Stellantis met fin à son programme hydrogène : quel avenir pour Symbio ?
Le 16 juillet 2025, Stellantis stoppe son programme pile à hydrogène, gelant la production d'utilitaires et fragilisant Symbio. Enjeux et perspectives.

Un souffle de surprise a secoué le secteur automobile le 16 juillet 2025, lorsque Stellantis a officialisé la fin de son programme de développement de la pile à combustible à hydrogène. Cette décision, relayée dans un communiqué disponible à l’adresse suivante : Source officielle, remet en question l’avenir de Symbio en tant que fournisseur majeur de piles à hydrogène et soulève de nombreux doutes au sein de l’écosystème français des énergies alternatives.
Un coup d’arrêt brutal pour l’hydrogène automobile
Dans un secteur où la recherche de solutions propres est de plus en plus cruciale, la nouvelle est tombée comme un couperet : les sites de Hordain (France) et de Gliwice (Pologne) ne produiront plus les utilitaires alimentés par pile à hydrogène que Stellantis devait mettre en série sous les marques Peugeot, Citroën et Opel. Malgré les investissements engagés, ce choix marque un tournant stratégique inattendu. Selon les indications fournies par Jean-Philippe Imparato, dirigeant de Stellantis pour la zone Europe élargie, plusieurs raisons majeures expliquent cette volte-face, dont le manque criant d’infrastructures de ravitaillement et des débouchés commerciaux jugés trop ténus.
En France, la surprise est amplifiée par le fait que Stellantis avait fait figure de précurseur en proposant des véhicules professionnels à hydrogène dès 2023, ciblant un marché prometteur pour les livraisons en centre-ville et les flottes d’entreprises soucieuses de leur image environnementale. Or, la rentabilité à moyen terme semblait compromise, et la direction du groupe a opté pour une réorientation de ses ressources vers les véhicules rechargeables sur batterie (BEV) et les hybrides. Il s’ensuit un impact majeur sur Symbio, coentreprise établie par Michelin et Forvia, rejointe plus tard par Stellantis comme actionnaire de 33 pour cent.
La fin du programme de pile à hydrogène n’affecte pas seulement la production de véhicule. Elle rebat aussi les cartes dans les collaborations entre Stellantis et ses partenaires. Les 176 salariés concernés à Hordain et Gliwice seront redéployés en interne, selon le groupe.
L’ascension rapide de Symbio et la dépendance à Stellantis
Il n’y a pas si longtemps, Symbio faisait figure de figure de proue dans l’industrie de l’hydrogène en France. Fondée initialement en 2010, l’entreprise appartient à Michelin depuis 2019, qui s’est associé à Faurecia (aujourd’hui Forvia) pour façonner une entité dédiée aux piles à hydrogène. En 2023, la venue de Stellantis en tant qu’actionnaire à un tiers capital avait donné une toute autre dimension au projet. L’objectif affiché : fournir des piles à combustible pour plus de 80 pour cent de la production des utilitaires légers à hydrogène du géant automobile, sous différents labels. Cet accord ouvrait des perspectives industrielles considérables.
Symbio avait notamment annoncé l’inauguration de SymphonHy, une giga-usine implantée sur le site de Saint-Fons, à proximité de Lyon. Présentée en grande pompe en décembre 2023, cette installation se voulait être l’un des fers de lance de la transition énergétique en Europe : ses lignes de production devaient atteindre 16 000 piles à hydrogène par an dès son démarrage, et monter progressivement à 50 000, voire 100 000 unités annuelles. Un pari axé sur la compétitivité de la filière, avec la promesse de maîtriser les coûts à l’horizon 2030.
Hélas, la dépendance de Symbio vis-à-vis du carnet de commandes de Stellantis était extrêmement forte. Les experts du secteur considèrent que 80 pour cent du volume de production projeté se rattachait à ce seul partenaire. De surcroît, un large soutien public, à hauteur de 600 millions d’euros, entrait dans ce montage industriel au titre d’un projet IPCEI (Important Project of Common European Interest). Lorsque Stellantis a fait marche arrière, ce sont toute la structure de financement, l’organisation et l’emploi (quelque 590 postes en France, plus 50 à l’international) qui se retrouvent remis en question.
Bon à savoir sur les gigafactories d’hydrogène
Les gigafactories dédiées à la production de piles à combustible se multiplient en Europe, soutenues par des fonds publics et des alliances industrielles. Elles ambitionnent de fabrique à grande échelle des systèmes hydrogène pour différents secteurs : logistique, transport de passagers et mobilité lourde, voire maritime. Pourtant, la demande reste incertaine, et la rentabilité dépend encore de subventions substantielles.
Soubresauts dans la stratégie d’électrification
Depuis la fusion entre le groupe PSA (Peugeot, Citroën, Opel) et FCA (Fiat Chrysler) en 2021, Stellantis s’est hissé au rang de quatrième ou cinquième plus grand constructeur mondial selon les critères considérés. Ses marques couvrent un large champ, allant des citadines aux véhicules utilitaires, en passant par les gros SUV. Dans ce contexte, l’hydrogène représentait jusqu’alors une composante annexe, perçue comme un outil complémentaire à la voiture électrique classique, notamment pour les flottes professionnelles cherchant une autonomie étendue avec des temps de recharge minimes.
Or, les difficultés se sont accumulées : station de ravitaillement rare, consommation de hydrogène encore coûteux, potentiel commercial non garanti à court terme, autant de facteurs qui ont pesé sur la balance. Renault avait déjà fermé Hyvia en février 2025, confirmant que le panorama n’était pas très favorable pour ce type de technologie dans le segment des utilitaires légers. Chez Stellantis, on insiste désormais sur la priorité donnée à la production de véhicules électriques à batterie, jugés plus matures et plus accessibles.
Un encadrement public reconduit mais encore fragile
L’État français avait misé gros sur la transition hydrogène, intégrée à la Stratégie Nationale pour l’Hydrogène (SNH II) révisée en 2025. L’ambition : créer un écosystème national performant, soutenu par des projets industriels et de recherche. Outre Symbio, plusieurs autres acteurs se sont positionnés. Les primes et facilités d’investissement, destinées aux plus gros projets à fort potentiel, devaient permettre de concrétiser la vision d’une mobilité propre, sécurisée par la production d’hydrogène vert.
Grâce aux programmes IPCEI, les industriels français ont pu bénéficier d’une enveloppe cumulée dépassant parfois le milliard d’euros pour certaines filières innovantes de l’hydrogène. Il s’agissait d’épauler des projets structurants, comme la production d’électrolyseurs de nouvelle génération ou encore l’émergence d’un marché domestique pour les véhicules lourds. Cependant, si l’un des piliers industriels retire son soutien, c’est tout l’édifice qui menace de se fissurer. Les réactions sur le réseau X (ex-Twitter) ont souligné cette crainte commune : « Un jeu de dominos est sur le point de s’engager pour la filière hydrogène en France », prévenait un internaute, tandis qu’un autre remarquait que « la seconde cure d’austérité pour l’hydrogène après Renault frappe fort ».
Le prix de l’hydrogène pur, lorsqu’il n’est pas encore produit massivement, inhibe la compétitivité. Les unités de production d’électrolyse, certes dynamiques, restent elles aussi coûteuses. Par ailleurs, le transport et le stockage de ce gaz requièrent des infrastructures souvent onéreuses (cylindres spéciaux, stations sous haute pression, etc.). Les constructeurs peinent alors à proposer des véhicules à un tarif abordable.
La réaction de Michelin et Forvia : incompréhension et espoir
Rapidement après l’annonce de Stellantis, Michelin et Forvia (ex-Faurecia) ont fait part de leur surprise face à la brutalité de la décision. Les deux entités avaient signifié leur volonté de renforcer Symbio et travaillaient sur des perspectives techniques prometteuses. Entre projets de R&D et ambitions de commercialisation mondiale, l’idée était d’asseoir la France en tant que siège européen majeur de la pile à hydrogène.
Michelin, qui a investi fortement pour transformer une partie de ses activités traditionnelles en innovations liées à la mobilité verte, se retrouve à scruter l’avenir de Symbio avec précaution. Les déclarations officielles pointent la nécessité de trouver de nouveaux débouchés et de diversifier les commandes afin de pérenniser les emplois et la dynamique de la jeune coentreprise. Forvia reste également à l’affût d’opportunités pour valoriser son expertise dans l’ingénierie de la pile à hydrogène. Ces deux actionnaires de référence ont fait comprendre que la porte n’était pas fermée à de nouveaux partenariats industriels, en ce compris la possibilité d’un autre constructeur automobile.
Qui est Symbio : son origine et ses ambitions
L’histoire de Symbio se confond avec l’essor de l’hydrogène dans l’Hexagone. Petite structure née avec la volonté de démocratiser la technologie de la pile à combustible, Symbio avait gagné en visibilité à mesure que Michelin investissait dans des projets alternatifs, au-delà de la fabrication de pneumatiques. Cette coentreprise a grandi sous l’impulsion conjointe de Michelin et de Faurecia, reléguant le cœur de ses activités en région Rhône-Alpes, fief historique de la chimie et des énergies vertes.
Outre la production d’équipements adaptés aux véhicules utilitaires ou particuliers, Symbio se targuait de pouvoir surfer sur le mouvement mondial d’électrification, en proposant un mode d’alimentation complémentaire à la batterie électrique classique. Cependant, tout misait beaucoup sur l’adoption de cette technologie par de grands groupes prêts à s’engager dans l’hydrogène. Encore jeune, la filière manquait de maturité, donc la décélération ou l’abandon d’un acteur majeur tel que Stellantis fragilise toute la chaîne.
Point historique sur l’hydrogène automobile
On parle depuis les années 2000 de l’hydrogène comme carburant du futur. Toyota a commercialisé la Mirai, Hyundai le Nexo, et BMW investit de son côté. Pourtant, les volumes de ventes restent en deçà des prévisions initiales. Les défis techniques et économiques ont freiné son adoption massive, surtout dans la catégorie des véhicules particuliers et utilitaires légers.
Examen des justifications de Stellantis
Pour Stellantis, difficile de persister dans une filière lorsqu’il manque un réseau d’approvisionnement construit. L’implantation d’une cinquantaine de stations hydrogène en France reste marginale, particulièrement au regard des zones à couvrir pour la logistique ou le transport professionnel. Le coût unitaire d’un utilitaire hydrogène, de l’ordre de 100 000 euros, dépasse significativement celui d’un modèle thermique ou 100 pour cent électrique à batterie.
Le groupe a clairement identifié trois écueils majeurs : rentabilité hasardeuse avant la fin de la décennie, subventions incertaines et complexes à long terme, et absence de signaux forts de la part des gestionnaires d’infrastructures. Ces critères ont suffi à renverser la trajectoire d’un programme pourtant bien avancé. Quelques mois plus tôt, Stellantis communiquait encore sur des pistes de co-développement pour construire des solutions de mobilité blindée à l’hydrogène pour certains marchés de niche. Désormais, l’urgence de la compétitivité mondiale et la nécessité d’optimiser les ressources R&D l’emportent sur l’hydrogène.
Répercussions sur l’emploi et l’industrie locale
Les sites de Hordain et de Gliwice ne perdront pas de postes en théorie, Stellantis voulant redéployer les équipes vers d’autres activités de production et d’assemblage. Cependant, la filière hydrogène autour de ces sites risque de pâtir sérieusement de la disparition de la commande des utilitaires alimentés par les piles Symbio. Des distributeurs, fournisseurs de composants et logisticiens avaient misé sur cette montée en puissance qui n’aura finalement pas lieu.
Les associations professionnelles rappellent que l’ouverture d’un nouveau segment industriel est toujours délicate et qu’il faut parfois plusieurs années avant d’aboutir à un écosystème viable. L’impact se fait aussi sentir sur les bassins d’emploi où la formation aux métiers de l’hydrogène avait démarré, dans l’espoir de doper l’innovation et la reconversion professionnelle. Les 176 salariés internes au programme hydrogène chez Stellantis seront reclassés, mais c’est l’ensemble des emplois indirects dans la chaîne d’approvisionnement qui se retrouve désormais en suspens.
Le cadre européen et la place de la France
L’Union européenne soutient largement l’hydrogène, considéré comme un vecteur énergétique crucial pour décarboner les secteurs difficiles à électrifier. Le mécanisme IPCEI H2, enclenché en plusieurs vagues, a financé divers projets, dont celui de Symbio à hauteur de centaines de millions d’euros. D’autres pays comme l’Allemagne ou l’Espagne ont également ajusté leur politique industrielle pour pousser l’émergence d’un marché intérieur, que ce soit dans l’aviation, la sidérurgie ou encore le transport.
Poursuivre sur cette lancée en France sera toutefois plus compliqué, compte tenu de la défection de deux grands constructeurs : Renault et Stellantis. Les acteurs publics et privés devront redoubler d’ingéniosité pour rendre le secteur rentable. Les bus ou camions à hydrogène peuvent constituer un débouché plus adapté, tant pour leur poids que pour la distance parcourue. L’enjeu sera désormais de faire vivre un réseau de production et de distribution d’hydrogène vert, tout en favorisant des flottes captives.
Une pile à combustible convertit l’hydrogène en électricité grâce à une réaction électrochimique. Le processus ne rejette que de la vapeur d’eau. Malgré ce bénéfice, les matériaux et la complexité du système (membranes, réservoir haute pression, etc.) gonflent la facture. Les ingénieurs misent sur l’amélioration des performances et la baisse des coûts via la production massive.
L’échec programmé ou simple réorientation
Faut-il parler d’un échec de la filière hydrogène pour les utilitaires légers en France ou d’un déroutement tactique temporaire La question ressort dans plusieurs analyses. Depuis 2023, certains experts pointaient déjà la faible densité de stations de recharge. De plus, le coût du kilo d’hydrogène dépasse couramment les 10 euros, alors que les constructeurs visent la barre des 6 euros pour devenir un réel concurrent au gazole. Les investisseurs demeurent prudents dans un marché encore expérimental.
Néanmoins, il ne serait pas juste de qualifier l’hydrogène de fiasco total. Des initiatives sectorielles, notamment dans le transport lourd, montrent une pertinence grandissante. La PME française GCK (Green Corp Konnection) travaille ainsi à équiper bus et camions, renforçant l’idée que l’hydrogène peut se révéler plus efficace lorsqu’il s’agit de grosses charges et de longs trajets. Cette niche semble moins sensible aux contraintes d’infrastructures disséminées à grande échelle que ne l’est le marché des VUL (véhicules utilitaires légers).
Regard sur les précédents industriels
Le retrait de Stellantis n’est pas le premier rebondissement dans le paysage français de l’hydrogène. L’exemple de Hyvia (Renault / Plug Power) avait déjà marqué les esprits, étant annoncé à grand renfort de communication avant que la persistance des difficultés n’entraîne son arrêt. Quant à Hype, le projet visant 10 000 taxis à hydrogène roulant dans la région Île-de-France, il a été revu à la baisse en 2025 pour cause de manque de stations distribuées et de tarifs dissuasifs pour les chauffeurs.
Sur un plan international, le Japon et la Corée du Sud affichent des stratégies plus pérennes autour de l’hydrogène, portées par Toyota ou Hyundai. Le choix de Stellantis n’entame pas leurs projets, même si le volume mondial reste faible. La marque allemande BMW poursuit aussi des recherches, avec des expérimentations limitées sur des crossovers à hydrogène. L’attrait de l’hydrogène reste donc vif, mais davantage ciblé sur certains usages ou territoires volontaristes.
Le devenir de Symbio se joue-t-il ailleurs
Privée de 80 pour cent des livraisons prévues, Symbio doit impérativement rebondir avec d’autres commandes. Le récent contrat passé avec GCK pour du rétrofit d’autocars et de bus est un signe positif, mais le volume ne compense pas la perte brutale du partenariat industriel avec Stellantis. Les dirigeants de Michelin et de Forvia indiquent toutefois explorer des voies alternatives, et n’écartent pas une répartition des parts de Stellantis au profit d’un futur acteur intéressé par la technologie Symbio.
Néanmoins, la situation apparait complexe : dans un marché encore frileux, il faut justifier un investissement lourd et un retour sur capital significatif. Le dirigeant fraîchement arrivé à la tête de Symbio, Jean-Baptiste Lucas, pourrait être amené à réviser la feuille de route et à repenser le cœur d’activité. Une production recentrée vers le transport lourd, l’éventuelle fourniture de piles pour des applications stationnaires (groupes électrogènes non polluants) ou encore la diversification dans le maritime sont évoquées.
Un nouvel élan ou la fin d’un rêve
Les perspectives pour l’hydrogène en France semblent désormais partagées, entre la poursuite de la Stratégie Nationale Hydrogène soutenue par des financements publics et le désengagement abrupt de certains gros faiseurs. De nombreux posts sur X relayent l’idée d’une « triple fracture » de la filière : absence d’offres compétitives pour les professionnels, timidité des pouvoirs publics à massifier les infrastructures, et hésitation chronique des industriels. Sans surmonter ce triple écueil, l’hydrogène peine à imposer sa pertinence dans le transport léger.
L’avantage potentiel de ce gaz propre : un temps de recharge minime et une autonomie électrique équivalente, voire supérieure, à celle des moteurs thermiques. Mais les opérateurs se heurtent à la problématique du coût initial, des incertitudes réglementaires et d’une concurrence grandissante des batteries, dont les prix se sont effondrés ces dernières années. Dans un contexte de fortes tensions sur les budgets R&D, chaque constructeur arbitre avec soin où placer ses ressources.
Analyse des coûts
Le véhicule à hydrogène implique non seulement la pile à combustible, mais aussi un réservoir haute pression et des dispositifs de sécurité. La chaîne logistique complète (production, acheminement de H2, construction de stations) gonfle les coûts finaux. L’électrique à batterie, de plus en plus compétitif avec l’effet d’échelle, capte alors l’essentiel de la demande d’écomobilité.
À la croisée des chemins pour les politiques publiques
La couverture médiatique autour de la décision de Stellantis met en lumière un questionnement : la puissance publique doit-elle maintenir des mesures incitatives massives dans ce domaine jugé « émergent », au risque de susciter des dépendances au bon vouloir des industriels En l’occurrence, le projet SymphonHy, subsidié à hauteur de 600 millions d’euros d’argent public, se retrouve affaibli.
Certains observateurs réclament un rééquilibrage : concentrer les soutiens là où l’hydrogène répond à un besoin incontournable (transport lourd, applications spécifiques dans l’industrie). D’autres estiment que la France doit se doter de stations et d’unités de production pour asseoir son indépendance énergétique cible, quitte à assumer un temps d’amorçage prolongé. Le débat n’est pas tranché, et la décision inattendue de Stellantis pourrait encourager une révision de la feuille de route nationale.
Quand la compétition internationale s’intensifie
Au-delà de l’Hexagone, le marché mondial de l’hydrogène est l’enjeu d’une intense compétition. Les États-Unis soutiennent la filière via des dispositifs d’envergure comme l’IRA (Inflation Reduction Act), incitant la production d’hydrogène vert et l’accélération des technologies bas carbone. La Chine ne cache plus ses ambitions dans le domaine, investissant massivement dans l’électrolyse à grande échelle pour verdir son industrie lourde et son parc de transports en commun.
Dans ce puzzle, la France et l’Europe doivent trouver leur place. L’Allemagne, par exemple, a annoncé des plans pour développer 400 stations hydrogène d’ici la fin de la décennie, appuyée par une industrie automobile toujours en veille sur ce créneau. Le renoncement partiel de Stellantis fait craindre un décrochage industriel, même si la filière n’a pas dit son dernier mot. L’Union européenne affichait encore récemment la volonté d’atteindre 10 millions de tonnes d’hydrogène propre produites dans l’UE d’ici 2030, un objectif ambitieux qu’il reste à concrétiser dans la pratique.
Symbio et la stratégie de survie
Derrière les déclarations officielles se cache un véritable défi : comment Symbio peut-elle rebondir et éviter de tomber en faillite? Diverses rumeurs laissent entendre que l’entreprise pourrait nouer des accords avec d’autres constructeurs automobiles (étrangers ou européens), ou avancer vers des débouchés de niche hors secteur automobile. L’intégration à de futurs programmes européens (dans l’aéronautique ou le maritime) pourrait aussi apporter une bouffée d’oxygène, à condition de répondre aux cahiers des charges techniques adéquats.
Dans l’immédiat, la priorité de Symbio est de préserver sa capacité industrielle, son outil de production et surtout sa matière grise. Les équipes d’ingénieurs et de techniciens accumulent depuis plusieurs années un savoir-faire précieux. Les dirigeants devront impérativement prouver la flexibilité de l’entité pour attirer de nouveaux clients, et justifier le maintien des subventions accordées. Michelin et Forvia veulent croire que l’histoire ne s’arrêtera pas là, soulignant que la mobilité lourde à hydrogène est en pleine expansion dans certains territoires.
Perte de confiance ou simple péripétie
Au-devant des projecteurs, Michelin a vertement critiqué la décision unilatérale de Stellantis, dénonçant le côté soudain de cette annonce. Pour autant, d’un point de vue réputationnel, ce n’est pas la première fois qu’un grand groupe réajuste brutalement sa stratégie lorsqu’il entrevoit des signaux de non-rentabilité. La question est de savoir si cette rupture entamera définitivement la confiance entre les partenaires publics et industriels.
Il est vrai que la filière nécessite, pour se développer, la coordination de nombreux acteurs – producteurs d’hydrogène, équipementiers, constructeurs, opérateurs de stations, collectivités. Chacun doit assumer les risques à sa mesure. Or, les coentreprises comme Symbio prouvent ici leur vulnérabilité face aux revirements d’un principal débouché. Les récents investissements conjoints pourraient se révéler insuffisants si le Marché ne s’aligne pas dans les prochaines années.
Des signaux positifs malgré tout
Si la technologie hydrogène traverse des turbulences, certains segments institutionnels y croient toujours. Des projets pilotes dans la distribution urbaine fleurissent, soutenus par des collectivités désireuses de tester l’absence d’émissions de CO2 ou de polluants en centre-ville. De même, l’Union européenne a déjà pré-validé des programmes de recherche pour améliorer l’efficacité des piles et baisser leur coût de fabrication via de nouvelles membranes et catalyseurs moins onéreux.
La transition énergétique ne s’opère pas en un jour, et l’hydrogène pourrait encore s’avérer un pivot stratégique dans un mix énergétique diversifié, notamment là où la batterie électrique trouve ses limites (temps de charge, poids des batteries pour des camions longue distance, etc.). Les analystes du secteur conviennent que, pour l’instant, la propulsion par hydrogène se destine plutôt aux applications spécifiques qu’aux véhicules particuliers ou utilitaires légers de masse.
Vers un horizon encore incertain
Au vu de ce panorama, la fin précipitée du programme hydrogène chez Stellantis affecte durement Symbio, mais elle soulève aussi un débat plus large sur la stratégie automobile française : comment concilier la volonté d’innover, les impératifs de rentabilité et la souveraineté industrielle sur des technologies décisives L’hydrogène n’a pas disparu, mais il pourrait se recentrer sur les niches à forte valeur ajoutée et sur les projets transnationaux où les financements publics offrent le temps nécessaire pour amortir les coûts.
La France, malgré l’échec relatif de plusieurs initiatives, conserve un savoir-faire appréciable grâce à des industriels comme Michelin, Forvia ou Air Liquide. La relance de Symbio ou l’orientation vers de nouveaux marchés (transport lourd, équipementiers, solutions stationnaires) reste envisageable si la volonté politique et la confiance des investisseurs persistent. De leur côté, constructeurs et équipementiers continuent de scruter l’opportunité d’un retour en force de l’hydrogène, à condition que l’infrastructure suive et que le cadre réglementaire se clarifie.
Ce désengagement soudain d’un acteur majeur confirme combien l’équation économique de l’hydrogène reste complexe, mais ne préjuge pas de son potentiel à long terme pour transformer en profondeur la mobilité et l’industrie.