La récente flambée des tensions commerciales et l’adoption, depuis le 2 avril 2025, d’une politique protectionniste aux États-Unis surnommée Liberation Day entraînent un bouleversement important des marchés financiers internationaux.

Selon Reuters, certains produits en provenance de l’Union européenne pourraient désormais être taxés par l’administration américaine à hauteur de 20%.

Dans ce climat incertain, les analystes et gérants de fonds réévaluent leurs stratégies, notamment en se tournant vers les petites et moyennes capitalisations (small et mid caps) en Europe. Cet article décrypte les dynamiques sous-jacentes, leur impact sur les marchés et les perspectives à moyen terme.

Un environnement macroéconomique sous haute pression

L’année 2025 a démarré avec des tensions grandissantes contre lesquelles les entreprises européennes tentent de se prémunir. En effet, la mondialisation des échanges est fragilisée par des barrières douanières nouvelle génération, adoptées après l’annonce de la politique commerciale américaine Liberation Day. L’objectif affiché par Washington est de rééquilibrer la balance commerciale vis-à-vis de l’Europe, ce qui se traduit par des taxes plus élevées sur plusieurs secteurs clés tels que l’automobile, l’agroalimentaire et même certains produits de luxe.

Parallèlement, la monnaie unique s’est renforcée en 2025. D’après les données de la Banque centrale européenne, l’euro est passé d’environ 1,03 dollar en janvier 2025 à 1,15 dollar au 26 juillet de la même année, soit une appréciation de 12%. Les géants exportateurs du CAC 40 et du DAX, dépendants des marchés extérieurs, subissent un double effet négatif : une hausse des droits de douane et une baisse relative de leur compétitivité prix due à l’euro fort.

Dans ce contexte, les petites et moyennes capitalisations boursières apparaissent comme un refuge pour les investisseurs. Selon Bloomberg, les indices STOXX Europe Small 200 et STOXX Europe Mid 200 ont grimpé respectivement de 9% et 11% depuis le début de l’année, contre 7% seulement pour les grandes capitalisations de l’indice STOXX Europe 600 Large Cap. Cette surperformance témoigne d’un renversement de tendance où les plus modestes structures, plus focalisées sur leur marché domestique et moins exposées aux échanges internationaux, sont plébiscitées.

Le Liberation Day fait référence à une mesure décidée par l’administration Trump transformant la fiscalité des importations. Son but officiel est la protection de l’industrie américaine, mais il suscite de vives réactions, surtout de la part de l’Union européenne. Les échanges transatlantiques, longtemps facilités par des accords commerciaux, se retrouvent sous tension en raison de possibles mesures de rétorsion.

Comment les small et mid caps tirent leur épingle du jeu

Pour les analystes financiers, l’attrait grandissant pour les petites et moyennes capitalisations n’est pas un hasard. Plusieurs facteurs expliquent cet engouement : l’orientation locale des revenus, des conditions de financement plus favorables et une moindre volatilité liée aux risques internationaux. Par ailleurs, les gouvernements européens renforcent souvent leurs politiques de soutien en faveur de ce tissu d’entreprises dynamiques.

Selon la banque d’investissement Morgan Stanley, environ 65% du chiffre d’affaires des small caps européennes sont réalisés à l’intérieur de l’Union européenne, réduisant de fait la dépendance aux accords commerciaux extra-européens. Cette réalité se traduit, en 2025, par une meilleure résistance à la fois aux fluctuations du dollar et aux politiques tarifaires adoptées par les États-Unis. Par conséquent, les petits acteurs, souvent spécifiques à un marché national ou régional, semblent moins vulnérables que leurs homologues du CAC 40 ou du DAX.

Un regain d’intérêt visible dans les flux d’investissement

Morningstar rapporte qu’au 26 juillet 2025, les fonds orientés small et mid caps en Europe ont enregistré dix semaines consécutives d’entrées nettes de capitaux, un rythme inégalé depuis 2021. Cette tendance illustre l’appétit des investisseurs pour des entreprises de taille moyenne, jugées plus agiles et moins sujettes aux turbulences géopolitiques.

Au-delà de leur exposition limitée aux droits de douane et aux fluctuations monétaires, ces capitalisations boursières profitent également de la politique d’assouplissement monétaire de la BCE. En juin 2025, celle-ci a abaissé ses taux directeurs de 25 points de base, portant le taux de dépôt à 3,25%. Certains experts, comme ceux de Deutsche Bank, n’excluent pas un nouvel ajustement à l’automne, offrant ainsi de meilleures conditions pour emprunter et financer des projets de croissance, en particulier pour des PME en phase d’expansion.

La Banque centrale européenne demeure au centre des décisions qui influencent l’accès au crédit des entreprises. Avec la multiplication des tensions commerciales, la BCE cherche à maintenir un environnement favorable, notamment pour les PME, pointées comme moteur de l’innovation et de l’emploi en Europe. Le Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) surveille toutefois la montée de l’endettement pour éviter toute surchauffe.

Exemples emblématiques de réussites régionales

Exemple avec Trigano

Le fabricant français de camping-cars, Trigano, illustre remarquablement la capacité d’une société régionale à échapper aux secousses du commerce mondial. Présente essentiellement sur des marchés de l’Union européenne comme la France, l’Allemagne ou l’Italie, l’entreprise réalise près de 70% de ses recettes en Europe. Les augmentations de droits de douane américaines impactent donc peu son activité.

Selon Euronext, la valeur boursière de Trigano a gagné 12% en 2025, portée par l’essor des loisirs domestiques et le pouvoir d’achat soutenu d’une clientèle européenne. Cet exemple signale aux investisseurs la pertinence d’intégrer des titres à moins forte visibilité internationale mais jouissant d’un marché stable pour leurs produits ou services.

Exemple avec Gerresheimer

En Allemagne, Gerresheimer incarne un autre succès notable parmi les mid caps. Spécialisée dans l’emballage médical et les dispositifs pharmaceutiques, l’entreprise dessert principalement une clientèle européenne, dont la demande reste robuste malgré le renchérissement de la monnaie unique sur les marchés externes.

Cotée sur le MDAX, Gerresheimer a constaté une hausse de 8% de ses commandes sur le premier semestre 2025, soit une performance supérieure aux prévisions initiales. Le titre a progressé de 15% depuis janvier, reflétant la confiance des investisseurs et l’intérêt que suscitent les secteurs défensifs en période d’incertitudes mondiales.

Zoom sur la Mittelstand allemande

Le gouvernement de Berlin a présenté en mai 2025 un plan de relance de 10 milliards d’euros afin d’encourager l’innovation et la digitalisation de ses PME. Des incitations fiscales et des aides ciblées dopent la compétitivité de ce tissu entrepreneurial, jouant un rôle significatif dans la solidité globale de l’économie allemande.

Exemple avec Soitec

L’une des étoiles montantes de l’industrie des semi-conducteurs, Soitec, démontre également la force des mid caps dans le domaine technologique. Cotée à Paris, cette société innove autour des substrats destinés aux applications 5G et à l’intelligence artificielle. Très tournée vers l’Europe, elle reçoit des subventions pour sa recherche et développement, profitant d’un écosystème favorable à la high-tech en France.

Alors que des géants comme Airbus ou Renault subissent lourdement l’orientation protectionniste américaine, Soitec est partiellement épargnée. Les gérants de portefeuille saluent sa dynamique d’expansion : selon les données officielles de la Bourse de Paris, le cours de Soitec a progressé d’environ 14% depuis le début de l’année 2025, notamment grâce à l’euphorie autour de la transformation numérique en Europe.

Exemple avec Valneva

La biotech française Valneva s’est imposée sur la scène européenne des vaccins et de la recherche biomédicale. Alors que de grandes entreprises pharmaceutiques comme Sanofi subissent des contraintes réglementaires et des variations de changes plus fortes, Valneva tire l’essentiel de ses revenus du marché européen, à l’abri des fluctuations dollars-euros. L’entreprise a d’ailleurs vu son cours grimper de 18% depuis janvier 2025, d’après Euronext.

En parallèle, le soutien de la Banque européenne d’investissement (BEI) et l’intérêt des autorités sanitaires locales pour les solutions innovantes ont consolidé la position de Valneva. Dans une période où le protectionnisme américain inquiète, miser sur la recherche domestique demeure, pour de nombreux investisseurs, une stratégie rassurante.

Politiques publiques et financements : un atout décisif

Dans une zone euro cherchant à soutenir sa croissance interne, les petites et moyennes capitalisations profitent largement de politiques budgétaires et monétaires favorables. Le maintien de taux relativement bas et les diverses mesures de relance nationales encouragent les investissements dans des secteurs clés : technologies vertes, digitalisation, santé et services. Ces facteurs augmentent la résilience des PME face aux chocs venus de l’extérieur.

En France, le plan France Relance mis en place depuis plusieurs années a vocation à stimuler l’activité des TPE et PME. Des dispositifs de garantie bancaire et d’aides à l’export permettent aux acteurs souhaitant conquérir de nouveaux marchés européens de franchir le pas en limitant leur exposition au risque commercial. Malgré le Liberation Day, les opportunités transversales en Europe restent nombreuses pour qui cible un public local.

Le gouvernement français couple incitations fiscales et subventions à l’innovation dans des domaines jugés stratégiques, comme la santé et la transition énergétique. L’objectif est de consolider la compétitivité des structures de taille intermédiaire sur l’ensemble du territoire. Résultat escompté : soutenir l’emploi, la valeur ajoutée et le maintien des actifs productifs sur le sol français.

Au niveau européen, la BCE envisage de revoir de nouveau à la baisse ses taux à l’automne 2025 si la situation macroéconomique venait à se dégrader davantage. Parallèlement, on observe des signaux de prudence car l’endettement global, surtout dans le sud de la zone euro, doit être surveillé. Les investisseurs restent cependant confiants quant à la capacité de la BCE à orchestrer un soutien ciblé, jugé vital pour les PME et ETI (Entreprises de Taille Intermédiaire).

Vers un recentrage des investissements

Traditionnellement, les gestionnaires d’actifs misaient essentiellement sur les grandes capitalisations, notamment dans l’automobile, le luxe et l’industrie lourde. Ces entreprises avaient l’avantage d’une forte visibilité à l’international et d’importants budgets de R&D. Avec les turbulences commerciales déclenchées par le Liberation Day, les craintes d’un manque de visibilité gagnent du terrain.

Goldman Sachs souligne que certains exportateurs clés comme Volkswagen ou LVMH pourraient voir leurs marges affectées si les taxes américaines prennent de l’ampleur. Un rapport interne de la banque américaine évalue à 5% la baisse potentielle de leurs bénéfices annuels en cas d’augmentation de 15% des droits douaniers sur les produits européens à destination du marché nord-américain. Les portefeuilles se recomposent donc, favorisant davantage un échantillon d’actions moins exposées.

Métriques Valeur Évolution
STOXX Europe Small 200 +9% Janv. - Juil. 2025
STOXX Europe Mid 200 +11% Janv. - Juil. 2025
STOXX Europe 600 Large Cap +7% Janv. - Juil. 2025

Cet ajustement ouvre un véritable changement de paradigme sur la scène européenne. Les small et mid caps, longtemps considérées comme volatiles et plus risquées, bénéficient d’une image de valeurs défensives. Le caractère « local » de leurs revenus et leur flexibilité stratégique rassurent dans une période où les disputes commerciales peuvent fréquemment rebattre les cartes géopolitiques.

Pour illustrer ce basculement, JPMorgan Chase a constaté dans une analyse parue en juillet 2025 que près de 15% de flux additionnels ont été alloués aux small caps depuis le début de l’année, en Europe. Les gestionnaires cherchent à limiter l’exposition aux grands conglomérats exportateurs. Auparavant, ce type de rotation sectorielle et capitalistique s’observait souvent en période de surchauffe économique dans les pays émergents. Maintenant, ce sont les incertitudes autour du commerce transatlantique qui en sont la cause.

Facteurs clés à surveiller pour 2025

Le terrain boursier européen est parsemé de points de vigilance déterminants. Les investisseurs doivent examiner de près les négociations commerciales entre l’Union européenne et les États-Unis dont l’échéance technique se profile pour le 1er août 2025. Toute absence d’accord pourrait se traduire par un relèvement de 15% supplémentaire sur certains produits européens, pénalisant lourdement l’automobile, l’agroalimentaire et le secteur du luxe.

D’autres observateurs s’intéressent aussi au comportement de la parité euro-dollar. Les estimations de Barclays tablent sur un cours à 1,20 dollar pour un euro d’ici la fin de l’année. Bien que cette prévision projette un pouvoir d’achat plus élevé pour les Européens, elle pèse mécaniquement sur la compétitivité des grands groupes. À l’inverse, les PME qui se concentrent sur des débouchés régionaux continueraient de jouir d’une certaine immunité face à cette appréciation de la monnaie unique.

Enfin, la politique de la Banque centrale européenne pourrait influer sur le potentiel d’expansion des small et mid caps. Une baisse des taux de dépôt leur ouvrirait un accès plus large aux prêts bancaires et faciliterait des opérations de fusion-acquisition ciblées pour se renforcer localement. Les décisions anticipées pour l’automne 2025 restent évidemment conditionnées à la conjoncture globale, à la demande intérieure et à l’évolution de l’inflation dans la zone euro.

Les risques géopolitiques englobent les conflits commerciaux, les tensions diplomatiques et les mouvements de devises. Les grandes multinationales subissent les secousses de ces facteurs plus intensément que les PME. Cette différence d’exposition confère un caractère plus « défensif » aux small et mid caps européennes, particulièrement attrayantes dans les périodes d’incertitude internationale.

Quelles stratégies pour les investisseurs et les entreprises

Les acteurs du marché s’organisent pour tirer profit de ce nouveau contexte. Les gestionnaires de fonds redéfinissent leur sélection de valeurs, cherchant à diversifier davantage leurs portefeuilles entre grandes capitalisations exportatrices et entreprises de taille moyenne moins exposées. Il est désormais courant d’opter pour un équilibre afin de se prémunir contre d’éventuelles aggravations des tensions douanières.

Du côté des entreprises, les directions financières sont incitées à renforcer leurs ancrages locaux. Les PME fortement actives en Europe peuvent tirer avantage des plans de soutien – par exemple en Allemagne, où un dispositif d’incitations fiscales a été mis en place pour encourager la digitalisation du Mittelstand. En France, les entreprises peuvent solliciter des guichets de financement administrés par la Bpifrance, tandis qu’au niveau communautaire, les fonds FEDER (Fonds européen de développement régional) participent à la modernisation de l’outil industriel.

  • Diversification sectorielle : Pour contenir les risques, on constate une rotation des capitaux vers les secteurs de la santé, de l’informatique et des énergies renouvelables, où l’empreinte mondiale est souvent moins prégnante que dans l’automobile ou l’aéronautique.
  • Un suivi attentif des flux : Les publications de Morningstar ou d’EPFR Global sur les mouvements de capitaux aident à anticiper des corrections techniques ou des entrées soutenues dans tel ou tel segment de la cote.
  • Plus d’innovations structurantes : Pour les entreprises, privilégier l’innovation demeure l’un des leviers majeurs de différenciation, et donc de valorisation. Les subventions européennes offrent un cadre intéressant pour financer la R&D.

Regard sur les secteurs porteurs

À moyen terme, plusieurs domaines se profilent comme particulièrement prometteurs pour les petites et moyennes capitalisations. Le secteur des technologies numériques, surtout les applications 5G et l’intelligence artificielle, bénéficie d’un soutien institutionnel puissant et de débouchés quasi inépuisables. Sur le volet médical, la demande ne cesse de progresser, portée par le vieillissement démographique en Europe et par le renforcement des systèmes de santé nationaux. Les entreprises spécialisées dans la production éco-responsable, telles que les fabricants de matériaux recyclables, gagnent également en visibilité dans un contexte de transition énergétique accélérée.

Regards sur la technologie et la santé

De nombreuses pépites émergent dans l’informatique, la robotique et la santé connectée. Des small caps comme Soitec, déjà mentionnée, ou encore des sociétés d’e-santé, entendent répondre aux nouvelles exigences des consommateurs, mais aussi du secteur public. L’accès à un financement européen, couplé à un marché intérieur conséquent de 450 millions de consommateurs, constitue un accélérateur puissant pour ces acteurs en pleine croissance.

Les perspectives pour les entreprises

L’agenda européen en faveur de la transition verte devrait lui aussi bénéficier à ces structures plus petites, souvent plus agiles. Les PME et ETI qui innovent dans les filières vertes, comme la production d’énergies renouvelables ou la réduction des émissions industrielles, trouvent un terreau fertile pour attirer capital-risque et subventions institutionnelles. Finalement, ce sont des marchés locaux et régionaux, généralement stables, qui soutiennent l’essor de ces business models misant sur l’innovation et la responsabilité environnementale.

Le rôle-clé des PME dans la R&D européenne

D’après la Banque européenne d’investissement, les PME concentrent plus de 60% des dépenses de R&D dans l’Union européenne. Cette forte contribution vient des efforts menés par des acteurs moins connus du grand public, mais capables d’innover plus librement sur des niches technologiques ou médicales.

Perspectives d’anticipation pour l’après 2025

Alors que le 1er août 2025 servira de date butoir dans la poursuite des négociations commerciales entre l’UE et les États-Unis, la prudence demeure de mise. Un accord qui limiterait la hausse des droits de douane offrirait un répit à certains grands exportateurs, mais la faveur pour les small et mid caps ne risque pas de s’estomper du jour au lendemain. Les avantages structurels de ces entreprises, à commencer par l’ancrage local, leur confèrent une résilience bienvenue dans l’environnement actuel.

En même temps, la politique monétaire de la BCE sera scrutée à la loupe. De nouvelles baisses de taux ou un assouplissement quantitatif additionnel pourraient prolonger l’appétit pour ce type de sociétés. Les PME, qui se financent plus aisément grâce aux banques commerciales, auraient ainsi de nouvelles opportunités pour renforcer leur compétitivité.

Les analystes s’attendent également à une diversification accrue des investisseurs institutionnels. Les fonds de pension nord-américains, généralement investis dans de larges capitalisations, montrent déjà des signes d’intérêt pour les segments mid et small en Europe, perçus comme plus stables en période de tensions. On peut prévoir une intensification de cette tendance si les tensions commerciales se durcissent outre-Atlantique.

Cet article souligne la montée en puissance des small et mid caps européennes face aux turbulences commerciales et monétaires, et démontre que leurs atouts structurels pourraient en faire les piliers de la croissance boursière en 2025.