Dans un climat économique mouvant, marqué par les tensions géopolitiques et un cadre réglementaire en pleine évolution, les prévisions macroéconomiques diffusées par la Banque de France soulignent des tendances qui intéressent au plus haut point les dirigeants et acteurs du monde de l’entreprise.

Cet article propose un tour d’horizon détaillé de ces chiffres clés, en les réinterprétant sous l’angle légal, financier et opérationnel propre à l’environnement d’affaires français.

Panorama économique : éléments de contexte

Le cycle conjoncturel actuel découle de facteurs multiples : remontée progressive des taux d’intérêt, pressions inflationnistes mondiales et ralentissement de la demande internationale.

La Banque de France, dans le cadre de l’Eurosystème, met à jour ses projections macroéconomiques tous les trimestres afin de fournir une lecture prospective de l’activité, de l’inflation et de l’emploi pour l’année en cours et les deux années à venir. En septembre 2024, elle livre un scénario stable sur le plan des politiques publiques, tout en prenant en compte les nouvelles données d’Insee liées au passage en base 2020.

Dans cette optique, les indicateurs clefs sont le PIB, l’inflation (IPCH) et le chômage. Selon la Banque de France, la croissance du PIB (produit intérieur brut) en volume s’établirait autour de +1,1 % en 2024, puis +1,2 % en 2025 et +1,5 % en 2026.

Le taux de chômage, lui, resterait globalement contenu, après un léger rebond en 2025, pour revenir à 7,3 % fin 2026. Cette appréciation favorable repose toutefois sur un certain nombre d’hypothèses techniques, notamment la stabilisation du marché de l’énergie, la légère détente des taux d’intérêt et l’absence de choc majeur sur le commerce international. Pour les dirigeants d’entreprise, la compréhension de ce panorama macroéconomique est cruciale pour anticiper les investissements et ajuster leurs stratégies de recrutement.

Effet conjugué sur l’inflation et la consommation

Le recul graduel de l’inflation constitue l’une des tendances fortes de cette nouvelle projection. Après avoir culminé à +5,7 % en 2023, l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) se replierait à +2,5 % en 2024, pour atteindre +1,5 % en 2025, puis se stabiliser autour de +1,7 % en 2026. Ce ralentissement de la hausse des prix sera marqué par une modération des tensions sur les coûts de l’énergie et des matières premières, tandis que les prix de l’électricité devraient baisser de –15 % début 2025, selon le scénario retenu à ce stade.

En parallèle, la consommation des ménages pourrait bénéficier de la hausse des salaires réels, dopée par une inflation en modération. Toutefois, la Banque de France anticipe une progression plus lente de la consommation en 2024, du fait d’une incertitude persistante à court terme. Les entreprises, notamment celles orientées vers le marché domestique, devront garder un œil sur cette consommation encore timide, même si une reprise plus vigoureuse demeure envisageable à l’horizon 2025, sous l’effet d’un regain de confiance et d’un léger recul du taux de chômage.

Pourquoi la baisse des prix de l'électricité est déterminante

La réduction de 15 % des tarifs réglementés de l’électricité prévue en février 2025 aura un effet direct sur la facture énergétique des ménages et des entreprises. Pour ces dernières, la baisse de charges d’exploitation pourrait soulager certains secteurs industriels gourmands en énergie.

Compétitivité et financement des entreprises

L’orientation future de l’économie aura des répercussions directes sur la compétitivité du tissu productif français. Les évolutions de l’euro face au dollar (USD/EUR annoncé aux alentours de 1,09-1,10 sur l’horizon 2024-2026) influenceront la capacité d’exportation, notamment dans l’aéronautique et l’agroalimentaire. Dans le même temps, la Banque de France relève que le coût des matières premières hors énergie en euros pourrait progresser plus modérément (+0,6 % en 2024, puis +2,5 % en 2026), si bien que les entreprises disposeraient d’une fenêtre d’opportunité pour stabiliser leurs marges.

La structure de financement sera également un paramètre à surveiller. Le niveau prévisionnel de l’Euribor à 3 mois (autour de 3,6 % en 2024 puis proche de 2,2 % en 2026, selon les hypothèses) et celui des taux longs sur les obligations d’État françaises (de l’ordre de 3,0 % à 3,1 % pour la période) conditionnent le coût du crédit et de la dette obligataire. Les gestionnaires financiers des entreprises devront donc ajuster leurs stratégies de trésorerie, en profitant le cas échéant d’éventuelles phases de détente des taux pour refinancer leurs dettes à meilleur compte.

Faisabilité et stabilité des politiques publiques

D’un point de vue légal et institutionnel, l’hypothèse retenue dans ces projections est celle d’une politique économique inchangée. Les mesures de finances publiques en discussion actuellement – qu’il s’agisse de plans d’investissement, de réformes fiscales ou de soutiens sectoriels – ne sont pas encore suffisamment arbitrées pour être intégrées à ces prévisions. La Banque de France rappelle néanmoins que cet exercice repose sur un ajustement structurel primaire de 0,6 % du PIB en 2025 et 2026, visant à corriger les déséquilibres budgétaires.

La question de la dette publique demeure au cœur des préoccupations. Les entreprises, surtout celles opérant dans des secteurs liés à la commande publique ou à la subvention, restent attentives à la crédibilité des engagements budgétaires de l’État. Toute modification substantielle des orientations actuelles, par exemple sur la taxation ou le soutien à l’innovation, pourrait entraîner des répercussions sensibles sur l’activité privée.

Les enjeux pour la finance des entreprises

L’accès au crédit et l’évolution des taux forment un binôme essentiel pour la solidité financière des sociétés françaises. Avec une inflation plus modérée, la BCE pourrait ajuster plus lentement ses taux directeurs, offrant un répit potentiel aux trésoreries fragiles et stimulant l’investissement productif, surtout dans les PME.

Marché de l’énergie : vers une visibilité accrue

La variabilité des coûts énergétiques est souvent citée comme l’un des principaux facteurs d’incertitude pour les entreprises industrielles et de transport en France. Au cours des deux dernières années, la volatilité du prix du baril de Brent en euros a été marquée : évalué à 77,5 EUR en 2023, il oscillerait entre 69,5 EUR et 66,9 EUR sur l’horizon 2025-2026. Parallèlement, les tarifs réglementés de l’électricité en France, censés diminuer en février 2025, offrent un bol d’air aux ménages comme aux industriels.

Concrètement, la baisse de l’inflation énergétique permettra d’alléger le poids des charges fixes pour de nombreuses sociétés, notamment dans les secteurs à forte intensité énergétique (métallurgie, chimie, plasturgie). Cela soulagera également la chaîne logistique, qui a subi de plein fouet la flambée des prix des carburants depuis 2022. Toutefois, la persistance de facteurs géopolitiques – guerre en Ukraine, tensions au Proche-Orient, instabilité maritime en mer Rouge – nourrit le risque de nouveaux chocs sur l’offre.

Évolution des salaires : un élément déterminant pour le pouvoir d’achat

Le freinage progressif de l’inflation favorise désormais une progression réelle des salaires. D’après les projections, la hausse des rémunérations par tête dans les branches marchandes devrait dépasser +2,5 % en glissement annuel, tandis que les prix de détail verraient leur croissance tomber sous ce seuil. Les entreprises se trouvent dans une phase de négociation salariale délicate : elles doivent préserver la compétitivité-coût tout en maintenant un climat social acceptable.

Si, dans les projections de juin, la hausse moyenne des salaires pour 2024 était plus élevée, elle a été réévaluée à la baisse en septembre en raison de statistiques d’Insee montrant un ralentissement effectif sur le premier semestre 2024. Toutefois, cette correction est compensée par un niveau d’emploi plus dynamique, ce qui maintient la masse salariale à un niveau proche des estimations initiales. Les entrepreneurs devraient donc anticiper des exigences salariales plus affirmées si l’inflation continue de reculer, condition d’un gain de pouvoir d’achat tangible pour les salariés.

L’IPCH est un indicateur qui permet de comparer l’inflation entre pays européens. Il inclut un panier de biens et services plus exhaustif que l’indice classique de l’Insee et sert de référence à la politique monétaire de la BCE, dans le cadre de la zone euro.

La dimension export : un jeu d’équilibre

Le commerce extérieur, selon les prévisions, apporterait une contribution plus substantielle à la croissance en 2024. On estime que la demande mondiale adressée à la France augmenterait de +1,7 % à +2,6 % dans le courant 2024-2025, portée par un rebond progressif de l’activité chez les principaux partenaires commerciaux hors zone euro. Néanmoins, la Banque de France note une dégradation passagère due aux mauvaises récoltes de blé de l’été 2024, ce qui freinerait momentanément les exportations du secteur agricole.

Par ailleurs, l’ombre des tensions commerciales plane encore : le climat international reste marqué par la concurrence accrue entre grandes puissances, et les mesures protectionnistes pourraient se multiplier, impactant les flux d’échanges de produits industriels. En dépit de ces incertitudes, le maintien d’un euro relativement stable demeure un atout pour les exportateurs français, notamment dans les segments à forte valeur ajoutée (aéronautique, luxe, cosmétiques).

Enjeux légaux et réglementaires : ce qui se dessine

La période 2024-2026 pourrait être marquée par de nouveaux textes législatifs, tant au niveau français qu’européen, susceptibles d’influer sur la compétitivité des entreprises. Plusieurs propositions portant sur la transition énergétique, la cybersécurité, la fiscalité des grands groupes ou encore la responsabilité sociétale et environnementale (RSE) sont dans les cartons. Les entreprises devront donc exercer une veille proactive pour adapter rapidement leurs pratiques, leurs contrats et leur comptabilité.

Dans la perspective d’une éventuelle révision des règles budgétaires européennes, notamment le Pacte de stabilité et de croissance, la France pourrait être amenée à ajuster sa trajectoire de finances publiques de façon plus prononcée. Cela impliquerait alors des réformes structurelles qui pourraient remodeler l’environnement légal de la commande publique, de la fiscalité ou encore de l’assurance-crédit export. Pour les responsables administratifs ou juridiques d’une entreprise, l’anticipation de ces possibles modifications réglementaires prend donc tout son sens.

Un marché de l’emploi sous observation

Les récentes données laissent entrevoir une légère embellie sur le front de l’emploi. Le taux de chômage reculerait à 7,3 % fin 2026 après une brève remontée vers 7,6 % en 2025, liée au tassement de l’activité et à l’éventuelle fin de certains dispositifs publics de soutien. Dans le même temps, le volume total de créations nettes d’emplois, évalué à 321 000 en 2023, se réduirait progressivement pour retomber autour de 100 000 à 110 000 emplois créés par an sur la période 2024-2026.

 

Les entreprises, notamment dans le commerce et les services, pourront saisir les opportunités d’un marché de l’emploi moins tendu. Cependant, il demeure crucial de rappeler que les problèmes de recrutement sur certains métiers spécialisés (informatique, ingénierie, santé) subsistent. Les programmes de formation et de reconversion sectorielle seront donc un enjeu clé pour maintenir la compétitivité de la main-d’œuvre française, d’autant que la dynamique de digitalisation s’accélère.

Jeux olympiques et paralympiques : un catalyseur temporaire

La Banque de France signale un effet ponctuel mais non négligeable des Jeux olympiques et paralympiques de Paris, prévus durant l’été 2024, sur la croissance du troisième trimestre. L’afflux de visiteurs, la relance de certains investissements en infrastructures et l’engouement médiatique pourraient ajouter jusqu’à 0,25 point de croissance sur la période. Cette impulsion devrait toutefois s’estomper dès le quatrième trimestre, avec un effet de contrecoup logique.

Sur le plan entrepreneurial, cet événement offre aux entreprises françaises une occasion de faire valoir leur savoir-faire, notamment dans la logistique, la sécurité, le tourisme ou la restauration. Les TPE/PME peuvent bénéficier de marchés spécifiques et de partenariats avec les organisateurs. Toutefois, les contraintes liées à la sécurité, à la réglementation urbaine et au contrôle des flux pourraient peser sur la fluidité du tissu économique. Un pilotage adéquat sera donc nécessaire pour transformer l’essai des Jeux olympiques en levier durable de notoriété internationale et de compétitivité.

Géopolitique et risques : un horizon mouvant

Au-delà de l’incertitude politique à l’échelle nationale, plusieurs défis géopolitiques pèsent sur la stabilité économique : la guerre en Ukraine, le regain de tension au Proche-Orient et les éventuelles barrières commerciales entre grands blocs économiques. L’instabilité en mer Rouge, en particulier, pourrait perturber les routes maritimes et influer sur le coût des transports, affectant la composante importation de l’inflation.

Pour les entreprises françaises, cette conjoncture impose une gestion des risques renforcée : analyse des chaînes d’approvisionnement, diversification des marchés d’exportation, anticipation des fluctuations de taux de change et couverture des prix de l’énergie. Les départements juridiques demeurent en première ligne pour sécuriser les contrats de fourniture et prévoir des clauses de révision. Dans un contexte de pénurie possible sur certaines matières premières, il est indispensable de repenser la logistique et de consolider les stocks stratégiques.

Les clauses de force majeure en pratique

Face aux imprévus géopolitiques et climatiques, les entreprises insèrent souvent dans leurs contrats des clauses prévoyant la suspension de l’exécution si un événement indépendant de leur volonté survient. Bien rédigées, ces clauses peuvent limiter significativement les litiges et protéger la relation commerciale.

Le rôle de l’Eurosystème : un pilotage monétaire attentif

L’implication de la Banque de France dans l’Eurosystème se traduit par des scénarios de prévision intégrant la politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE). Avec un taux d’inflation encore élevé mais en tendance baissière, la BCE surveille étroitement l’évolution de la demande intérieure et de l’emploi. Toute surprise sur la trajectoire des prix pourrait amener la BCE à ajuster ses taux directeurs, impactant directement les conditions de financement des entreprises et des ménages en zone euro.

À l’échelle légale, l’Eurosystème jouit d’une large autonomie institutionnelle, ce qui assure la crédibilité de sa politique monétaire et de sa fonction de garant de la stabilité des prix. Toutefois, la nécessité de coordonner la politique budgétaire avec ces objectifs macroéconomiques reste un point sensible. D’éventuelles divergences entre les priorités nationales et les orientations de la BCE peuvent donner lieu à des arbitrages politiques complexes. Dans ce contexte, l’entrepreneur doit rester à l’affût de signaux sur l’évolution de la conjoncture européenne pour optimiser son plan d’affaires.

 

Le recalibrage statistique : comprendre la base 2020 d’Insee

Le passage à la base 2020 dans les comptes nationaux modifie plusieurs agrégats économiques : le PIB est mesuré différemment, tout comme la productivité des facteurs, l’investissement et la consommation. Cette révision a des conséquences directes sur l’analyse rétrospective. Par exemple, une productivité antérieurement sous-estimée peut conduire à requalifier la performance économique d’un secteur, ou à réévaluer le potentiel de croissance d’une filière.

Pour le monde de l’entreprise, cela implique d’ajuster les référentiels de reporting et d’établir de nouvelles comparaisons sectorielles. Les directions financières et juridiques doivent veiller à la cohérence des données figurant dans leurs rapports annuels, surtout pour les dossiers de financement ou les appels d’offres publics. Par ailleurs, cette mise à jour statistique peut influencer la lisibilité du « score credit » ou du « rating » attribués aux sociétés.

Stratégies et réponses des entrepreneurs face à l’incertitude

Dans un paysage volatil, les dirigeants de PME et ETI doivent faire preuve d’agilité. Les clés de succès incluent une gestion plus resserrée des flux de trésorerie, l’optimisation de la structure de capital et une internationalisation sélective. Pour ceux qui envisagent d’investir, l’horizon 2025-2026 pourrait offrir des marges de manœuvre plus favorables, si l’on se fie à l’anticipation d’une inflation basse et de taux moins volatils.

Du point de vue légal, l’incertitude sur les réformes publiques exige une veille réglementaire soutenue : qu’il s’agisse de quotas carbone, d’aides à la numérisation ou de subventions à l’hydrogène, les opportunités pourraient se multiplier mais de façon sélective. Les entrepreneurs ont tout intérêt à s’appuyer sur des experts (cabinets d’avocats, consultants) pour identifier les nouveaux guichets de financement ou anticiper la transposition de directives européennes. Dans une économie en transition énergétique, les décisions d’investissement doivent être arrimées à une stratégie durable et socialement responsable.

Lectures prospectives pour 2025-2026

D’après la Banque de France, la trajectoire de croissance pour les années 2025 et 2026 se situerait autour de +1,2 % et +1,5 % respectivement. Cet élan, s’il n’est pas flamboyant, pourrait bénéficier d’un regain d’initiatives privées stimulé par des salaires réels en hausse et un marché du travail plus dynamique. L’investissement privé, mis en veille à court terme en raison de l’incertitude, reprendrait à partir du milieu de 2025, lorsque la détente sur les taux d’intérêt se matérialisera.

Simultanément, l’inflation sous-jacente, indexée en partie sur les services, poursuivrait son repli pour atteindre +1,9 % en 2026, renforçant la stabilisation du pouvoir d’achat. Les tensions sur les matières premières pourraient toutefois se raviver à la suite de conflits géopolitiques, ce qui imposerait aux opérateurs économiques d’ajuster leur gestion des risques.

Dans l’ensemble, l’horizon 2026 reflète un équilibre fragile entre soutien conjoncturel, retombées géopolitiques et politiques publiques adaptées.

Une dynamique à surveiller de près

Ces projections, issues de la Banque de France et reposant sur des hypothèses partagées par l’Eurosystème, brossent un portrait nuancé d’une économie française en phase d’atterrissage en douceur sur le front de l’inflation et de l’emploi. Pourtant, la conjoncture reste conditionnée par des risques internes (aléas politiques, incertitudes budgétaires) et externes (instabilités géopolitiques, rivalités commerciales, menaces de rupture d’approvisionnement). Les entrepreneurs, directeurs financiers et juristes d’entreprise pourront néanmoins s’appuyer sur ces indicateurs pour adapter leurs stratégies d’investissement, de recrutement et de développement à l’international.

En définitive, le tableau économique offre des opportunités de relance modérée, mais exige une vigilance constante sur les évolutions réglementaires et la gestion des facteurs de risque.