Le congé menstruel est de plus en plus au cœur des débats mais c’est la première fois qu’une entreprise française l'instaure. La Collective, cette coopérative du sud de la France qui mène à bien des levées de fonds pour des organisations tierces, se positionne en pionnière et l’accorde à ses employées depuis quelques semaines maintenant. 

Congé menstruel : phase expérimentale d’un an

La Collective est une société coopérative et participative (scop). Bien que son statut la différencie de la plupart des entreprises privées, son initiative n’en demeure pas moins remarquable. En effet, en ce début d’année, ses dirigeants ont décidé d’accorder un congé encore inédit en France. Les travailleuses de cette société ont désormais le droit de poser un jour de congé supplémentaire par mois si elles souffrent de douleurs menstruelles.   

Dimitri Lamoureux, le cogérant de La Collective, estime ainsi contribuer à une « avancée sociale importante ». Elle permettra de « favoriser la qualité de vie au travail et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes ». Et pour cause ! Une majorité écrasante de femmes, à pareilles dates chaque mois, souffre, souvent en silence, et parfois au point de devoir s’absenter de leur travail. Pour M. Lamoureux, « ce congé évite la double peine : les douleurs physiques et la perte de salaire ». Le dirigeant est loin de se soucier des potentiels abus. Il est, au contraire, persuadé que cette mesure permettra, à plus large échelle, de réduire les absences. 

Conclu à la dernière assemblée générale de l’entreprise, ce nouveau dispositif est, pour l’heure, expérimental. La Collective et les 16 femmes qui composent son effectif s’accordent un an pour confirmer le bien fondé de ce congé menstruel. Les conditions d’ici là : confiance, confidentialité et bienveillance. Les salariées n’ont pas besoin de fournir de justificatif du médecin. Elles n’ont pas non plus à exposer leur situation au grand jour et peuvent informer leur supérieur de leur absence le jour même.

Congé menstruel, La Collective teste

Une initiative déjà soutenue à l’étranger

Si le congé menstruel débarque tout juste en France, d’autres pays à travers le monde l’ont déjà adopté. Le Japon et l’Indonésie l’offrent depuis 1947 et 1948. En 2001, la Corée du Sud a emboîté le pas. La Zambie a, quant à elle, baptisé une « fête des mères » mensuelle depuis 2015. 

Du côté de l’Europe, ce sont deux entreprises anglaise et britannique qui ont servi d’exemples à La Collective. « Lorsque j’ai vu que cela existait à l’étranger, j’ai voulu mettre en place la même chose à l’échelle micro en espérant que ça puisse servir d’exemple à d’autres entreprises », raconte Jessica Martinez, l’employée à l’initiative du projet. Il faut toutefois reconnaître que la France demeure timide sur le sujet…  

Le risque d’aggraver les discriminations en entreprise ? 

Il semblerait que l’idée d’instaurer un congé menstruel systématique ne soit pas encore à l’ordre du jour. Le sujet est encore très polarisé en France et il s’agit pour certains d’une « fausse bonne idée ». La porte-parole de l’association Osez le féminisme, entre autres, émet quelques réserves par crainte de voir grimper les discriminations. Pour elle, ce n’est pas une mesure qui peut être appliquée à toutes les entreprises. « L’intention est bonne. L’idée est bonne [mais] dans notre société, les règles sont toujours stigmatisées. (…) On craint que les femmes n’aillent pas le demander, car elles risquent d’être stigmatisées ».   

De son côté, la fondatrice de l’association Règles élémentaires ne place pas non plus le congé menstruel en priorité. À moins qu’un travail de « détabouisation » ne soit d’abord mené dans notre société, elle redoute que la généralisation d’une telle mesure « [entraîne] encore plus de discriminations envers les femmes », notamment à l’embauche. 

À son niveau, La Collective semble plutôt confiante à l’égard de cette mesure. Elle déclare n’avoir rencontré aucune opposition de la part de la gente masculine, bien que les collaborateurs aient pu se montrer perplexes au début. Il faut tout de même noter que les employés de cette entreprise vivent une réalité qui n’est pas commune. En effet, la plupart travaillent debout. Ils circulent dans les rues pour mener à bien leurs missions de levée de fonds. Le congé menstruel devra donc faire ses preuves et dépasser les murs de cette petite société avant que La Collective ne soit prise pour modèle.