Les dangers de la dégradation de la santé des dirigeants
Découvrez comment la santé des dirigeants influence la performance des entreprises en 2025. Des approches pour prévenir les risques sont essentielles.

85 % en Hauts-de-France, 8 dirigeants sur 10 dans le Grand Est. Les signaux de dégradation de la santé des patrons de TPE, PME et ETI se multiplient, avec un impact direct sur la performance. Ce n’est plus une question périphérique, mais un déterminant stratégique qui touche la compétitivité, la qualité des décisions et la cohésion sociale des entreprises.
Un risque managérial devenu systémique, confirmé par les terrains régionaux
La pression économique, l’inflation et les tensions géopolitiques nourrissent une charge mentale et physique record chez les dirigeants. Les enquêtes régionales publiées fin été 2025 convergent sur un point clé : la santé des leaders d’entreprises s’érode rapidement, avec un effet de ruissellement sur l’ensemble des organisations.
Trois faits marquants ressortent des derniers relevés, relayés par des médias économiques régionaux à partir du baromètre 2025 de la Fondation MMA des Entrepreneurs du Futur et de Bpifrance Le Lab :
- Grand Est : huit dirigeants sur dix témoignent d’une dégradation simultanée de leur santé physique et psychologique, avec des conséquences sur leur capacité de décision et d’anticipation.
- Hauts-de-France : 85 % des répondants déclarent des troubles physiques persistants, un taux supérieur à la moyenne nationale et révélateur d’un essoufflement organisationnel.
- Nouvelle-Aquitaine : la dégradation est qualifiée de forte, avec un poids croissant des troubles psychologiques dans la gouvernance des PME.
Ces constats sont cohérents avec les alertes déjà émises sur les risques psychosociaux des dirigeants. Ils pointent un enjeu macroéconomique : la France compte environ 4,5 millions d’entreprises, majoritairement des petites et moyennes structures, et les PME concentrent près de la moitié de l’emploi salarié du pays (INSEE). Quand le dirigeant vacille, la chaîne de valeur entière s’expose.
Repères régionaux sur la santé des dirigeants
Grand Est : dégradation conjointe physique et psychique très répandue. Hauts-de-France : troubles physiques à un niveau record, avec des répercussions opérationnelles. Nouvelle-Aquitaine : troubles psychologiques en hausse, altérant la cohésion des équipes. Ces enseignements sont issus de publications régionales appuyées sur le baromètre 2025.
Quand la santé du dirigeant influe sur les comptes : productivité, turnover et coût du risque
Le lien entre l’état de santé du dirigeant et la valeur créée n’est plus une hypothèse. Il se lit dans les résultats et les signaux de gestion :
- Productivité : un dirigeant en forme soutient une cadence de décision plus fluide, arbitre mieux les priorités et évite l’empilement de projets. Les effets se mesurent en réduction des cycles de décision et en qualité d’exécution.
- Turnover et engagement : dans les PME où le leader affiche un stress chronique, la démotivation des équipes grimpe. A l’inverse, un dirigeant qui fixe des limites claires et incarne un rythme soutenable installe un climat de confiance, stabilise les talents et réduit les coûts de remplacement.
- Coût du risque : l’épuisement de la gouvernance augmente la probabilité d’erreurs stratégiques, de décisions tardives et de dérives opérationnelles. La littérature de prévention des risques l’illustre : le stress managérial se diffuse et peut majorer les arrêts maladie et incidents de qualité.
Au-delà des considérations humaines, le sujet devient financier. Le cumul des micro-décisions affectées par la fatigue cognitive pèse sur la marge opérationnelle. Les retards logistiques, arbitrages d’investissement mal calés, recrutements précipités et pilotage budgétaire fragmenté entraînent des pertes parfois invisibles ligne par ligne, mais significatives en agrégé.
La fatigue décisionnelle fragilise les arbitrages à forte incertitude. Les dirigeants épuisés s’appuient davantage sur des heuristiques ou sur la répétition des choix passés. Résultat : une sous-exploration des options, une moindre adaptation aux signaux faibles et une hausse des coûts cachés, du stock excédentaire aux budgets marketing peu performants. Formaliser un cadre décisionnel et déléguer la préparation analytique réduisent ces biais.
Autre effet mesurable : l’impact culturel. Un leader qui priorise sa santé installe un référentiel d’équilibre, d’où émergent des pratiques de travail mieux régulées, des rituels d’équipe sobres et une attention accrue aux fondamentaux de pilotage.
La qualité du leadership stabilise les organisations et accélère l’exécution des plans d’action. A l’échelle sectorielle, cet effet culturel nourrit la compétitivité par l’innovation, la qualité relation client et la maîtrise des coûts.
Leadership sain, culture d’entreprise robuste : effets de levier sur l’innovation et la qualité
Le dirigeant est un multiplicateur. Sa santé physique et mentale détermine sa capacité à incarner un cap, absorber l’incertitude et maintenir l’alignement interne. Cette énergie diffuse crée un avantage de cohésion qui se reflète dans trois dimensions clés :
- Innovation pragmatique : disponibilité cognitive pour écouter le terrain, tester, itérer. Les PME qui structurent des temps de réflexion pour le dirigeant limitent la réaction à chaud et favorisent des cycles de test plus courts.
- Qualité relationnelle : un leader serein déverrouille les tensions avec clients, financeurs et fournisseurs. Cela fluidifie la trésorerie et réduit les litiges.
- Clarté des priorités : une articulation lucide des objectifs réduit la dispersion et augmente l’efficacité marginale du capital investi.
Cette dynamique se vérifie dans les territoires en tension. Là où la santé des dirigeants se dégrade, les indicateurs de performance reculent, notamment la capacité des PME à tenir les délais, à conserver leurs collaborateurs expérimentés et à sécuriser les marges. A l’inverse, les bassins dotés de dispositifs de prévention mieux ancrés et d’outils de santé au travail plus accessibles montrent davantage de résilience, même à chiffre d’affaires égal.
Repères organisationnels pour un leadership durable
La santé du dirigeant n’est pas seulement une affaire personnelle. Elle se conçoit comme un système à trois étages :
- Individuel : hygiène de vie, repos, garde-fous sur l’agenda, bilans de santé et supervision externe.
- Équipe de direction : partage de charge décisionnelle, rituels de pilotage clairs, préparation analytique déléguée.
- Gouvernance : conseil d’administration ou comité stratégique en soutien, suivi d’indicateurs de charge, clause de délégation en cas d’indisponibilité du dirigeant.
Point juridique éclairant
Le Code du travail impose à l’employeur une obligation de sécurité à l’égard des salariés, incluant la prévention des risques psychosociaux. Le dirigeant n’est pas toujours salarié de sa propre structure, mais il demeure garant du document unique d’évaluation des risques professionnels et de la prévention des RPS. Intégrer la santé du dirigeant au dispositif interne renforce la cohérence globale et la conformité.
Encadrement légal et bonnes pratiques de gouvernance pour limiter les risques
Le socle réglementaire français incite déjà à une approche plus mature. Plusieurs dispositifs peuvent encadrer et professionnaliser la prévention au sommet de l’entreprise.
Cadre légal et conformité utile
- DUERP et plan d’action associés : il structure la prévention et permet d’y intégrer explicitement l’exposition du dirigeant à la charge mentale et aux horaires atypiques.
- RPS au sein du CSE pour les entreprises concernées : la santé de la gouvernance influence l’organisation du travail. Un dialogue social outillé permet de traiter les facteurs organisationnels.
- Droit à la déconnexion quand applicable : formaliser des règles sur la communication hors horaires stabilise la charge et réduit la contagion du stress.
Gouvernance et contrôle interne appliqués au capital santé
- Calendrier de délégation pour décisions non critiques, afin d’éviter l’embolie managériale.
- Comité de pilotage RH dédié aux sujets de charge et de disponibilité du dirigeant pendant les périodes sensibles, par exemple lors d’une levée de fonds ou d’un M&A.
- Reporting au conseil sur quelques indicateurs simples : nombre d’heures stratégiques réservées à la réflexion, périodes d’indisponibilité, recours à des ressources externes.
Pas nécessairement. Un gérant majoritaire en TNS n’est pas salarié au sens du Code du travail. Il n’en demeure pas moins que sa santé est une variable de risque pour l’entreprise. Les bonnes pratiques consistent à inscrire des garde-fous dans la gouvernance, à souscrire des couvertures adaptées et à articuler la prévention via le DUERP et le dialogue avec le service de prévention et de santé au travail.
Investir dans la santé du dirigeant : retours tangibles et leviers concrets
Considérer la santé du dirigeant comme un actif immatériel change le pilotage. Les retours attendus se matérialisent rapidement, souvent sur moins de 12 mois, par des gains de qualité et de réactivité. Plusieurs leviers s’offrent aux PME et ETI.
Assurances, bilans et accompagnements ciblés
- Bilans médicaux préventifs structurés, avec suivi spécialisé selon les facteurs de risque individuels. Le coût est limité au regard de l’impact sur la prise de décision.
- Supervision par coach ou psychologue du travail pour traiter charge mentale et régulation émotionnelle. Utile lors de phases de transformation, restructuration ou hyper-croissance.
- Prévoyance et garantie homme clé afin de sécuriser la continuité d’exploitation en cas d’indisponibilité, et discuter les clauses de remplacement temporaire avec la banque et l’assureur.
Intégrer la santé au plan stratégique et au budget
- Inscrire des objectifs de capacité managériale soutenable dans le plan à trois ans, avec indicateurs simples et partagés.
- Budgéter des périodes d’indisponibilité prévisibles du dirigeant, afin d’éviter la concentration des décisions critiques sur des créneaux intenable.
- Formaliser une carte des décisions délégables et non délégables, revue trimestriellement.
Checklist de due diligence santé du dirigeant pour le conseil
- Le dirigeant dispose-t-il d’un dispositif de relais opérationnel documenté et testé
- Existe-t-il un suivi d’indicateurs de charge et de disponibilité intégrés au reporting
- Le DUERP intègre-t-il des facteurs liés à la gouvernance et aux RPS
- Des couvertures homme clé et prévoyance sont-elles en place et alignées avec les risques réels
- Le calendrier stratégique prévoit-il des fenêtres de récupération hors pics d’activité
Disparités territoriales et ressources d’appui à mobiliser sans tarder
Les écarts régionaux observés en 2025 éclairent une réalité managériale : la prévention fonctionne quand elle est accessible, contextualisée et portée par les réseaux locaux. Plusieurs ressources peuvent être activées sans architecture lourde.
Activer l’écosystème de prévention
- Services de prévention et de santé au travail : premier point d’entrée, y compris pour sensibiliser les dirigeants et calibrer les actions sur mesure.
- Réseau Anact-Aract : appui méthodologique pour intégrer les facteurs organisationnels et prévenir la charge excessive sur la gouvernance.
- INRS : référentiels et outils pour structurer une démarche de prévention, y compris sur le stress et le burnout du management.
- Réseaux patronaux et clusters : pairs, groupes de parole, retours d’expérience sectoriels.
Régions sous tension et réponses de terrain
En Hauts-de-France, où la proportion de dirigeants rapportant des troubles physiques est particulièrement élevée, la diffusion de solutions de prévention rapides s’avère décisive. Dans le Grand Est, la priorité consiste à sécuriser la capacité de décision, à travers la délégation outillée et la planification des pics d’activité.
En Nouvelle-Aquitaine, la montée des troubles psychologiques implique un renforcement de l’accompagnement psychologique et des rituels managériaux protecteurs. Ces réponses ciblées s’alignent avec les constats publiés à l’été 2025 sur la santé des dirigeants (baromètre 2025).
Diffuser des formations courtes sur la charge mentale, externaliser la préparation des décisions clés, négocier des tarifs groupés via les réseaux patronaux, intégrer le coaching dans les enveloppes de transformation et mobiliser le crédit d’impôt pour la formation du dirigeant sont des options pragmatiques. Le retour sur investissement se matérialise par un pilotage plus fluide, une baisse du turnover et des arbitrages plus justes.
Mesurer pour agir : indicateurs simples et pilotage managérial
Ce qui ne se mesure pas s’érode. Quelques indicateurs frugaux permettent d’ancrer la santé du dirigeant dans la routine de pilotage, sans techniciser à l’excès.
Indicateurs de capacité et d’alignement
- Temps stratégique hebdomadaire réservé et réellement tenu, hors urgence.
- Taux de décisions déléguées sur un périmètre défini, comparé à l’objectif trimestriel.
- Qualité perçue des arbitrages par le comité de direction, via une mesure simple et récurrente.
- Périodes d’indisponibilité planifiées et respectées, pour éviter l’usure continue.
Garde-fous opérationnels en période de tension
- Limiter le nombre de projets simultanés sous responsabilité directe du dirigeant.
- Mettre en place des checklists de décision pour les dossiers à enjeux, afin de stabiliser la qualité malgré la fatigue.
- Réunir un comité ad hoc de trois pairs extérieurs pour challenger les décisions structurantes, avec un calendrier connu à l’avance.
Pourquoi ces indicateurs restent sobres
La tentation d’usine à gaz est forte. Or la santé du dirigeant se pilote mieux par routines légères, focalisées sur le temps de réflexion, la délégation et les fenêtres de récupération. L’objectif est d’éviter la complexité supplémentaire, pas de la créer.
Lectures croisées des chiffres et portée macroéconomique
Les données 2025 qui remontent des territoires donnent de la granularité à un constat plus large. La structure du tissu productif français, très largement alimentée par les PME, fait de la santé du dirigeant un paramètre macroéconomique, pas seulement managérial. L’effet cumulé de milliers d’arbitrages prudents ou approximatifs se lit à l’échelle d’une filière, parfois d’une région.
Trois enseignements se dégagent côté économie d’entreprise :
- La continuité d’exploitation dépend moins de la seule trésorerie que de la capacité de décision soutenable au sommet. Un dirigeant épuisé génère des frictions qui usent le cash et détériorent la qualité client.
- La performance est indissociable de la prévention : sans garde-fous, la variabilité s’accroît et les coûts de non-qualité dérapent.
- L’attractivité territoriale tient aussi à la santé de la gouvernance
Sur le plan financier, considérer la santé du dirigeant comme une assurance de valeur permet de raisonner en termes de coût de risque évité, d’amélioration du taux de transformation et de fiabilisation des investissements. Le sujet dépasse la seule protection individuelle pour entrer dans le cœur du pilotage de performance.
Intégrer la santé du dirigeant dans la relation bancassurance et investisseurs
Les partenaires financiers regardent la robustesse du management. Démontrer un dispositif de prévention, une délégation claire et des indicateurs de charge améliore la crédibilité du dossier, surtout en période de renégociation bancaire ou de levée de fonds. Côté assurance, ajuster la garantie homme clé et la prévoyance au profil réel d’exposition sécurise la continuité d’activité et éclaire la tarification.
Cap stratégique à assumer : faire de la santé du dirigeant un actif de compétitivité
Au vu des signaux publiés à l’été 2025, la santé des dirigeants n’est pas un supplément d’âme. C’est un actif de compétitivité qui impacte l’exécution, la qualité et la résilience.
Les territoires où la prévention est plus accessible en mesurent déjà les bénéfices en matière de stabilité opérationnelle. Les PME, qui emploient près d’un salarié sur deux en France, ont tout intérêt à internaliser ce pilotage au même titre que la trésorerie ou la cybersécurité (INSEE).
Le mouvement est amorcé, soutenu par les baromètres et par la montée en puissance des dispositifs de prévention. Reste à transformer l’essai : inscrire la santé du dirigeant dans la stratégie, la gouvernance et le budget, sans complexité inutile, avec des indicateurs concrets et des relais de décision fiables. La compétitivité s’y joue aussi, très directement.
Prendre soin du cap, c’est d’abord prendre soin de celui qui le tient.