et internationale.
Lorsqu’un service RH attend les premiers signaux de crise pour engager des ajustements, il se retrouve à naviguer en situation d’urgence : recrutement massif en pénurie de talents, refonte précipitée des systèmes d’information, formation “hors-sol” sans réelle pertinence stratégique. Ce retard influence fortement l’ambiance de travail et la réputation de l’entreprise.
Un appui nécessaire de la direction générale
Pour mener à bien des politiques RH ambitieuses, il faut que la direction générale soutienne pleinement les équipes. Or, dans de nombreuses structures françaises, la fonction RH fait face à des injonctions de réduction des coûts qui limitent sa marge de manœuvre. Certains DRH confient consacrer l’essentiel de leur temps à optimiser des processus internes (gestion de la paie, administration du personnel…) afin de dégager des ressources, parfois en personnel, parfois financières.
L’étude PwC révèle par exemple que 70% des responsables RH interrogés fixent comme priorité l’optimisation de leur propre service et de ses outils (SIRH, automatisation, ou encore refonte de l’organisation). Dans un contexte économique tendu, l’adoption d’une stratégie visionnaire de développement des compétences peut alors passer au second plan. Pourtant, retarder l’investissement dans des plans de formation ou des programmes de montée en compétences est un pari risqué à moyen et long terme.
Les arbitrages budgétaires
Les postes budgétaires en RH se concentrent souvent sur des dépenses dites “incompressibles” : salaires, charges sociales, obligations légales, etc. Tout plan de formation ambitieux entre donc en concurrence avec d’autres projets prioritaires (digitalisation, recrutement d'experts, etc.), d’où la difficulté à déployer des actions de longue haleine.
L’histoire d’un défi français : formation et fidélisation
En France, la législation encourage les entreprises à miser sur la formation continue : CPF (Compte Personnel de Formation), Pro-A, CIF pour ne citer que quelques dispositifs. Mais dans la pratique, les DRH peinent parfois à articuler ces dispositifs avec une vision stratégique. Selon PwC, les responsables interrogés estiment que leurs politiques de développement des compétences sont souvent conçues pour combler des urgences ponctuelles, plutôt que pour anticiper l’avenir des métiers.
Pourtant, la formation est un véritable atout de fidélisation. Plusieurs études démontrent que près de 70% des salariés projetant de changer d’employeur citent le manque de perspectives d’évolution comme facteur déterminant. Les entreprises qui investissent dans des parcours de formation sur mesure (soft skills, IA, gestion de projets transverses, etc.) voient généralement un meilleur engagement de leurs équipes et réduisent le turnover.
La GEPP vise à identifier, à moyen et long terme, les compétences requises par l’entreprise pour répondre à ses futurs défis. Elle implique une approche concertée avec les partenaires sociaux et peut prendre la forme d’accords dédiés. En anticipant ainsi l’évolution des métiers, l’organisation prévient les obsolescences de compétences.
Pourquoi les DRH sont-ils parfois en retard dans l’anticipation ?
Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette posture défensive. D’abord, la taille et la complexité de certaines entreprises rendent les arbitrages plus lents. Ensuite, la pression sur la rentabilité, qui s’est accentuée ces dernières années, impose parfois des priorités à court terme. Enfin, l’arrivée d’expertises inédites (analyste de données ESG, spécialiste en IA, responsable de la “green supply chain”) oblige les DRH à repenser leur référentiel de compétences dans l’urgence.
Un consultant cité dans l’étude PwC met en évidence que « dès lors qu’il y a une détection tardive des besoins d’adaptation, la fonction RH se retrouve en retard ». Cette situation crée un cycle de rattrapage permanent : embauches précipitées pour des postes en tension, formations express en “mode pompier”, collaboration minimaliste avec les managers sur le terrain. Au final, la politique RH est peu lisible et perd en cohérence.
Éclairage sur l’évolution réglementaire française
La France impose désormais aux entreprises de nouvelles contraintes sociales et environnementales, de la Loi PACTE à la directive CSRD transposée. Par ailleurs, l’obligation de publier des indices (index de l’égalité professionnelle, indicateurs RSE, etc.) accentue la pression pour démontrer concrètement la progression dans ces domaines. Les RH doivent intégrer ces nouveautés dans leur démarche prospective.
Le virage technologique : un enjeu d’ampleur
Au-delà de la gestion de crise, la technologie est au cœur de la réflexion stratégique des RH. Avec l’émergence de l’IA générative, beaucoup d’entreprises s’interrogent : comment exploiter au mieux ces solutions pour automatiser une partie du processus de recrutement, analyser l’évolution de la performance en temps réel, ou personnaliser la formation ? Chez PwC, on indique que l’IA peut servir à générer des descriptifs de postes et des projets d’évolution interne adaptés au profil de chaque salarié.
D’autres innovations, comme la robotisation administrative (RPA), ont déjà fait leurs preuves. Les responsables RH y voient un moyen de réduire la charge opérationnelle liée par exemple au traitement des fiches de paie ou au suivi des absences. Toutefois, s’équiper ne suffit pas : il faut encore disposer d’équipes capables de configurer, piloter et faire évoluer ces technologies. Or la pénurie de talents sur ces métiers tech se fait sentir sur tout le territoire.
Les “Talent Suites” sont des plateformes logicielles intégrant tout le cycle de gestion RH : recrutement, onboarding, formation, évaluation, mobilité interne. Si certaines grandes entreprises en France sont déjà équipées, d’autres préfèrent encore des solutions plus segmentées, voire développer elles-mêmes des outils sur mesure. Le choix dépend du degré de personnalisation nécessaire et des contraintes budgétaires.
Un rôle stratégique renforcé : 95% des DRH s’y préparent
L’étude PwC relève un chiffre marquant : 95% des responsables RH considèrent désormais que leur fonction est un actif stratégique pour l’entreprise. Loin des seules missions administratives, ils participent à la définition des priorités globales de la société : conquérir de nouveaux marchés, améliorer la diversité et l’inclusion, gagner en compétitivité. La question est de savoir si la gouvernance de l’entreprise leur laisse le champ libre pour s’épanouir dans ce rôle.
Ce statut de “DRH augmenté” nécessite de nouvelles compétences : compréhension fine des business models, capacité à analyser des datas, maîtrise des enjeux d’ESG et de conformité (nouveau cadre CSRD oblige). Ce qui suppose une évolution profonde du profil type du DRH, souvent recruté jusqu’ici pour son expertise juridique et sociale. L’enjeu, pour nombre d’entre eux, est de consolider leur légitimité en tant que partenaires incontournables à la table des dirigeants.
La notion de “DRH augmenté”
Être “augmenté” ne signifie pas perdre le relationnel avec les salariés. Au contraire, les technologies permettent de mieux comprendre les évolutions de compétences et d’anticiper les besoins. Le DRH augmenté doit trouver un équilibre entre le pilotage stratégique et l’accompagnement humain, pour créer une véritable expérience collaborateur porteuse de sens.
Au carrefour de la performance et de la responsabilité sociétale
Les challenges ne se limitent pas à l’intelligence artificielle ou au verdissement des métiers. Les RH doivent gérer des contraintes grandissantes sur la diversité, l’égalité professionnelle, la qualité de vie au travail (QVT), le respect de l’environnement et la responsabilité sociétale. La directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) impose en effet aux entreprises d’intégrer des critères de durabilité dans leurs processus et de rendre compte de leurs progrès.
Dans ce contexte, la fonction RH a un rôle clé de chef d’orchestre : elle doit coordonner les différentes politiques internes (diversité, inclusion, environnement, bien-être, formation, etc.) et s’assurer qu’elles se traduisent concrètement dans le quotidien des salariés. Les enjeux de conformité et d’éthique sont nombreux, nécessitant une veille permanente sur les évolutions législatives françaises et européennes.
La RSE (Responsabilité Sociétale des Entreprises) est une démarche volontaire et globale visant à intégrer les enjeux sociaux, environnementaux et économiques dans l’entreprise. L’ESG (Environnement, Social, Gouvernance) est un ensemble de critères souvent utilisés dans le monde de la finance pour évaluer la durabilité et l’impact sociétal d’une entreprise. Les DRH naviguent entre ces deux approches pour faire valoir leurs actions.
Comment réussir la transformation digitale des RH ?
Numériser la fonction RH ne se résume pas à installer un logiciel. Il s’agit de repenser les workflows, de former les équipes, de protéger les données personnelles et de mesurer la performance à chaque étape du cycle RH. L’automatisation peut grandement aider, qu’il s’agisse de gérer les plannings, d’extraire automatiquement des indicateurs d’absentéisme ou encore de diffuser les bulletins de salaire de manière sécurisée.
Le principal défi reste l’acceptation en interne : certains salariés craignent la perte de liens humains, tandis que d’autres s’inquiètent de l’utilisation de leurs données. Un accompagnement au changement est donc indispensable. Les DRH les plus avancés dans cette transition adoptent une méthodologie agile, basée sur l’expérimentation, la co-construction avec les salariés et la transparence dans la communication des objectifs et des résultats.
Points-clés pour déployer une solution SIRH
1. Définir un cahier des charges réaliste, centré sur les usages réels.
2. Impliquer un comité mixte (RH, informatique, management, représentants du personnel).
3. Prototyper et tester la solution avant le déploiement à grande échelle.
4. Former les équipes à l’interface et développer la “culture data”.
Les coûts cachés d’une mauvaise anticipation
Si les entreprises se contentent de suivre la vague au lieu de préparer l’avenir, elles s’exposent à des risques financiers et organisationnels. Les recrutements en urgence coûtent souvent plus cher, particulièrement pour des postes spécialisés. Les retards sur la mise en place d’actions de formation engendrent parfois un chômage technique, ou un décalage entre le moment où le besoin de compétence est criant et l’instant où les salariés sont effectivement opérationnels.
À cela s’ajoute le risque réputationnel : attirer des talents en pleine pénurie sectorielle devient plus difficile si l’entreprise n’est pas perçue comme innovante ou respectueuse de ses engagements ESG. Enfin, la non-conformité aux réglementations (par exemple, en matière de diversité ou de transparence environnementale) peut exposer la société à des sanctions financières et nuire à ses relations avec les partenaires publics et privés.
Zoom sur la pression budgétaire : où trouver le levier ?
Nombre de responsables RH pointent un décalage entre les ambitions affichées et les moyens alloués. Les arbitrages se font parfois au détriment de projets d’innovation RH. Or, investir dans la Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GEPP) ou dans des programmes de “reskilling/upskilling” peut rapporter gros : réduction du turnover, amélioration de la productivité et facilitation de la mobilité interne.
Une approche intéressante consiste à nouer des partenariats avec des organismes de formation, des écoles ou des start-up spécialisées. Certaines entreprises optent pour la mutualisation de ressources avec des consortiums sectoriels, ce qui leur permet d’organiser des sessions de formation communes et de partager les coûts. L’important est d’avoir une vision claire de la rentabilité à long terme de ces investissements, et pas seulement de raisonner sur le budget de l’année en cours.
Des outils d’analyse avancée au service de la prospective
Les solutions d’analytique RH (People Analytics) se développent rapidement. Elles permettent, grâce à des algorithmes d’apprentissage, de détecter les signaux faibles : turnover imminent d’une population, compétences en voie de pénurie, besoin d’une reconversion interne pour certains salariés, etc. Les informations issues de ces modèles peuvent être croisées avec des données financières et opérationnelles, pour élaborer des scénarios d’évolution du marché.
Certaines entreprises françaises se démarquent ainsi par leur culture de la data : elles organisent régulièrement des formations pour les managers, afin de décrypter ces indicateurs et de mieux piloter leur équipe en conséquence. C’est une dynamique vertueuse, car plus les données sont utilisées, plus elles gagnent en fiabilité et en pertinence. Cependant, cette montée en puissance des données soulève des interrogations éthiques : qu’en est-il de la confidentialité, du consentement, ou de la potentielle discrimination algorithmique ?
Le People Analytics s’attache à mesurer et à analyser des indicateurs spécifiques aux salariés (performance, engagement, absences…). Le Big Data RH va au-delà, en combinant des données internes et externes (réseaux sociaux, statistiques sectorielles) pour mieux prédire les tendances du marché du travail. Dans les deux cas, la vigilance sur l’utilisation responsable des données est cruciale.
Des DRH piégés par une quête de performance à court terme
Un autre enseignement de l’étude PwC réside dans le fait que 70% des DRH estiment que la pression sur les résultats mensuels ou trimestriels éclipse trop souvent les enjeux stratégiques. Les indicateurs de performance (KPIs) imposés par la direction générale sont rarement compatibles avec une vision à trois ou cinq ans. Cette dissonance fait que beaucoup de programmes de transformation sont lancés, puis abandonnés en cours de route, faute de ressources suffisantes.
Il en résulte un climat d’instabilité. Les équipes RH et managériales, démotivées par les coupes budgétaires, peinent à construire des projets durables. Du côté des salariés, ce manque de cohérence nuit à la confiance qu’ils accordent à l’employeur. Pour renverser la vapeur, il est indispensable de concevoir des indicateurs RH plus alignés avec la création de valeur sur le long terme, et de communiquer clairement sur les bénéfices attendus.
Vers une collaboration renforcée entre services
Parfois, l’inertie s’explique par un manque de transversalité. Or, la gestion prévisionnelle des compétences ne peut s’envisager en vase clos : elle implique de collaborer avec les directions opérationnelles, la direction financière et la direction juridique. Par exemple, pour monter un programme de mobilité interne, il faut un alignement avec la stratégie d’entreprise, le plan financier et le droit du travail français (gestion des contrats, réaffectation des postes, etc.).
Dans les entreprises visionnaires, la RH organise régulièrement des ateliers de co-design avec les managers de terrain et d’autres parties prenantes, afin de co-construire la feuille de route. Cette approche pluridisciplinaire permet de mieux identifier les synergies, mais également les freins potentiels. Elle augmente les chances de succès d’un projet en embarquant dès le départ les acteurs clés, notamment ceux qui ont un pouvoir décisionnel sur les budgets.
Des entreprises exemplaires : la France à la croisée des chemins
Si l’étude PwC met en évidence des problématiques de retard et de sous-investissement, certains groupes français font figure de précurseurs. Ils ont mis en place des politiques de flexibilité interne (rotation des postes, mentoring, plateformes de e-learning adaptatives) et des labs d’innovation RH pour prototyper de nouvelles approches. Les résultats se manifestent par une meilleure rétention des talents, une réputation positive sur le marché de l’emploi, et une capacité à aligner la stratégie RH avec la transformation globale de la société.
On constate aussi que dans ces structures, la direction générale comprend l’apport concret des RH dans la compétitivité et soutient activement leurs initiatives. Les équipes RH disposent alors d’outils analytiques et d’un SIRH performant, et elles mènent des analyses prospectives sur la façon dont l’IA générative ou la transition écologique va impacter les compétences requises dans trois à cinq ans.
Les chiffres clés à retenir
Pour illustrer l’étendue de la transformation RH, voici quelques données marquantes :
- 93 DRH interrogés dans l’étude PwC, principalement dans des entreprises de plus de 5000 salariés.
- Plus de la moitié subissent la transformation des emplois (réaction plutôt qu’anticipation).
- 70% d’entre eux se concentrent sur l’optimisation interne (processus, outils) à court terme.
- 95% estiment que la fonction RH est désormais un acteur stratégique.
- Un tiers des processus RH restent manuels, les solutions de digitalisation ne sont pas encore pleinement adoptées.
- Plus de 70% des salariés en veille sur le marché de l’emploi considèrent la montée en compétences comme un critère déterminant pour rester dans leur entreprise.
La place de la formation : un levier sous-exploité ?
Quand on sait que la formation est à la fois un puissant levier de motivation et de fidélisation, on s’étonne de voir tant d’entreprises repousser les grands chantiers de développement des compétences. À long terme, investir dans des programmes de “reskilling” (requalification professionnelle) et “upskilling” (montée en compétences) s’avère payant. Par ailleurs, la formation continue permet d’éviter l’obsolescence rapide de certains métiers, notamment dans le domaine de la data et de la transition écologique.
En France, plusieurs dispositifs existent pour soutenir cet effort : Plan de développement des compétences, CPF, apprentissage, Pro-A… Mais leur mobilisation implique un travail de veille administrative et de mise en place de parcours adaptés. Les DRH doivent donc se montrer créatifs pour intégrer ces aides dans des plans cohérents, sans tomber dans la simple “formation obligatoire” ou la juxtaposition de modules sans fil conducteur.
Stimuler l’innovation managériale
La transformation des compétences ne se limite pas aux savoir-faire techniques. Elle concerne également les soft skills, comme la capacité à travailler en équipe, à innover, à faire preuve d’empathie ou à gérer le stress. Les entreprises qui valorisent ce type de compétences constatent une meilleure agilité dans la réalisation de leurs projets. L’innovation managériale requiert aussi de s’ouvrir à la diversité (générationnelle, culturelle, professionnelle) qui peut être source de créativité.
Dans cette logique, certains DRH lancent des programmes d’intrapreneuriat ou encouragent la participation des salariés à des hackathons internes. Autant d’initiatives qui développent la polyvalence et la capacité d’adaptation, devenues essentielles face à l’évolution des métiers. L’enjeu est de réinventer une culture d’entreprise propice à l’expérimentation, tout en sécurisant l’environnement de travail.
La gestion des risques humains et légaux
La transformation des emplois s’accompagne aussi d’une gestion de risques juridiques : conflit social, requalification de contrats, plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) si certains métiers disparaissent… Les DRH doivent maîtriser ces subtilités, surtout quand l’entreprise décide de se réorienter vers des activités plus vertes ou plus digitalisées, potentiellement en déclinant d’autres pôles historiques.
Au-delà de l’aspect légal, il y a un volet humain qu’il ne faut pas négliger : la résistance au changement. Les salariés dont les métiers évoluent peuvent manifester des craintes, que ce soit la peur de ne pas être à la hauteur technologiquement, ou la perte d’identité professionnelle. Accompagner cette transition par la communication, la formation et l’écoute active est primordial pour éviter des blocages qui nuiraient à la performance globale.
Le verdissement des métiers : une opportunité ?
Dans un pays comme la France, où la transition énergétique est une priorité, de nouveaux postes émergent : chargés de mission en efficacité énergétique, data scientists spécialisés en carbone, ingénieurs en énergies renouvelables. Les DRH peuvent y voir l’opportunité de moderniser leur marque employeur et de donner du sens à leur politique RH. Toutefois, il ne faut pas se contenter de recruter un “responsable RSE” et de cocher la case environnementale.
La transformation vers des emplois plus écologiques s’inscrit dans une logique globale de responsabilité sociétale. Il s’agit d’adapter les compétences internes, d’accompagner la transition de certains métiers existants (maintenance, production, logistique…) vers des pratiques plus propres, et de communiquer sur ces évolutions en interne pour susciter l’adhésion. Les DRH qui prennent ce virage peuvent valoriser cette démarche auprès de candidats sensibles aux enjeux environnementaux.
Retour sur le résumé de l’étude PwC : points saillants
L’étude de PwC souligne la croisée des chemins à laquelle se trouve la fonction RH. Les DRH sont perçus comme des partenaires stratégiques, du fait notamment de leur rôle dans la digitalisation et la maîtrise des risques ESG. Malgré tout, la majorité se concentre sur des chantiers d’optimisation à court terme, freinée par un manque de ressources et la pression budgétaire.
Les technologies comme l’IA générative ou l’automatisation se situent parmi les priorités, mais leur déploiement se heurte à une pénurie de compétences internes et à un scepticisme persistant. Parallèlement, la réglementation (directive CSRD notamment) et les évolutions sociétales (diversité, inclusion, verdissement des métiers) poussent à revoir en profondeur la façon de recruter, de former et de manager.
Quelles clés pour une approche vraiment proactive ?
Pour éviter de “subir” la transformation, les spécialistes RH recommandent quelques principes d’action :
- Établir une feuille de route pluriannuelle : clarifier les grands objectifs (compétences stratégiques à développer, intégration de l’IA, plans de mobilité, etc.) et les étapes de réalisation.
- Renforcer le pilotage budgétaire : défendre auprès de la direction générale l’idée qu’investir en RH est un facteur de performance future, à l’aide d’indicateurs mesurant l’impact de la formation ou de la digitalisation.
- Casser les silos : impliquer les différentes directions et départements pour co-construire des solutions partagées. Les DRH seuls ne peuvent porter la transformation.
- Accompagner les salariés : communication transparente, diagnostic de compétences, parcours de formation individualisés et valorisation des réussites.
- Évaluer en continu : mettre en place des baromètres internes et ajuster la stratégie au fil de l’eau, plutôt que de planifier à outrance et de ne pas se remettre en question.
Regard prospectif : l’impact de l’IA sur l’organisation du travail
L’IA générative, si elle se démocratise, pourrait transformer la manière de travailler de nombreuses catégories de personnel : assistants virtuels pour automatiser la rédaction de comptes rendus, algorithmes pour détecter des opportunités de mobilité interne, ou encore solutions de e-coaching pour guider la progression des collaborateurs. Cette mutation implique de repenser l’organisation du travail, notamment en redistribuant les tâches à plus forte valeur ajoutée vers l’humain.
Les DRH qui parviennent à anticiper cette vague technologique auront un avantage concurrentiel : ils pourront adapter leurs modes de recrutement et de formation, tout en sensibilisant les managers à l’éthique et à la fiabilité de ces nouvelles solutions. Les entreprises, elles, devront veiller à ce que l’IA reste un soutien et non un substitut intégral à la relation humaine.
Pour aller plus loin : l’enjeu de la co-construction avec les partenaires sociaux
En France, la négociation collective occupe une place importante. Les représentants du personnel sont souvent parties prenantes des grandes orientations en matière de formation ou de mobilité professionnelle. En impliquant ces acteurs le plus tôt possible, la fonction RH peut gagner en légitimité et instaurer un climat de confiance qui facilitera les changements structurels à venir.
Certains accords d’entreprise intègrent désormais un volet spécifique à la transformation des emplois, prévoyant des dispositifs de transition professionnelle ou des “observatoires” internes pour scruter les mutations sectorielles. Cette démarche permet de rassurer les salariés, d’anticiper les besoins et de travailler conjointement sur des plans de reconversion si certains métiers disparaissent ou se transforment trop radicalement.
Comment mesurer l’impact réel des politiques RH ?
L’évaluation est souvent le parent pauvre : après avoir lancé un énième projet de digitalisation ou de formation, de nombreuses entreprises peinent à en mesurer les retombées concrètes. Pourtant, il existe des méthodes pour quantifier l’impact : indicateurs de performance RH (taux de mobilité interne, évolution de la satisfaction, progression du chiffre d’affaires en lien avec les évolutions de compétences…), enquêtes internes, retours d’expérience sur les programmes pilotes, etc.
Pour aller plus loin, certaines DRH croisent ces indicateurs avec le reporting ESG afin de valoriser l’impact sociétal et environnemental de leurs politiques. Par exemple, un programme visant à diminuer l’empreinte carbone de la flotte automobile de l’entreprise peut être corrélé à l’adaptation des compétences logistiques et à la mise en place de formations spécifiques à la conduite éco-responsable.
Des horizons plus ouverts pour les DRH
La situation actuelle est exigeante, mais elle révèle aussi un potentiel de transformation passionnant pour la fonction RH. Entre digitalisation, verdissement, nouvelles réglementations et attentes croissantes des salariés, les DRH se voient confier un rôle inédit : celui d’artisans de la cohésion, de l’anticipation et de l’innovation sociale.
Les acteurs qui sauront tirer parti de ce moment charnière, en obtenant le soutien de leur direction générale et en impliquant l’ensemble de l’écosystème (managers, salariés, partenaires sociaux, instances légales, consultants externes…), seront en mesure de transformer l’entreprise de l’intérieur. D’ici quelques années, la frontière sera sans doute nette entre les organisations qui se seront donné les moyens d’évoluer, et celles qui resteront à la traîne face aux ruptures technologiques et écologiques.
Au final, ces enjeux RH illustrent à quel point l’anticipation et la gestion des compétences sont des leviers de performance et de pérennité pour les entreprises françaises d’aujourd’hui et de demain.