Le groupe Servier a décidé de suspendre la vente de sa filiale Biogaran, spécialisée dans les médicaments génériques. Cette annonce, faite le 6 septembre, a surpris de nombreux acteurs du secteur. Servier a justifié sa décision par des offres jugées insuffisantes et par un climat politique incertain. Cette situation soulève des questions sur l'avenir de Biogaran et de l'industrie pharmaceutique en France.

Une décision inattendue

Le groupe Servier a confirmé, dans un e-mail adressé à ses collaborateurs, qu'il renonce à la vente de Biogaran pour le moment. Cette décision a été annoncée le 6 septembre et a pris de court de nombreux observateurs du marché. Servier a expliqué que les propositions reçues ne répondaient pas aux attentes en matière de création de valeur pour l'entreprise, ses employés, et le secteur industriel français et européen.

Critères de vente non satisfaits

Dans son message, Servier a souligné que les offres n'étaient pas à la hauteur des critères fixés. Bien que certaines propositions aient dépassé le milliard d'euros, le groupe a estimé qu'elles ne garantissaient pas un avenir favorable pour Biogaran. Les incertitudes politiques et réglementaires ont également été citées comme des facteurs ayant influencé cette décision.

Les prétendants à la reprise

Malgré l'abandon de la vente, plusieurs groupes avaient manifesté un intérêt pour Biogaran. Parmi eux, le groupe indien Aurobindo, qui a réalisé 3,2 milliards d'euros de ventes en 2023, était considéré comme un candidat sérieux. Aurobindo est présent en France depuis l'acquisition d'Arrow en 2014 et emploie 250 personnes sur le territoire. Ce groupe a maintenu une part significative de ses approvisionnements en Europe, avec 40 % de ses fournisseurs basés en France.

Autres offres examinées

D'autres propositions ont par ailleurs été étudiées, notamment celle du fonds d'investissement britannique BC Partners, en partenariat avec Bpifrance. Bien que BC Partners ne soit pas un acteur du secteur pharmaceutique, il a une solide expérience dans le domaine. En 2021, le fonds a cédé le génériqueur grec Pharmathen et a récemment vendu le sous-traitant allemand Aenova, dont le chiffre d'affaires a doublé sous sa direction.

Un autre prétendant indien, Torrent Pharmaceuticals, était également en lice. Cependant, aucune des offres n'a satisfait l'ensemble des critères établis par Servier, ce qui a conduit à la décision de ne pas poursuivre la vente.

Implications politiques de la vente

La potentielle vente de Biogaran avait suscité des inquiétudes parmi les employés et le grand public. Une pétition intitulée "Pour le maintien du médicament générique fabriqué en France" a été lancée en juillet sur Change.org et a recueilli plus de 33 000 signatures au 6 septembre. En pleine campagne électorale, ce dossier est devenu un sujet de controverse, attirant l'attention des responsables politiques.

Roland Lescure, ministre démissionnaire de l'Industrie, avait même averti que si un investisseur étranger souhaitait acquérir Biogaran, le gouvernement se réservait le droit d'activer la procédure des investissements étrangers en France. Cette déclaration a probablement refroidi les ardeurs des potentiels acheteurs.

Le statut particulier de Biogaran

Biogaran occupe une position unique sur le marché français des médicaments génériques, avec plus de 30 % de parts de marché. Fondée en 1996, la filiale propose près de 1000 références et vend plus de 300 millions de boîtes de médicaments chaque année. En 2022-2023, l'ensemble des médicaments génériques de Servier a généré un chiffre d'affaires de 1,29 milliard d'euros, en hausse de 8,8 % par rapport à l'année précédente.

Bien que Servier ne divulgue pas les chiffres de vente par filiale, il est estimé que Biogaran réalise environ 750 millions d'euros de chiffre d'affaires par an. La production de ses médicaments est majoritairement réalisée en France (51 %) et en Europe (90 %). Biogaran collabore avec 39 sous-traitants répartis sur le territoire français, bien que les détails sur ces partenaires ne soient pas précisés. Approximativement 8600 emplois en France sont liés à la production de Biogaran, principalement en sous-traitance, tandis que le laboratoire ne compte qu'environ 240 salariés directs.

Perspectives de développement pour Biogaran

Malgré l'abandon de la vente, Servier reste optimiste quant à l'avenir de Biogaran. Le groupe a affirmé qu'il y avait encore un potentiel de développement pour cette division. Servier vise un chiffre d'affaires de 2 milliards d'euros pour Biogaran d'ici 2030, en s'appuyant sur une stratégie de croissance organique.

Le laboratoire a également précisé que l'arrêt du processus de vente n'affecte pas sa stratégie 2030. Ce plan ambitieux prévoit un chiffre d'affaires de 6 milliards d'euros dès 2025 et 8 milliards d'euros en 2030, essentiellement grâce à sa franchise oncologique. Servier a déjà atteint son objectif de 1 milliard d'euros de ventes pour ses médicaments innovants en 2023, avec un chiffre de 1,07 milliard, et vise 3 milliards d'euros d'ici à 2030.

Investissements et acquisitions passées

Depuis 2018, Servier a réalisé plusieurs acquisitions majeures, notamment au Danemark et aux États-Unis, ainsi que des investissements dans le secteur des biomédicaments. Actuellement, le laboratoire dispose de 7 médicaments sur le marché pour traiter les tumeurs solides et les maladies hématologiques. Par ailleurs, 36 programmes sont en développement clinique, dont 20 en oncologie, ainsi que des projets dans les maladies auto-immunes et neurodégénératives.